A little too drunk ○ Jayden & Arielle

Ce soir-là mon quart de travail se passait plutôt bien, plusieurs habitués étaient venus faire leur tour et j’avais eu jusqu’à maintenant beaucoup de clients. J’étais heureuse, les affaires allaient bien et je me trouvais de plus en plus en contrôle de la situation. J’avais vu pendant quelques instants le rôle de proprio avec panique, je n’avais jamais fait ça de ma vie et je trouvais qu’il s’agissait d’une grande responsabilité. Lorsque je sus que Madame Moose m’avait mise sur le testament, ma première réaction était de tenter de le contrer, je ne pouvais y croire. Je ne comprenais pas pourquoi, je savais que cette dame n’avait pas une centaine d’amis, mais n’avait-elle pas de famille? Quelqu’un de responsable qui saurait comment bien reprendre les affaires? J’étais complètement déboussolée, la seule chose qu’elle m’avait laissée était une lettre, plutôt un mot et un bon montant. Elle y disait ; le Island Pub est à toi Arielle, fait en ce que tu en veux, mais surtout prend en soin. C’est à cause de ce fichu mot que je ne pus me résoudre à vendre à quelqu’un d’autre, j’y investis l’argent en achetant des écrans plats et en renouvelant l’équipement de cuisine et en revampant un peu le décor pour rendre l’ambiance meilleure et le bar un peu plus accueillant. Ce n’était pas parfait, mais je mentirais si je vous disais que je n’aime pas ça au final, gérer ce pub.

Alors que je nettoyais mon comptoir, je me dirigeais pour faire un verre de scotch sur glace à l’un de mes clients. C’était son troisième, il allait donc tirer sa révérence bientôt et aller se coucher. J’y était habituée, rare sont nos clients qui restent jusqu’à la fermeture, la plupart prennent deux ou trois verres et vont prendre un peu de sommeil pour être en forme pour leur journée de travail le lendemain et pour revenir ici par après. J’étais heureuse que l’on puisse se former une fidèle clientèle sans avoir des femmes à moitié nues ou des paris sur n’importe quel sport. C’était simple comme business, sans dire que l’argent coulait à flots, c’était assez pour nous tous. Je déposai le verre de scotch et c’est alors que je vis un homme passé la porte.

Assez grand, pas trop musclé, mais avec un visage d’ange, cet homme venait pour la première fois ici, je pouvais le remarqué à l’air qu’il faisait, il regardait un peu partout. Il scrutait l’endroit minutieusement, pour savoir s’il aimait vraiment l’endroit. Je lui fis un grand sourire.

« Bonsoir ! Bienvenue au Island Pub, faites comme chez vous. Il y a des supports dans le fond vers la droite pour votre manteau, puis après vous pouvez boire ce dont vous avez envie. Le premier verre est fourni par la maison pour les nouveaux clients. »

Fière de moi, je me dis qu’il était impossible de ne pas se sentir à l’aise avec une si belle invitation, j’espérais qu’il allait revenir souvent et être un bon client, c’était en fait ce que j’espérais de chaque nouveau client que je repêchais et rares étaient ceux qui ne revenaient plus jamais. Je ne dis pas qu’ils deviennent tous de la fidèle clientèle, mais au moins ils reviennent faire un tour une fois de temps à autre et ça nous fait bien plaisir.

Lorsque je vis le sourire le mon interlocuteur, je savais déjà que ma stratégie avait fonctionné. Avec un sourire satisfait, je l’entendis complimenter mon accueil et ça me confirma mon approche pour les nouveaux clients. En réalité, avant sa réaction, je n’étais pas certaine. Ça ne faisait pas très longtemps que j’accueillais les nouveaux clients. En fait, cette affirmation est fausse, mais ça ne fait pas longtemps que je le fais en tant que propriétaire du pub. C’était bien de pouvoir présenter le fruit de nos efforts de cette façon, ça donnait un nouveau regard sur mon travail. Pendant longtemps j’ai été à l’école pour devenir vétérinaire, mais ma petite pause me fait le plus grand bien. C’est la première fois de ma vie que je sens que mon existence n’est pas sur pause et que je fais un peu d’argent. Détrompez-vous, le Island Pub n’est pas une mine d’or, mais je vivais mieux depuis.  


« C’est gentil ! On ne me l’avait jamais fait remarquer. »


Toujours avec un grand sourire, je décidai de m’affairer à nettoyer le comptoir en attendant son retour, lorsqu’il partit porter son manteau. Aussi tôt revenu au même endroit, il me commanda un scotch après avoir balayé du regard le tableau sur lequel nous écrivons nos spéciaux et nos cocktails habituels, nos types de bières. J’étais plutôt fière d’avoir pris l’initiative d’installer ce tableau, avant nous avions environ 3 sortes de bières et à peine 5 types de cocktails, j’avais un peu revampé le  menu en y ajoutant beaucoup de créativité, il fallait dire que Nina, ma serveuse préférée m’avait bien aidée sur ce coup. Il me commanda un scotch sur glace, j’acquiesçai, le scotch avait par contre toujours été une spécialité au Island Pub, j’étais donc certaine de mon coup. Quelques secondes plus tard, avec le verre déjà à son destinataire, je pris quelques minutes pour aller porter une assiette à un client puisque la serveuse s’était absentée quelques instants puis je revins au bar, devant le jeune homme. Je l’entendis me demander si j’étais employée depuis longtemps puisque j’avais remarqué qu’il était nouveau dans le coin, je fus démasquée.


« Oh en fait, ça faisait environ deux ans avant que l’ancienne propriétaire, enfin, on n’a jamais vraiment su son prénom, mais tout le monde l’appelait Madame Moose, perdit la vie. Paix à son âme. Bref, elle avait un très petit entourage, cette dame n’était pas… Comment je dirais…  »


Je vis l’homme franchement intéressé par ce que je lui racontais et ça me rassurai, je parlais beaucoup je ne voulais pas embarquée dans sa tête comme ça, sans prévoir. Malgré que c’était lui qui avait amorcé la conversation, une partie de moi se demandait si c’était seulement pour être gentil, la même réaction que lorsque l’on demande à quelqu’un si ça va, mais au fond c’est une fausse question, on veut être sympa. J’en vins à la conclusion que si je finissais par l’énerver, il pourrait toujours finir son verre et partir, alors je poursuis mon histoire.


« Elle n’avait pas un grand cercle d’amis ou de proches je dirais… Madame Moose, étant bien malade depuis quelques temps, secrètement puisque ce n’était pas quelqu’un qui parlait beaucoup, m’avait mise sur son testament. Pourtant, je n’étais aucunement proche d’elle, mais j’imagine que je faisais du bon boulot et qu’elle a vu quelque chose de spécial en moi. Bref tout ça pour dire qu’elle m’a légué ce Pub, j’en suis bien heureuse au final. »

Je pris une courte expiration, ce petit discours résumait bien ma situation, mais j’avais beaucoup parlé d’un coup, j’espérais que ce n’était pas trop, mais en même temps, c’était vraiment la réponse. Je lui souris et me pris un verre d’eau, j’étais contente d’avoir quelqu’un avec qui discuter.