Sad nostalgia (Craig & Bianca)

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- SAD NOSTALGIA -

feat. Craig & Bianca

Maladroite et tête en l’air, Bianca ne se souvenait pas de l’endroit où elle avait posé ses fusains. Elle avait beau cherché la boite métallique contenant ses dix derniers petits bouts noirs restants mais il lui était impossible de se remémorer là où elle les avait laissé. Il n’était que onze heures du matin et sa journée s’annonçait plutôt mal. De Londres elle n’avait simplement qu’emporté son cahier et ses fusains concernant sa passion. Elle y tenait réellement et le simple fait de réaliser qu’elle avait égaré ce qui lui restait de son pays lui fendait littéralement le coeur. « Qu’est-ce que je peux être conne parfois. » soupira-t-elle en tapotant durement son front avec le bout de ses doigts.

Le temps était agréable malgré cette petite brise qui soufflait dans ses cheveux blonds. Un léger rayon de soleil avait fait une courte apparition au moment où elle regardait son reflet sur la devanture de la boutique spécialisée dans les loisirs culturels et créatifs. Bianca avait pour habitude d’avoir une réduction sur son panier à Londres grâce à sa carte d’abonnement au cours de dessin, aujourd’hui elle savait que cela se passerait autrement. Après avoir poussé la porte d’entrée où une petite sonnerie se fit entendre, la jeune femme se dirigea vers le rayon qui l’intéressait le plus à l’aide de panneaux indicatifs. Elle paraissait sereine, comme si elle était une habituée du local et pourtant il n’en était rien. Ses doigts caressaient les nombreux papiers mis à disposition face à elle, les matières étaient si différentes et elle adorait cette sensation. Cette passion qu’elle avait pour le dessin ne l’avait pas quitté depuis ses sept ans. Elle qui semblait généralement se lasser de la routine avait fait exception de ce qui pouvait la libérer de ses émotions. Bianca n’avait jamais songé à arrêter ne serait-ce que plus d’une semaine. C’était vital pour elle et d’autant plus depuis son divorce où elle pouvait se défouler sans garder en elle cette nostalgie. Son regard se perdait devant la multitude de couleurs de peintures et surtout face à ce gris perle qu’elle trouvait absolument magnifique. « Excusez-moi ? » demandait-elle en interpellant un conseiller. « Est-ce que vous savez où je pourrais trouver du matériel de dessin ? » continuait-elle un sourire aux lèvres. Le conseiller pointait machinalement son doigt vers le rayon d’en face qu’elle suivait naturellement. « C’est pas vrai. » lâcha-t-elle à voix haute. Ce qu’elle vit à quelques mètres de là devait pourtant arriver un jour mais pas de cette manière là, pas par simple hasard. La jeune femme remerciait le conseiller avant de porter son attention vers ce fantôme. Il n’avait pas changé, du moins, physiquement il était resté le même. Peut-être avait-il l’air plus épanoui. Au fond c’était ce qu’elle espérait mais sans émettre d’hypothèse elle préférait se diriger vers celui qui avait partagé sa vie durant un an pour en avoir la confirmation. « Craig... » murmurait la jeune femme en tapotant l’épaule du brun dos à elle. Bianca n’avait pas hésité à l’aborder, après tout, son coeur rongé par la nostalgie depuis un très long moment avait besoin de voir de près son ex-mari. Sa carrure était la même, son parfum n’avait pas changé d’une seule note et pourtant, il lui était devenu si étranger. La jeune femme avait besoin d’entendre sa voix, de connaître les raisons pour lesquelles il l’avait subitement quitté. Elle ne ressentait pas de la forte colère, ni du dégoût et encore mois de la rage. La plaie qui commençait à être à peine soignée s’était davantage ouverte à la simple vue du dos de celui qu’elle avait aimé. C’était de l’incompréhension qui accompagnait son geste, de la curiosité mais également un léger désespoir.

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sad nostalgia

Cette boutique, c’est un endroit où Craig se rend assez régulièrement. Bien que professionnel, le brun continue de s’alimenter matériellement parlant dans des petits magasins situés en ville. Il n’aime pas les énormes industries, qui vendent chaque article par centaine à chaque commande. Ça lui met la pression, il a la sensation de devoir produire plus qu’il n’en est capable. Et quand il se décide à acheter de quoi assouvir sa passion, ce n’est certainement pas pour avoir l’impression que tout ceci est une tâche, un devoir à effectuer. Alors en arrivant en ville, il a rapidement cherché une boutique comme celle-ci et après l’avoir repérée, il n’est plus jamais allé ailleurs. Les feuilles, les crayons, les feutres, les peintures, les toiles blanches qui attendent la touche d’un artiste. Il y a de tout ici, et c’est ce qui rend Craig heureux quand il arpente les rayons de cette échoppe. Aujourd’hui, il est venu ici dans l’espoir de trouver de nouveaux pinceaux. Il travaille plus que de raison, ces derniers temps. Il a besoin de se défouler et la peinture l’a toujours aidé à se sortir des pires situations. Il a aussi besoin d’argent, de récupérer la notoriété qu’il a abandonné à Londres. Il va devenir père dans quelques mois, et c’est hors de question pour lui de faire vivre son enfant dans la misère, avec deux jouets qui se battent en duel et le même pyjama toute la journée. Sa petite amie, tout comme le futur fruit de leur amour, mérite tout ce qu’il y a de mieux sur cette Terre.

La personne qui vient de le sortir de ses pensées n’était pas prévue dans ce joli tableau familial. Rayée de sa vie il y a quelques mois, il espérait secrètement ne plus jamais la revoir, ne jamais avoir à lui donner d’explications. Parce qu’il a honte de lui-même. Maintenant qu’il sait ce que c’est que d’aimer, il s’en veut d’avoir détruit des sentiments aussi purs, d’avoir fait du mal à la seule personne qui tenait à lui, en ce temps-là. Il n’a pas besoin de se retourner pour vérifier que cette personne est bel et bien Bianca, ce murmure, cette voix masquée par une envie d’être discrète, il la connaît par cœur. À l’époque, il entendait ce même souffle qui lui disait des mots doux, chaque soir, avant de s’endormir. Une routine à laquelle il s’était attaché et qu’il a désespérément tenté de fuir. Il est parti à l’autre bout du monde, visiblement, ça n’a pas suffit. Après lâché un long soupir, le brun se retourne finalement, faisant face à celle qui est son ex-femme depuis quelques mois, maintenant. Il est parti dès que le divorce a été prononcé, il ne l’a jamais vu se balader sans son alliance, avec le lourd célibat qui pèse sur ses épaules. Est-ce qu’elle est passé à autre chose, de son côté ? Au fond, il n’a même pas envie de le savoir, il a juste envie de prendre ses jambes à son cou et s’enfuir, comme il sait si bien le faire. ▬ Bianca.. Il prononce finalement son prénom, ça semble irréel et pourtant, sa présence lui fait l’effet d’une claque dans la figure. ▬ Qu’est-ce que.. ? Il regarde rapidement autour de lui, s’assure que c’est bien cette boutique, son endroit, son nouveau pays. Mais oui, ils sont bien en Nouvelle-Zélande, en 2018, loin de Londres et de leur année d’amour. ▬ Qu’est-ce que tu fais ici ? Loin d’être un reproche, il lui pose malgré tout cette question. Elle pourrait la lui retourner, lui aussi n’a rien à faire dans les parages.

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feat. Craig & Bianca

Ce fut une étrange sensation qui parcourait son corps lorsque le jeune homme prononçait son prénom. Il y a bien longtemps qu’elle n’avait pas entendu sa voix mis à part sur les vidéos qu’elle avait précieusement gardé sur son téléphone qu’elle repassait sans cesse il y a encore quelques semaines. Voir Craig de si près lui fit remonter des souvenirs aussi merveilleux que douloureux et pourtant, Bianca ne laissait rien transparaître. En arrivant en Nouvelle-Zélande, la blonde savait pertinemment qu’il y avait 99 % de chance, ou de malchance, de tomber sur son ex-mari. Elle redoutait ce moment là et celui-ci était arrivé bien plus vite que ce qu’elle pensait. « Je suis venue chercher des fusains. Pour mes… Dessins. » expliqua-t-elle après avoir raclé discrètement sa gorge sèche. Bianca se demandait si la question du brun était tournée vers le lieu actuel où ils se trouvaient ou bien la raison pour laquelle elle se trouvait dans le même pays que lui. Elle priait intérieurement pour la première option afin de ne pas expliquer en détail sa venue à Island Bay. « Ce matin en me réveillant j’ai réalisé que… Bah, j’ai perdu mes fusains. » continua-t-elle en haussant ses petites épaules frêles. Bianca trouvait cette situation gênante, presque maladroite. La jeune femme ne savait pas par où commencer, devait-elle lui hurler dessus, fondre en larmes en le frappant ou bien rester polie et impassible face à celui qui avait l’habitude de lui faire battre amoureusement le coeur. Elle releva ses yeux marrons vers ceux de son interlocuteur. Rien n’avait changé le concernant, il était si… Normal. Bianca craignait en l’espace de quelques secondes que ses yeux pouvaient trahir son sentiment de tristesse. Évidemment qu’elle appréciait cette rencontre, peut-être beaucoup plus si les choses avaient été différentes. « Et toi ? » demandait-elle curieuse. « Tu fais quoi ici de si bonne heure? Bianca savait pertinemment que les questions qui devaient être posées n’étaient pas les bonnes, soit. Il fallait néanmoins éviter ce sentiment de malaise qui commençait sérieusement à se faire ressentir. La jeune femme pinçait ses lèvres entre elles tout en serrant nerveusement son panier dans le creux de sa main droite. Tout était si étrange et d’après elle, la personne qui devait être le plus dans l’embarras était Craig. En vérité, c’était lui qui l’avait quitté sans explications et non l’inverse. Bianca ne souhaitait pas crier au scandale, se donner en spectacle au risque de se faire expulser comme une malpropre de la boutique. Elle relativisait malgré elle en se disant qu’après tout, Craig s’était installé à Island Bay bien avant elle et que cette dernière était au courant de son déménagement dans cette ville avant de s’installer à son tour il y a quatre mois. « Ça fait longtemps. » lâcha-t-elle en souriant légèrement. Ces trois mots maladroits, Bianca aurait voulu les ravaler tant ils n’avaient pas lieu d’être.

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sad nostalgia

Qu’est-ce qu’elle fait ici ? Dans cette boutique, dans cette ville, dans cette région, dans ce pays, sur ce continent ? Même s’il l’a quitté lâchement, il lui a donné quelques informations sur son départ. Sur le pays qui allait devenir le sien, dans lequel il comptait se rendre : la Nouvelle-Zélande. Peu après son arrivée en ville, il s’est rendu compte à quel point ce choix de destination était cruel, pour la blondinette. Ce pays, il l’a découvert avec elle, quand ils célébraient à deux cette idée qu’ils ont eu de se marier. Eux qui étaient un si jeune couple, qui, à l’époque, étaient si parfaits. Il a destiné de revenir voir les paysages de cette région d’une manière plus définitive, sans elle, sans ce mariage qui, lui aussi, aurait dû être définitif. S’engager sur du long terme, ce n’était visiblement pas pour lui. Et pourtant, il recommence. Cette fois, le mariage n’est pas impliqué, l’enjeu est beaucoup plus gros : un bébé. Est-ce qu’il est vraiment prêt, est-ce qu’il ne va pas fuir lâchement comme il l’a fait avec Bianca ? La revoir le fait douter, et il n’aime pas cette sensation. ▬ Dans le pays. Qu’est-ce que tu fais dans le pays ? Entre Londres et la Nouvelle-Zélande, il y a quelques kilomètres, j’pense pas que tu te sois perdue. Cette fois, un ton de reproche s’est légèrement immiscé dans sa voix. Il n’était pas prêt à la revoir, et maintenant qu’il y pense, peut-être que prêt, il ne l’aurait jamais été. Elle représente tous les échecs de sa vie, toutes les erreurs qu’il a pu commettre. Le mariage, le divorce. En partant de cette rencontre, de cette nuit à apprendre à se connaître et du lendemain, à décider de rester ensemble. L’aborder dans ce bar était une erreur. Tout, absolument tout ce qui peut la concerner, était une erreur. Erreurs liées à de nombreux regrets, qu’il n’aime pas ressentir. Elle lui retourne la question, qu’est-ce qu’il fait ici ? Ça lui paraît logique, il n’a pas changé de métier depuis le temps. Il a envie de peindre Nahla, sa petite amie. Retracer ses courbes, celles d’une femme enceinte. Est-ce qu’il doit lui préciser ce détail ? ▬ J’ai b’soin de matos pour travailler. Tout simplement, il dit ça d’un ton las. Il n’a plus envie d’être ici, ça peut se lire sur son visage. Il ne fait pas d’efforts pour le cacher, elle peut sûrement le comprendre. Il s’en veut et il n’a pas envie de s’expliquer, l’un entraînant l’autre, il préfère que cette discussion ne dure pas trop. Sauf qu’elle prononce trois derniers mots, qui font l’effet d’un coup de couteau dans le corps de Craig. Un couteau qui se retourne dans la plaie, déchire tout sur son passage. Ouais, ça fait longtemps. Est-ce qu’il lui a manqué ? Pendant combien de temps ? Il ne mérite vraiment pas son bonheur actuel, pas après avoir détruit une femme comme il l’a fait avec elle. ▬ C’est vrai. Mais pas assez, enfin, j’pensais pas qu’on allait se revoir. Ni maintenant, ni jamais, j’pensais que tu allais rester là-bas. Ça m’semblait logique. Il soupire finalement, ses yeux détaillants le visage de son ex-femme. Si cette rupture n’avait pas été si catastrophique, il aurait été heureux de la revoir. Elle a été sa meilleure amie en étant sa compagne, c’est quelque chose qui ne s’oublie pas.

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