once upon a time ► ellie

— danger? Hah! I walk on the wild side
I laugh in the face of danger; février 2015

Trois mois — trois mois, douze jours et environ dix heures qu’Ellie a perdu sa maman adoptive ; inconsciemment, elle a traversé les cinq étapes de la peine. D’abord le déni où la perte de celle qui représentait tout son monde était inenvisageable, à peine imaginable ou supposé possible dans l’esprit de cette jeune fille de tout juste dix-huit ans ; maman est immortel, maman ne peut pas mourir, tu comprends. Et puis, quand la colère envers elle-même et le reste du monde s’est légèrement adoucie, elle a négocié, supplié, imploré tous les cieux de lui ramener sa maman pour un jour ou deux. Mais les cieux et tout l’univers n’ont rien pu faire pour combler ce manque permanent dans son cœur. Alors, elle a abandonné et Noël s’est écoulé devant ses yeux brûlant de chagrin sans qu’elle ne le réalise. Elle aurait voulu emballer sa peur et sa rancœur, emballé tout ce qui l'effrayait. Elle a tout abandonné et un matin de février, elle a accepté — ou du moins, a esquissé un geste d’acceptation, un début de pardon envers ce monde qu’elle juge trop cruel. C’est mal fait, c’est si mal fait ; incapable de contrôler son chagrin, Ellie se sent parfois trahie par son propre corps, par ses angoisses qui la saisissent la nuit sans qu’elle ne l’ait anticipé, par ses larmes qui s’échappent de ses yeux au regard éteint et si fané. — Ellie ? ; la voix de son père résonne dans la cabine du ciné-parc, la sortant immédiatement de ses pensées sombres. — Hum ? — traduction sonnante d’un tu disais ? j’ai rien écouté. Son père, aminci depuis la perte de sa femme et dont la tristesse peut encore se lire sur son visage, regarde longuement sa fille, assise dans le canapé, avant de lui répéter ses propos. — Il y a un gamin qui aurait perdu son doudou dans les gradins, tu peux aller jeter un coup d’œil ? ; elle lève les yeux au ciel mais quitte cependant son canapé (sa place fétiche) pour s’approcher de son père. — Ok, ça sera ma BA de l’année. A quoi il ressemble ? (elle semble le faire à contrecœur mais ce n'est pas vraiment le cas ; elle s'est engagée à aider au ciné-parc et elle n'est pas du genre à ne pas tenir ses promesses) ; son père esquisse un sourire, lui décrit rapidement l’objet perdu — une peluche d’un lion ressemblant fortement à Simba dans Le Roi Lion — et reprend son téléphone portable (Ellie n’avait même pas remarqué qu’il était en ligne, très certainement avec la maman du petit garçon) — Ma fille va vérifier dans les gradins s’il n’y est pas. Je vous tiens au courant— ; il adresse un pouce en l’air à Ellie qui s’éclipse de la pièce après lui avoir répliqué un clin d’œil. En toute honnêteté, Ellie a toujours été plus fusionnelle avec sa mère mais au décès de cette dernière, sa relation légèrement plus distance avec son père s’est lentement vue se changer ; un mélange de soutien dans la peine et d’envie de ne perdre aucun moment de complicité. Arrivée devant les gradins, elle lâche un léger soupir ; il y a déjà plusieurs personnes avant la projection du film de la soirée. Où peut bien être ce doudou ? Elle pose ses mains sur ses hanches, réfléchissant rapidement, et finit par rejoindre les hauts du gradin, tout en laissant glisser son regard entre les bancs, à la recherche d’une trace orange dans cet ensemble gris — rien, nada ; erk, ça va être plus tendu que prévu. Claquant sa langue contre son palais, elle s’apprête à redescendre mais note la présence d’une inconnue au téléphone, assise contre le muret et qui s’apprête à raccrocher. — Eh, t’aurais pas vu un Simba miniature sous forme de peluche, par hasard ? — ça serait top.

@nina baranovski