How it could be worst ? (Tawan #16)

Malgré les aléas de la vie certaines choses perdurent, et fêter notre anniversaire ensemble avec Janis fait partie de ces “traditions“ qui semblent inébranlables. Cette année je suis d’autant plus heureuse d’organiser cet événement avec ma jumelle car ça nous a permis de reprendre contact, de se voir un peu plus même si entre son emploi du temps et le mien on a parfois du mal à s’accorder. C’est dingue d’être déjà surbookée à notre âge, non ? Quoi qu’il en soit c’est agréable de la retrouver, je crois qu’elle a fini par mettre un peu de côté le fait que je vive encore sur la base avec nos parents mais je crois également que je la comprends un peu mieux étant donné quelques récents évènements… Je ne lui ai rien raconté, pas encore, je ne veux pas rentrer dans un débat avec elle, je la connais par cœur et je sais qu’elle risque de partir au quart de tour. L’important actuellement c’est le bon déroulement de notre soirée, faire la fête, s’amuser et laisser les prises de tête de côté. Un ami de Janis a proposé de prêter sa maison pour accueillir la soirée, nous nous sommes occupées de tout le reste. Nous avons chacune invité des amis, comme nous le faisons depuis toujours. Après hésitation j’ai proposé à Tawny de venir, sans pression, juste pour avoir le plaisir de sa présence. Elle m’a répondu avoir déjà une soirée de prévue mais qu’elle passera peut-être… elle doit me tenir au courant. Je ne sais pas trop si je dois espérer sa venue ou non, mais je ne veux pas passer la soirée à guetter un message de sa part, alors je verrai bien.
Tout est prêt, à deux trois détails près, quand les premiers invités arrivent. Le beau temps étant de retour et la température plutôt douce, tout se passe à l’extérieur. « J t’as oublié les chips pimentées. » me fait remarquer Janis au milieu d’une discussion avec ses amies, avec ce même air qu’elle a toujours su utiliser pour me faire accomplir ce qu’elle souhaite. Je lève les yeux, plus amusée qu’autre chose « J’ai compris… j’y vais. » et me dirige vers la maison où se trouve notre stock de bouffe et de boissons. Je fouille un peu, fini par trouver les fameuses chips et verse le paquet dans un saladier quand Daisy me rejoint « Ça va comme tu veux ? T’as besoin d’aide ? » demande t’elle. Je ris et lui désigne ma tâche accomplie « Je crois que je m’en sors bien. » elle sourit et enchaine « T’as invité Tawny ? » c’est plus fort que moi, je suis obligée de lutter pour ne pas laisser le rouge me monter aux joues « Je lui ai proposé de passer ouais. Elle viendra peut-être plus tard. » dis-je avec un air détaché. Je sais que mes amies ne sont pas dupes, d’ailleurs la manière dont Daisy me regarde ne laisse aucun doute là dessus « Je veux pas casser un éventuel effet de surprise, vu que ça a l’air d’être son genre… mais je viens de la voir arriver. » je suis un peu surprise, je ne lui ai même pas donné l'adresse « Ah ok. » c’est tout ce que je trouve à dire face au sourire entendu de mon amie qui tourne déjà les talons. J’attrape le saladier pour l’emmener dehors, je ressens un mélange de joie et d’appréhension de savoir que la brune est là. Agis avec naturel Joan, tout va bien se passer. Je m’encourage mentalement, souffle et me dirige vers l’extérieur. A peine la porte passée mon regard s’arrête sur une scène qui me fait littéralement me figer sur place.

Au moment de recevoir le message de Joan, j’me sens mal. Pourquoi elle a décidé de fêter son anniversaire le même soir que Janis, sérieusement ? Je prends ma tête entre mes mains et essaie de réfléchir à une solution. J’ai donné ma parole à Janis pour aller à sa soirée, je me vois pas lui dire deux jour avant que finalement je viendrai pas. Et en même temps, à choisir, je préfèrerai aller à l’anniversaire de Joan, parce que c’est Joan quoi. Je sais pas encore trop comment qualifier notre relation, mais ça n’a rien à voir avec ce que je partage avec Janis. Elle c’est plutôt de l’amusement, rien de sérieux. Mais est-ce que ça l’est avec Joan ? Putain, j’me prends trop la tête. Je réponds à Birdy que je passerai, je lui promets, alors que je promets jamais rien.

Le soir venu, je fais un effort vestimentaire, une jolie chemise, un pantalon serré, une petite veste cintrée, j’ai mis les petits plats dans les grands. Parce que de toute manière, j’aurai pas le temps de repasser par chez moi entre les deux soirées, j’ai l’habitude. Je regarde pas pour le moment les deux adresses pour voir si le chemin entre les deux sera long ou pas, on verra ça en temps et en heure. J’achète un bouquet de fleurs, j’ai pas de cadeau, j’en ai acheté un que pour Joan, que je garde dans la poche intérieure de ma veste. J’arrive sur place et suis accueillie par quelqu’un qui n’est pas Janis, mais qui me laisse entrer quand même. On est pas chez elle, c’est un pote qui lui a prêté sa maison, de ce qu’elle m’a dit. Je fais un tour d’horizon d’un regard furtif, cherchant la reine de la soirée. Elle arrive enfin et un sourire se dessine sur mon visage, alors que je lui tends le bouquet de fleurs. « Salut beauté ! Joyeux anniversaire ! » Elle me saute dans les bras et je la récupère de justesse en riant un peu, alors qu’elle vient presser ses lèvres sur les miennes dans un baiser appuyé, et qui en dit long. A moins que ce soit son attitude qui en dise long, sa main dans ma nuque, l’autre sur ma fesse. Ça ne laisse pas vraiment place au doute. J’ai jamais rencontré ses amis, enfin quelques uns, vite fait au bar mais rien de plus. Je lui tends finalement mon bouquet et elle me remercie, me prenant par la main. « Je vais le mettre dans l’eau, viens avec moi. Je vais en profiter pour te présenter ma soeur ! » Je laisse ma main dans la sienne, avec un peu d’appréhension, et la suis jusqu’à ce que je devine être la cuisine. « Ah t’es encore là ? Parfait ! » Elle lâche ma main et c’est là que je déchante. « J ? J’te présente Tawny ! » La soeur en question se retourne et je suis à deux doigts de tomber dans les pommes. Joan. Bordel de sa mère. C’est pas possible. Mon coeur explose dans ma poitrine, je sais pas comment va se passer le reste de la soirée, mais là j’ai juste envie de fuir, loin. Très loin.

Je passe la porte de la cuisine avec mon saladier de chips et je la vois, là à quelques mètres au niveau de la porte menant sur la terrasse, elle tient un bouquet de fleurs. Un léger sourire étire mes lèvres malgré ce léger stress qui monte, mon cœur s’accélère. Comment agir ? Je n’ai pas l’opportunité de poursuivre ma réflexion, pas plus que de m’avancer vers la brune. Janis arrive, sourire aux lèvres, radieuse, et saute dans les bras de Tawny l’embrassant sans retenue, ne laissant aucun doute sur ce qui les lies. Soudain j’ai le souffle coupé, mon estomac se noue et j’ignore par quel miracle je ne lâche pas ces foutues chips par terre. Je crois que mes jambes vont me faire faux bond, je fais demi-tour et me réfugie dans la cuisine. Les mains à plat sur le plan de travail, je prends une grande inspiration après plusieurs secondes d’apnée. Ce que je viens de voir est à peine croyable et pourtant bien réel, et c’est ridicule mais je me pince pour m’en assurer. La douleur de ma peau malmenée entre mes doigts n’est rien en comparaison avec celle qui étreint ma poitrine. J’ai la nausée, mes mains tremblent, mes jambes ne me soutiennent presque plus. Je ferme les yeux mais les rouvre aussitôt, je n’ai pas franchement envie de me repasser en boucle cette image de Janis et Tawny, ensemble. Je ne sais pas combien de temps je reste comme ça, quelques secondes, une minute, deux ? Des pas se rapprochent, je me redresse et soupire. Putain non, laissez moi tranquille. Je suis dos à la porte, mais cette voix je la reconnaitrais entre milles. Joyeusement Janis se réjouie de ma présence ici, je serre les dents un court instant, me recompose une attitude et me retourne quand elle m’interpelle pour – ironiquement me présenter Tawny.
Je ne sais pas si elle est vraiment surprise ou vraiment bonne comédienne, mais l’ancienne militaire à tout l’air de ne pas l’avoir vu venir. Alors quoi, c’est une coïncidence ? Encore cette connerie “du monde est petit“ ? Je pourrai tout lâcher, là maintenant, m’effondrer et tout gâcher… mais ce n’est pas moi, alors je puise dans tout ce que j’ai d’énergie à ma disposition pour endosser mon rôle. J’affiche un sourire « Salut. » Janis nous regarde tour à tour et sourit « Vous vous connaissez ? » je secoue la tête « Non. Pas vraiment, on s’est juste croisé une ou deux fois sur la base. J’avais perdu un carnet de dessins une fois et c’est elle qui me l’a ramené. » expliqué-je avec toute la neutralité dont je suis capable. C’est une torture, heureusement que j’ai pris soin de rester appuyée contre le plan de travail. Le regard de la brune bifurque sur ma main, je resserre ma prise sur le bord pour masquer son tremblement. Janis est heureuse, je le vois et c’est encore plus difficile car à cet instant une petite partie de moi la déteste. « Elle est douée hein ? » demande Janis à Tawny qui semble un peu ailleurs, on se demande bien pourquoi « Ses dessins, tu les as vu, non ? » charmeuse elle se rapproche de la brune « Moi j’ai d’autres talents… » son ton en dit long et la manière dont elle vient chercher ses lèvres aussi. Je détourne le regard « Y’a les chips là. » dis-je à l’intention de ma jumelle, trouvant enfin le courage de bouger. Il faut que je sorte de là « Je vais… » je finis pas ma phrase, montre juste la porte, signifiant que je sors, que je les laisse toutes les deux. Parce que là je me sens terriblement conne dans ma petite robe choisie presque spécialement pour la brune… Vite, de l'air.

Elle est là. Elle est là putain. J’ai du mal à respirer, je fais bonne figure mais lorsque mon regard croise celui de Joan, j’ai juste envie de me liquéfier et disparaître à tout jamais. Comment j’ai pas pu faire le lien ? Je m’en veux maintenant alors que rien n’aurait pu me donner un indice sur le fait qu’elles étaient soeurs. Jumelles donc. C’est pas possible j’ai vraiment le don pour me fourrer dans des histoires pas possibles. Le souci, c’est que c’est pas juste deux filles avec qui j’ai couché une fois comme ça. Janis est clairement mon ‘plan cul régulier’ pour parler crûment, et Joan c’est… Joan. On a jamais parlé de ce qu’on vivait toutes les deux, jamais mis de mots sur notre lien, notre ‘relation’, parce que je suis pas de ce genre, qui se pose, qui se met en couple. Mais avec elle, avec elle j’aurai pu en avoir envie, j’étais pas bien loin. Je lui ai donné certainement cent fois, mille fois plus que ce que j’ai pu donner à d’autres filles, Janis comprise. Et en une fraction de seconde, je sens qu’on souffle sur le château de cartes durement monté, sur tous ces mois à ramer pour arriver à conquérir le coeur de Joan, pour aujourd’hui le voir s’effriter sous mes yeux. J’ai mal, mal de la voir là, de voir la déception et la douleur dans son regard. Je ne pleure pas, presque jamais, et là cette putain de boule dans ma gorge me donnerait presque envie de pleurer. Pas moi moi, pour elle. Les secondes s’égrainent, Janis pose une question, Joan y répond, j’ai l’impression de subir l’instant sans y prendre réellement part. Je reste immobile, les yeux rivés sur Joan, son trouble qu’elle tente de cacher. Comment sa soeur ne peut pas voir que quelque chose ne va pas, alors que moi je le vois, je peux même le ressentir au plus profond de moi. « Elle est douée hein ? » Je reprends connexion avec la réalité et tourne les yeux sur Janis, interrogative. « Ses dessins, tu les as vu, non ? » Je me racle la gorge pour essayer de donner le change et hoche vivement la tête. « Oui. Très douée. » Il faut que je me barre d’ici au plus vite. Janis se rapproche telle une panthère et j’ai un espèce de geste de recul, minime mais présent. « Moi j’ai d’autres talents… » Elle ne tarde pas à venir m’embrasser et là c’est pire que tout. Je veux pas la vexer mais putain pas là, pas maintenant, pas devant Joan, merde ! Je la repousse comme je peux alors que Joan s’enfuit. « Ça va pas ? » Je passe une main nerveuse dans ma nuque. « Si si, c’est juste que… j’sais pas c’est gênant, devant ta soeur tu vois… » Elle lève les yeux au ciel en riant. « Ça va, elle en a vu d’autres. Elle est p’t’être farouche mais assez ouverte d’esprit pour me voir embrasser une fille ! » Je soupire un peu, bordel je sais pas comment je vais pouvoir sortir vivante de cette soirée. « J’vais me griller une clope, j’ai laissé mon paquet dans mon sac dans le salon, on se retrouve dehors ! » Bullshit. Je pars à la recherche de Joan. L’apercevant dans un couloir, je me précipite dans ce dernier, bousculant quelques personnes au passage, et m’engouffre dans la même pièce qu’elle, in extremis, avant de refermer la porte derrière moi. Elle veut sûrement pas me parler, mais pour une fois, j’ai pas envie de fuir. « Je suis désolée, je savais pas, je savais pas que Janis était ta soeur, t’as jamais mentionné son prénom, y’a pas de photos d’elle chez toi, comment j’aurai pu deviner ? » Si seulement ça pouvait suffire…

Je choisis de mettre un masque, dissimuler ce lien qui nous unis Tawny et moi. Je devrais d’ailleurs en parler au passé, tout ça vient de se briser à l’instant même où je l’ai vu avec Janis. Je donne le change le temps de cette brève discussion dans la cuisine, mais voir ma jumelle pendue aux lèvres de la brune s’en est définitivement trop pour moi. Je fuis, il le faut, je vais exploser et je n’ai pas envie de ça. Même le cœur en miettes je pense encore au reste et aux autres plutôt qu’à moi, à cette soirée que je ne veux pas gâcher alors qu’elle est complètement foutue. Joyeux anniversaire Joan. Ma vue se floute à cause des larmes qui montent, je m’engouffre dans le premier couloir venu, personne ne prête attention à moi, c’est tant mieux pour cette fois, même si c’est la preuve de ma transparence… que je suis toujours celle en retrait. Je ne peux m’en prendre qu’à moi, ça ne m’a jamais dérangé jusqu’ici, ou peut-être que si ? Mais ce soir c’est différent, la douleur est trop intense, je manque d’air mais paradoxalement je vais m’enfermer dans cette pièce, un bureau, je crois, je m’en fous dans le fond. J’ai à peine le temps de comprendre que quelqu’un vient d’entrer avec moi. La porte se referme, Tawny s’empressant de me dire qu’elle est désolée. Elle ne savait pas. Ma gorge est aussi nouée que mon estomac, j’entends ses arguments… non vu comme ça elle ne pouvait pas savoir. Pourtant il y en a des photos de Janis chez moi, de nous deux, mais elle n’y a seulement jamais prêté attention. Je la sens sincère, mais ai-je raison de la croire ? Je ne sais pas, je ne sais plus. La peine est la seule chose que je comprenne à cet instant. Je reste dos à la brune, je n’ai pas la force de la regarder, de croiser son regard. « J’en sais rien. » soufflé-je en essuyant mes joues « J’imagine que je n'ai pas d’autres choix que de te croire. ». Je soupire « De toute façon ça change rien. » parce que c’est de Janis dont il s’agit, de ma sœur jumelle et que peu importe si elle savait ou non, le résultat final est le même. Et pourtant pendant quelques secondes je me demande si ce n’est pas un délire tordu de sa part, se taper des jumelles… est-ce qu’elle nous a comparé ? Je m’en veux aussitôt de penser ça, mais je suis en droit de m’interroger, non ? « Y’avait rien du tout, n’est-ce pas ? Juste des moments… Et je le savais. » j’ai du mal à retenir ces nouvelles larmes qui cherchent à s’échapper « Comme avec les autres. Comme avec Janis. » je lutte encore un peu « Tu… t’avais choisis sa soirée. Alors je pense que tu devrais aller la passer avec elle. » lâché-je la gorge plus serrée que jamais « Laisse moi Tawny... » dis-je dans un sanglot. Putain pourquoi ça fait si mal ?

Mon coeur bat à tout rompre, je peine à respirer correctement, je sais plus quoi faire, quoi dire, quoi penser. Tout se mélange dans ma tête, c’est le bordel, j’arrive pas à trouver les mots, j’ai l’impression que quoi que je dise ou que je fasse, ça ne pourra qu’être pire. Pourtant je suis là, pourtant j’essaie. Parce que je m’en voudrais de rester là les bras ballants sans rien avoir pu faire. Joan est dos à moi, je lui parle mais elle ne se retourne pas. Mon coeur se serre davantage. « J’en sais rien. J’imagine que je n'ai pas d’autres choix que de te croire. De toute façon ça change rien. » Je serre les dents, j’encaisse ses mots, ma connerie. Je m’en veux terriblement et je sais que j’ai tout foiré, que je ne pourrai jamais réussir à réparer cette erreur monumentale. « Y’avait rien du tout, n’est-ce pas ? Juste des moments… Et je le savais. Comme avec les autres. Comme avec Janis. » Je secoue la tête et cette fois, je me fais violence, la contournant pour voir son visage. Ses joues mouillées me font mal, et malgré la boule dans la gorge, je tente de bredouiller quelque chose. « Joan non ! C’était pas rien je… non, ne crois pas ça… » J’aimerai lui dire que c’est plutôt ce qui me lie à Janis qui n’a pas réellement d’importance, parce que ce que j’ai vécu avec Joan, c’était vrai, c’était puissant, et Janis ne lui arrivera jamais à la cheville à ce propos. « Tu… t’avais choisis sa soirée. Alors je pense que tu devrais aller la passer avec elle. » Je secoue encore la tête en guise de début de réponse. « Mais non je… » Elle ne me laisse pas le temps de finir qu’elle reprend la parole. « Laisse moi Tawny... » Je déglutis avec difficulté quand je l’entends sangloter. Je refuse de partir sans lui dire ce que j’ai sur le coeur, ou en surface en tout cas. « J’ai pas choisi sa soirée, elle m’a simplement invitée en premier. » Putain ta gueule Tawny. Ça sert à rien. Je soupire et hoche finalement la tête, en choisissant de partir comme elle me le demande. Mais une fois à la porte, en l’entendant pleurer, je rebrousse chemin. « T’as le droit de m’en vouloir, je m’en veux aussi de toute manière, on sera jamais trop de deux. Mais y’a une chose que tu dois savoir. Ce que j’ai vécu avec toi je l’ai jamais vécu avec personne avant. Et si j’ai continué à voir d’autres filles, à… coucher avec d’autres filles… » autant mettre les mots sur les choses. « … c’est parce que j’ai eu peur, parce que j’ai flippé de voir se développer tes sentiments, autant que les miens. » Oh bordel, et voilà, c’est dit. « J’voulais juste pas te faire mal et regarde ! Regarde dans quel état tu es maintenant à cause de moi. J’ai pas mérité un centième, un millième de ce que tu m’as donné Joan. Mais je t’ai jamais menti, j’ai jamais joué, j’ai jamais prétendu être quelqu’un d’autre. J’étais juste moi, j’étais vraie, avec toi plus qu’avec n’importe qui d’autre. Que tu le crois ou non. »

Je le sais, Tawny ne m’a jamais rien promis, je ne lui ai même jamais demandé de le faire. Parce que ce que nous avons partagé n’avait pas besoin de mots pour être défini, nous l’avons vécu et maintenant c’est terminé. C’est douloureux, je m’en doutais que ça le serait, mais pas autant… pas au point d’avoir l’impression que l’on m’écrase totalement, de suffoquer et de perdre toute perspective d’espoir, de ne ressentir qu’un vide immense. La douleur et la tristesse étreignent ma poitrine, je ne peux retenir mes larmes bien longtemps et les balbutiements de la brune n’aident pas. Elle est devant moi, mais la regarder est au dessus de mes forces. Ce n’était pas rien ? Non sans doute pas, je le sais dans le fond je l’ai ressenti et c’est bien là le pire, parce que j’ai chercher à me convaincre du contraire, depuis le début. J’étais lucide, autant qu’un cœur amoureux peut l’être, c’est fini alors je peux les admettre maintenant, ces foutus sentiments. Ils ne font pas le poids face à Janis, à son bonheur, cette mine radieuse qu’elle affichait en embrassant Tawny. J’en ai la nausée. Elle avait choisi d’aller à sa soirée, qu’elle le fasse. Je veux qu’elle sorte, être seule et pouvoir pleurer toutes les larmes de mon corps si besoin. J’ignore si ça me lavera de la douleur, mais je ne peux de toute façon pas les retenir, pas si je veux pouvoir faire semblant durant le reste de la soirée. La réponse de la brune me fait relever les yeux vers elle « Donc c’est ça… une question d’ordre. » soufflé-je, plus blessée par cet aveu que je ne le voudrais. Finalement elle se décide à sortir, j’ignore si la voir s’éloigner vers la porte me soulage ou me fait encore plus mal. L’ancienne militaire s’arrête alors qu’elle était sur le point de partir, elle renonce et fait demi-tour sous mon regard embué de larmes. Mon cœur se remet à battre plus vite dès ses premiers mots. J’ai toujours su reconnaître lorsqu’elle était sincère, même si j’en viens à douter ce soir, je me raccroche à ça, sans savoir si c’est pour le mieux ou le pire. Ses aveux me bouleversent, l’entendre mettre enfin des mots sur tout ça… bien que ce soit trop tard puisque tout est gâché. Ses sentiments… les miens… tout se mélange dans ma tête, je suis totalement perdue « Je savais que y’avait d’autres filles… je me suis pas faite d’illusions. Mais c’est différent de savoir et de voir… surtout quand… quand c’est de ma sœur jumelle dont il s’agit ! ». Je fais un pas vers elle, mon regard planté dans le sien « Pourquoi tu me dis tout ça Tawny ? » mes mains tremblent ma voix est brisée « Pour que ça fasse encore plus mal ? Que je puisse bien regarder en face ce qui se termine, ce que j’aurais jamais ? » je secoue la tête « Tu pense pas que j’ai mon mot à dire sur ce que tu mérite que je t’ai donné ou non ? Tu t’es jamais posée la question de savoir pourquoi j’étais comme ça avec toi… pourquoi toi et personne d’autre… » je l’ai vu être vraie, et c’est en partie pour ça que j’ai craquer sans même m’en apercevoir. Me convainquant qu’elle était peut-être juste une étape, un révélateur… mais ça a toujours été tellement plus. Dans mon désespoir je la pousse, elle n’a même probablement pas bougé « T’as pensé qu’à toi. ».

Je peux clairement pas partir comme ça, pas maintenant, sans lui avoir dit ce que j’avais sur le coeur, ce que je ne lui ai jamais dit et que je n’ai jamais dit à personne avant aujourd’hui. Ça me semble important qu’elle soit au courant. A vrai dire, je ne prends plus le temps de réfléchir, de choisir mes mots pour éviter de m’engager dans quoi que ce soit. De toute manière il est trop tard, et je sais que mes mots, même s’ils ont un impact sur elle, ne suffiront pas à rattraper la situation. C’est terminé, je l’ai perdue. Sans doute pour toujours. « Je savais que y’avait d’autres filles… je me suis pas fait d’illusions. Mais c’est différent de savoir et de voir… surtout quand… quand c’est de ma sœur jumelle dont il s’agit ! » Je souffle un peu en l’entendant le dire, parce que ça rend les choses plus réelles. Fait chier. « Pourquoi tu me dis tout ça Tawny ? » Elle s’approche et je ne bouge pas, je sens pourtant l’amertume dans sa voix, je ne l’avais encore jamais vue comme ça et ça me fait mal de savoir que j’en suis la cause. « Pour que ça fasse encore plus mal ? Que je puisse bien regarder en face ce qui se termine, ce que j’aurais jamais ? » Je secoue un peu la tête, parce que non, je disais pas ça pour ça, surtout pas. Parce que j’ai pas envie que ça se termine moi, même si j’ai bien conscience que j’espère beaucoup trop. J’aimerai tant revenir en arrière, et ne pas venir à cette putain de soirée d’anniversaire. « Tu pense pas que j’ai mon mot à dire sur ce que tu mérite que je t’ai donné ou non ? Tu t’es jamais posée la question de savoir pourquoi j’étais comme ça avec toi… pourquoi toi et personne d’autre… » Je comprends pas ce qu’elle veut dire, j’essaie de comprendre, de me repasser ses mots, ses actions, mais rien ne vient. Je pensais juste que tout ça était naturel, mais elle semble dire que c’était simplement plus profond que ce que je voulais bien le dire ou l’imaginer. « T’as pensé qu’à toi. » lâche-t-elle finalement en même temps que sa colère, me poussant en même temps qu’elle hausse la voix. « Joan arrête ! » Je m’empare de ses poignets et plonge mon regard dans le sien alors qu’elle pleure encore. « Tu sais que c’est pas vrai, j’ai essayé de te protéger et de me protéger aussi parce que j’ai flippé. J’ai été conne, je sais, je suis désolée. » Je sais très bien que ça ne suffira pourtant pas. « Joan… » Ma voix s’est rabaissée et je desserre mon emprise sur ses poignets, m’approchant d’elle pour la prendre dans mes bras. Je m’attends à tout instant à ce qu’elle me repousse, je l’aurai bien mérité de toute manière.

Tawny a mal choisit son moment pour me dire tout ça. Je la sens sincère et ça me tue d’entendre ses aveux alors même que tout est gâché et qu’aucun retour en arrière me semble possible. Elle pense sans doute bien faire mais ne fait que remuer le couteau dans la plaie, et piquée par ce pic de douleur je réagis. J’essaye de comprendre, est-ce que ça fait partie du plan de me faire souffrir ? Pour que j’arrête totalement d’espérer ? Encore un truc pour m’aider ? A l’écouter tout part de bons sentiments, mais pourquoi j’ai si mal alors ? Et n’aurais-je jamais mon mot à dire ? Je la questionne, l’invective même sur ce prétendu mérite qu’elle n’aurait pas… mais n’est-ce pas à moi de décider de tout ça. On était deux, non ? J’ai la sensation d’avoir été oublié dans l’équation, comme si j’étais incapable de penser par moi-même. Joan la petite chose fragile qu’il faut protéger, de tout et surtout de ses propres sentiments. La douleur se transforme en colère, je pousse la brune, la traitant d’égoïste car à cet instant c’est ce qu’elle est à mes yeux. Sa voix se hausse à son tour, elle veut que j’arrête. D’avoir mal ? Ça me semble impossible, et ma colère va de paire avec la douleur. Elle se saisit de mes poignets, m’empêchant toute récidive de geste d’énervement. Même de ça elle m’en prive, bien que je sache qu’il n’y a pas de solution à trouver dans cette direction. Tawny argumente à nouveau, répète qu’elle est désolée. J’aimerai que ça suffise, mais j’étouffe sous le poids de cette situation dont la seule issue est le renoncement. J’entends ses mots, sa voix a encore du pouvoir sur moi, son contact également, tout ne va pas s’effacer en un claquement de doigt. Pourtant comme j’aimerais que ça soit le cas, là maintenant. Elle lâche mes poignets, se rapproche, je ferme les yeux soupire puis les rouvre « Me protéger de qui Tawny ? De toi ? » je secoue la tête « Mais j’avais pas besoin que tu me protèges, et surtout pas comme ça. » je me laisse aller dans ses bras, c’est plus fort que moi, paradoxalement c’est encore là que je me sens le mieux « Pourquoi tu te persuade que tu vas faire le mal ? C’est parce que tu en es convaincue que les choses finissent par merder. » mes bras se referment sur elle « Je peux pas oublier ce que j’ai vu. Même si j’aimerai avoir jamais rien vu, rien su… » je soupire « Maintenant c’est trop tard. » ma gorge se serre à nouveau « Je peux pas lui enlever ça. » soufflé-je « Et elle… est bien mieux pour toi. » parce que Janis a ce même tempérament aventurier, le talent pour la musiquer tant de choses qu’elles partagent déjà et il m’a fallu un seul aperçu pour comprendre combien ma sœur y tient. Je dépose un baiser sur sa joue, un point final à tout ça, puis recule évitant son regard. Je n’ai pas l’énergie nécessaire pour m’y confronter, pas maintenant « Je… je ne veux plus te voir Tawny. » pas parce que je la déteste, au contraire, mais parce que ça serait beaucoup trop difficile à endurer. Voilà, je sais maintenant ce que ça fait d’avoir le cœur brisé… elle restera à jamais la gardienne de mes premières fois.

Je suis étonnée qu’elle me laisse approcher, entourer mes bras autour de ce corps que j’ai tant de fois apprécié toucher, regarder, caresser, aimé tout simplement. « Me protéger de qui Tawny ? De toi ? » sans doute oui. De qui d’autre sinon moi ? De quoi d’autre ? Je suis le seule danger dans toute cette histoire, et j’en ai conscience. « Mais j’avais pas besoin que tu me protèges, et surtout pas comme ça. » Une boule dans la gorge, je ne réponds rien, je me contente simplement de respirer l’odeur de ses cheveux, de sa peau, comme si c’était la dernière fois, en sachant sans doute que cette chance ne me serait plus offerte à l’avenir. « Pourquoi tu te persuade que tu vas faire le mal ? C’est parce que tu en es convaincue que les choses finissent par merder. » Je soupire un peu, la gardant tout contre moi. « Parce que ça a toujours été le cas, j’ai jamais été foutue de faire les choses correctement sans que ça foire au bout d’un moment. » J’ai jamais trop eu de chance, peut-être qu’il faudrait que je pense à aller voir un marabout ou je sais pas quoi. Mais clairement, ce soir, ça se vérifie, une fois encore. « Je peux pas oublier ce que j’ai vu. Même si j’aimerai avoir jamais rien vu, rien su… Maintenant c’est trop tard. » Je serre les mâchoires. Je comprends. Parce que Joan a beau être la personne la plus gentille que je connaisse, elle ne pourra jamais oublié ce genre d’information. J’ai couché avec elle, et avec sa soeur jumelle, sans savoir qu’elles avaient un lien de parenté. Jamais je n’aurai pu faire consciemment une chose pareille, et non, je ne suis pas tordue au point de vouloir me taper des jumelles. « Je peux pas lui enlever ça. Et elle… est bien mieux pour toi. » Je fronce les sourcils et me recule juste un peu pour pouvoir plonger mon regard dans le sien. « Pourquoi tu dis ça ? » Je vois pas pourquoi Janis serait plus appropriée pour moi, et puis toute manière peu importe, mon coeur a choisi depuis longtemps lui. Mais ça, ça ne suffira pas. Comme à chaque fois que je le laisse parler pour moi de toute manière. Joan dépose un baiser sur ma joue et se recule de notre étreinte, froissant mon coeur davantage. « Je… je ne veux plus te voir Tawny. » Je secoue la tête, cherchant son regard qu’elle ne veut définitivement plus me donner. « Tu peux pas dire ça… Birdy… » J’essaie de m’avancer vers elle mais à son geste de recul je comprends que je ne dois pas insister davantage. Je coeur lourd, la gorge nouée, je me contente de hocher la tête, dans le vide, sans savoir pourquoi, comme pour encaisser la douleur, la peine, la déception de ma propre personne. « Si j’ai pas réussi pour toi, je réussirai pour personne. » Ça veut pas dire grand chose dit comme ça, mais moi je me comprends Joan aurait été la fille parfaite pour m’aider à passer au dessus de mes peurs de l’engagement. « Mais merci. En tout cas. De m’avoir permis de vivre ça avec toi. C’était… Je… Putain. » J’arrive même plus à parler, les mots restent coincés dans ma gorge, j’ai envie de pleurer mais cette putain de fierté m’en empêche. « Je suis désolée. » C’est tout ce que je trouve à dire avant de faire demi-tour et me barrer de cette pièce, de cet endroit. J’aimerai changer de ville, de pays, de vie. Tout simplement. Bordel pourquoi ça fait aussi mal ?