I'm only human after all, don't put your blame on me [Michael]

l'histoire de ma vie

I'm just a man, I do what I can...

« Qu’est-ce qu’on a ? »

« Une tentative de suicide par overdose de barbituriques. »

« OK, emmenez le patient dans le box trois. » Dis-je aux infirmiers en me désinfectant à nouveau les mains pour enfiler une paire de gants stérilisés.

« On va lui faire un lavage d’estomac. Préparez la sonde. » Ordonnais-je, en ma qualité de médecin urgentiste.

Ce cas était des plus classiques. Des tentatives de suicide j’en recevais tous les jours. Ça et les accidents de la route. Je passais les trois quarts de mon temps et de ma vie à tenter de contrer la mort, moi qui n’avait que trop subi ses conséquences. En effet, lorsque j’avais quatorze ans, ma mère décéda sur le coup lorsque sa voiture percuta de plein fouet un platane. Pour la plupart des gens ce n’était qu’un sale accident. Pour mon père c’était inconcevable qu’elle veuille mourir, mais pour moi… En même temps, pourquoi aurait-elle cherché cela, alors qu’elle avait sa famille certes restreinte mais pourtant bien présente auprès d’elle ? C’est un mystère qui resterait toujours secret. Et lorsque ce fut au tour de mon père de passer l’arme à gauche à cause d’un accident de scie électrique, ma décision fut aussitôt prise : j’allais devenir médecin urgentiste pour ne pas que d’autres connaissent le désespoir dans lequel leur mort m’a profondément installée. Alors mon seul et unique passe-temps lorsque je ne travaille pas est de picoler et de fumer. Pour cette première, je prends toujours le risque d’être appelé aux urgences, c’est pourquoi je m’efforce tant bien que mal à rester sobre. Pour ce second, je ne fume jamais rien d’autre que de la nicotine. La drogue, elle, ne m’a jamais tentée. Si je devais écouter mon meilleur ami et infirmier dans mon secteur, je suis déjà tombé dans l’alcoolisme, il me l’assure. Alors je joue à la politique de l’autruche et plonge la tête dans le sable pour ne pas voir ce qui est pourtant une évidence : je bois trop. Mais j’aimerais bien l’y voir, lui : à mon âge, mais est pourtant déjà marié et est père de trois beaux enfants. Moi, je n’ai que ma solitude existentielle pour moi tout seul.
Sentimentalement parlant, c’est le néant. Je ramène certes souvent quelques conquêtes chez moi après une soirée bien arrosée – et le statut de médecin fait toujours sensation – pour les quitter le lendemain matin d’un commun accord et oublier ce qu’il s’était passé. De toute manière avec la picole je ne me souviens pas souvent de grand-chose, et mon ami Damien (l’infirmier) me couvre à l’hôpital, prétextant que j’étais malade et donc pas disponible à mon poste. Heureusement que je peux compter sur lui, même s’il a tendance à me surprotéger un peu trop.
Ma vie est donc loin d’être idéale. Dans mes rêves, je ne boirais plus, je serais installé dans une relation saine et stable et je donnerais tout de ma personne dans ce métier qui était auparavant une passion et qui est devenu un fardeau lorsque l’on n’arrive pas à soigner ces victimes. Ça aussi est une des raisons pour laquelle je bois : oublier tous ceux que je n’ai pas pu sauver. En toutes ces années d’expérience, je n’ai encore jamais réussi à prendre du recul avec mon métier. Et ça, croyez-moi, ça me pourrit la vie… Mais je ne désespère pas. Un jour j’y arriverai.
Enfin, je l’espère…