Perhaps fuck off might be too kind • Ollie

Je jette un coup d'oeil à ma montre, comme d'habitude, je suis encore à l'hôpital et en retard. Je fais sortir le dernier patient et ses parents par la porte de derrière. Ce n'est pas réellement une sortie en fait, enfin si, c'est une issue de secours. Ce petit garçon n'est pas comme n'importe autre enfant que j'ai pu soigner. Il est sans papier, comme toute sa famille. Il faut donc que je prenne des précautions. Je ne suis pas censé leur autoriser de prendre rendez-vous, mais le môme a une distension des ligaments qui lui cause des chutes régulières. Sans mon intervention, son état ne va cesser d'empirer. Je ne parle pas des risques auquel il est exposé du fait de ses chutes : fractures, commotion cérébrales... Ce n'est pas sans conséquence pour moi de le prendre en charge, je risque mon droit d'exercer. Pourtant, je suis bien décidée à aller jusqu'au bout et à l'opérer. J'ai réussi à réunir assez de personnes de confiance pour reformer un bloc digne de ce nom, infirmiers, anesthésistes et même un autre chirurgien pour me seconder. Bref, dans peu de temps c'est le grand jour et je dois avouer que je suis un peu stressée. Pas par l'opération en elle-même, j'ai fait ça des dizaines et des dizaines de fois, j'assure, je crains seulement les retombées si on nous surprend.

Pas le temps de rester là à cogiter. J'ai un rendez-vous ce soir... Oui vous avez bien entendu, moi, Ollie Marks a rencard. Avec un homme que je connais pas... Comment cette aberration a pu se produire vous demandez-vous ? Et bien lors d'une soirée entre amis, Meghan et Reese ont cru bon d'informer un de nos partenaires de poker (oui on aime bien jouer de temps en temps) que je n'étais pas du style à sortir sérieusement avec quelqu'un. De fil en aiguille le gars m'a dit qu'il fallait absolument que je rencontre son pote, qu'il allait me faire changer de position sur les relations amoureuses... Rien que ça, hein ? Bon il était complètement bourré et ne parlait plus très bien mais, c'était l'idée qui en ressortait. Je ne sais plus trop comment exactement mais je me suis vue accepter son offre. Sans doute ai-je perdu un pari ? À moins que c'est été un défi ? Entendez-moi bien, le gars à l'air plutôt mignon, je suis sûr qu'il est très gentil mais ce n'est juste pas mon truc. Je ne suis pas du genre à faire confiance facilement, surtout pas aux hommes. Je préfère me limiter au sexe, sans attaches, sans soucis.

J'ai beau avoir envie de rentrer chez moi me cacher sous la couette, je suis là, à la porte du bar. J'y pénètre en me dirigeant automatiquement vers le bar. J'ai besoin d'un verre, pronto. Le barman me reconnait et me sert un gin tonic en déclarant d'un ton détaché "Comme d'habitude pour la demoiselle". Je commence à croire que je viens un peu trop souvent. Perturbée par cette pensée, la voix qui émane de derrière moi me fait sursauter :

-Salut, tu dois être Ollie ? Je suis Paxton, enchanté.

Et c'est parti. Pitié que je ne tombe pas sur tarée. Je n'ai pas envie de ça ce soir. Ce soir ou jamais d'ailleurs. Me retournant pour lui faire face, j'inspecte l'homme avec qui je vais passer la soirée. Fidèle à la photo que j'ai vue de lui, il m'adresse un sourire gêné. Gêné ? Pourquoi est-il embarrassé ? Il est beau c'est incontestable, les hommes bien faits de leur personne ne sont pas nerveux à l'idée de rencontrer une femme, ils ont trop l'habitude de plaire... À moins que ce soit le côté arrangé du rendez-vous qui le stresse ? Ce qui serait plutôt normal. Te prends pas trop la tête Ollie, il peut être juste intimidé par la situation. J'essaie de me résonner tant bien que mal. Je pense toujours beaucoup trop, c'est épuisant à force. Il faut toujours que je comprenne tout, pour avoir le contrôle. Je décide de me laisser un peu aller, je suis coincée là de toute manière, autant essayé de s'amuser. Je lui tends la main pour lui la serrer, réflexe professionnel.

-Oui c'est bien ça. Ravie. On va essayer de passer une bonne soirée.

Excès de franchise, ça m'arrive parfois. À vrai dire tout le temps. Je suis plutôt du genre nature peinture. Quelques fois on me dit même que je suis trop directe, pourtant, je préfère à la franchise à l'hypocrisie, je trouve ça logique. Mais l'illogisme est une véritable religion pour certaines personnes. Quoi qu'il en soit Paxton prend place à côté de moi. Il semble un peu dans les nuages ce qui me laisse perplexe. Moi qui d'habitude cernent tout le monde au premier regard, j'ai bien du mal à analyser ce gars là. Je dois avouer que ça pique ma curiosité.

-Alors comme ça tu es chirurgienne en ortho ? Ça doit être prenant comme boulot ! A chaque fois que je regarde Grey's Anatomy ça me donne envie de devenir chirurgien mais je pense que j'aurai jamais eu le courage...

C'est un peu bateau mais, ça montre qu'il essaie de s'intéresser à moi. Un bon point. Enfin ça peut l'être. J'adore parler de mon métier pourtant, il faut que j'essaie de me limiter sur le sujet, je pourrais en parler pendant des heures. Je me contente donc de répondre :

-Ouais à l'hôpital de Wellington. C'est sûr que c'est assez prenant je ne te le cache pas mais, quand tu es passionnée parce que tu fais, tu ne ressens pas la difficulté ou tu t'en fiches. Je bosse sur un cas super compliqué pour des raisons un peu... spéciales, pourtant, je n'ai jamais autant apprécié mon métier.

Ce serait con de le perdre maintenant. Et surtout vraiment ironique. Le barman me ressert la même chose, ayant remarqué mon verre vide. Putain je viens vraiment trop souvent. Je lui lance un petit sourire avant de reconcentrer sur l'homme avec qui je discute. C'est bien beau de parler de moi mais, ça ne va pas m'aider à le connaître davantage. Ni à essayer de comprendre ce petit rien qui m'intrigue dans sa façon de se comporter, de se tenir, de réagir. C'est ce pourquoi je décide de lui retourner la question :

-Et toi, tu fais quoi dans la vie ? Je suis désolée, je suis un peu surmenée en ce moment, je n'ai pas imprimé ce que ton ami m'a dit.

Je sais très bien qu'il est interprète, c'est un test. Je tiens à voir si sa réponse va être plutôt développé à en mourir - du genre je ne m'intéresse qu'à moi - ou plutôt fuyante - du genre j'ai quelque chose à cacher. Je sais bien que ma manière de voir les choses peut paraître cynique mais, je dirais plutôt que c'est pragmatique. Pour continuer tout de même sur un sujet plus léger, histoire de ne pas trop se la jouer interrogatoire officielle, je décide de le taquiner un peu :

-Alors... c'est toujours tes potes qui organisent tes rendez-vous ?

Je ponctue ma réplique d'un petit rire. C'est vrai que cette pratique des rencards arrangés, bien trop courante à mon goût, est plutôt étrange. Il est possible que le courant passe mais, il y a quand même peu de chance. Les trois quarts du temps, la soirée est gênante et extrêmement longue. Il me tarde de savoir s'il a un peu de réparti. Ainsi, je hausse un sourcil interrogateur en attendant sa réponse.

Quand il me demande si j'ai toujours voulu faire ce métier, je plisse les yeux, pas certaine de connaître la réponse. Jeune, je veillais à garder de bonnes notes mais, c'était plus pour m'assurer de pouvoir aller à Harvard, très très loin de ma famille. Je suppose que je n'ai jamais rien voulu faire d'autres que médecin cela dit. Comme que je n'ai eu que deux grands but dans ma vie - m'en aller et devenir chirurgien - je suppose que la réponse est oui, en quelque sorte. Je dois avouer que c'est la première que j'y réfléchis vraiment. Reste maintenant à savoir ce que je vais lui répondre. Je ne suis pas du genre à me confier au premier venu mais, je ne suis pas non plus du type à mentir, sauf exception. Une réponse évasive semble la meilleure option.

-Disons que quand j'étais jeune, j'avais d'autres priorités mais, quand j'ai pu découvrir la médecine, j'ai adoré. C'est vraiment le seul métier que je me vois faire.

Mes yeux se voilent quand tout me revient en mémoire. C'est étrange quand je repense à ma vie d'avant, j'ai l'impression qu'elle n'est pas mienne. Je me demande encore comment j'ai pu survivre à un environnement aussi étouffant. Enfin ma grand-mère (qui avait ma garde) était étouffante, mon père et ma mère se sont montrés être tout l'inverse. Une mère qui se barre un an après avoir donné naissance et un père qui refile sa fille à sa maman, il y a mieux comme départ dans la vie. J'ai fait du chemin depuis ce temps-là. Quelque part c'est réconfortant de se dire qu'on a avancé.  Je m'apprête à prendre une gorgée du verre que le barman venait tout juste de m'apporter quand je remarque une grimace de la part de mon interlocuteur. Me jugerait-il ? Je veux dire, je n'en suis qu'à mon deuxième verre, certes en peu de temps, mais tout de même. Quoique je ne suis pas sûr que ce soit du jugement, je décèle plutôt de la répulsion, mêlée à de la crainte ? Aurait-il un soucis avec l'alcool ? Aller dans un bar me semble une bien mauvaise si c'est le cas, à moins qu'il considère cette soirée comme une sorte de test. Je me vois mal lui poser la question, même si j'en ai très envie. En tant que médecin cette interrogation me trotte dans la tête, je ne voudrais pas lui causer du soucis, je le serais moi-même si c'est le cas. Je sais que quelques fois, je peux paraître un peu insensible cependant, jamais pour ce genre de choses. C'est pour ça que, quand le gentil barman passe devant moi, je l'interpelle en lui prenant le bras.

-Je pourrais avoir un petit cocktail à base de jus de fruit plutôt ? J'ai été de garde la nuit dernière, je suis crevée, l'alcool commence à me monter à la tête, un peu de vitamine ne me ferait pas de mal.

Un pieu mensonge ne peut pas faire de mal. Ce n'est même pas totalement un mensonge d'ailleurs. J'ai bien été de garde et je suis réellement un peu fatiguée. Pourtant, je vois le barman me lancer un regard étrange, il finit cependant par s'exécuter. La dernière chose que je veux, c'est mettre Paxton mal à l'aise, du moins pas avec ça. J'ai eu un ami à la fac qui avait un sérieux problème avec l'alcool, il ne s'en est pas remis. Mon petit côté analyste refait surface quand il parle de son métier. Il prend d'ailleurs un air moins ouvert, plus renfrogné, pourquoi ?

-Je suis interprète de conférences, je m'occupe surtout du français et de l'allemand. C'est pas aussi prenant que chirurgien mais je m'adapte.

Des langues européennes, il faut de tout dans ce métier mais, il est vrai que beaucoup choisissent au moins d'apprendre une langue comme le mandarin ou l'espagnol, comme elles sont pluri-nationales. Je me demande s'il a un intérêt particulier pour l'Europe ou s'il y est déjà allé. J'ai visité Paris, une fois, avec une amie. C'était génial. D'ailleurs peut-être même a-t-il des origines européennes qui sait ? Oui vous l'avez tous compris, je pars loin, je suppose que je suis trop curieuse ou que je pense simplement trop. Pour ce qui est de la suite de sa réponse, elle m'informe qu'il n'est pas passionné par son métier ou du moins pas totalement. Il s'adapte, ce sont ses propres termes. Définitivement intéressée par le sujet, je demande :

-Oh des langues européennes ! Une passion pour ce continent, la culture peut-être ?

Le barman revient avec ma boisson, je m'en saisis et joue avec l'ombrelle décorant le verre en la faisant tournoyer.

-Tu avais d'autres ambitions appart ce métier ? Pour être honnête tu ne sembles pas tant l'apprécier que ça.

Je vous l'ai dit, je suis franche, je ne prends pas de gant généralement. Je trouve ça tout de même déroutant qu'il semble moins disposé à parler de lui que de moi, souvent ça cache quelque et je n'aime pas ça. Je me fais peut-être des idées mais, je me trompe rarement. Et puis ce n'est pas comme si n'importe magasine de psychologie ne vous direz pas la même chose, trop secret égal problème à l'horizon.

Étant plus à l'aise sur les sujets... disons plus légers, je suis moins sur la défensive quand je le taquine. Ce terrain, je le connais par coeur, je pourrais décrire chaque virage, chaque pierre sur le chemin. Comme je le dis toujours, quand on garde les choses casuals, tout est beaucoup plus simple. Sa réponse s'avère forte intéressante.

-Généralement je ne passe pas par la case rendez-vous...

Je hausse un sourcil. Et bien ça c'est de l'honnêteté, j'apprécie. Je sens peut-être une touche de provocation dans l'intonation de sa voix, comme si ses propos contenaient des sous-entendus. J'aime bien. Il faudrait être une idiote pour ne pas comprendre ce qu'il veut dire par là. Je souris en coin, ça m'apparaît comme une révélation :

-Je commence à comprendre pourquoi on nous a arrangé ce rendez-vous...

Ce gars ne fait que coucher, cette fille aussi, mettons-les ensemble ! J'imagine que c'est ce qu'à du se dire mon cher ami qui nous a organisé cette petite soirée. Le raisonnement est un peu simplet pourtant, pas complètement idiot. Je ne dis pas que ça me déplaît cela dit, je préfère encore ça à un idiot qui m'écrirait un poème au bout du second rendez-vous. Si le flirt était un jeu, Paxton en connaîtrait les règles puisqu'ils me retournent la question tel un joueur avéré. Est-ce que j'accepte souvent de rencontrer des inconnus ? Comme ça, certainement pas mais, il m'arrive de passer la soirée avec des hommes dont je ne connais même pas le nom. J'avoue que c'est plutôt mal vu, mais je m'assume comme je suis. Je n'aime pas les relations sérieuses, c'est comme ça. Pour répondre à sa question, je m'approche quelque peu, comme si j'allais lui dévoiler un secret :

-J'ai le goût du risque. Qui sait, je pourrais être surprise ?

Une manière subtile de lui dire que je n'ai pas l'habitude ce genre de pratique. Je pense qu'il l'avait déjà compris quand j'ai insinué qu'on nous avait arrangé ce rendez-vous car, justement on n'était pas du style à en avoir. J'ai insisté sur le mot surprise. J'ai dit que je n'étais pas à l'aise à l'idée de rencontrer un inconnu pas à l'idée de flirter avec. S'il est du genre à s'amuser sans pression, cette soirée pourrait se terminer d'une tout autre manière de celle que j'avais envisagé. Il y a pourtant toujours ce je-ne-sais-quoi qui m'intrigue chez lui et que je voudrais percer avant tout autre chose.

Grillée. C'était prévisible, entre ma demande de changement boisson soudaine et le regard du barman, il avait fort à parier que Paxton comprenne pourquoi j'avais fait ça. Je promets avoir eu les meilleures intentions du monde, seulement voilà, quand on a l'habitude d'être franche en toute occasion, il s'avère dure de mentir. Du moins dure d'être convaincante. C'est un mal pour un bien, je suis assez surprise de voir qu'il me répond honnêtement. J'apprécie, je sais que ce n'est pas facile de parler de ce genre de chose. Il aurait très bien pu ne pas relever, au contraire, il me dit que ça ne lui pose pas de problème. Je préfère me contenter d'affirmer que ça ne peut pas me faire mal de ralentir un peu la cadence. Avant hier, avec mon amie Reese on a tellement bu que me réveiller le lendemain à quatre heures du matin s'est avérer une tâche bien difficile. Je crois bien que je m'étais endormie sur le sol d'ailleurs... Glorieux hein ? Pis je m'étais bien dit qu'il était question d'y aller doucement ce soir donc bon. En plus de ça, je dois avouer que ce cocktail est plutôt bon en fait, très rafraîchissant.

La conversation suit son cours quand à son travail. Je bois ses paroles pour être honnête, il a quelque chose qui me fascine tout autant qui me titille chez lui. J'ai beau essayer de trouver le sens caché de ses paroles, celui qui pourra m'aider à lui coller une étiquette, je n'y arrive pas. C'est stressant je vous jure, ça va finir par me faire péter un plomb. Il est bien originaire d'Europe, j'avais juste à ce propos, c'est déjà ça. Mais, pour ce qui est du reste, j'ai toujours l'impression qu'il y a quelque chose d'autre, un truc bien enfouit qu'il me cacherait. Ou qu'il cacherait peut-être à tous le monde ? Je ne sais pas, en tout cas ça ne me rassure pas sur son cas. Voilà pourquoi je ne pourrais jamais avoir une vraie relation amoureuse avec quelqu'un, tout le monde dissimule toujours tellement de choses. Il suffit de prendre exemple sur ma famille. Ce qui me sidère, c'est qu'on puisse préférer se bercer d'illusion, croire au grand amour, quitte à délibérément fermer les yeux, plutôt qu'admettre la vérité. On nait seul et on meurt seul, point finale. Je pourrais partir maintenant, décidant que tout ceci est vain et sans intérêt, ce serait la chose la plus logique à faire pourtant, ma curiosité l'emporte. Je ne peux m'empêcher de vouloir en savoir plus. Ce qui est étrange, c'est que l'agacement que je ressens à l'idée ne pas le cerner, crée chez moi, un vif intérêt que je n'avais pas ressentie depuis longtemps. Du moins pas pour une personne en particulier. Que ce soit homme ou femme d'ailleurs, il est vrai qu'en ce moment je me désintéresse beaucoup des gens, peut-être sans doute ai-je trop été déçue pour m'en soucier ?

Si je daigne espérer en savoir plus, il faut que je change de tactique, jouer aux jeux des dix questions ne sert à rien. Et ça finirait par me rendre folle. Il semble trop malin pour dévoiler quelque chose qu'il ne veut pas de cette manière. De toute façon, si on y réfléchit, on apprend vraiment à connaître quelqu'un en ayant un véritables échanges avec, ce n'est pas comme un test : question, réponse, note. Quelque part c'est ça qui est drôle. Je l'aurais fait depuis le début si je n'étais pas si méfiante. Je le fais bien avec les gars avec qui je couche alors pourquoi pas lui ? Peut-être parce que lui tu risques de le recroiser, rien que de part votre ami commun, me dit une petite voix dans ma tête. Vous savez cette petite voix qui vous empêche de lâcher prise ? Qui rationalise tout ? Et bien, moi, je peux vous dire qu'elle est vachement présente, elle me rappelle à l'odre à chaque fois. Pourtant cette fois je décide de ne pas l'écouter (enfin je vais essayer). Ce n'est pas si différent des coups d'un soir que j'ai finalement, ce n'est pas parce qu'on est aller boire un coup que je vais tomber éperdument amoureuse de lui, je ne pense même être capable d'éprouver ce sentiment pour qui ce soit. Certes, je risque de le recroiser mais, tout comme je risque de recroiser le gars de l'autre soir à l'épicerie du coin ou bien même à l'hôpital. Et ça aussi c'est logique. 1 point pour Ollie 0 pour la petite voix agaçante.

Un petit jeu de provocation mutuel s'est instauré entre nous. Il est beaucoup plus facile de comprendre ce qu'il veut dire maintenant. Comme quoi. J'ai beau savoir que ce n'est pas ça qui va me permettre de le cerner, je ne peux pas calmer le jeu. Il faut absolument que j'ai le dernier mot, c'est un autre de mes défauts. Les reparties traversent mes lèvres sans même que je m'en rendent compte bien souvent. Quand il se penche vers moi pour lui aussi susurrer à mon oreille, je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire.

-Tu ne sais même pas à quel point tu pourrais être surprise.

Je pourrais être vraiment surprise hein ? Et bien, il va falloir me le prouver. Il existe tellement de gens qui ont une grande bouche mais rien derrière que c'est fatiguant. J'espère réellement qu'il n'est pas de cela. Je prends un air perplexe sur-joué, avant de sourire en coin et de rétorquer :

-Oui mais, tu vois, je suis une femme de science. Je ne crois que ce que je vois... Il va falloir me montrer en quoi je pourrais être si surprise.

Quand je pense que dix minutes auparavant j'envisageais de partir, on en est bien loin maintenant. Je dois avouer que je ne pense même plus à toutes les zones d'ombres qui entoure ce garçon. Pour l'instant du moins. Je sais pertinemment qu'à un moment ou à un autre, ça va resurgir, que je vais vouloir le comprendre. Ainsi, je me contente de soutenir son regard .

-Alors monsieur Hastings, en quoi êtes vous tellement surprenant ?

Je prononce cette phrase lentement, détachant bien les mots les uns des autres pour leur donner plus d'importance. Après avoir bu une gorgée de mon cocktail, je passe la langue sur le contour de ma bouche de façon ostentatoire, afin d'essuyer mes lèvres mouillées.

L'atmosphère est complètement différente maintenant. J'ai l'impression que, lui autant que moi, sommes moins sur la défensive. Je me surprends à passer un bon début de soirée. Ça fait du bien de sortir, je ne le fais plus autant que je voudrais depuis que le chef de service d'orthopédie est parti à la retraite. Je me retrouve à devoir faire bien trop souvent le double de mes horaires. Sans parler de la paperasse, je n'ai jamais autant passer de temps à remplir des formulaires. Tout ça pour dire que c'est assez agréable de passer une soirée dehors sans se demander si devrait plutôt poser un plâtre ou plutôt une résine. Ainsi donc, j'essaie de sortir de ma tête tout pensée relative au travail pour profiter du moment.

Je le suie du regard quand je le vois se tourner sur son tabouret. Il me fait maintenant face, l'espace qui nous sépare s'est considérablement diminué. Cette nouvelle proximité fait courir une gerbe d'étincelles sur ma peau. Je baisse les yeux vers sa main qui me rapproche plus encore encore de lui. Sans m'en rendre compte, je cesse de respirer quelques secondes, ne pouvant m'empêcher de me demander ce qui arrivera par la suite. Je le fixe intensément comme si j'essayais d'analyser les traits de son visage. Ses yeux marrons, sa barbe naissante, son air enjôleur. Je relève quelque peu la tête quand il se rapproche pour déposer une traînée de baiser sur mon cou, remontant toujours de plus en plus haut. Je ferme les yeux comme pour mieux apprécier la sensation. J'ouvre un oeil quand je sens son souffle tout près de ma bouche. Je fais l'erreur de regarder ses lèvres, qui appellent au baiser. J'essaie pourtant d'ignorer ce que mon corps réclame, me rappelant toutes les zones d'ombres qui entoure la vie de cet homme mais, c'est plus fort que moi, je ne peux pas me résigner à mettre un terme à tout ça. Surtout pas quand je l'entends prononcer ces mots :

-Imagine ce qui pourrait se passer si tu acceptais de rentrer avec moi...

C'en est trop pour mon sel-contrôle. Chaque personne à un talon d'Achille, et bien moi, c'est le sexe, je ne peux pas m'en passer, c'est comme une drogue. Les paroles de Paxton m'extirpent une sorte de gémissement d'approbation. Oh, j'imagine, j'imagine même beaucoup de chose. Je me vois le dos arc-bouté, les mains agrippants les draps, gémissant de plaisir. L'assurance de Paxton frôle la rébellion, il sourit d'un air satisfait. Je m'apprête à parler mais les mots meurent sur mes lèvres quand il replace une mèche de cheveux derrière mon oreille. Reprenant mes esprits et mon assurance habituelle, je lui lance un sourire lascif. Je romps le peu d'espace qu'il reste entre entre nous pour déposer, sur ses lèvres, un léger baiser, suggestif au possible, que je fais trainer à peine plus longtemps que prévu, avec une lenteur calculée. Quand je m'éloigne, je mordille ma lèvre inférieur, le regard, brulant, rivé sur lui, je réponds le plus naturellement du monde :

-Je pense que tu as eu ta réponse.

Satisfaite de la tournure que prend les évènements, j'attends avec une impatience non dissimulée la suite.