There is something about us [Freya & Nate]

Deux soirées s’étaient écoulées depuis le dernier échange entre Freya et Nate. Dans un message bref, celle qui était désormais une ancienne patiente avait répondu à l’affirmative à son invitation à boire un verre. Quels étaient les tenants et les aboutissants de ces retrouvailles ? Nate n’en savait rien. L’idée de reprendre contact avec Freya lui avait pris sans qu’il ne sache réellement pour quoi. Il avait suffi qu’une patiente ait le même nom qu’elle pour qu’il se décide à braver les règles de l’hôpital et à récupérer le numéro de la jeune femme à des fins personnelles. L’histoire qu’il avait vécue avec Freya était atypique. Il avait brisé son monde, mais en échange, il avait passé des semaines à essayer de gagner sa confiance pour qu’elle retrouve l’envie de parler. Entre eux, les choses s’étaient faites lentement et bizarrement. Freya s’était remise à parler au bout d’un certain temps, après que Nate ait entrepris un certain nombre de stratagèmes tous différents les uns des autres.

Le chirurgien n’était pas du genre à se faire du mouron pour tout et rien. Il était d’un naturel posé et donnait l’impression de toujours maîtriser ses émotions. Pourtant, et il en était le premier surpris, il se retrouvait à avoir une sorte de boule au ventre en se préparant pour rejoindre le point de rendez-vous. Il n’avait rien à perdre à revoir Freya et au fond, il ne s’attendait à rien. Il espérait juste qu’ils ne se retrouveraient pas sans rien à ne se dire.

Après plusieurs minutes de trajet, Nate était arrivé sur le lieu de retrouvailles. Il était resté un certain laps de temps, les mains sur le volant, à se demander si ce qu’il faisait était approprié. L’éthique… Il venait de la faire voler en éclats en sortant de sa voiture. Sa veste en cuir sur les épaules, le chirurgien marcha jusqu’au bar. En poussant la porte de l’établissement, le regard azur de Nate balaya les lieux. Pas de Freya en vue. Visiblement, il était le premier arrivé, comme à son habitude. Il ne lui restait plus qu’à attendre que la jeune femme pointe le bout de son nez.

Il n’y pensait qu’après coup, mais la demande de Nate était étrange et pour cette même raison, il aurait pu essuyer un refus. Qu’est-ce qu’il lui avait vraiment pris ? Par quelle mouche avait-il été piqué pour oser faire une telle chose sans avoir la moindre certitude qu’il aurait une réponse positive ? Quoiqu’il en soit, maintenant qu’il était devant le fait accompli, il allait devoir assumer. Est-ce qu’il voyait ça comme une sorte de rencard avec une possibilité par la suite ? Pas le moins du monde. Nate était pourtant doué quand il s’agissait d’anticiper et de placer ses pions, mais la récente rupture avec Thea l’empêchait d’avoir de telles idées. Est-ce qu’il avait été amoureux ? Peut-être, peut-être pas, mais il avait ressenti une forme d’attachement pour la première fois depuis son divorce et il ne se sentait pas prêt à remettre le couvert aussi rapidement. Et puis… Il fallait dire que la drague, la séduction, et tous ces concepts vendeurs n’étaient pas dans ses cordes. Le chirurgien avait un charme naturel qui avait agi à plusieurs reprises et il s’était souvent contenté de ça. A présent, il était sûr et certain qu’il se laisserait surprendre. Quand, où, comment et par qui, il ne le savait pas. Il était simplement clair envers lui-même : il ne reproduirait pas l’erreur de s’inscrire sur une application de rencontres, même contraint et forcé par ses amis.

Le temps d’attente fut de courte durée. Il eut à peine le temps de prendre sa respiration qu’il reconnut Freya entrer dans la pièce. Cependant, pour vraiment réaliser qu’il s’agissait bien de son ex-patiente, il dut s’y reprendre à deux fois. Quand elle avait été hospitalisée, la jeune femme avait eu le visage abimé par le choc et de nombreuses raisons de ne pas avoir bonne mine. Désormais, elle avait des traits reposés et qui témoignaient de sa bonne récupération. Elle avait délaissé la blouse bleue et blanche de l’hôpital pour une tenue habillée qui ne pouvait laisser personne indifférent. Par politesse, Nate se leva de son tabouret de bar et répondit au geste de salutation de Freya « Bonsoir Freya ». Les excuses de son invitée le firent sourire. Elle était plus spontanée qu’elle ne l’avait été pendant ses semaines d’hospitalisation, une bonne nouvelle pour celui qui avait été son médecin et avait mis un point d’honneur à ce que tout se passe dans les meilleures conditions possibles. « Je viens d’arriver, ne vous en faites pas ! Je ne savais pas que vous aviez des chiens. Je réfléchis à en un adopter un, mais comme je suis en pleine recherche de logement, c’est pas forcément la bonne période, j’imagine. » dit-il maladroitement. Décidément, reprendre un contact social n’était vraiment pas aisé… Surtout dans ces conditions exceptionnelles.

Depuis son divorce, Nate avait eu de nombreuses occasions de nouer de solides liens avec la solitude. Il avait fait le tour des canapés de ses amis et pourtant, cela ne l’avait pas empêché de se sentir isolé. Adopter un animal avait été dans ses projets, mais il avait dû abandonner l’idée lorsqu’il avait pris la décision de quitter la maison qui avait servi de domicile conjugal. Ainsi, les chiots de Freya rappelèrent au chirurgien de vieilles envies et également l’urgence qui se précisait en termes de logement. « Je comprends, pour la présence. En plus, l’avantage des bêtes, c’est qu’elles ne peuvent pas nous contredire. Du moins… Pas explicitement » tenta-t-il avec un humour un peu décalé. Décidément, il n’était vraiment pas à l’aise dans cette situation et cela commençait à se voir.

Ils allèrent s’asseoir dans un recoin avec une pointe de soulagement. Les premiers instants étant censés être les plus difficiles, il espérait que la suite serait bien meilleure. Son manteau posé sur la chaise, il s’installa avant de lui répondre « A vrai dire... J’aimerais bien avoir un jardin pour pouvoir prendre l’air sans sortir de chez moi et pour accueillir un chien, mais le marché est assez fermé de ce côté-là. Du moins, dans mes moyens. Être chirurgien, c’est pas si rentable que ça. Il va falloir que je pense à ouvrir un marché souterrain pour augmenter le nombre de patients » argua-t-il avec un sourire malicieux. La demande de Freya lui retira une épine du pied : bien sûr qu’ils pouvaient se tutoyer ! Ce serait encore mieux dans ces conditions. « D’accord pour le tutoiement, ça ne me gêne pas ». A peine eut-il le temps de répondre qu’un serveur à l’air peu satisfait vint prendre leur commande. Par galanterie, il laissa Freya énoncer sa boisson d’abord et la suivit dans son envie de vin blanc. Pour délester l’ambiance d’un poids, il commanda également un plat de tapas. Nate était un gourmand, il était temps qu’elle le sache. Après tout, ils n’étaient pas là pour se faire la cour dans des conditions superficielles. Une fois l’homme parti, le chirurgien tenta une approche « Alors, je ne vous ai pas trop manqué ? » dit-il avec un sourire qui trahissait sa volonté d’aborder l’après-hôpital de façon joyeuse.