Premier pas vers la vérité - Ft. Emma

Depuis plus d’un mois, je n’avais pas vu Poppy. En réalité, rien ne nous poussait à le faire. Quoi ? Sous prétexte que nous avions partagé une nuit ensemble, il fallait que nous nous revoyons ? Non. En réalité, dans ma tête, c’était plutôt l’opposé qui se passait. Plus je passais du temps loin d’elle, mieux je me portais. Enfin ça, c’est ce que je croyais. J’ignore pourquoi, mais un beau matin je me suis levée avec l’envie de lui parler, de la voir. Notre histoire va sûrement faire annuler mon mariage et comme une idiote, je cherche à rétablir le contact. Pour cela, sur un coup de tête, je lui ai envoyé un message. Plutôt deux, le deuxième cherchant à faire oublier le premier. Je ne pensais pas avoir de réponse et pourtant.. Surprise, mais heureuse, j’ai continué à faire la discussion, jusqu’au sujet tabou. Jusqu’à cette grossesse et ce test de paternité. Au départ, je ne pensais pas le faire. Mais j’ai compris que vouloir rester dans l’ignorance mettait la jeune femme dans le même panier que moi et elle, elle n’a rien demandé. Ce que Poppy voudrait savoir, c’est si j’attends un enfant de Charles ou pas. Ce que je comprends parfaitement. Même si au fond de moi, si c’est bien lui le père, alors ça va changer quelque chose. Quoi qu’il en soit, le rendez-vous est pris et je ne peux plus faire marche-arrière désormais. Le soir même, je commande un kit sur internet, afin de pouvoir faire le test de paternité chez moi. Je ne suis pas la plus connue en ville, mais une personne suffit pour que des rumeurs, ou des vérités ici, soient lancées. Alors ce test, nous le ferons ici, dans l’espoir qu’il fonctionne correctement et que nous ayons une réponse.
Le jour J est, enfin, arrivé. Une fois mon boulot terminé, je rentre sans faire de pause. C'est inutile. J'ai tout ce qu'il faut pour ce soir à la maison. De quoi boire, grignoter un peu et tout ce qu'il faut pour faire le fameux test. Afin d'avoir les affaires de Milo, comme sa brosse à dent par exemple, j'ai dû défaire quelques cartons à toute vitesse pour les retrouver. Avec le boulot, j'avais oublié ce détail, qu'on en aurait besoin. Alors je ne me suis pas dépêchée à ranger nos affaires. Mais ce soir, nous allons en avoir besoin et au lieu d'imposer mes recherches à Poppy, j'ai préféré les faire en rentrant du boulot. Après ça, j'ai filé sous la douche et je me suis changée. J'ai passé de longues minutes devant mon miroir pour trouver la tenue parfaite. C'est une simple soirée et pourtant, je me prends la tête pour que tout soit parfait. J'ignore ce qui me pousse à faire cela, mais je n'arrive pas à m'y opposer. Cette femme m'attire et je suis impuissante face à cela. Je vais pourtant devoir m'y obliger, j'ai un mariage et une famille à sauver. Après un certain moment passé à l'étage, à m'habiller et à me préparer, je redescends et file tout droit à la cuisine. Mon invitée devrait bientôt arriver, alors la moindre des choses seraient de préparer un peu. Je sors deux verres sur la table et glisse dans le four des amuses-bouches surgelés. Ce n'est pas le grand luxe, mais avec mon boulot, le bébé et le déménagement, je n'ai pas vraiment le temps de faire de grandes choses à manger. Que ce soit pour ce soir ou pour un autre soir.
Plus l'heure de rendez-vous approche et plus je regarde ma montre. Les secondes semblent se transformer en heure et doucement, je perds espoir de la voir venir. C'est fou. Je ne devrais pas tenir autant au fait qu'elle vienne ici. Mais les souvenirs que j'ai d'elle ne suffise plus, j'ai besoin de l'avoir face à moi. Alors que je commence à perdre patience, on sonne à la porte et à ma plus grande surprise, je remarque que l'heure n'est dépassée que de quelques minutes. Il faut croire que j'avais perdu la notion de temps. « Hey ! Désolée du retard, j'étais sortie prendre quelques photos et je n'ai pas vraiment vu le temps passer... Eeet bref, désolée... » Un léger sourire se dessine sur mes lèvres, alors que j'ouvre un peu plus la porte pour la laisser passer. « Ne t'excuses pas, il n'y a aucun soucis. Entre, je t'en prie. » Elle ne vient que d'arriver et déjà je me sens nerveuse. Je pensais que ce serait facile après notre discussion, mais il faut croire que c'est bien plus compliqué que prévu. « Ne fais pas attention aux cartons. J'ai déménagé il y a peu et je mets du temps pour tout ranger. » Parler. C'est la solution que j'ai trouvée pour essayer d'être plus calme. De faire comme si de rien n'était. « Est-ce que tu veux quelque chose à boire ? » Se mettre directement à ce test de paternité n'est pas une bonne idée. Ce sujet est suffisamment difficile pour y mettre les deux pieds sans préliminaires.

J'avais fait au mieux pour que l'appartement soit propre à l'arrivée de Poppy, mais les cartons non déballés rendait le logement vite bordélique. « Oh, ne t'en fais pas ! Je fais pire, dans un sens. Je n'ai presque aucun carton, alors ça fait un peu vide, presque mort. » Au café, elles n'ont pas vraiment eu le temps ou l'occasion de parler des circonstances de l'arrivée de la jeune femme à Island Bay. Comme Charles n'est pas là, j'ai rapidement compris qu'il y avait quelques choses entre eux. Mais j'ignore encore si c'est passager ou si c'est suffisamment sérieux pour que Poppy envisage de rester ici de manière plus définitive que des vacances. Nous passons à côté des cartons et nous nous avançons dans la cuisine de la maison, ouverte sur le reste de la pièce à vie. Une fois là-bas, je demande à la jeune femme ce qu'elle désire boire. Si nous échangeons, comme des personnes ‘'normales'', toute cette soirée devrait être moins gênante. « Une limonade ou n'importe quoi, s'il te plaît. Mets-moi ce que tu as. Merci... » Presque machinalement, je hoche la tête, pour lui montrer que j'ai bien écouté ce qu'elle venait de me dire. Je me tourne vers le réfrigérateur et sors une petite bouteille de limonade, ainsi qu'une d'Ice-Tea. Ici, il n'y a que des petites bouteilles. Je vis seule, alors ça évite de perdre la qualité des boissons. Ce n'est qu'un détail, mais je ne voudrais pas que Poppy pense que je suis radine et que cette boisson sera la seule qu'elle aura ce soir. Un silence s’installe doucement dans la pièce. J’espérais qu’on arriverait à s’en sortir, mais c’est compliqué. « Au fait, tu es... » Je relève subitement la tête alors qu’elle s’arrête en plein milieu de sa phrase. Je reste sur ma faim, mais je tâche de ne pas montrer ma déception. « Tu as besoin d'aide pour quelque chose ? Vérifier le four peut-être ? » J’ouvre les deux bouteilles et verse les boissons dans les verres avant de lui répondre. « C’est écrit sur le paquet qu’il faut faire chauffer une quinzaine de minutes. Comme je l’ai mis peu de temps avant ton arrivée, nous allons pouvoir les sortir bientôt. Tu pourras le faire, si tu veux. J’ai une chance sur deux de me brûler en les sortant et c’est peut-être mieux d’éviter les urgences ce soir. » Une boulette. C’est un peu ce que j’essaye de lui faire comprendre. Mais le four m’a toujours effrayé. Cette chaleur qui en ressort. « Ça a été, sinon, le travail ? Ce n'est pas trop épuisant avec le bébé, le déménagement ? » La jeune femme fait des efforts et ce n’est pas plus mal. Elle n’a peut-être pas non plus envie de passer directement au test de paternité, ou alors même d’y passer tout court. « Ça a été, merci. Mes collègues sont plutôt gentils, ils sont là si jamais j’ai besoin. J’essaye d’aller le plus loin possible, j’ai peur de m’ennuyer seule ici.. » Pour le moment, il n’y a pas d’inquiétude. Je ne fais pas n’importe quoi et j’essaye de me reposer suffisamment pour que le bébé et moi allions bien. Mais nous ne sommes pas à l’abri d’une surprise, à l’abri d’un problème. « Quoique, avec ces cartons, j’aurais de quoi m’occuper. J’essaye d’aller doucement, pour ne pas mettre en danger le bébé, alors ça prend du temps. » Quand nous avions vu cette maison, nous n’avions pas prévu que Milo ne serait pas là pour le déménagement. Mais son métier n’est pas facile et surtout, il est imprévisible. Alors j’essaye de me débrouiller toute seule. « Et toi alors ? Ces photos, tu en es satisfaite ? » Lorsque nous nous sommes rencontrées à Sydney, nous n’avons parlé que très peu de nos passions, voire même pas du tout. Mais il n’est jamais trop tard pour le faire, alors je me lance. « Qu’est-ce que tu as pris ? » Faire la discussion, c’est maintenant devenu l’objectif principal. « Si jamais tu finis ta boisson, il y en a d’autres. N’hésites surtout pas à te re-servir. »

Pour l'instant, il est facile de comprendre que nous cherchons à meubler. En réalité, il n'y a rien d'étonnant là-dedans. Avant aujourd'hui, nous ne nous sommes vues que trois fois. Dont l'une où nous avons fini nues, l'une à côté de l'autre, accompagnées de son fiancé, lui aussi nu. Alors autant dire que la gêne est justifiée. « Il n'y a pas qu'au bébé qu'il faut faire attention. Mais à toi aussi. » Sur le coup, je suis surprise. J'ignorais que mon état pouvait lui importer. Ou alors, peut-être qu'elle dit cela simplement pour être polie. Je ne sais pas ce qu'elle peut ressentir pour moi, alors je ne saurais dire. À vrai dire, je ne peux pas la blâmer, sur ce point, je suis moi aussi perdue. Je sais bien que je ne devrais pas penser à elle, à cette nuit que nous avons partagée, mais c'est bien plus fort que moi. Ne voulant pas partir sur ce sujet sensible, je décide de la questionner sur ce qu'elle a fait aujourd'hui. Ces photographies semblent compter pour elle, alors pourquoi ne pas en parler ? « Oh, aujourd'hui, ça a été. Je les aime bien ! J'ai eu la chance de voir les otaries à fourrure en train de jouer ! » Rien qu'à l'entendre, je ressens la passion qu'elle éprouve envers ses photographies. « J'ai dû aller jusque Wellington mais les photos en valent vraiment la peine ! Enfin, heureusement qu'elles ont montré le bout de leur nez, même si les photos de la mer sont magnifiques aussi. » Depuis toute petite, je suis fan de ma région natale, alors je ne peux que confirmer ses propos au sujet du paysage, de la plage, de la mer. « Je peux t'en montrer quelques unes de la journée... Enfin, si ça te dit. » « Oui, avec plaisir. » Pouvoir partager cela avec elle est anodin et pourtant, ça me fait plaisir qu'elle me l'ait proposé. Je laisse Poppy sortir ses affaires et me montrer ce qu’elle a pris en photographie avant de venir ici. De temps à autres, je cesse de regarder ce qu’elle me montre pour la regarder elle. Un sourire se dessine naturellement sur mon visage, jusqu’à ce qu’elle me pose une question. Je tourne subitement la tête, espérant ne pas agir comme quelqu’un qui vient d’être pris la main dans le sac. « Tu as toujours voulu devenir juge d'instruction ? Pas de petit rêve d'enfant, totalement irréalisable ? » Chercher à faire la discussion est une bonne chose, car d’une certaine manière, nous apprenons à nous connaître un peu plus. « À la base, je voulais être avocate. Et puis arrivée à la fin de mes études, je suis repartie pour deux ans, pour pouvoir être juge. Mais aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été intéressée par la justice, donc je dirais que c’est un rêve d’enfant qui devient réalité. » Je n’ai pas besoin de lui mentir. Je n’ai aucun intérêt à le faire ici, alors je me livre naturellement à elle. Jusqu’à ce que la sonnerie du four sonne, nous informant que le minuteur est arrivé à zéro. « C’est l’heure ! » J’étais le four et sors un plat où nous pourrons mettre les amuses-bouches. « Tiens, utilises ça. Tu ne te brûleras pas. » Dis-je en lui tendant un torchon. D’habitude, j’ai un gant de cuisine exprès pour sortir les plats du four, mais visiblement, il est encore dans un carton. Alors on se contentera de cela. Alors que je donne le morceau de tissu à la jeune femme, ma peau effleure la sienne. Un geste anodin et pourtant, cela a un effet dingue sur moi. Un frisson parcourt tout mon corps, alors subitement je retire ma main. « Désolé. » Poppy n’avait peut-être rien senti, ni même remarqué, alors en m’excusant, je ne fais que m’enfoncer un peu.

Jusqu’ici, nous nous en sortions plutôt bien. Quelqu’un qui ne nous connaissait pas ne pouvait pas se douter de notre passif. Mais il a fallu ce contact, ce frisson pour que tous nos efforts tombent à l’eau. « Ce n'est rien ! Euh, hm... Je vais sortir les amuses-bouches. » Machinalement, je hoche la tête et je fais quelques pas en arrière, dans l’espoir que cette distance fasse baisser la tension de mon corps. J’ignore pourquoi elle a un tel effet sur moi. Elle ne devrait pas, ce n’est qu’une inconnue après tout. Une inconnue avec qui j’ai partagé une nuit, certes. Ce qui m’inquiète ici, c’est qu’aussi loin que je me souvienne, Milo n’a jamais eu cet effet sur moi. C’est peut-être le fait que Poppy soit le fruit défendu, peut-être. Le danger et l’interdit rajoute toujours de l’intérêt aux choses. Le doute aussi peut-être. C’est sûrement pour cette raison que je pense souvent à elle : j’ai de nombreuses questions dans ma tête et comme elles ne trouvent pas de réponses, jours après jours je suis amenée à me les poser de nouveau. C’est d’ailleurs actuellement le cas. Je suis partie loin de la conversation initiale, mais heureusement pour moi, je suis ramenée à la vérité avec le ventre de la brune qui fait du bruit. « Ah, ah... Hm, pardon. J'ai tendance à oublier de manger quand je sors pour travailler... Alors, voilà... Le ventre finit par se plaindre. » Un sourire se dessine sur mes lèvres. Ce bruit est tellement naturelle, qu’il en est mignon. Avant qu’elle n’arrive, j’avais hésité à sortir les amuses-bouches, mais au final je me rends compte que ce n’était pas une si mauvaise idée. « Sers-toi. Tu sembles en avoir besoin. » Dis-je en lui tendant l’assiette. Priorité aux invités, c’est une première chose. Mais maintenant que je sais qu’elle a faim, ça fait une raison de plus pour lui proposer de se servir. Et puis, je ne suis même pas sûre d’avoir très faim. Le test de paternité n’arrête pas de me trotter dans la tête et ça me coupe un peu l’appétit. Suite à ses résultats, nous saurons qui de Milo ou de Charles est le père et dans le fond, ça m’effraie. Ce plan à trois a changé beaucoup de choses dans ma vie, néanmoins, je pensais avoir mis tout cela derrière moi. Jusqu’à ce que je vois Poppy, car dans le fond, elle a aussi le droit à la vérité et je ne pouvais plus me cacher derrière ma persuasion que mon fiancé est le père. « Tu as quelque chose de prévu après ? Le test ne devrait pas durer très longtemps, mais si tu as besoin de partir avant, tu peux. » À ce moment précis, je me demande ce qui m’a traversé l’esprit lorsque je lui ai proposé de venir ici. Pour faire le test de paternité ? Ça ressemble beaucoup à des excuses. Car ce soir, il n’y aura aucun résultat. Le test doit être renvoyé à une certaine adresse, alors à moins d’être idiot, il est facile de savoir qu’il faudra attendre plusieurs jours avant une réponse. Peut-être que sans elle, je n’aurais jamais trouvé le courage de le faire. « Je suppose que ça ne doit pas être long. En vérité, je n’en sais rien. Je l’ai commandé sur internet et je n’ai pas lu en détails la notice. » Se disperser n’est pas une bonne idée. Pour faire ce test dans les meilleures conditions, il va falloir garder la tête froide. Même si visiblement, il n’a rien de compliqué. Ce sont les personnes qui vont le traiter qui auront le plus de choses à faire.

Tant bien que mal, nous essayons de faire abstraction à cette gène. Ce n’est pas forcément très facile, surtout qu’en j’ai toujours en tête la soirée de notre rencontre. Même si je voudrais y faire abstraction, je n’y arrive pas, c’est plus fort que moi. « Je ne sais pas si c'est de la gentillesse, pure et sincère, ou si c'est pour voir si je me brûle... » Un sourire se dessine sur mon visage à la suite de sa phrase. Finalement, j’aurais dû préparer quelque chose de froid, il n’y aurait pas eu toute cette histoire. « Je ne te veux aucun mal. » Finis-je par dire, pour enlever tous les malentendus, même si j’espère bien qu’elle ne doutait pas de ça. La chaleur l’empêche de manger un amuse-bouche pour l’instant, mais je laisse l’assiette à proximité, pour quand la jeune femme le désirera. Hormis cette nourriture, je n’avais rien prévu d’autre. Rien d’étonnant à cela puisque si Poppy est ici, c’est avant tout pour faire le test de grossesse. Alors sans plus tardé, je me renseigne sur ses plans après. Si elle est prise, il ne faudrait pas trop que l’on tarde. « Non, je n'ai rien de prévu... Tu as bien dit que tu ne voulais pas être toute seule, donc... » Plus les minutes passent et plus je me demande pourquoi je n’ai pas trouvé le courage de faire cela seule. J’ai l’impression d’aller trop loin, de profiter de sa gentillesse pour au final, faire quelque chose qui ne va durer que quelques minutes. « Je t'avoue que la médecine et la génétique ne m'ont jamais attiré... J'ai tenté de faire des recherches sur internet mais je n'ai pas tout compris. Et les séries ne sont d'aucune aide pour ça... Donc, tu m'apprendrais que le test a besoin de cinq échantillons de cheveux et de sang, sinon, ce n'est pas fiable à cent pour cent, que je te croirai sans aucun souci ! » Un nouveau sourire se dessine sur mes lèvres. Elle est artiste, je suis juge. Autant dire que nous ne sommes pas sorties de l’auberge. Même si dans le fond, je suppose que ce test ne doit pas être difficile à réaliser, ils auraient prévenu lors de l’achat sinon, non ? « Comment ça se passe alors ? On va devoir faire quoi ? Enfin, si tu veux bien que je t'aide... » Quand elle parlait d’échantillons, elle ne se trompait pas totalement. Pour les cheveux du moins. Le sang ne sera pas nécessaire et ce n’est pas plus mal, car je ne garde pas une éprouvette remplie de sang de Milo à la maison. Ça serait plutôt étrange. Nous pourrions aussi utiliser des échantillons provenant de Charles, mais il faudrait lui demander et il pourrait rapidement trouver cela louche. « Nous devons trouver des échantillons, en espérant qu’ils soient exploitables. Des cheveux, de la salive. J’espère qu’envoyer sa brosse à dents et éventuellement son peigne suffira. » C’était la seule chose que j’avais pu lire de la notice. J’ignorais encore le comment, mais nous en arriverons rapidement à ce stade je pense. « Après des mois non utilisés et un déménagement, j’espère que ça fera l’affaire. » Je grimace légèrement avant de m'éloigner un peu de l'endroit où nous nous trouvons pour récupérer le carton où se trouvent les affaires de Milo et la boîte du test. Alors que je m'avance de nouveau vers elle, j'ose une question que j'aurais finalement dû garder pour moi. « Charles va venir te rejoindre ? » J'ai envie de savoir, mais je ne connais pas encore exactement la raison de cette envie. Pour me protéger peut-être ? S'il arrive à Island Bay, les choses seront différentes, je devrais me cacher. Ou alors, c'est de la jalousie ? Seul l'avenir nous le dira. Finalement, ne voulant pas paraître trop indiscrète, je me plonge dans le test de paternité et j'étale sur le plan de travail tout ce qui se trouve dedans. « Il y a une paire de gants. J'ai l'impression de jouer dans les experts. » Dans le fond, ça peut être marrant. Ce n'est pas ce que je vois dans mon métier et pourtant, souvent ça peut être lié. « Je suppose que c'est pour éviter de mettre des empreintes supplémentaires. »

« Logiquement, oui... Ils pourraient être plus précis tout de même. Donner des exemples, ce genre de choses... » Je ne suis pas vraiment à l’aise. Il faut dire que comme situation, j’ai connu mieux. Sans parler de ce qu’il y a eu entre Poppy et moi, c’est faire ce test qui me perturbe. Avant Sydney, avant que je n’apprenne que j’étais enceinte, jamais je n’aurais pensé faire un test de paternité de toute ma vie. Jamais je n’aurais pensé faire partie de celles qui trompent leur conjoint. Et pourtant.. Je ne suis pas très fière de moi, il ne faut pas se mentir. Pour lancer le test de paternité, je vais chercher un carton. Je ne vis qu’avec cela en ce moment et comme je ne me sers pas quotidiennement de ces affaires, il n’est pas dans mes priorités pour le déballer. « Tu pouvais me demander d'aller la chercher, tu sais. ça ne m'aurait pas dérangé ! » Elle marque un point. Mais je ne voulais pas la déranger, surtout qu’il s’agit des affaires de Milo. Et puis, ce n’est pas comme si ce carton était lourd, pas comparé à certains que j’ai déjà eu l’occasion de vider. La question concernant Charles s’échappe de mes lèvres avant que je ne puisse l’arrêter. J’ai été trop loin, trop curieuse. Ils ont fait un petit écart avec moi, certes, mais cela ne me donne pas le droit de m’immiscer dans leurs vies. « On en a parlé. Peut-être qu'il viendrait quelques jours, oui. » J’ignore pourquoi, mais cela ne me plaît pas. Pour le bébé, c’est certain. Mais aussi pour moi. Si je n’ai pas beaucoup de souvenirs de ma nuit avec lui, j’en ai beaucoup de Poppy et forcément, ça serait gênant. « D’accord. » Il y aurait sûrement un peu de jalousie. Je suis complètement perdue en ce moment, avoir la brune ici n’aide pas, c’est certain. Pourtant, je n’ai pas envie de la voir partir. Et s’il décidait de tout faire pour qu’elle retourne à Syndey ? « Aucune idée, Scully... » Cette réplique me fait sortir de mes pensées et ce n’est pas plus mal. « Ou peut-être que certains prennent des échantillons beaucoup plus bizarres que des cheveux et de la salive ? On ne sait jamais avec les gens... Ou c'est pour les maniaques qui n'aiment pas toucher à ce genre de choses. » Au début de sa phrase, je ne peux m’empêcher de la regarder bizarrement. Je ne sais pas ce qu’elle peut imaginer comme échantillons. Mais elle n’a peut-être pas tord. Les gens peuvent être étrange parfois et peut-être que dans un moment de panique, ils mettent tout et n’importe quoi dans les sacs. Ce que je peux comprendre. J’ai peur que ce que je vais donner ne va pas suffire, alors par prudence, je serais capable de mettre des dizaines d’objets. « Donc, il faut prendre des cheveux en faisant attention à ne pas toucher la base du cheveux... Je suppose qu'il faut les retirer du peigne et que le leur donner directement, ça risque de les ennuyer plus qu'autre chose, non ? » Poppy a sûrement raison. « Je vois. » Ils ne sont pas là pour nous faciliter la tâche. Je ne tenais pas forcément beaucoup à ce peigne, alors j’étais prête à m’en séparer. Mais voilà que je vais devoir retirer les cheveux, sans toucher leur base, pour les mettre dans un sachet. Ça va prendre plus de temps. Si encore ça me faisait plaisir de faire ça, je serais prête à faire durer le moment, mais là.. si ça pouvait être bouclé en deux secondes, je ne dirais pas non. « Nous pouvons nous partager le travail. » Dis-je, en lui tendant l'un des deux gants. Nous ne savons pas vraiment si c'est pour éviter de biaiser l'ADN, mais vaux mieux être plus prudentes que pas assez. « Je te propose de faire la brosse à dents et moi je m'occupe des cheveux. » Je préfère lui laisser faire la tâche la plus simple, celle où elle aura le moins de choses à faire. Pas que je doute de sa capacité à le faire, mais disons que ces affaires sont à Milo, je ne voudrais pas rendre la situation plus gênante qu'elle ne l'est déjà. Avant d'enfiler le gant que je tiens entre mes mains, je viens pocher dans l'assiette d'amuse-bouche. Je n'ai pas très fin, mais en manger un ou deux ne devrait pas me faire de mal. Ce n'est pas tout, mais je dois manger pour deux quand même, il ne faut pas l'oublier. « Si jamais tu as encore faim, tu te ressers. N'hésites surtout pas. »

En finir avec ce test, c’est là le plus important. Une fois que ce sera fait, il ne restera plus que l’étape du résultat à surmonter. Enfin.. si Milo est le père de cet enfant. Sinon, les choses vont s’avérer plus compliquées. Je ne pourrais pas rester avec un tel poids sur mes épaules et pourtant, je ne sais pas si je pourrais tout avouer à Charles. S’il l’apprend, il est possible qu’il souhaite le rencontrer. Ça, ce n’est pas un petit changement dans une vie. Je tire déjà des conclusions, alors que j’ignore encore le résultat. Il serait peut-être préférable d’attendre avant de prévoir quoique ce soit. « Je vais d'abord m'occuper de la brosse à dents ! » Je hoche la tête, alors qu’elle m’annonce faire ce que je lui ai proposé. Des deux échantillons à envoyer, la brosse à dents reste ce qu’il y a de moins intime. Disons qu’elle n’a pas à faire de tri, elle a juste à prendre l’objet et à le mettre dans un sac plastique donné avec le kit. « Donc, tu n'auras plus qu'à envoyer le tout, c'est ça ? ça prendra combien de temps, environ, pour recevoir une réponse ? » Rien de plus simple en vérité. La partie la plus technique est l’empaquetage de tout ce qui sera analysé et même ça, je pense que n’importe qui serait capable de le faire. « C’est ça. Pour le retour, c’est écrit cinq à dix jours sur la boite. Reste à savoir s’ils disent cela pour nous rassurer ou si c’est vraiment le délai. » À certaines périodes, il y a peut-être plus de tests reçus et dans ce cas, le délai doit être plus long. Quoique. Nous pouvons croire que trois mois après les fêtes de fin d’années, il y a un boom dans les tests de paternité. Mais en réalité, il est possible de les faire tout le long de la grossesse. Ils sont donc peut-être bien réparti. Ce n’est pas comme l’avortement. Et ce n’est peut-être pas si mal, car sinon, nous serions hors-délai. « Je suis vraiment désolée. Pour une brosse à dents et des cheveux, je suis sûre que j’aurais pu me débrouiller toute seule. » Je me sens bête de l’avoir fait venir pour si peu. Sa présence ici ne me dérange pas, loin de là même. Mais elle aurait sûrement préféré faire autre chose que cela, s’occuper des photographies qu’elle a faites aujourd’hui par exemple. « Vive ta soirée. Ici, avec moi, à trier des cheveux. » Dans l’idéal, j’aimerais qu’elle me contredise, mais peut-être que je touche la vérité. Il m’arrive d’avoir des souvenirs de notre soirée ensemble, avec Charles, et il me prend aussi parfois l’envie de recommencer. Une envie qui disparaît bien vite avec la culpabilité. Seulement.. ces sentiments, je suis peut-être la seule à les éprouver. « Tu veux que je tienne le sachet pendant que tu tries les cheveux pour les mettre dedans ? » Maintenant qu’elle a terminé avec la brosse à dent, ça serait bête de refuser son aide. « Faisons ça, qu’on en finisse avec ce test. » Si seulement, ça permettait aussi d’en finir avec toute cette histoire. Enfin non, pas toute l’histoire. Pas Poppy. Mais seulement ce fichu test et l'identité du père. Elle se rapproche de moi et je lui tends le sachet qui contient déjà les premiers cheveux. Je dois maintenant me re-concentrer sur le peigne de mon fiancé. Je pourrais m’arrêter à ceux que j’ai déjà retiré, mais j’ai peur qu’ils ne suffisent pas, alors je ne m’arrêterais pas tant qu’il y en aura encore. Après plusieurs minutes et une vérification auprès de Poppy, le calvaire est terminé. « Et voilà. Tout est bon. Il ne reste plus qu’à le déposer. Je ferais cela demain, en allant au boulot. » Ce soir, ça n’urge pas. Tous les dépôts pour les colis sont clôturés. Et puis, j’ai mis tellement de temps pour me décider à le faire, que nous ne sommes pas à quelques heures près.