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Tandis qu’elle marche au hasard dans les rues d’Island Bay, la différence entre les différentes régions où elle a vécu jusqu’ici frappe Vesper. Des vastes plaines du Texas à une petite ville côtière qui ne paye pas de mine en passant par le cœur de Los Angeles et les collines de San Francisco. Une chose est sûre, c’est que la blonde aime changer de décor. Ou en tout cas que ça ne lui pose pas problème. Même si dans le fond, tous ses endroits ont un point commun non négligeable : il y fait relativement doux toute l’année. Si elle devait fuir encore une fois, peut-être que ça vaudrait la peine de tenter un coin où il fait frais. Pourquoi pas la Suède, tiens ? Ou le Canada ? Est-ce qu’elle survivrait à une température très en dessous de zéro et aux hivers longs et rigoureux ? Rien n’est moins sûr et elle commence à en avoir un peu sa claque de fuir sans arrêt mais la texane se console en se disant qu’au moins, elle ne dénoterait pas avec sa chevelure blonde et ses yeux bleus. Ça reste donc une option tout ce qu’il y a d’envisageable.

Mais soit, ce n’est pas en réfléchissant à une éventuelle fuite à peine arrivée quelque part que les choses s’arrangeraient. Autant voir les choses du bon côté, à savoir qu’elle aurait pu tomber bien plus mal que la Nouvelle Zélande qui, jusqu’ici en tout cas, lui plaît pas mal. Surtout le fait que ce soit l’été alors qu’une vague de froid venait de traverser tous les Etats-Unis. Bien sûr, Vesper a l’habitude de voyager un peu partout dans le monde, grâce à son métier mais ce genre de petits détails ne cessent de l’émerveiller. Au détour d’une ruelle, elle tombe sur un de ces cafés qui proposent des boissons complexes et aromatisées pour essayer de concurrencer Starbucks, bref ça tombe à pic parce que le soleil cogne fort aujourd’hui. Elle entre, se met dans la file d’attente car elle n’est visiblement pas la seule à avoir eu cette idée. Comme à son habitude ses yeux se posent sur les gens qui se trouvent là sans réellement les voir. Jusqu’à ce qu’un visage parmi tant d’autres finisse par capter son attention. C’est plutôt rare qu’elle croise des visages familiers de ce côté de l’équateur. On peut même dire que ça n’arrive jamais en dehors de Rafael. Ça ne peut être un hasard et c’est pour cette raison qu’elle se dirige droit sur le jeune homme.

« Ça alors, Newt ! »

Elle se rappelle son nom parce que c’est le même que l’autour du livre sur les bestioles magiques dans Harry Potter. On pourrait croire qu’Harry Potter ce n’est pas vraiment de son âge et ce n’est pas qu’elle est fan mais elle lu les livres et vu les films. Une façon de se cultiver comme une autre. Et si elle se rappelle du jeune homme c’est parce qu’ils avaient sympathiser il y a quelque temps déjà, dans un tout autre pays. Dans tous les cas, ça lui fait plaisir de le voir.

« T’es en vacances ici ? »

C’est une explication plus que probable mais sait-on jamais.

Si Vesper était du genre à croire aux coïncidences, alors ça en serait une fameuse de recroiser Newt ici. Mais elle n’est pas de ce genre. Au contraire, elle est persuadée que rien n’arrive par hasard et que si elle retrouve le jeune homme ici, c’est qu’il est voué à faire partie de son cercle de connaissances. Peut-être pour une broutille, comme de faciliter son emménagement dans un pays qu’elle ne connaît pas le moins du monde et qu’elle a pratiquement choisi en faisant tourner une mappemonde et en fermant les yeux pour l’arrêter avec l’index. Dans tous les cas, c’est une chance qu’il se souvienne d’elle. Si elle avait gardé son véritable nom alors il y a de fortes chances pour que personne ne se souvienne d’elle. Des Jamie Walker, il doit y en avoir à la pelle, par chez elle, alors que des Vesper Vane, il n’y en a qu’une. On ne fait pas son métier dans l’espoir de devenir célèbre un jour ou l’autre, ça, c’est certain. Bref, il l’embrasse ensuite sur les joues, un truc qu’on ramène toujours d’Europe et qui peut surprendre de prime abord mais la blonde est habituée à ce genre de marque d’affection et elle trouve ça un peu mignon. Puis il lui apprend que c’est sa terre natale.

« Ah oui ? C’est fou, ça. Dans le genre globe-trotter, tu te poses là, toi aussi. »

C’est vrai, la dernière fois qu’ils s’étaient vu c’était très loin de la Nouvelle-Zélande. C’est chouette, les personnes qui aiment voyager sont forcément des personnes intelligentes, voilà ce qu’elle pense. Newt lui retourne alors aussitôt la question et c’est à ce moment-là que la texane se rend compte qu’elle n’a prévu aucun baratin à servir aux personnes qui lui posent cette question mais qu’elle ne peut pas non plus leur dire de but en blanc qu’elle fuit le gourou d’une secte où elle est restée pendant environ dix ans et que, de ce fait, hors de question de retourner au Texas où réside toute sa famille. Du coup, il a fallu partir loin. Non, c’est un peu trop bizarre pour toute personne à peu près normale et ce qu’elle soit très ouverte d’esprit ou non. Alors elle répond comme si de rien n’était :

« Oh, j’avais envie de changer un peu d’air. Hollywood c’est étouffant à force. Et ici, je peux continuer à exercer mon métier à la cool. »

Car les contrats se font beaucoup plus rares qu’à Hollywood, ça aussi, c’est certain. Cela dit ça lui convient parfaitement, il était grand temps qu’elle freine un peu à son âge. Elle suit alors le regard du jeune homme qui ne cesse de dévier vers un autre coin du café et aperçoit une petite fille. Ses yeux se reposent alors sur Newt. Qui a un peu l’air d’avoir douze ans, sans vouloir offenser qui que ce soit. Mais on ne sait jamais, elle pose tout de même la question.

« C’est pas ta fille, quand même ? »

Bon, c’est sûr, tout le monde ne prend pas son temps comme elle et ça n’a rien d’impossible au fond. Quoi qu’il en soit, elle adresse un petit signe de la main accompagné d’un beau sourire à la petite qui vient de relever la tête pour les regarder.

Ah la France. Vesper a eu l’occasion de s’y rendre à plusieurs reprises. Notamment pour le festival mais pas que. Bien que ça soit toujours lié au travail et pas vraiment pour le plaisir, c’est un pays qui lui a plu. Mais non, elle ne va pas se ridiculiser à essayer de baragouiner quelque chose en français avec un accent très approximatif comme les autres qui se croient toujours forcés de le faire. Tout ça pour dire qu’effectivement, c’est un coup de pot qu’ils se croisent ici. Et comment, même. En vérité, elle n’aurait jamais cru tomber sur un visage familier par ici. C’est d’ailleurs bien pour cette raison qu’elle a choisit cette destination. Or c’est déjà la deuxième personne qu’elle reconnaît. Mais bon, pas de danger. Logiquement, elle a mis assez de kilomètres entre elle et la personne qu’elle essaye de fuir pour que ça ne soit pas un problème. Bref, la texane hoche vivement la tête, le sourire le plus radieux du monde étirant ses lèvres. Puis Newt la questionne sur la durée de son séjour. Et c’est d’ailleurs une excellente question ; elle n’a aucune idée de combien de temps elle va rester mais à la façon dont c’est formulé, elle peut tout de même tenter une réponse.

« En théorie, oui. J’ai une petite maison sur North Bay. Alors si un jour tu t’ennuies au point d’avoir envie de rendre visite à une vieille amie, faut pas hésiter. »

Minuscule, oui, mais ça ne l’empêchait pas de pouvoir recevoir des invités, fort heureusement. Au pire, quand le temps le permet, elle installe tout le monde sur la terrasse qui donne sur le jardin. Le premier endroit qu’elle a cru bon d’aménager bien que ça soit stupide. Comme si elle allait dormir dans le potager…

Puis ils abordent ensuite le sujet de la mignonne demoiselle qui l’attend sagement quelques tables plus loin. Avec ce qui semble être une pointe de mal être, il lui répond que c’est sa fille adoptive. Bon, c’est la même chose alors. Ça pourrait elle aussi la mettre mal à l’aise parce que Newt est jeune, elle non et que ça ne fait que lui rappeler que le temps passe mais en fait non car Vesper a fait des choix tout en étant pleinement consciente des sacrifices qu’ils entraînaient. Et puis surtout, elle se disait que si ça devait se faire, alors ça se ferait. Bref, ils récupèrent leur commande et migrent vers la table occupée par la petite fille. Qui lui fait un petit signe avant de se cacher contre Newt. La blonde lui rend alors gaiement son salut songeant qu’elle regrette un peu l’époque où la plus âgée de ses nièces avait cet âge.

« Hello beauté ! Tu sais que t’es vraiment chou, toi ? On en mangerait, comme de ce gâteau. »

Sa phrase tombe pile au moment où Newt lui tend la part de ce fameux gâteau et elle sourit aussi. Puis elle balaye de la main l’excuse du jeune homme.

« T’inquiètes pas, je connais bien ça. Une de mes nièces avait cette habitude elle aussi. »

Puis elle reprend.

« Ça alors, j’arrive pas à croire que tu sois papa. C’est vraiment chouette. »

Ça la fait sourire d’entendre Newt dire qu’il a bien l’intention de venir squatter chez elle de temps à autre. Il sera toujours le bienvenu, ça lui ferait sûrement beaucoup de bien de resserrer les liens avec quelqu’un qu’elle connaît déjà, ça lui permettra de se sentir moins seule ou perdue ou les deux. Et puis, et ça ce n’est pas négligeable, ça fera sûrement jaser les voisins de voir un petit jeune homme traîner chez elle. En y repensant, ça doit bien faire des années qu’elle n’a plus eu de voisins, la seule et unique fois remontant à l’époque où elle habitait à Los Angeles, d’ailleurs. Et si elle doit avoir une réputation auprès d’eux, ça ne la dérange pas le moins du monde d’avoir celle de la hippie un peu cougar sur les bords. Parce qu’il n’en serait rien, évidemment. Bref, c’est ainsi qu’elle apprend que pour l’instant, il ne peut pas lui retourner l’invitation et ça la surprend un brin alors elle demande :

« Ah bon ? Du coup t’es retourné chez tes parents ? »

Voilà bien quelque chose qui lui paraît compliqué une fois qu’on a quitté le nid. Pourtant, juste après son départ précipité de San Francisco, c’est une option qu’elle a envisagée. Mais tout d’abord, ça lui paraissait trop risqué pour la sécurité de sa famille et puis ensuite, ma, granny et Angie se feraient toutes trois un plaisir de critiquer ses choix à grands coups de « on te l’avait dit » et ça, Vesper n’était pas sûre de pouvoir le supporter dans l’éventualité où ça durerait trop longtemps.

Bref, ils vont s’asseoir près de la petite à qui la blonde s’adresse mais Newt lui explique alors qu’elle est sourde et que si elle ne répond pas, c’est parce qu’elle n’a pas vu ses lèvres bouger. Pauvre amour. Ça lui paraît toujours injuste alors que la plupart des gens qui vivent sans un de leur sens s’en sortent très bien et ne veulent pas de sa pitié. Mais bon, on ne se refait pas. Puis le jeune homme l’informe des circonstances tragiques qui ont fait qu’il est aujourd’hui papa alors que personne, et sûrement pas lui, ne s’y attendait. Un accident de voiture. Y a pas à dire, ça gâche la vie de tout le monde et elle est bien contente de ne pas se servir d’un de ces engins en dehors de son travail.

« C’est affreux. La petite était dans l’accident ? »

Peut-être que c’est ce qui avait causé sa surdité à moins qu’elle ne le soit de naissance, ce qui, aussi horrible que ça puisse paraître est souvent mieux.

« Dans tous les cas, elle a au moins la chance de t’avoir. »