L’amour est un art, telle une quête de soi vers l’autre ~ Gabriel

J’appréhende toujours un peu d’aller voir mon frère et cette fois ne fait pas exception. C’est même pire. On ne s’est pas vus depuis trois semaines, j’ai enchainé les examens du deuxième trimestre à la fac, les gardes à l’hôpital et les heures sup’ au centre de rééducation. Je soupire et prend mon courage à deux mains pour lui envoyer un message. J’ai pris ma matinée, je suis en ville, c’est aujourd’hui ou jamais. Depuis l’agression, je fuis ma famille et Gabriel en particulier. Nous n’avons jamais été très proches tous les deux et pourtant il a ce don avec moi de déceler la moindre faille. Quand j’exagère mes blagues et mes rires au repas de famille du dimanche, lui voit que ça ne va pas. J’arrive devant la vitrine remise à neuf de la galerie et j’ai la boule au ventre. Je sais que mon frère a été victime de vandalisme il y a peu, j’ai honte de ne pas avoir été présente pour lui au moins pour lui garder Victoria quand il avait besoin, mais je ne pouvais pas l’affronter.

C’était reculer pour mieux sauter puisque j’aurai à peine passé sa porte qu’il verra déjà sur moi le changement. Même si j’adore mon nouveau look, mes cheveux blonds platine et le semblant de sentiment d’assurance que ça m’a apporté, mon frère va illico me scruter sous toutes les coutures, faire son regard de grand-frère inquiet et soupirer silencieusement pour que je parle. La porte tinte alors que je m’engouffre à l’intérieur. Un air de jazz manouche flotte dans l’air, la galerie semble vide mais je sais de suite où le trouver. J’admire la passion pour l’art de Gabriel, ses toiles dégagent tellement d’émotions que je suis de suite happée en entrant, en ce moment beaucoup de ses toiles à lui sont à l’honneur aux murs. Dans la petite remise à l’arrière de la galerie, il est là. Face à sa toile, un pinceau à la main, mon frère et concentré sur ses traits précis, on dirait preste que un chef d’orchestre bâton à la main qui suit la musique en rythme. N’osant le déranger dans son art, je l’observe plusieurs minutes avant de l’interpeler d’une voix douce pour ne pas le faire sursauter.

— Salut Gabriel… je suis là… Victoria n’est pas avec toi ?

Secrètement j’ai espéré faire diversion à grand renfort d'embrassades avec mon adorable et irrésistible petite nièce. Raté. Elle doit probablement en train de faire la sieste à l’étage à cette heure-ci.

Ouf. Gabriel prend mon changement de look avec humour, je ne m’y attendais pas forcément, je ne suis pas encore habituée, mais c’est vrai que depuis que Victoria est arrivée dans sa vie, il est différent. Plus joyeux. Moins sombre. C’est comme si tout s’était éclairé dans son cœur ces derniers mois, la petite fille est une lumière si vive qu’il a réappris à rire et à vivre presque de force.

— Au moins tu le prends mieux que maman… la première fois qu’elle m’a vue, elle a hurlé comme si elle avait trouvé un opossum sur le paillasson en allant chercher son journal le matin. Et tu sais combien elle a peur de ces bêtes-là…

Je lève les yeux au ciel. Rien que de parler de maman en ce moment je suis agacée, elle a toujours été mon modèle, toujours présente et disponible pour nous quatre, à nous aimer et nous chérir sans jamais faire de différence. Mais ses intrusions incessantes dans ma vie privée ces derniers mois et particulièrement depuis l’agression… je n’en peux plus. Il faut vraiment que je déménage. Je m’assois ou plutôt me vautre dans le canapé au fond de la pièce en soupirant. Répondre un simple « ça va » à mon grand frère est mission impossible. Il sait tout de suite quand quelque chose ne va pas alors autant ne pas passer par quatre chemins.

— Les cours à la fac de médecine sont géniaux. Mon stage au centre de rééducation me plait. Voilà pour ce qui va dans ma vie et c’est déjà pas mal, j’en convient.

Je me concentre pour poursuivre en gardant mon calme. J’observe la toile sur laquelle mon frère était en train de travailler. Du noir, une scène de guerre et une émotion qui me prend aux tripes. Je gribouille mes maux dans mon journal intime pour faire sortir mes émotions depuis que je suis petite, sans prétention, mais mon frère, il a un véritable don pour exprimer dans ses toiles ce qu’il a vécu, combien la vie peut être moche parfois et en faire ressortir une beauté incroyable malgré tout.

— Tu sais que j’ai trouvé maman en train de lire mon journal intime dans ma chambre l’autre jour ? Elle t’a dit qu’on s’était disputées ? J’en peux plus Gabe. Je crois qu’il est temps que je prenne un appart à moi sinon je te jure je vais cramer la baraque. Surtout en ce moment.

Je n’ai pas la force de poursuivre sur les vraies raisons de ma colère, mais je sais que cette parole n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd et qu’il me cuisinera plus tard. J’esquive habilement en changeant de sujet. Trop longtemps que je n’ai pas vu mon frère et j’ai besoin de savoir comment il va lui aussi.

— Et toi ? Cette réouverture comment ça se passe ? Maman m’a dit que Victoria avait un peu de mal à s’endormir le soir en ce moment, ça s’est arrangé ?

Même si nous ne sommes pas aussi proches que je peux l’être Bryce ou de Sam, j’adore Gabriel. Parfois je regrette de l’avoir rejeté quand il est rentré de l’armée. J’entrais à peine dans l’adolescence. J’avais tellement fantasmé ce grand frère, le grand héros de la patrie, ses humeurs sombres des débuts étaient loin de ce que j’avais imaginé. Je me suis détournée de lui pendant trop longtemps. Heureusement que la petite Victoria est arrivée et qu’elle nous a rapprochés. Il prend toujours ma défense face à maman. Ces temps-ci j’ai l’impression qu’il est le seul à qui je peux me confier. C’est peut-être ça qui m’a poussée à trouver ce logement si près de chez lui. D’ailleurs j’ai assez tourné autour du pot.

— En fait euh… je ne disais pas ça par hasard… j’ai trouvé une chambre dans une colocation. C’est à quelques rues d’ici. Je dois emménager ce week-end. Tu viendrais m’aider à porter les cartons ? Ce traitre de Sam s’est esquivé quand je lui téléphoné hier. Soi-disant qu’il est en vacances au ski. Est-ce que c’est une raison pour ne pas venir en aide à sa sœur adorée sérieusement ?!!

Je lève les yeux au ciel pour faire mine d’être outrée, jouant à la petite princesse trop gâtée comme à mon habitude avec mes frères. Pour l’amadouer, mon sourire s’étend, le forçant même un peu pour qu’il ne résiste pas. Je sais qu’il n’a probablement pas que ça à faire entre Victoria et la galerie mais ce n’est pas trop loin alors je n’ai pas l’impression de trop abuser.

— Effectivement, on est d’accords. Maman se mêle beaucoup trop de ce qui ne la regarde pas. Mais c’est pour ça qu’on l’aime. Tant mieux si ma Vicky d’amour va bien. N’hésite pas à me demander de venir dès que tu as besoin, on va être voisins bientôt et si tu as besoin que je te la garde ou autre chose, ça ne me dérange jamais. Bon pour l’art je suis désolée, j’ai toujours deux mains gauches dans ce domaine et je ne pourrais pas remplacer les tableaux qu’on t’a volé à ta place. Mais sinon. Je suis là. C’était des tableaux à toi ou à des clients ?

Qui que ce soit. C’est vraiment moche de s’en prendre à une petite galerie comme celle de mon frère qui se bat tous les jours pour la faire perdurer. Mon sourire s’élargit pour lui apporter tout mon soutient. J’ai beau râler contre mes parents, mes frères et ma sœur parfois parce qu’ils sont épuisants à toujours vouloir protéger la petite dernière, mais pour rien au monde je n’échangerais ma famille. Je ferais tout pour eux. Ils sont ma bouée de sauvetage quand tout est noir. Bryce a passé des heures à manger des pots de glace devant Netflix avec moi il y a quelques mois quand je me suis séparée de mon ancien petit-ami Nate. Je lui dis tout, enfin, sauf… l’agression. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas pu. En regardant Gabriel devant sa toile et sa sensibilité aujourd’hui, je me dis que pour une fois je devrais peut-être choisir un autre membre de ma famille pour me confier.

— Dis Gabriel… je sais que je ne t’ai jamais posé de questions sur ça, mais comment tu as fait pour… ne plus avoir de cauchemars après ce qu’il t’est arrivé à l’armée ?

Mes yeux se ferment quelques secondes, il va se douter que je ne pose pas cette question maintenant pour rien. Des flashs me reviennent en permanence. Éveillée ou endormie. Mon regard reste trouble et je soupire. Je suis épuisée de me battre seule contre tout ça.

Je lève déjà les yeux au ciel quand je parle de ma colocation à venir à Gabriel. Et comme je m’y attendais la première question qu’il pose…. Bingo.
— Y a un homme, Spencer et une fille Tess. Ils travaillent, ils payent le loyer, ne t’inquiète pas ils m’ont été recommandés. Je ne vais pas habiter avec n’importe qui soit tranquille.
Je tais leur âge à tous les deux, surtout que Spencer a presque l’âge de mon grand frère. De toute façon normalement il ne les croisera ni l’un ni l’autre pendant le déménagement d’après ce qu’ils m’ont dit au téléphone la dernière fois. Je sais que tout va bien aller. Que tout va bien se passer. Mais l’inconnu m’effraye quand même un peu, c’est un grand pas pour moi de quitter la maison. J’appréhende la réaction de maman, du regard de papa quand on va sortir le dernier de mes cartons de la maison. Alors savoir que Gabriel sera là, c’est tout ce qu’il me fallait pour me lancer. Il se moque. Je rêve. De toute façon j’aurai ma vengeance sous peu avec Thad aussi. Double ration de soirée Netflix à regarder « 30 ans sinon rien » en perspective… En ce moment j’aime aussi que Gabriel reprenne sa place de grand frère, je l’ai repoussé pendant trop longtemps et petit à petit l’équilibre dans la famille revient. Peut-être on pourrait passer prochainement quelques jours au bord de la mer dans notre maison familiale ? Il faudra que j’en parle à papa quand le soleil et les beaux jours pointeront de bout de leur nez. Gabriel et moi sommes un peu les originaux de la famille. Lui avec son art et moi toujours avec mes médecines avec les plantes que grand-mère m’a apprises. Quand il parle d’art je voudrais l’écouter toute la journée, ça me brise le cœur que certains de ses tableaux soient entre des mains qui ne les méritent pas.
— Je suis désolée ça doit être une grosse perte. J’espère que l’assurance a au moins remboursé ton client pour éviter toute mauvaise pub.
Le milieu de l’art est plutôt ingrat d’après ce que j’ai compris à force de discuter avec mon frère. Les réputations vont et viennent très vite, surtout avec les réseaux sociaux ces dernières années. J’espère que tout ira bien, parce que ce n’est pas avec sa maigre pension de l’armée qu’il pourra prendre soin de Victoria. Mais pas de doute. Il a du talent, alors qu’il me sort un dessin pour me montrer ses croquis comme d’habitude, je suis en admiration.
— Est-ce que je peux le garder celui-ci ? J’aimerais bien accrocher quelque chose de toi dans ma nouvelle chambre.
Entre mes posters de groupe de rock et ma collection de mugs licorne ça pourrait faire bien non ? Bon je sais, je suis loin encore d’être sortie de l’adolescence niveau goûts mais, par-dessous tout je sais que j’aurai besoin dans mon nouveau chez moi de choses qui me rappellent la maison. Ma plus grosse peur est qu’une fois seule mes cauchemars redoublent.
— Oui…
La bombe est lâchée par ce si petit mot. Avouer ça à mon frère est lourd de conséquences. Je sais qu’il ne va pas me lâcher avant d’avoir compris pourquoi.
— Tu te rappelles quand Nate m’a larguée ? Bon tu ne l’aimais pas, je sais que ce n’était pas une grosse perte. Avoir con pareil comme premier petit ami c’est vraiment nase. Mais… en fait il ne mérite pas tant d’égard. Ce n’était pas vraiment pour ça mon attitude bizarre de ces derniers mois.
Sans vraiment le maîtriser, je me suis blottie contre Gabriel et les larmes me montent aux yeux sans que je puisse les retenir. Je suis incapable d’en dire plus pour le moment, j’ai juste besoin de la présence de mon frère pour oublier toutes ces images qui reviennent encore et encore.

Soulagée de pouvoir compter sur Gabriel pour mon déménagement, j’espère que tout se passera bien. Je n’éviterai probablement pas les larmes de maman ni la petite blague pincée de papa en partant, mais au moins ne serai pas seule pour affronter mon entrée dans la vie d’adulte. Est-ce que c’est faire preuve de maturité que d’avoir toujours besoin de ma famille pour m’épauler ? Peut-être pas, mais je ne peux pas non plus franchir toutes les étapes d’un coup. Même quand mon frère insiste pour connaitre tous les détails de ma colocation, je ne peux que ronger mon frein et lui répondre avec franchise pour le rassurer.
— C’est un de mes patients qui quittait sa chambre en colocation qui m’en a parlé. Il est pompier et il vient au centre depuis quelques mois pour un accident en service.
Je suis plutôt mal à l’aise de parler de Roman avec Gabriel. Il ne devinerait probablement qu’il est peut-être un peu plus pour moi que mon patient, mais mon frère sous ses airs taciturne est très observateur et perspicace. Il devine souvent bien des choses en observant mes grimaces. Il me fait confiance et malgré tout et ça me soulage. Au moins un des deux frérots dans la poche, il ne manque plus que Thad et Sid et je serai tirée d’affaire. On parle ensuite du cambriolage, de l’assurance et la réponse de Gabriel me fait grimacer.
— Bien sûr que je m’en fais pour ça. Vous pensez toujours que la petite dernière est trop jeune pour entendre vos problèmes. Mais je suis soulagée si tout est réglé.
Une petite moue s’affiche sur mon visage, faisant mine d’être vexée quelques instants. Ça m’énerve d’être toujours la dernière au courant de ce genre de choses, ils veulent souvent me préserver sous je ne sais quel prétexte, ils me voient toujours comme l’ado capricieuse et immature. Bon ok mon adolescence a été plutôt agitée et compliquée. Mais c’est différent maintenant, je suis bientôt diplômée, responsable et ils n’ont plus à me préserver. Mon attention se reporte sur la pochette à dessin de Gabriel, ça me remplit de joie qu’il m’autorise à en prendre quelques-uns. J’en prends deux qui me plaisent beaucoup et les mets de côté pour les emporter tout à l’heure. Il faudra plus tard que j’aille acheter des cadres pour les accrocher dans ma chambre.
— Génial merci, comme ça tous les matins en me levant je penserais à mon frérot d’amour.
Mon sourire s’élargit, peut-être un peu trop, il va finir par croire que j’ai quelque chose à lui demander en plus du coup de main pour déménager. Mais c’était plutôt pour reculer d’avoir à affronter ce moment. Raconter à mon frère ce qui s’est arrivé il y a quelques mois, mon cœur se serre, j’ai les larmes aux yeux mais je sais que je dois le faire.
— Fin juin en rentrant du travail… je hum…
Mettre des mots sur ce qui m’est arrivé est très difficile, des sanglots coupent mes mots entre chaque phrase et les bras de Gabriel qui me serrent fort contre lui me donner le courage nécessaire pour enfin me libérer de ce poids.
— On m’a agressée.
Voilà le mot est dit. Je ne sais pas si ça me libère ou si c’est encore plus difficile. En tout cas je sais à cet instant que ma réalité ne sera plus tout à fait la même. Il y a eu un avant et un après l’agression. Il y aura un avant et un après cette libération.
— Je sais que j’aurai dû vous le dire… j’avais peur et je voulais oublier aussi je crois.
Affronter le reste, raconter les détails c’est au-dessus de mes forces pour le moment, je sais que Gabriel va me mitrailler de questions, peut-être m’obliger à aller voir la police, mais je ne sais pas si j’en ai la force. J’enlève le foulard que je porte depuis des mois autour du cou pour lui montrer la cicatrice en forme de lune qui me rappelle tous les jours devant mon miroir cet événement. Le bout de mes doigts frôlent doucement l’arc de cercle sur ma peau en la montrant à mon frère et je crois j’ai rarement été si bouleversée.
— Papapapapapapa…. Shrrr… bba..
Comme sauvée par le gong, le babyphone et crépite et laissent entendre la douce voix de ma petite nièce préférée. L’arc-en-ciel après la pluie. Cette petite chipie me redonne toujours le sourire et pour l’instant me donne une bonne excuse pour ne pas avoir à me justifier plus.
— Je vais la chercher…
Ma voix est encore éraillée et c’est comme si mon corps si portait tout seul vers les escaliers qui mènent à l’appartement de mon frère au-dessus de la galerie.

Gabriel ne pose plus de question sur ma colocation, je sais qu’il n’est pas totalement rassuré et qu’il viendra faire l’inspection dès que j’aurai aménagé mais au moins le sujet est clos pour le moment. Je ris et je lève les yeux au ciel en même temps quand il répond à ma remarque comme quoi ils ne mettent jamais au courant la plus jeune de leurs soucis.
— Ca sera répété et amplifié à Thad que tu le traites de vieux !! Mais bien sûr qu’on s’inquiète pour toi. C’est pour ça qu’on est une famille géniale. On sait qu’on peut compter les uns sur les autres. Dans les bons comme les mauvais moments.
Le sourire de Gabriel en tout cas me rassure sur le fait qu’il ne minimise pas la situation. Ses ennuis à la galerie sont pour le moment derrière lui, même si je sais que le domaine où il travaille est capricieux et que mon frère travaille d’arrache pied pour arriver à faire décoller l’activité de sa galerie. Je sais qu’il y arrivera. C’est un battant. Et c’est bien pour cette raison que j’ai choisi le plus grand de mes frères pour me confier sur ce qui m’est arrivé il y a quelques mois. Ses paroles sans jugement et pleines de douceur me font beaucoup de bien. J’avais besoin de pleurer et de tout lâcher. C’est la voix encore un peu chevrotante que je lui réponds.
— Non. Je…. n’ai pas été voir la police. De toute façon je crois que c’est trop tard maintenant. Je n’ai pas fait constater mes blessures à l’hôpital le jour où c’est arrivé. Une plainte aurait peu de chances d’être recevable.
Et rien que l’idée d’avoir à revivre ce jour, c’est trop, je ne peux pas. Je veux juste oublier et passer à autre chose. Je me blottis encore quelques instants contre lui et puis je sèche mes larme en lui offrant un semblant de sourire pour le rassurer à mon tour.
— Merci Gabe. J’aurais dû t’en parler plus tôt. Ça m’aide à dédramatiser et à aller de l’avant de t’en avoir parlé.
Les gazouillis de Victoria dans le babyphone finissent de me redonner le sourire. J’ai trop hâte de voir ma petite chérie qui dormait en nous laissant discuter Gabriel et moi. Il nous rejoint dans quelques instants là haut alors que je le laisse finir de ranger ses affaires de peinture. Le goûter c’est sacré dans la famille et je réponds à mon frère d’un ton beaucoup plus joyeux qu’il y a quelques instants.
— Ça marche ! Dit moi que tu nous as fait tes pancakes qui déchirent ?!
Mon frère hoche la tête et mon ventre gargouille déjà. Depuis qu’il est papa, il est transformé. Il ferait tout pour sa fille et c’est la plus belle chose au monde. Quand j’atteins enfin la chambre de Victoria, je surgit brusquement sur le pas de sa porte en criant mes mains sur les yeux.
— Et coucou qui est là ???
J’enlève mes mains de mes yeux pour la faire rire.
— C’est tata Jiji !!!
Elle rit aux éclats et c’est le plus beau son de la terre. Je la prends dans mes bras et la couvre de baisers. On se dirige toutes les deux vers la cuisine et je l’installe dans sa chaise haute pour lui préparer son goûter. Un peu d’eau dans sa tasse pour la faire patienter et je trouve la pâte à pancakes dans le frigo préparée à l’avance par Gabriel. On ne peut pas dire que la cuisine soit mon fort mais je peux au moins sortir la poêle et tout ce qu’il faut. Je fais un essai d’une première crêpe qui a une forme d’étoile au lieu d’être ronde, et heureusement que j’entends Gabriel monter l’escalier pour prendre le relais parce que je ne suis définitivement pas douée. Il se met derrière les fourneaux à ma place et je regarde au ralentis la scène de nos éclats de joie à tous les trois dans la cuisine. Ces moments en famille sont précieux et je ne voudrais pas être ailleurs. Ils aident à relativiser les épreuves de la vie qui parfois nous empêchent d’avancer...