LOTERIE RP #5 ∞ Tu touches à ce gâteau, je te scalpe ! ∞ Emily & Ollie

Signer l'autorisation de sortie de Madame Burden, penser à demander une nouvelle blouse (si possible sans tâche de vomi), m'occuper des trois visites que je n'ai pas encore eu le temps de faire, appeler Monsieur Johns pour fixer une date pour le rendez-vous pré-op... et ? J'oublie un truc j'en suis sûr ! Allez, allez, autorisation, pré-op, visites, blouse et... et... bordel ! Je viens tout juste de reprendre le boulot ce matin et il y a déjà tellement à faire que je ne sais plus où donner de la tête. Ça me change de ma journée shopping avec Jill' hier. Comme si ce n'était pas assez, un infirmier me prévient qu'un accident de voiture a eu lieu dans les parages il y a peu de temps. Ce qui veut dire de nouveaux patients puisque je m'occupe de beaucoup de trauma... Cette journée ne va jamais finir, je suis là depuis six heures du matin... Il est dix-sept heures, si je me débrouille bien et que l'accident est sans gravité, je pourrais être sortie à l'heure. Je peux tout gérer sans problème et terminer à temps. Je ne tiens pas à manquer une soirée de plus avec mes copines, Meghan me fait la tête depuis la dernière fois. J'ai pourtant bien tenté de venir mais, une fracture ouverte causant une énorme hémorragie ça ne se prévoie pas. J'ai beau essayer de concilier vie privée et vie professionnelle, ce n'est pas toujours si simple. Mon métier est ma passion, je veux avancer dans ma carrière, ce n'est quand même pas trop demander ? J'admets que c'est un job prenant mais que puis-je y faire ? Des vies sont en jeux. Je ne peux pas dire : "Plus tard ! Ce soir j'ai prévu un ciné, t'arrêtes de te vider de ton sang pendant trois heures et tout est bon".

Il est maintenant plus de minuit. Oui... plus de minuit, le pire c'est que je ne suis même pas de garde. Je ne devrais même pas travailler autant d'heures d'affilés. Je comptais finir à dix-neuf heures mais c'était sans compter sur l'accident de voiture qui a causé des dommages à plus de cinq voitures et pratiquement tous ses passagers. Cinq putains de bagnoles ! Je n'ai même eu le temps de prévenir les filles, je n'ose pas regarder mon téléphone, je dois être inondée de messages... Je suis épuisée mais, côté positif, j'ai réussi à faire tout ce que je voulais. Enfin presque, il y a toujours ce truc qui m'est sortie de la tête, je n'ai toujours pas trouvé ce que c'est. Mon cou me fait mal et j'ai faim. Je n'ai rien préparé comme je ne pensais pas être là ce soir et les cochonneries qu'il y a dans le distributeur ne me disent absolument rien... C'est là que je m'en souviens, c'est comme une illumination, une interne a préparé un gâteau ce matin, je ne sais plus trop pourquoi exactement mais, il avait l'air délicieux. Il ne me faut pas longtemps pour me diriger vers la salle de repos, là où mon saint-graal m'attends. Quand j'entre dans la pièce, je le vois posé, là, sur la table, bien en évidence, il m'appelle. Pour vous ce n'est peut-être qu'une part de gâteau cependant, pour une chirurgienne qui n'a rien mangé de la journée, c'est une véritable bénédiction ! Le docteur Montgomery semble penser de même, je la vois fixer le plateau avec envie.

Malgré ma fatigue écrasante je remarque l'incohérence. Une part de gâteau, deux personnes qui lorgnent dessus... Oh, une part de gâteau, deux personnes qui lorgnent dessus..? Non, non, qu'elle n'y pense même pas cette garce, c'est mon gâteau. Je regarde simultanément la pâtisserie et le docteur je-suis-chiante-au-possible. Si elle veut la guerre, elle l'aura, je ne sortirai pas de cette pièce sans mon gâteau dans le ventre. Et j'ai bien dit mon gâteau. Je ne l'apprécie pas beaucoup c'est ce pourquoi, la fatigue et la frustration aidant, les mots sortent tout seul :

-Si tu crois que toi, tu vas arriver à avoir ce gâteau avant moi, je te jure, tu te mets le doigt dans l'oeil.

Je la fixe désormais intensément. Je suis on ne peut plus sérieuse, je veux ce gâteau ! Et je l'aurais, peu m'importe que je doive l'assommer au passage. Bon peut-être pas l'assumer... mais vous avez compris l'idée...

On m'a qualifié de beaucoup de choses dans la vie mais certainement pas de gentille. Ce n'est clairement pas avec Emily que je vais le devenir, surtout pas dans cette situation. Elle se décide à me provoquer ? Ce soir ? Oh, et bien, elle n'a pas fait le meilleur choix. Elle ne sait pas à quel point je peux être garce, mesquine. Quand on me cherche, on me trouve. J'ai essayé de la prévenir, de lui dire que cette nuit ce n'était pas vraiment le moment de me contredire. Pourtant, mademoiselle rapproche la part de gâteau d'elle. Elle croit quoi ? Que je vais lui dire "oh bah tu l'as pris près de toi, va-s'y prends-le" ? Non mais, je rêve. Le manque de sommeil combiné à ma mauvaise humeur me fait vriller. Je m'approche du gâteau et de ce fait de la blonde. Ainsi, je tire d'un coup ferme sur l'assiette contenant le gâteau pour le ramener à moi à mon tour. Pas de doute, à force de manipuler os et ligaments, le plat se trouve maintenant face à moi, éloigné d'Emily de quelques centimètres. Je hausse un sourcil, provocatrice à souhait, comme pour dire "moi aussi je sais le faire". Un sourire mauvais aux lèvres, je rétorque :

-Et bien je ferais ça. Je dirais même mieux...

Joignant le geste à la parole, je prends un micro-bout de gâteau avec mes doigts. Le but n'est pas de manger, même si j'en ai très envie, il est de lui prouver qu'elle ne m'aura pas si facilement, voilà pourquoi je prends une si petite part. À ce moment, je ne pense plus à ma faim ni à ma fatigue, je suis juste incroyablement énervée. Je porte le bout de gâteau à mes lèvres et le savoure bien que le fait qu'il soit minuscule me laisse un léger sentiment de frustration. Pourtant, je me force à ne pas en prendre une autre part. J'affiche un sourire satisfait et termine, un peu à la manière dont elle l'a fait quelques secondes auparavant, histoire d'être énervante au possible :

-Je ferais même ça.

Tu veux jouer ma belle ? On va jouer mais ne vient pas te plaindre si tu y perds des plumes.

Le partage : quelle notion intéressante. On dit souvent que le bonheur ne peut être que partagé par exemple. Ce qui est plus intéressant c'est qu'on dit, au contraire, que le malheur, lui, ne se prête pas. Alors autant qu'elle reste affamée toute seule. C'est ce qu'on dit après tout. Ne vous méprenez pas, je partage, ça m'arrive régulièrement même, mais, qu'avec des gens que j'apprécie. Je ne m'embête à faire preuve de fausse gentillesse avec les personnes que je ne supporte pas. J'appelle ça de l'honnêteté, tout simplement. C'est ce pourquoi je rétorque :

-Le parta... quoi ? T'as raison je connais pas ! Surtout pas quand sans rime avec aider une écervelée.

J'aurais pu dire blondasse mais j'ai un minimum de respect pour elle en tant que personne pour ne pas la rabaisser de la sorte. Elle est devenue médecin ça doit vouloir dire, qu'au demeurant, elle ne doit pas être si idiote, enfin j'imagine, j'espère surtout. Soudain, elle interrompt le file de mes pensées :

-Garde le ton gâteau. Finalement, j'ai changé d'avis.

Je hause un sourcil. Je suis presque déçue. C'est bien trop facile, c'est même pas drôle. Je trouve ça trop gros pour être vrai. Je veux dire je sais qu'elle a un manque de caractère assez exaspérant mais, quand même, je veux dire, il y a des limites à tout, non ?  

-Tu verrais ta tête ...

Je suis choquée (ironie), elle a mentit. Comme elle ment à ses patients quand elle tente de les rassurer en leur disant que tout va bien se passer alors qu'elle n'en sait strictement rien. Elle appelle ça de la gentillesse, j'appelle ça de la lâcheté. Comme elle se montre lâche en me mentant maintenant, au moins, moi, je suis franche. Je l'ai prévenu directement que je voulais ce gâteau. De nouveau, elle me démontre son manque d'originalité flagrante en me montrant une pâle copie de ce qui doit être mon imitation. Elle prend un bout de gâteau et le porte à ses lèvres. Je suis consternée, je ne sais même plus quoi dire, c'est comme si on avait trois ans et qu'elle venait de me dire "non c'est toi". Elle ne me laisse pas le temps de m'épancher plus sur ma réflexion puisqu'elle se met à courir. Non mais je rêve, de pire en pire. Je ne peux décemment pas la laisser s'en sortir ainsi. Je lui cours donc après dans les couloirs déserts de l'hôpital. Avant que j'ai le temps de réagir, nous tombons nez à nez avec madame Peterson, la sorcière de l'hôpital. Génial il ne manquait plus que ça. Tout est vraiment au poil !

-Dr Montgomery et  Marks, vous pouvez me dire pourquoi vous courez dans les couloirs ? Dois-je vous rappeler que nous sommes dans un hôpital et pas dans un hall de gare !!!

Elle se prend pour qui ? Pour notre mère peut-être ? Non mais je rêve, il faut vraiment que quelqu'un lui ferme son clapet. Je vois qu'Emily a eu le réflexe de cacher la part de gâteau derrière son dos, pour une fois qu'elle fait un truc intelligent, hourra ! Elle se tourne vers moi et grimace, je lui retourne sa mimique. C'est vraiment pas de bol. Vu l'état de nerf dans lequel je suis, je ne peux m'empêcher de rétorquer, ironique au possible :

-Vous savez, madame Petterson, on travaille beaucoup, alors, on n'a pas forcément le temps de faire de l'exercice. Du coup, quand les couloirs sont vides, on en profite pour faire un peu de jogging. C'est très logique.

Je lance un regard complice à Emily, je sais que ce n'était sans doute pas la chose la plus intelligente à dire. Pourtant, sur le moment ça me semble terriblement drôle, je me force même à ravaler un petit rire. Mettez ça sur le compte que de la fatigue, je continue :

-Je pense qu'elle et moi allons continuer notre chemin. Après tout, il faut minimum un quart d'heure de course par jour il parait. Donc... On va vous laisser... pour courir... n'est-ce pas docteur Montgomery ?

Je pouffe légèrement quand je vois la tête de surveillante. Je sais pertinemment qu'on ne va pas s'en sortir comme ça, que me ficher ouvertement d'ellede la sorte ne va servir qu'à l'énerver d'avantage. Que puis-je y faire, je suis comme ça ! Un énorme sourire au visage, je me rapproche d'Emily pour être côte à côté avec elle (enfin surtout pour être près du gâteau) et attend la suite qui promet de rester dans les annales.

Qu'est-ce qu'on complote toutes les deux : en voilà une bonne question. On se bat depuis trente minute pour une part de gâteau, rien de plus normal. Qui ne le fait pas ? J'ai adoré la voir froncé les sourcils lorsqu'elle a entendu ma réponse. Le jogging, c'était excellent, non ? Il faut avouer je suis une véritable emmerdeuse et encore plus avec les gens qui se croient effrayant. Je me rappelle de mes premières semaines dans cette hôpital, elle terrorisait tout le monde et a essayé de m'intimider à son tour. Vous vous en doutez, elle s'est heurté à un mur. Ça ne lui a pas vraiment fait plaisir, elle aime dire qu'elle me tient à l'oeil. Si elle veut, je ne fais rien de mal après tout. Appart courir comme une furie pour un gâteau. Le truc avec Madame Peterson, c'est que je ne lui rentre jamais dedans. Je préfère de loin enchaîner des petites pics, des répliques ridicules pour la faire enrager sans qu'elle ne puisse rien me reprocher. Je suis plutôt douée à ce petit jeu là. Le jackpot pour moi, c'est quand elle pince les lèvres, ça veut dire qu'elle est vraiment très irritée et moi ça me met en joie. Montgomery a l'air moins à l'aise que moi, j'ai l'impression qu'elle veut juste s'en aller au plus vite. Ça ne m'étonne pas, elle n'a pas assez de cran pour s'opposer vraiment aux gens, il suffit de voir ce qu'elle a fait avec moi. Pathétique je dirais. Mais bon, il en faut pour tous les goûts comme on dit.

Alors que blondinette essaie de convaincre l'infirmer nazi-en-chef (oui c'est son petit surnom) qui tout est normal, un aide soignant arrive en courant lui aussi. Je ne peux m'empêcher de pouffer quand la vieille femme fait un commentaire sur cela. On pourrait me qualifier d'insolente et j'en serais très fière. Apparement madame a une urgence à gérer, ce qui signifie qu'on va vite être libérées. Hourra. Quand je vois le jeune homme tout inquiet par les traits froids de Madame Peterson, je lui octroie un cli d'oeil compatissant. Je l'ai déjà croisé, je ne sais plus son nom mais, un jour, il m'a laissé le dernier paquet de chips qu'il y avait dans le distributeur. Il est serviable, lui. Il me répond pas un sourire.

L'obstétricienne et moi profitions de cet évènement pour nous éclipser en silence. Une fois à une distance correcte de la sorcière de l'hôpital (je pourrais lui donner des centaines de surnom), elle me demande d'un ton que je perçois comme méprisant :

-Une séance de jogging ? Tu as cru vraiment qu'elle allait te croire ?

C'est affligeant, en plus de n'avoir aucun humour, elle ne comprend pas le sarcasme. Manquerait plus que je doive lui en donner la définition. Ça ne m'étonnerait pas vraiment cela dit. Il faut s'attendre à tout quand il s'agit d'elle.

-L'ironie tu connais ou..? J'avais simplement envie de rigoler un peu. Je sais, ça doit être une notion complètement inconnue pour toi, le second degré. Tu devrais essayer de temps en temps, ça te ferait pas de mal.

J'agrémente ma petite pique d'un sourire mauvais. Bon, il es temps de régler cette histoire de gâteau une bonne fois pour toute. Je n'ai pas envie de jouer au chat et à la sourie toute la nuit. Par contre, ce que je veux, c'est ce gâteau.

-Bon ce n'est pas que je ne désire pas discuter avoir encore longtemps mais... Attends... en fait si je ne veux pas ! Bref, je te propose qu'on règle ce problème une bonne foie pour toute. Pourquoi pas un "papier caillou ciseaux" ? Je t'aurais bien dit un bras de fer, mais, il est évident que j'aurais gagné. Autant te laisser un minimum de chance que tu ne viennes pailler après pendant des mois sur ce sujet. En trois manches, celle qui gagne, gagne le gâteau.

Ma patiente a atteint ses limites, j'ai faim et j'en ai marre, je veux seulement manger un bout. Ce petit jeu ridicule mais bien utile pourra nous permettre de régler la situation. Alors pourquoi pas le tenter ?

Ainsi nous jouons à pierre feuille ciseau. La première manche est pour moi, la seconde est pour elle. Égalité, il va falloir se départager à la troisième et dernière manche. La tension est palpable, je trouverais ça sûrement ridicule demain, mais, ce soir je le prends très au sérieux. Les mains derrière le dos, nous nous fixons. Nous nous apprêtons à parler pour le "pierre feuille ciseau" d'usage mais un interne nous interrompt. Il arrive nonchalamment vers nous et s'écrit :

-Ha super il reste une part de gâteau !

En effet, pour pouvoir jouer correctement, nous avions posé l'assiette sur une table, table qui s'avère assez éloignée de nous. C'est ce pourquoi, l'interne, tout content, a l'occasion d'engouffrer la gâteau avant que nous pussions intervenir. NONNNNNNNN ! Ce n'est pas possible, pas tout ça pour ça ! Dites-moi qu'on ne vient pas de passer une heure à s'engueuler, à se courir après, à essayer d'échapper à la sorcière de l'hôpital juste pour qu'un autre bouffe ce stupide gâteau ! Comme un cynique rappelle de la situation mon ventre émet un gargouillis immonde. Il me tord presque le ventre. Je laisse tomber ma main d'un coup sec. Je regarde le jeune homme mâchouiller le bout de gâteau en émettant un gémissement de contentement. Blondinette à l'air aussi dépitée que moi. Son biper sonne et elle déclare :


-La DR m'appelle.

Sur ces bonnes paroles, elle s'en va, jettent un regard noir à l'interne qui ne semble pas comprendre la raison de cette hostilité, croyez-moi je vais lui faire comprendre. Et pas plus tard que tout de suite même.

-Alors toi, je te conseille de rester loin de moi. Crois moi, je te dis ça pour ton bien, je te vois, je t'émascules, compris ?

Je lui lance un regard mauvais lourd de sens. Il avale difficilement. Il semble me prendre au sérieux puisqu'il recule quelque peu. Quand je vois l'assiette vide dans ses mains j'ai des envies de meurtres.

-Qu'est-ce que tu attends, dégages !

Résignée à rester le ventre vide, je me contente de prendre un soda dans le frigo de la salle de repos avant de repartir vers les urgences pour terminer ma longue nuit.