Je bossais ce soir-là, c’était assez achalandé, mais rien de bien différent qu’à l’habitude ces derniers temps. Le bar était plein à craqué constamment, je blâmais un peu ça sur l’incident qui nous était arrivé à Phoenix et moi, récemment. Le pub avait subi son premier hold-up, j’espérais que ce serait aussi son dernier. Je m’étais fait tirer dessus, la balle avait aussi touché Phoenix, mon grand ami et protecteur qui était la sécurité du pub à ce moment-là. Depuis, j’ai dû renforcer la sécurité, il y avait alors deux videurs au lieu d’un en tout temps. Je savais que ça ne changerait pas du tout au tout, puis même s’il y avait eu deux videurs aux moments de l’incident ça n’aurait pas été moins chaotique, Phoenix avait été parfait dans la gestion de l’incident puis par rapport à ma guérison. Ça faisait maintenant quelques semaines déjà, j’étais revenue au travail à peine une semaine plus tard, progressivement. Cependant, nous n’avions pas échappé aux médias qui s’étaient emparés de cette histoire comme de la prochaine histoire de Island Bay, la frénésie médiatique avait duré deux semaines, je commençais à avoir enfin la paix dans cette histoire. Drôlement, ça nous avait fait beaucoup de publicité, le bar étant un endroit habituellement peu prisé était plus populaire maintenant, malgré qu’il n’y avait plus aucune trace de l’incident, j’espérais au final que le pub gagne la confiance de tout le monde autrement qu’avec cet évènement marquant, j’étais tout de même heureuse qu’il n’ait pas créer un climat de peur. Cependant, j’avais encore de la difficulté à vivre avec les souvenirs et cette affreuse plaie près de ma hanche droite.
Je n’en avais parlé que très peu à mon entourage, même si plusieurs savaient et n’osaient pas m’en parler, ce genre d’histoires causant habituellement un choc post-traumatique. Je mentirais si je vous disais que je ne pense pas à consulter pour régler tout ça, mais j’avais envie de souffler un peu, d’avoir un peu de bonheur dans ma vie et que tout ne tourne pas autour de ça. C’était pour ça qu’à part Phoenix avec qui je partageais indéniablement cette histoire et ma blessure, je n’en avais parlé à personne. Même pas à ma meilleure amie, puis ça semblait d’ailleurs bien tomber puisque ces temps si, nous avions pris de la distance. Pas nécessairement par choix, mais la vie étant ce qu’elle est nous avions moins de temps. Jules allait à l’école intensément, ce que je comprenais très bien, j’avais longtemps été dans le même bateau et honnêtement ça me faisait encore bizarre de ne plus l’être, j’avais eu le nez dans mes livres pendant des années. Ça me faisait du bien de me retrouver en quelque sorte, de donner de mon temps au boulot et d’avoir plus de temps pour moi-même. Je pouvais comprendre qu’elle n’ait pas eu le temps de me voir et de prendre de mes nouvelles, j’avais souvent loupé des moments importants avec mes copines parce que les études me prenaient trop la tête. Puis ça m’arrangeait pour être franche, le fait qu’elle n’eut pas trop le temps de vérifier l’actualité, je savais qu’elle le prendrait comme quelque chose de très grave, ce l’était, mais je ne pouvais gérer ça pour le moment, je n’étais pas encore prête. J’avais envie de faire un peu comme si de rien n’était puisque cette histoire était la chose principale de ma vie depuis quelque temps déjà et j’en avais vraiment marre. Je ne me souvenais plus la dernière fois que j’avais eu du plaisir, pas seulement un petit sourire, mais une vraie soirée mémorable, des fous rires et des histoires folles. J’avais besoin de positivité, j’avais besoin de Jules, mais sans cette foutue histoire.
J’étais heureuse de recevoir un texto de sa part, mais une partie de moi avait peur qu’elle l’eût appris, mais qu’elle n’ose pas m’en parler. Je n’avais jamais rien caché à Jules, je ne voulais pas commencer maintenant, je ne voulais encore moins cultiver un malaise. C’était un terrain inconnu entre nous, les grands drames. Malgré tout, je n’étais pas sa meilleure amie pour rien, c’était dans le meilleur ou le pire et j’apprendrai. J’étais prête à tout surmonter avec elle, je savais que ça viendrait un jour, j’espérais seulement que ce ne serait pas ce soir, j’avais besoin d’autre chose. De sa bonne humeur, de sa personnalité rayonnante. Je sortis de mes pensées et envoyai un texto à une barmaid pour me remplacer pour le reste de la soirée, elle m’avait justement demandé d’avantages d’heures et puisqu’une de mes serveuses avait eu de la mortalité dans sa famille, j’avais bossée vraiment dur malgré ma réhabilitation, je méritais une soirée à moi.
La barmaid est arrivée puis à peine quelques minutes plus tard je vis Jules assis sur un tabouret. Son sourire ne mentait pas, elle était dans l’ignorance totale de ma situation, sinon j’aurais perçu une once d’incertitude. Ça m’arrangeait totalement, un poids s’enleva de mes épaules. Je souris comme une gamine à qui on venait d’offrir un vélo, j’écoutai à peine ce qu’elle me dit que je me laissai prendre dans ses bras, j’en avais tellement eu de besoin, je me sentais plus légère. Parfois les petits moments de joie comme ceux-ci vous compensent du mal dans votre vie, c’était l’un de ces moments.
« J’ai réussi à avoir ma soirée juste pour toi ! »Je lui fis un clin d’œil et riais légèrement. Je vis un peu de culpabilité dans sa voix lorsqu’elle disait qu’elle avait été absente, je lui fis rapidement un regard rassurant, tout ce cirque ne servait à rien puisqu’au contraire, j’aimais mieux ça. Enfin, à mon habitude je l’aurais un peu réprimandé puisque je m’ennuie souvent de ma meilleure amie, mais cette fois c’était différent.
«Ne t’en fais pas, je sais ce que c’est les études, elles te mangent tout cru. »J’haussai les épaules puis sourit.
« Puis comme tu vois, on a beaucoup de gens ces temps si au pub, j’ai aussi été beaucoup occupée alors ça arrive. Je crois que l’important est de reprendre là où nous étions, c’est beaucoup plus amusant! »Je riais, j’avais l’esprit libre plus que jamais, je croyais que ce sentiment était presque mort en moi depuis que l’on m’avait menacé avec une arme, j’étais sur le chemin de comprendre que la vie en générale ne devrait pas faire peur. Je lui lançai un regard plein d’amour et de confiance, j’avais envie qu’on passe une super soirée.
« Alors je te sers quoi blondinette? C’est de la part de la maison ce soir. »J’avais bien l’intention de prendre une bonne bière pour commencer.
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