recherche appartement - teo

Le moment tant espéré de la plupart des jeunes adultes était arrivé : Teo allait quitter le nid familial qu’il avait habité pendant vingt-cinq ans pour voler de ses propres ailes. Adieu sa chambre d’adolescent jamais remise au goût du jour, il aurait désormais la main sur la moindre retouche décorative qu’il ferait. Dire au revoir à sa chambre était une chose, mais s’émanciper de la vie commune avec son frère et ses mères en était une autre. Il le regrettait, mais l’ambiance qui régnait chez la famille longtemps dite atypique s’était lourdement dégradée. Il y avait d’abord eu sa relation avec Erin qui avait conduit à une levée de boucliers, puis il y avait eu une forme de rébellion chez le jeune médecin. Depuis son plus âge, il avait subi les choix de ses mères et les nombreux obstacles qu’elles avaient mis sur le chemin de son amour avec son aînée les avaient éloignés. Alors certes, il avait entendu qu’elles veulent le protéger, mais il était lassé de devoir vivre dans une bulle. Des coups, il en avait reçus et il était capable d’y survivre. Maintenant qu’il était séparé de son amour de jeunesse, il fallait qu’il lutte contre la désagréable sensation de son cœur meurtri. Dans ce long processus, il n’avait pas grand monde à qui parler. La majorité de ses proches avaient pris parti. Ils étaient soit supporteurs soit détracteurs et Teo en avait assez de cette vision manichéenne de sa relation.

Ainsi, pour accepter le plus facilement possible ce changement de cap radical, il avait fait le choix de ne pas lésiner sur les moyens et avait repéré trois logements à vendre dans le quartier sud d’Island Bay. Trois maisons avec accès privilégié à la mer pour qu’il puisse aller surfer pendant son temps libre. Lui était plus ou moins enthousiaste pour les trois et c’est pour cette raison qu’il avait invoqué le joker Amalya. Elle vivait seule depuis quelques temps et était souvent de bons conseils (du moins, lorsqu’elle était sobre !). Elle avait proposé de jouer les conseillers-chauffeurs et Teo n’avait eu d’autres choix que d’accepter : sa Tesla était en révision. Quand il vit la brune arriver, il s’empressa de claquer la porte du domicile familial pour rejoindre son véhicule. « D’habitude, les chauffeurs sont en costume avec des lunettes noir charbon, je suis un peu déçu. Je te mettrai seulement 1 étoile sur 5 » dit-il avant de checker celle qui était sa meilleure amie depuis des lustres. « Tu vas être verte de jalousie en découvrant mon potentiel futur palace ! ». En réalité, il avait aucune idée de ce qu’il allait ressentir sur place. Pour l’instant, il avait surtout le poids des responsabilités sur ses épaules. Il chaussa ses lunettes de soleil et baissa la vitre de la voiture tout en augmentant le volume de la radio. En situation de stress, il lui arrivait souvent de devoir faire le con et tant pis si cela causait quelques problèmes de réputation à Amalya.

L’avantage de quitter la maison familiale aussi tardivement, c’était que Teo avait eu le temps de mettre suffisamment d’argent de côté pour s’épargner la vie dans un taudis ou dans un bouiboui qui ne comblerait pas son besoin d’un minimum de luxe. L’aventure, ce n’était pas tellement son truc. Il était volontaire quand il s’agissait de faire deux-trois jours de camping en pleine nature, mais au quotidien, il avait besoin de son grand lit et de sa douche à l’italienne. L’exotisme, il le trouvait dans le parfum de son gel douche.

Pour être efficace dans ses recherches, le jeune médecin s’était fixé un certain nombre de critères sur lesquels il ne pourrait transiger : au moins deux chambres, de quoi pouvoir accueillir son futur enfant – d’ailleurs, il faudrait bien qu’il aborde le sujet avec Amalya, un jour – une grande salle de bain – un extérieur et un garage pour sa Tesla. A part ça, il n’avait pas d’exigences particulières… Si ce n’est qu’il avait une grosse préférence pour les intérieurs modernes et qu’il fuyait les travaux comme la peste. Même s’il le voulait, il n’aurait clairement pas le temps de gérer de front son travail et la rénovation d’une vieille bâtisse.

« Tu sais qu’habituellement, on propose les bonbons avant de monter dans la voiture… » dit-il timidement. Bon ok, il y avait mieux comme référence, mais c’était la seule qui lui était venue en tête à ce moment-là. « J’espère que tu te donneras au moins la peine de faire un brin de ménage en venant, après tout, c’est la place des femmes… ». Teo n’était pas macho. Après tout, l’être alors qu’il avait été élevé par deux femmes hautement féministes auraient été un comble. En revanche, il était taquin et exercer ce trait de caractère sur Amalya était l’un de ses passe-temps favoris. Il aimait son sourire mi-blasé mi-amusé qui laissait entendre qu’elle était habituée. Ils se connaissaient tellement bien.

Une fois arrivés sur les lieux, les deux meilleurs amis eurent le privilège de découvrir les environs de la maison. La maison était située au milieu de nulle part. Les premiers voisins étaient suffisamment loin pour ne pas l’enquiquiner et assez près pour lui venir en aide s’il venait à en avoir besoin. Derrière, de la verdure et des collines qui respiraient le bonheur. Il s’y sentait vraiment bien, à l’extérieur en tout cas et les impressions d’Amalya semblaient coïncider. Rapidement, ils furent rejoints par l’agent immobilier qui était en charge de la visite. Il s’approcha d’eux d’un pas avenant qui témoignait de sa détermination à finaliser une vente. « Monsieur Reyes ! Vous ne m’aviez pas prévenu que Madame venait avec vous ! ». Classique. Teo ne comptait plus le nombre de fois où lui et Amalya avaient été pris pour un couple. Avec le temps, ils s’y étaient presque habitués. « Bonjour M. Smith » dit-il sans prendre la peine de corriger l’erreur de l’agent immobilier. Ils avaient de quoi faire et il se voyait mal expliquer sa situation devant un homme qu’il ne connaissait ni d’Adam ni d’Eve. « Vous me suivez ? Je vais vous faire montrer. » lança-t-il avant de commencer sa visite : « Alors vous voyez, la maison est pratiquement neuve. Elle a été finie l’an dernier. Votre terrain s’arrête là-bas au fond et il y a une magnifique terrasse derrière. Je vous ouvre, voilà, allez-y, madame ». Amalya n’était que très peu concernée et pourtant, c’était elle qui rentrerait la première. Cocasse.