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Dans ma tête, c’est un brouhaha d’interrogations, d’angoisses, d’excitation. Je n’arrive pas à choisir quelle émotion ressentir tellement elles sont toutes en train de se mélanger. Je pense à Emma à qui je n’ai pas encore parlé de cette rencontre grâce à l’application. Je pense à Luca qui a été la première femme avec qui j’ai échangé un baiser et plus encore. Je pense à Sami qui risquera sûrement la syncope en apprenant que j’ai un date avec une femme. Je pense à Tom qui ne mérite pas un seul instant que je lui sois fidèle, alors que je l’ai promis en lui passant la bague au doigt. Et je pense à Leah, je l’imagine jouer avec la fille de Romi, et enfin un sourire étire le coin de mes lèvres.
Quelques coups frappés à la porte, et Leah est déjà en train de courir dans toute la maison. « Nannyyyyy ! » Je ris et rejoins ladite porte, ma fille entre les jambes, accrochée à la poignée. « Entre maman. » Je la laisse entrer et reçois son accolade avec amour, la laissant finalement porter ma fille dans ses bras. Une pluie de baisers s’abat sur la petite fille qui rit de bon coeur. « Tu as encore grandit toi. » Elle l’a vue il y a dix jours à peine. « Et toi, tu es particulièrement belle ce soir. Tu as un rendez-vous ? » Je penche la tête sur le côté et écarquille un peu les yeux. Si je peux parler de tout à ma mère, si elle est au courant pour l’incarcération de mon mari, ce n’est pas le cas de ma fille qui n’a que quatre ans. Devant elle, il n’est pas question que je parle de voir quelqu’un d’autre que son père. « Ils ont de la chance tes collègues. » finit-elle par appuyer en souriant. Je secoue la tête, plus amusée qu’autre chose, et file dans la salle de bain tout en m’adressant à elle. « Elle a mangé, mais elle voulait t’attendre pour que tu lui lises son histoire du soir. Pas question de dormir avant que tu sois arrivée. » Et je sais d’expérience qu’elle ne va pas se coucher de suite. Mais elle est entre de bonnes mains avec ma mère. Je finis de me préparer, un maquillage léger et un petit blazer par dessus mon top. Fin prête, ni trop habillée, ni trop peu. « Parfaite. » Je lève les yeux au ciel en souriant et dépose un baiser sur la tempe de ma mère, avant de dévorer ma fille de baisers.

Une fois devant l’adresse que m’avait donnée Romi, je sens une petite boule d’angoisse me saisir. Qu’est-ce que je fais là ? Je respire calmement et me répète que je ne fais rien de mal. Pour le moment en tout cas. C’est juste un verre entre deux personnes qui ont envie de passer du temps ensemble, n’est-ce pas ? Je souffle un coup, regarde l’heure et quitte ma voiture pour rejoindre le bar lounge. A l’intérieur, mon regard balaye la foule, il y a du monde mais l’endroit est agréable, l’ambiance tamisée donne une sensation de cocon. Soudain une voix dans mon dos, je me retourne et tombe nez à nez avec Romi. Elle est magnifique. Est-ce que je devrais lui dire ? « Bonsoir. » Je lui adresse un sourire conquis, bien malgré moi.

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« Lilly est couchée, tu n'auras plus qu'à surveiller de temps en temps. » Même si j'ai la chance d'avoir l'une de mes sœurs comme colocataire, qui accepte de s'occuper de ma fille quand je ne suis pas là, je ne voudrais pas abuser de sa gentillesse. C'est bien pour cela qu'avant de prendre la fuite pour ma soirée, j'ai veillé à ce que tous ses besoins soient comblés. Douche, repas, coucher. Des actions du quotidien que j'apprécie faire lorsque je ne suis pas de garde. Surtout quand je vois à quel point elle grandit et que bientôt, elle ne voudra plus de moi pour les faire. Après avoir rapidement passé ma tête dans l'encadrement de porte de la chambre de ma sœur, je repars à mes occupations, histoire d'être un minimum présentable ce soir, auprès de Kiana. Je ne sais pas exactement ce qu'elle m'a fait, mais depuis notre rencontre, je n'ai pas arrêté de penser à elle. Pour être honnête, avec tous les aléas de la vie qui m'ont empêché de pouvoir la contacter plus tôt, j'ai même trouvé le temps un peu long. Alors ce soir, même si ce n'est qu'une sortie entre filles dans un bar, je m'applique pour ne pas ressembler à un sac. J'enfile une robe – chose qui me change un peu de ma tenue quotidienne de pompier, attache mes cheveux dans une simple queue de cheval et me maquille légèrement. Malgré des préparations qui semblent plutôt simples, il me faut plusieurs dizaines de minutes pour être finalement prête et repasser par la chambre de ma sœur pour lui dire au revoir. « Amuse-toi bien ! » Dit-elle, un large sourire sur les lèvres. Depuis l’épisode d’Otis et le faux test positif, j’essaye d’être un peu plus transparente avec elle sur mes relations – histoire d’éviter certaines surprises. Elle est donc au courant de ma soirée et avec qui je vais la passer, une jolie jeune femme même, si je devais reprendre ses propres mots. Elle ne me l’a pas clairement dit, mais je sais que ça lui fait plaisir que je puisse envisager une nouvelle histoire depuis Alice. « Sois sage ! » Deux salles, deux ambiances. Mais je ne me voyais pas lui dire autre chose, il ne faut pas oublier que je lui laisse ma fille ! Ce serait quand même dommage de m’appeler en urgence à cause d’un projet X et que je retrouve ma fille déguisée je-ne-sais-comment derrière une table de Beer-Pong. Bref.. inutile de penser au pire, Toni est une jeune femme responsable. Au rez-de-chaussé, je récupère l’un de mes sacs, mes clefs de voiture et me voilà partie en direction de Wellington. J’ai donné l’adresse d’un bar que je connais plutôt bien et où je sais qu’il est possible de danser, sans que les gens nous prennent pour des fous à le faire entre deux tables. À mon arrivée, je parcours la salle du regard pour voir si mon invitée est déjà là. Et oui. « Bonsoir. » Dis-je, alors que j’ai réduit la distance qui nous séparait. Lorsqu’elle se retourne pour me faire face, je reste presque sans voix. J’ai eu beau essayer de me souvenir de ses traits lors de ses derniers jours, j’étais toujours loin de la réalité face à cette beauté. « Tu es magnifique. » Je pourrais dire cela pour simplement la flatter, mais je le pense vraiment. « Je te propose de nous installer à une table et de commander un verre. Nous irons enflammer la piste de danse un peu plus tard. » Je lui offre un tendre sourire, avant de glisser l’une de mes mains dans son dos pour l’inciter à avancer vers l’un des fauteuils.

Je devrais pas frissonner en entendant sa voix dans mon dos, et encore moins en croisant son regard. Ce sont des ressentis que je n’ai plus eus depuis très très longtemps. « Tu es magnifique. » affirme-t-elle avec un certain aplomb. « Merci. Tu es très belle aussi. » Pourquoi ne pas lui dire après tout, puisque c’est ce que je pense. « Je te propose de nous installer à une table et de commander un verre. Nous irons enflammer la piste de danse un peu plus tard. » Un petit rire un peu gêné et je hoche la tête. L’idée même de danser avec elle me fait déjà tourner la tête. Je ne sais pas du tout quoi attendre de ce rendez-vous. Je crois que les intentions de la jeune pompière sont claires, mais en ce qui me concerne, c’est un peu plus compliqué. Instantanément, je fais tourner mon alliance autour de mon doigt. J’ai bien hésité à la retirer, mais ça aurait été mentir, et je ne veux pas faire une chose pareille. Je ne sais pas ce que nous construisons, mais peu importe après tout, je ne veux juste pas construire sur une base de mensonge.
Sa main dans mon dos me donne comme une décharge dans tout le corps, si ça commence comme ça, je ne vais pas y arriver. Pourtant, je ne contrôle pas mon corps. Nous nous dirigeons donc vers une table basse et un sofa pour deux. A croire que c’est coutume ici de créer immédiatement une proximité entre les gens. Je m’installe, retire mon sac à main et tout en croisant les jambes, je viens récupérer la carte des boissons. « Comment ça se passe le coucher pour ta fille quand tu sors ? Elle ne le vit pas trop mal ? » je lui demande tout en levant les yeux vers elle. Chaque fois que je pose mon regard sur elle, je me rends compte à quel point elle est belle. Est-ce parce qu’elle a des airs de Luca ? Je m’en veux de cette pensée, et me donne une claque mentalement pour arrêter de penser à ma première petite amie. C’est ridicule, et je ne veux surtout pas faire de comparaisons. Notre proximité est plus importante que la première fois au café, et même si sa présence est agréable, je me rends quand même compte que j’ai les mains un peu moites, pour plusieurs raisons. Mais je vais me détendre, il le faut. Je choisis un cocktail et le garde en tête, tout en restant attentive à la réponse de Romi. Sa voix est calme et assurée, je pourrai l’écouter des heures je crois. J’essaie de l’imaginer dans son univers professionnel, son rôle, la manière qu’elle aurait de s’adresser à ses collègues… Je m’égare.

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Il serait mentir de dire que la jeune femme avec qui j’ai rendez-vous ce soir ne me plaît pas un minimum. Sinon, il faut être honnête, je ne serais pas venue. J’ai tendance à savoir ce que je veux dans la vie et à faire en sorte de l’avoir, quand c’est possible. Alors forcément, perdre du temps avec quelqu’un qui n’en vaut pas la peine : non merci. En revanche, si c’est quelque chose de réciproque, je l’ignore encore. Mais je suppose que je devrais l’apprendre très vite. La dernière fois, autour d’un café et parce que c’était la première que l’on se voyait, c’était forcément plus compliqué à déterminer. Même pour elle. Mais de l’eau a coulé sous les ponts depuis et peut-être qu’elle a eu l’occasion de repenser à tout cela, à moi – je l’espère. Kiana retrouvée dans le bar, et quelques compliments échangés, nous nous installons autour d’une table basse disponible. Et très vite, nous regardons toutes les deux la carte des boissons pour choisir ce que nous voulons. Le tout en continuant d’échanger. « En général, ça va. Nous fonctionnons comme ça depuis plusieurs années maintenant. » Dis-je, alors qu’elle me questionne sur ma fille. Je suppose qu’à force, nous avons pris le coup de main. « Il y a des soirs où elle aimerait me voir rester et généralement, je dois être honnête, j’accepte. » Avec les yeux qu’elle me fait, il serait vraiment cruel de ma part de refuser. Et puis, c’est ma fille, elle aura toujours la priorité, sur n’importe quelle relation. « Il faut croire que les planètes étaient alignées pour nous ce soir. » Un large sourire se dessine alors que mes lèvres. Ce soir, Lilly n’a eu aucun mal à trouver les bras de Morphée, sans même me demander si je pouvais rester un peu plus longtemps avec elle. Le cas échéant, je suppose que la blonde aurait parfaitement compris. Mais il est inutile de se poser la question, puisque ce n’est pas arrivé. « Elle est sous la surveillance de l’une de mes sœurs. Qui vit avec nous, d’ailleurs. Il faut reconnaître que ça facilite les choses. » Je décide d’être franche avec elle, directement. Il faut croire qu’avec elle, je me sens en confiance. Et si jamais elle a d’autres questions, vis-à-vis de cela ou d’autre chose, alors je ferais en sorte d’y répondre aussi. Mon choix fait, je l’interroge sur le sien et je m’absente quelques minutes pour aller passer notre commande directement au bar. S’il faut faire comme ça pour demander ce que nous voulons, c’est bien quelqu’un de l’établissement qui viendra nous servir, je peux donc revenir m’asseoir à côté de Kiana. « Et toi ? Est-ce que tu as mis ta meilleure baby-sitter sur le coup ? » De ce que j’ai pu comprendre la dernière fois, elle est plutôt bien entourée là-dessus.

Commencer par parler de nos enfants, c’est un sujet ‘facile’. Ça évite d’entrer directement dans le vif du sujet, et/ou dans une sorte de flirt. Pas que ça me fasse peur - quoi que - je ne suis juste pas sûre d’être prête. Il y a beaucoup de choses qu’elle ne sait pas. Romi entre dans la discussion en m’expliquant les rituels qu’elle peut avoir avec sa fille, et je souris en l’entendant dire que parfois, elle accepte de rester auprès d’elle quand elle en ressent le besoin. Je comprends amplement. « Il faut croire que les planètes étaient alignées pour nous ce soir. » Je réponds à son sourire par un autre, quasiment aussi grand que le sien. « Oui, j’avoue que j’aurai été frustrée du contraire, mais j’aurai compris. » Les enfants passent en premier, c’est la règle pour la plupart des parents, et c’est bien normal. « Elle est sous la surveillance de l’une de mes sœurs. Qui vit avec nous, d’ailleurs. Il faut reconnaître que ça facilite les choses. » Elle vit avec sa soeur. Je prends note. L’une de ses soeurs. « Famille nombreuse alors ? » Je prends les informations qu’elle me donne et les incorpore dans ma tête une à une. C’est ce qu’on fait quand on apprend à se connaître, n’est-ce pas ?
La jeune femme semble avoir fait son choix, je la vois poser la carte, et je me re concentre sur cette dernière pour faire le mien. Je choisis un cocktail qui devrait ne pas être trop alcoolisé, et il vaut mieux parce que je ne tiens pas très bien à l’alcool. Disons que je suis vite pompette, et si je pouvais éviter que ça arrive, ce serait bien. Romi se lève pour aller commander nos verres, et je me surprends à laisser glisser mon regard sur sa silhouette, sentant mon coeur qui s’égare légèrement. « Et toi ? Est-ce que tu as mis ta meilleure baby-sitter sur le coup ? » me demande-t-elle finalement en revenant. Je lui offre un sourire et hoche la tête. « La meilleure je sais pas, mais sa préférée ça c’est certain. » Je ris un peu avant d’ajouter. « Ma mère. Je sais qu’elle lui cède tout, c’est pour ça que je ne lui confie pas ma fille trop régulièrement, j’aurai peur qu’elle la détraque ! » Je plaisante évidemment, ma mère répond toujours présente et je suis pleine de gratitude pour ça. « J’ai une super baby sitter quand ma mère n’est pas dispo, je jongle entre les deux et ça fonctionne pas mal. »
Nos cocktails nous sont finalement servis et je prends mon verre pour le lever et le faire tinter avec le sien. « Bon… et bien à notre rencontre, et cette appli malgré tout… » Je ris et me reprends « Même si on s’était déjà croisées à l’hôpital avant de se croiser sur l’appli… » Et je m’en souviens. Je me souviens aussi que ma meilleure amie m’avait fait tout un speech, en me faisant aussi avouer que oui, cette pompière était tout à fait à mon goût.

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Dès que mon regard se pose sur la jeune femme, j’ai l’impression de redevenir une adolescente. Me connaissant, c’est un peu surprenant. Mais il faut croire que fasse à une jolie femme, je suis capable de perdre mes moyens. J’essaye néanmoins de faire bonne figure et de ne pas laisser paraître le fait qu’elle pourrait me déstabiliser. Nous nous installons à une table, faisant rapidement abstraction de la foule qu’il y a autour de nous. Alors que nous portons un certain intérêt à la carte des boissons, Kiana m’interroge sur ma fille. Je lui explique que nous avons une certaine routine à ce sujet, quand je sors, et que par chance, je suis plutôt bien entourée puisque je vis sous le même toit que l’une de mes sœurs. Un détail qui ne semble pas tomber dans l’oreille d’une sourde, puisqu’elle me pose une nouvelle question là-dessus. « Nous sommes six. C’est devenu normal pour moi, mais c’est beaucoup d’enfants pour un bon nombre de personnes. » Et en réalité, je ne suis pas certaine de vouloir une famille avec autant d’enfants. Je suis heureuse d’être l’aînée de cette fratrie, mais c’est du boulot. Chapeau bas à mes parents, surtout que nous nous en sommes tous plutôt bien sortis. « Deux enfants biologiques, quatre adoptés. Autant dire que les repas de famille peuvent être très animés ! » Les histoires sont différentes, les métiers et les relations amoureuses aussi, alors des fois, c’est un peu le remue-ménage à table – qu’est-ce que ce sera quand la famille comptera plus d’une petite fille aussi. À mon tour de l’interroger, sur le même sujet pour l’instant et à son tour, elle m’apprend que c’est sa mère qui garde un œil sur sa progéniture. Peut-être un point commun. « Tu sembles aussi attachée à ta famille ? Du moins, à ta mère. » Loin de moi l’envie d’englober trop de personnes là-dedans, surtout si ses relations ne sont pas au beau fixe avec le reste des membres qui la constituent. Nos boissons récupérées, nous voilà rapidement en train de trinquer. « À cette application ! » Dis-je, pour rebondir sur ses mots, alors qu’un large sourire se dessine sur mes lèvres. Après la rencontre surprise et très déstabilisante avec Joan, je ne pensais pas que je prendrais plaisir aussi vite à échanger avec quelqu’un sur Lovemaker. « Est-ce que je dois comprendre que je t’avais tapé dans l’oeil bien avant notre première discussion ? Les choses sont plutôt bien faites. » Je parlerais bien du destin. Il peut être joueur, parfois un peu cruel, mais il arrive qu’il fasse de jolies choses aussi. « Est-ce que tu sors souvent ? » Je viens boire une première gorgée de ma boisson. « Avec un tel boulot et une petite fille, ça ne doit pas toujours être évident. » J’ai aussi un emploi-du-temps chargé, mais à l’inverse du quotidien d’un médecin à l’hôpital – je suppose, il n’est pas rare que Lilly vienne me rendre visite à la caserne quand je travaille. C’est un peu ma deuxième maison, ça l’était aussi pour Alice, alors tout naturellement, mes collègues prennent plaisir à prendre soin d’elle, à lui faire visiter la caserne ou des petits tours en camion quand les journées sont calmes.

Nous avions déjà commencé à se poser quelques questions sur l’application, mais ça n’avait pas la même saveur. Comme si aujourd’hui, en face l’une de l’autre, il y avait une toute autre dimension. J’apprends alors qu’ils sont six enfants dans la fratrie et j’ouvre de grands yeux surpris en l’écoutant, sans même l’interrompre. « Deux enfants biologiques, quatre adoptés. Autant dire que les repas de famille peuvent être très animés ! » Je ris légèrement tout en hochant vivement la tête. « Je ne peux qu’imaginer ! » Moi qui n’ait vécu qu’avec ma mère la plus grande partie de ma vie… « Tu sembles aussi attachée à ta famille ? Du moins, à ta mère. » Cette fois c’est un sourire tendre qui anime mes lèvres, et une petite pensée à mon père. D’ailleurs, je viens presque caresser ma montre - la sienne - dans un geste quasiment automatique. « Oui, je suis très proche de ma mère, c’est ma seule famille. Enfin maintenant il y a Leah ! » Je hausse les épaules, choisissant d’ailleurs de ne pas mentionner mon mari. Je n’ai ni envie de parler de lui, et encore moins de penser à lui ce soir.

Nous trinquons finalement, à cette application qui nous a fait nous rencontrer, même si j’appuie sur le fait que ce n’est pas tout à fait vrai. « Est-ce que je dois comprendre que je t’avais tapé dans l’oeil bien avant notre première discussion ? Les choses sont plutôt bien faites. » Je ris naturellement à sa manière d’amener les choses, et son franc parler qui est pour le moins rafraîchissant. « Tu n’es pas la première personne qui m’offre un charmant sourire sur mon lieu de travail. Mais étrangement, le tien n’était pas vraiment parti aux oubliettes. » Aussi parce que ce jour là, ma meilleure amie était présente et qu’elle a bien fait en sorte de me le rappeler, pendant des semaines. Est-ce qu’elle avait senti qu’il y avait eu quelque chose de potentiellement réciproque ce jour là ? Je ne sais pas si j’oserai un jour lui poser la question.

A nouveau une question, la jeune femme me demande si j’ai l’habitude de sortir. « Avec un tel boulot et une petite fille, ça ne doit pas toujours être évident. » Je hausse les épaules. « Souvent n’est pas le terme que j’aurai utilisé. Ça m’arrive oui, mais comme tu sous-entends, c’est pas facile de trouver le moment, et d’avoir l’énergie non plus. » Je ris un peu et plonge mon regard dans le sien. « J’imagine que tu parles d’expérience ? Ou tu arrives à sortir assez régulièrement pour te changer les idées ? » Son métier a beau être aussi prenant que le mien, il n’en est pas moins extrêmement plus difficile au niveau émotionnel. Elle est beaucoup plus face à la misère humaine, et à la mort que moi. « Mais comme quoi rien n’est impossible, puisqu’on est là ! » Et je suis ravie, je crois ne pas avoir besoin de le dire, le pétillement dans mon regard se suffit à lui-même.

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Je ne sais pas vraiment de quoi sera fait ce rendez-vous, je ne sais même pas ce que j’en attends vraiment. Mais ça reste un rendez-vous, le premier, alors il n’y a rien d’étonnant à ce que nous continuons à en apprendre l’une sur l’autre. La famille est visiblement quelque chose que nous avons en commun, même si la taille de celle-ci n’est pas la même pour nous. Plus d’une demi-douzaine de mon côté, contre trois du sien. Mais l’idée est la même et c’est sûrement un bon début de savoir que nous partageons cette valeur. Nos verres récupérés et un premier toast porté, en l’honneur de l’application où nous nous sommes rencontrés, je ne peux m’empêcher de relever le fait qu’elle s’est souvenue de la, ou des, fois où nous nous sommes croisées à l’hôpital. Elle ne se démonte pas et m’informe que je ne suis pas la première à lui offrir un joli sourire. Mince.. même si ça se comprend. Je garde quand même, dans un coin de ma tête, qu’elle ne l’a pas oublié comme ça. Place maintenant au moment présent et au fait que les planètes se sont alignées pour que nous nous retrouvions dans un tel endroit ce soir. Avec son boulot, elle n’a pas forcément le temps de faire ce genre de choses. Mais pas aujourd’hui, pas pour moi. « Disons que j’ai des collègues qui m’entraînent à avoir une bonne descente. » Je grimace légèrement et lève légèrement les mains vers le ciel. « Généralement, après nos gardes, nous nous retrouvons dans un bar. Une façon de mettre ce qu’on a pu voir derrière nous. » Cela se tient, je trouve. Même si ça peut facilement ressembler à un comportement d’alcoolique pour d’autres. « Si tu veux me voir ivre ce soir, et que je commence à te dévoiler mes plus sombres secrets, il va falloir que tu m’offres plus qu’un verre. » Je m’amuse un peu de la situation. Mais je doute que l’on en arrive là, sauf si peut-être, Kiana est du genre à réagir facilement à l’alcool. « Mais si ça peut te rassurer, je ne cache aucun cadavre. » Aucun que j’ai moi-même causé, du moins. « Ce n’est pourtant pas ce genre de choses qui effraie le plus les gens, puisqu’à partir du moment où tu dis que tu as un enfant, la moitié disparaît. » Je n’ai jamais essayé, mais peut-être que dire que j’ai déjà fait de la prison pourrait faire partir moins de personnes. « Toi.. tu es toujours là et je ne semble pas trop t’effrayer. Pas encore. » Et pour être honnête, j’espère que ça ne changera pas de sitôt, mais ça, seul l’avenir de ce rendez-vous pourra nous le dire. « Tu apprendras très vite que je suis curieuse, alors.. sur ton profil, j’ai vu que l’une des cases était manquante. Est-ce que tu es déjà sortie avec des femmes ou peut-être que c’est.. une expérience ? » Ce n’est peut-être pas le genre de questions que l’on aime entendre, mais comme elle me plaît, je ne voudrais pas commencer à me faire des films pour rien.

Je ne me cache pas pour lui dire que le sourire qu’elle m’avait offert la première fois que nous nous sommes croisées, ne n’est pas évaporé dans l’oubli. C’est un compliment déguisé, qu’on se le dise. Je ne suis juste pas assez à l’aise encore pour le dire vraiment. Ou je n’ai pas assez bu, au choix. Pour changer un peu de sujet et éviter de trop m’embourber, je tente d’apprendre à la connaître, lui pose des questions, notamment pour savoir si elle a l’habitude de sortir comme ça. Elle blâme ses collègues, et je ne peu m’empêcher de sourire. Parce qu’elle a toujours la possibilité de refuser les invitations. « Généralement, après nos gardes, nous nous retrouvons dans un bar. Une façon de mettre ce qu’on a pu voir derrière nous. » Une légère grimace compatissante déforme mes traits. Je ne peux qu’imaginer. Leur métier est vraiment lourd émotionnellement parlant, je suis certaine que je n’aurai jamais pu faire un métier comme le sien. « Je peux imaginer oui. »
La jeune femme me fait comprendre que je ne la verrai pas ivre ce soir, de toute évidence, elle tient mieux à l’alcool que moi - ce qui n’est pas difficile. Je ris un peu et hausse les épaules. « Je peux t’en offrir plusieurs si tu veux, mais je ne te suivrai pas, au risque de te dévoiler les miens bien avant avoir entendu les tiens ! » Mon rire se poursuit naturellement, alors qu’elle me rassure sur le fait de ne cacher aucun cadavre. Je lève les yeux au ciel en souriant. « Tu m’en voies ravie ! » J’ai bien assez d’un époux qui en a un sur la conscience. « Ce n’est pourtant pas ce genre de choses qui effraie le plus les gens, puisqu’à partir du moment où tu dis que tu as un enfant, la moitié disparaît. » Je penche un peu la tête sur le côté. Je n’avais pas pensé à ça, il faut bien l’admettre. Romi est la première personne que je rencontre depuis que je suis mère, alors c’est une question qui ne m’avait pas encore traversé l’esprit. « Toi.. tu es toujours là et je ne semble pas trop t’effrayer. Pas encore. » Je ris à nouveau et secoue la tête. « Je suis mère aussi, je ne vois pas pourquoi je t’aurai fuie pour cette raison. » Pour le reste, je ne peux rien promettre puisque je ne la connais pas encore vraiment. Ce n’est pas l’envie qui manque. En parlant de se connaître, elle ne passe pas par quatre chemins pour poser la question qui la titille. « Je suis étonnée que tu n’aies pas posé la question avant ce soir. » Le rouge me monte un peu aux joues et mon regard se perd un instant sur mon verre, et la taille que j’utilise pour remuer mon breuvage. « Ce n’est pas une expérience, si ça peut te rassurer. » Je la regarde à nouveau avec un fin sourire, avant de poursuivre. « J’ai eu une histoire avec une femme, il y a longtemps. Ça ne s’est jamais reproduit après elle, et puis j’ai rencontré un homme, j’ai eu un enfant… et me voilà aujourd’hui ! » Je n’ai pas mentionné mon mariage, mais l’annulaire encore à mon doigt fera bien l’affaire si elle est assez observatrice. Je ne doute pas qu’elle saura poser les questions pour avoir les réponses qui l’intéressent. « Je dois dire que si j’avais créé moi-même mon profil sur cette appli, je n’aurai pas forcément pensé à cocher la case ‘femmes’ dans la recherche. Et pourtant, je suis là face à toi… » Nouveau sourire, et nouveau rose aux joues.

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crédit/ tumblr ✶ w/kiana

Est-ce que j’ai l’habitude de sortir et de venir dans des endroits comme celui-ci ? Oui. Mais ça ne fait pas de moi une personne trop fêtarde pour autant. Enfin.. je ne crois pas. L’habitude que l’on a prise avec mes collègues est justifiée selon moi, dans un sens. Dans notre travail, il y a des journées plus simples que d’autres, des journées où nous pouvons rentrer chez nous sans avoir besoin de mettre derrière nous certaines choses. Mais parfois, quand les accidents et incendies sont nombreux, et/ou violents, nous sommes amenés à voir des choses que personne ne devrait voir dans sa vie et forcément, revenir à une vie dite normale peut être un peu plus compliqué. Avec ces quelques bières, nous pouvons décompresser un peu et faire en sorte de recommencer tout le processus, quelques jours plus tard. Son métier à elle aussi demande sûrement d’avoir l’estomac bien accroché, mais pour autant, elle ne semble pas avoir les mêmes habitudes que moi. Au point que si nous commençons à enchaîner quelques verres, il se pourrait bien qu’elle commence à dévoiler certains secrets avant moi. Je trouve cette idée intéressante, surtout pour pouvoir apprendre à la connaître un peu plus. Ce n’est néanmoins pas mon genre de pousser quelqu’un à boire pour qu’il soit plus bavard. Le consentement, tout ça, c’est important pour moi. Et puis, parfois, il peut être bon de garder un petit jardin secret, surtout quand les choses commencent seulement. Très vite, la curiosité revient au galop et je l’interroge sur l’application de rencontre, sur son profil pour être plus précise. Je ne dis pas que je l’ai étudié de fond en comble — peut-être un peu — mais certaines informations, non remplies, m’ont laissé un peu perplexe. Elle m’explique alors qu’elle a déjà eu une histoire avec une femme et que tout ceci n’est pas qu’une simple expérience. Néanmoins.. si elle aurait eu l’idée de ce compte, de son plein gré, elle ne serait peut-être pas allée dans ce sens et aurait simplement cherché à rencontrer des hommes. Pourtant, elle est là et ma compagnie ne lui semble pas si désagréable. « Prête à retenter l’aventure.. » Le ton de ma voix ne monte pas à la fin de cette phrase. Il ne s’agit pas d’une question, sûrement parce que j’aurais un peu peur de sa réponse. J’ai attendu ce rendez-vous, j’ai pris du temps à me préparer, alors il serait quand même dommage que je me sois fait des films tout ce temps. « Je vois que ton amie a bon goût. » Même si j’ai déjà eu des histoires avec des hommes, plusieurs même, je dois reconnaître que les femmes sont toutes magnifiques et que j’ai parfois plus de facilités à aller vers elle. « Elle doit se dire que tu serais bien plus heureuse avec une femme. » Je hoche vivement la tête et bois une nouvelle gorgée de ma boisson. Si je peux être curieuse, je n’ai aussi aucun mal à prendre des initiatives. C’est bien pour cela qu’après cette phrase, qui pourrait facilement laisser croire que c’est avec moi qu’elle pourrait heureuse, je me décide à venir prendre sa main, avec la mienne. Mais c’est là que je remarque la bague à son doigt. « Mais.. tu n’es peut-être pas de cet avis. » Je me sens un peu bête de ne pas l’avoir vue avant, mais il faut croire que j’étais occupée à penser à autre chose. « Est-ce qu’elle est là pour faire fuir certaines personnes ou.. » Est-ce que j’ai vraiment besoin de terminer ma phrase ? Je ne pense pas. Et puis, ça lui laisse un peu plus de liberté : si je ne mets pas de mots sur sa situation — possible situation — alors elle peut facilement décider de l’enjoliver un peu.

Je suis honnête avec elle. Elle me pose la question quant à mes préférences, et je lui explique que je ne suis pas tout à fait novice en terme de relations avec une autre femme. Je n’ai eu qu’une expérience, mais elle suffit à dire que je sais ce que c’est. J’ai vécu une belle histoire avec Luca, même si c’est de l’histoire ancienne. « Prête à retenter l’aventure.. » lâche-t-elle. Je n’ai pas l’impression qu’il s’agisse d’une question, plutôt d’une affirmation. Je me pince un peu les lèvres, ne sachant pas trop comment réagir. Je ne saurais de toute manière quoi répondre si ça avait été une question. « Je vois que ton amie a bon goût. » enchaîne-t-elle, me faisant esquisser un sourire amusé. « Elle n’est pas dupe, disons. » Ma meilleure amie sait quasiment tout sur moi, y compris mon passé et mon histoire avec Luca. Alors elle sait qu’il m’arrive de ne pas être totalement insensible au charme d’une femme. Disons que même si ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps, le sourire de la jolie pompière ne m’a pas laissée de marbre. « Elle doit se dire que tu serais bien plus heureuse avec une femme. » Plus heureuse, je n’en ai aucune idée, j’imagine que ça dépend de la femme en question. Mais si elle me dévore des yeux comme Romi est en train de le faire, il se peut que ça aide dans la quête au bonheur.
Je ne m’attendais pas à sentir son contact, sa main sur la mienne qui me fait frissonner à peine nos peaux frôlées. Je baisse les yeux et vois sa main s’écarter, comme brûlée par l’anneau à mon doigt. « Mais.. tu n’es peut-être pas de cet avis. » Mon coeur s’affole. J’ai fait le choix de garder mon alliance, pour ne pas lui mentir, mais je ne m’étais pas pour autant préparée à devoir me justifier. « Est-ce qu’elle est là pour faire fuir certaines personnes ou.. » Je me racle un peu la gorge, mal à l’aise. Je suis sûre que mes joues se sont empourprées à une vitesse folle. « Je… » Par où commencer ? Je souffle un peu, comme un soupir pour me donner un semblant de force. « Non. Enfin j’veux dire, elle est là parce que je suis vraiment mariée. » Je me pince les lèvres, fuyant son regard, alors que je viens toucher la bague à mon annulaire. « C’est compliqué, ça ne va plus bien pour beaucoup de raisons, et je crois que ça n’ira plus jamais bien. » Je ne me sens pas triste de dire une chose pareille, j’ai plutôt de la rancoeur, ou même un peu de ressentiment au fond de mon coeur. « Je ne l’ai pas enlevée parce que techniquement, je suis toujours mariée. Et je n’avais pas envie de te faire croire le contraire, même si je sais que je n’avais rien mentionné jusque là… » Je sais que je prends un risque, mais je l’aurai pris aussi dans l’autre sens, en omettant volontairement de lui dire la vérité. « Maintenant tu sais. Et je suis là en toute conscience. Mais si c’est rédhibitoire pour toi de boire un verre avec une femme mariée, je peux comprendre. » Je ne parle pour le moment que de boire un verre, parce qu’il ne s’agit que de ça. Pour le moment. Et si dans un coin de ma tête j’avais déjà pu m’imaginer autre chose, je reste pour le moment suspendue à sa réaction.

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C’est sûrement naïf de ma part et un peu précipité, mais je ne peux pas m’empêcher de penser que ce rendez-vous peut être le début de quelque chose. Avec Kiana, j’ai un bon feeling et puis, depuis le début, les choses se sont toujours bien passées entre nous, comme si nous étions faites pour nous rencontrer. Pourtant, lorsque je m’apprête à faire un premier pas vers elle, je me rétracte en remarquant la bague qu’elle a au doigt — ce doigt où j’ai moi aussi eu une bague, de nombreuses années. Je ne sais pas vraiment pourquoi je ne me suis pas attardée à ce genre de détails avant maintenant et pour être honnête, ça fait mal. Elle ne me doit rien et pourtant, j’ai l’impression d’avoir été bernée. Si j’ai été curieuse jusque-là, je ne m’arrête pas en si bon chemin, même avec cette révélation. Surtout avec cette révélation. Kiana ne se dégonfle pas face à tout cela et elle essaye de m’expliquer ce qui se passe vraiment. Elle est bien mariée, mais visiblement pas dans un mariage heureux. Et point important, elle ne voulait pas me mentir. C’est correct : je n’ai pas demandé, je ne peux m’en prendre qu’à moi. « Est-ce qu’il sait que tu es ici ? » C’est rarement ce que l’on dit à un quelqu’un qui compte pour nous, à un mari, mais peut-être que c’est quelque chose qui se fait entre eux, quelque chose qui fonctionne finalement, à défaut de leur mariage. « Il n’y a pas si longtemps, je suis sortie avec un gars.. » Si nous pouvons qualifier notre relation comme telle, mais à ce niveau, ce n’est qu’un détail. « J’ai appris qu’il avait une copine, lui aussi. » Peut-être que je les attire, finalement. « Après quelques semaines, il a fini par retourner avec elle, dans l’espoir d’arranger les choses entre eux. » C’est comme ça, c’est la vie. « C’est le risque de se lancer dans une telle histoire, d’être la cinquième roue du carrosse. » Pour Otis, ce n’était que sa petite amie, là c’est son mari. C’est encore plus fort, plus sérieux et à moins d’un mariage fait à Las Vegas sur un coup de tête, je suppose qu’elle a un certain passif avec lui. Ils ont peut-être même un enfant ensemble, si la petite fille dont elle m’a parlé est à eux. Depuis tout à l’heure, je ne réponds pas vraiment à sa question, mais je suis toujours là pour l’instant, c’est déjà bien. « Je ne sais pas vraiment si j’ai envie de me relancer dans ce genre de choses. » Je me racle la gorge, avant de venir boire la dernière gorgée de mon verre. À ce rythme et si les révélations montent crescendo, j’aurais sûrement besoin d’en commander un autre, ou peut-être deux, voire même trois. Comme nous semblons toutes les deux honnêtes l’une envers l’autre, quand certains sujets sont mis en avant, je décide de l’être avec elle et de poursuivre ma phrase. Sans savoir si c’est vraiment une bonne idée. « Même si je dois reconnaître que tu me plais, beaucoup. Et que si nous avions été sur cette piste de danse, avant nos verres, alors je t’aurais sûrement demandé la permission pour t’embrasser. » Y aller par quatre chemins, ce n’est pas vraiment mon genre et en arrivant ici, ou simplement en acceptant de nous revoir de la sorte, ça ne laissait que peu de doutes à nos envies. À la mienne au moins.

Je vois bien qu’elle est déçue. Peut-être que dans d’autres circonstances, ça aurait pu me faire un peu plaisir qu’elle le soit, parce que ça induit que je lui plais. Et même si je n’avais pas vraiment de doutes à ce propos, ça ne fait que confirmer mon ressenti. Pourtant, je ne jubile pas du tout, bien au contraire. « Est-ce qu’il sait que tu es ici ? » Mon coeur s’accélère un peu plus. « Non. » Est-ce que je dois développer ? Après tout, je réponds à la question posée. Je ne me vois pas lui annoncer de but en blanc que l’homme que j’ai épousé est derrière les barreaux actuellement. Elle reprend la parole cette fois pour m’expliquer une bribe de son expérience, de son passé. Evidemment, l’histoire fait écho à ce que je viens de lui dire, et je me sens encore plus mal maintenant. « C’est le risque de se lancer dans une telle histoire, d’être la cinquième roue du carrosse. » Je secoue un peu la tête, parce que ce n’était pas du tout ce que je voulais qu’elle ressente, je me sens bête, j’ai envie de me terrer dans un trou de petite souris. « Je ne sais pas vraiment si j’ai envie de me relancer dans ce genre de choses. » « Je comprends… » dis-je avec une certaine déception dans la voix. Une déception de moi-même de n’en avoir parlé plus tôt, et aussi que la situation n’aille pas du tout dans le sens que j’avais imaginé. Je voulais juste passer une bonne soirée avec une personne qui me plait. Parce que oui, elle me plait. Et j’ai tout gâché bêtement. « Même si je dois reconnaître que tu me plais, beaucoup. Et que si nous avions été sur cette piste de danse, avant nos verres, alors je t’aurais sûrement demandé la permission pour t’embrasser. » Je ne sais plus sur quel pied danser. J’ai envie de sourire à cause de ces chatouilles qu’elle vient de provoquer dans mon ventre, et à la fois je reste appuyée sur la partie de sa phrase qui dit que cette éventualité aurait été là seulement ‘avant nos verres’. Ce n’est qu’une projection, du conditionnel. « Je t’aurai probablement dit oui… » affirmé-je d’une petite voix. Je ne sais pas si j’ai vraiment voulu qu’elle entende ces quelques mots, ou s’ils étaient pour moi-même.
Prise d’un élan de courage, je me saisis de mon verre, le bois d’une traite sans un mot, récupère le sien qu’elle avait fini avant moi, et me lève comme si j’avais été piquée par un insecte. « Je reviens. » Je ne sais pas bien ce qui me prend, mais je n’ai certainement pas envie de terminer la soirée sur cette note.
Je file au bar, commande la même chose que ce que nous venons de boire, et retrouve Romi à la table où je l’y avais laissée. « Salut, j’m’appelle Kiana. Cette place est libre ? » que je lui demande avec un petit sourire. Une fois la réponse obtenue, je m’y installe, et fais glisser la boisson dans sa direction. « Je te préviens tout de suite. Je suis mariée à un homme que je ne pourrai plus jamais aimer, qui est en prison pour une durée encore indéterminée, et je n’ai aucune envie de donner à ma fille l’image de parents malheureux qui restent ensemble juste pour faire croire à leur enfant que c’est ça, le bonheur. » Je penche un peu la tête sur le côté, et dans un petit sourire j’ajoute. « En plus, je crois que je préfère quand même les femmes. » Je ne sais pas vraiment si cette information est vraie, mais c’est actuellement ce que je ressens face à elle. Je viens d’appuyer sur le bouton reboot, et me mettre à nue devant elle. Maintenant les cartes sont rebattues, et c’est à elle de jouer.

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Les choses avaient pourtant si bien commencées, mais voilà qu’une bague vient mettre à mal nos plans, mes plans. Peut-être que j’ai été trop loin, que j’ai cru voir des choses entre nous. Des choses qui n’existent pas et ne sont finalement que le fruit de mon imagination. Pourtant, si elle m’a caché cela, une chose si importante, ce n’est peut-être pas pour rien. Dans le fond, ce n’est pas mon mariage et je ne devrais sûrement pas y accorder autant d’importance. Néanmoins, avec ce qui s’est passé avec Otis, je reste un peu sur mes gardes et comme elle a été honnête avec moi, même si c’est avec un peu de retard, je dois l’être aussi avec elle. Alors naturellement, j’évoque la piste de danse et l’envie que j’avais de l’embrasser : comme pour atténuer la chute suite à sa révélation, je cherche à embellir les choses. Je ne suis visiblement pas la seule à avoir imaginé cela et l’apprendre est plutôt agréable. Même si elle est mariée, il y a bien eu quelque chose entre nous et j’ai moins l’impression d’avoir vécu quelque chose à sens unique. Sans trop savoir pourquoi, Kiana se lève. Si l’une de nous devait partir, je pensais plutôt que ce serait moi, mais bon.. Et finalement, la plus grosse surprise reste d’apprendre qu’elle ne part pas complètement. Elle s’éloigne de moi pour rejoindre le bar et reviens, quelques minutes plus tard, avec deux verres entre les mains. Elle se présente à moi, comme si nous ne nous connaissions pas et à cette action, je ne peux m’empêcher de sourire. J’accepte sa proposition et elle reprend place, là où elle était encore il y a peu. Cette fois-ci, elle commence par m’annoncer qu’elle est mariée, évitant ainsi le moment gênant de cette conversation, si l’on suppose que nous sommes en train de vivre notre première rencontre. Contrairement à tout à l’heure, elle ajoute un peu plus de détails et me donne même la raison qui fait qu’elle s’est éloignée de son mari. « En prison ? Tu ne fais pas les choses à moitié. » Ce n’est pas courant. Enfin je crois.. pas dans mon entourage en tout cas. Naturellement, je commence à me poser différentes questions à ce sujet. Néanmoins, je ne suis pas certaine que ce soit le bon moment pour les poser, si jamais ce moment se présente un jour, d’ailleurs. « Femme de détenu et veuve.. une vraie équipe de choc. » Elle m’a fait une révélation, s’est ouverte à moi, alors je peux bien le faire aussi. Jusque-là, je ne lui avais pas vraiment parlé de ma vie privée, mais maintenant, avec cela et l’histoire d’Otis, je pense que j’ai laissé l’occasion à la jeune femme d’en savoir plus sur moi. « Et si nous laissions nos vies de côté l’espace d’un instant ? » Si elle a accepté de venir ici, avec un mariage au bord du gouffre, ce n’est sûrement pas pour rien et il serait quand même dommage de laisser cette soirée se gâcher pour ça. « M’accorderais-tu cette danse ? » Dis-je, alors que je lui tends la main. J’ai émis une hypothèse tout à l’heure et elle semblait emballée par celle-ci. Si nous ajoutons en plus le fait qu’elle semble décidée à laisser une nouvelle chance aux femmes, alors peut-être que nous devrions fermer les yeux sur tout cela ce soir et voir où cette danse pourrait nous mener.

Je savais que cette alliance allait poser problème à un moment ou à un autre. En même temps, elle est reliée à un contrat qui fait mention de fidélité. Or je suis ici face à une femme qui me plait et à qui je plais. Il fallait pourtant que je fasse un choix : omettre la vérité quitte à tout compromettre, ou lui dire ce qui est, et qu’elle choisisse d’elle même si elle peut faire avec ou non. Moi je suis là en connaissance de cause, parce que je sais que mon mariage est désormais voué à l’échec. Il m’a fallu quelques mois pour m’en rendre compte, mais aujourd’hui je sais que je ne pourrai plus jamais retrouver ce que nous avions. Alors je choisis l’honnêteté, et advienne que pourra.
Pour repartir sur de meilleures bases, je fais mine de reprendre à zéro, lui ramène un verre et me présente à elle, en lui disant tout de suite que la bague à mon doigt n’a plus vraiment de sens. Et en réalité, je pourrai même la retirer maintenant qu’elle sait ce que ça représente à mes yeux. « En prison ? Tu ne fais pas les choses à moitié. » Je lui adresse une petite moue. Ce n’est pas moi qui ‘ne fait pas les choses à moitié’ en l’occurence, mais je ne vais pas relever. Les actes de l’homme que j’ai épousé ne devraient pas entacher qui je suis. « Femme de détenu et veuve.. une vraie équipe de choc. » Mes yeux s’écarquillent un peu face à sa révélation. Veuve ? Il est vrai que je n’avais pas posé la question. Elle a une fille, mais je la pensais plutôt séparée, divorcée, sans penser que la personne avec qui elle a eu sa fille ait pu perdre la vie. Je me retiens de poser des questions pour le moment, tout comme elle j’imagine. Nous avons encore tellement à apprendre l’une sur l’autre. Mais la jeune femme est plus rapide que moi : « Et si nous laissions nos vies de côté l’espace d’un instant ? » Mon sourire s’étire, pour lui faire comprendre que je suis du même avis. Elle m’invite alors à danser avec elle, et mon palpitant s’énerve déjà dans ma poitrine. Un peu plus tôt elle a dit qu’elle m’aurait demandé la permission de m’embrasser si nous avions été sur la piste de danse. Et nous y allons. Est-ce qu’elle aura toujours envie de m’embrasser tout à l’heure ? Je plonge ma main dans la sienne et la suis un peu plus loin pour rejoindre les autres danseurs. Mon regard se pose sur elle, le coeur battant toujours à tout rompre. « On fait quoi, si c’est moi qui te demande en premier la permission de t’embrasser ? » Je ne me reconnais pas vraiment, peut-être que ma dernière soirée avec Samira m’a fait changer d’optique, mais je n’ai plus envie de passer à côté de quoi que ce soit.