you may now kiss the bride → frank

En théorie, le samedi après-midi, quand elle en avait la garde, c’est-à-dire un week-end sur deux, n’était réservé qu’à Sarah. Noomi n’avait envie de voir personne d’autre et elle ne voulait partager sa fille avec personne d’autre surtout. Mais lorsque deux de vos plus proches amis depuis le lycée décident de se marier et qu’en plus, vous êtes demoiselle d’honneur, pas le choix, il faut bien être de la partie. Alors la blonde s’était amusée à habiller sa fille en petite princesse et pour ce qui était d’elle, ça ne passait qu’en second. De toute façon elle était demoiselle, ce qui signifiait qu’elle avait droit à la robe hideuse qui va toujours avec ce titre. Bref, il fut bientôt l’heure de partir et Noomi fit grimper sa mini-blonde à l’arrière de sa Mustang et direction Wellington. A peine était-elle arrivée que la mariée lui mettait le grappin dessus. C’est bon, on parlait là d’une sorte de mariage à l’américaine avec des tas de témoins et de demoiselles d’honneur, il n’y avait pas spécialement besoin d’elle mais elle agissait et l’accaparait comme si c’était le cas. Mais la grecque faisait comme si ça ne la dérangeait pas le moins du monde et s’arrangeait pour que Sarah reste auprès d’elle. Au bout d’un moment, la petite – qui était pourtant facile comme enfant – dût en avoir marre car elle se pendit à son bras alors que Kylie avait apparemment quelque chose de la plus haute importance à lui annoncer, vu la tête qu’elle tirait.

« - Je dois te dire un truc, Nooms.
- Regarde maman, Frank est là. »

Il n’en fallut pas plus pour qu’elle se raidisse et que son visage se rembrunisse. Ils avaient donc osé l’inviter, lui. Elle comprenait mieux pourquoi on ne le lui apprenait que maintenant. Peut-être bien qu’elle n’aurait même pas pris la peine de venir si elle avait su. Elle déglutit avec difficulté, songea qu’elle avait bien mérité une coupe de champagne pour ce coup dur et prit congé sans rien dire, avisant un serveur vers qui elle se dirigea en emmenant sa fille dans son sillage. C’est alors que le moment de la cérémonie se pointa bien trop vite à son goût.

« Tu restes avec les filles en attendant que je revienne, mon cœur ? »

Elle se doutait qu’il n’en serait rien mais elle avait une tâcher à accomplir et c’est avec regret qu’elle alla se placer dans la file de personne les plus mal fringuées de ce mariage. Gardant un œil sur Sarah qu’elle vit faire de grands signes à Frank. Évidemment.

Avec la quarantaine qui pointait le bout de son nez, Frank commençait à prendre du recul, à profiter des petites occasions que la vie pouvait lui offrir et à comprendre qu’il était important de passer du temps, de communiquer avec les personnes qui daignent encore lui accorder de l’affection. En revanche, le fait de vieillir toujours un peu plus n’avait pas réussi à endiguer son mépris pour les mariages. Ce n’est pas qu’il déteste les marques d’affection publiques, il était lui-même passé par là un jour, après tout, mais plutôt le fait d’avoir à bloquer sa journée pour célébrer le bonheur de deux personnes qui, comme lui et Noomi avant ça, finiront peut-être par essayer de s’entre-tuer. Enfin. Toujours est-il qu’aujourd’hui, il avait troqué son insigne et son arme contre un costume qui lui allait plutôt bien, et, petit plus attribué aux garçons d’honneur, un nœud papillon plutôt iconoclaste en fil de fer. Gadget, selon lui, mais l’âge le rendait aussi râleur en ce qui concerne toutes les nouvelles inventions de notre époque. Il s’en garda bien de le dire, cependant, puisque c’était déjà très gentil de la part de ses deux amis de lui montrer à quel point il comptait pour eux en lui attribuant cette place. En attendant le début de la cérémonie, Frank se mêlait à la foule, faisait connaissance avec les quelques têtes sur lesquelles il n’avait pas encore pu mettre un nom et ressassait le passé avec le reste des gentlemen au nœud papillon. Puis, ce fut au tour du marié, Ryan, de venir à sa rencontre. Il trinqua pour entamer la conversation, tout en effectuant quelques pas fluides qui laissèrent comme seule impression chez Frank qu’il espérait que le duo se mette à l’écart.

- Alors, j’imagine que t’as remarqué que Noomi est là, elle aussi ?
- Quoi ? Attends, tu te fous de moi ?

Il avait fallu un certains temps à Frank pour répondre, le temps de faire passer la nouvelle. Il savait Noomi proche des mariés autant qu’il l’était, mais il ne pensait pas qu’ils auraient osés leur faire le coup. Il n’était pas dupe : Noomi, si tant est qu’elle était déjà au courant, avait du accepter la nouvelle avec autant de difficulté que Frank. Comme d’habitude lorsque quelque chose n’allait pas dans son sens, le grand brun se tritura la barbe, glissa une main dans sa poche et pris cet air bougon typique du râleur né. Il ne chercha pas son ex-compagne dans la foule, puisque de toutes façons, la cérémonie était sur le point de commencer. Il rejoignit les rangs, comme ses compères, puis dirigea son regard vers une petite tête dans la foule qui tentait d’attirer son attention par quelques grands signes de mains. Enfin, il décrocha un sourire. Il lui rendit un signe à son tour, et, même s’il savait bien qu’elle ne comprendrait pas forcément, expliqua par quelques mouvements de lèvres qu’il la rejoindrait après. Enfin, il posa son regard sur son ex-compagne. Il la dévisagea, pris le temps de juger que sa robe, comme celles de toutes les femmes à ses côtés, était de très mauvais goût, avant de se focaliser de nouveau sur la cérémonie. Qu’on en finisse.

Blessée de voir sa fille si bien s’entendre avec son père, Noomi préféra reporter son attention sur autre chose. Et, bien qu’elle évitât soigneusement ce coin de la salle, son regard finit par croiser celui de Frank qui avait clairement l’air de juger, comme toujours. Exaspérée, elle leva les yeux au ciel et décida de discuter avec sa voisine tandis que la cérémonie débutait enfin. Lauren. Voilà quelqu’un qu’elle n’avait plus vu depuis une éternité alors il y avait de quoi bavasser. D’abord le choix de leur robe. Certes, le but c’était toujours qu’on ne voit que la mariée mais elles étaient d’accord sur le fait que Kylie aurait tout de même pu faire un effort. Ensuite, cette folle idée de se marier en hiver quand il faudrait se geler les miches dehors pour aller fumer une clope. Et bien sûr, puisqu’on lui donnait l’occasion de donner son avis sur la question ; quelle idée de se marier tout court sachant que la majorité des mariages se terminent par un divorce ?? Ça la dépassait. Okay, c’était une erreur qu’elle avait commise elle aussi mais pour sa défense, elle était quand même très jeune. Et très stupide, aussi. Bref, ça n’en terminait pas cette connerie et au bout d’un moment, Lauren désigna Frank du menton.

« Il est quand même pas mal. T’as de la chance. »

La blonde en resta comme deux ronds de flan. Était-ce possible qu’elles ne se soient plus vues depuis au moins sept ans ? Peut-être bien, finalement. C’est qu’après la naissance de Sarah, Noomi ne s’était plus consacrée qu’à elle ou presque.

« On a divorcé. Ça fait quelques années, maintenant, même. »

En revanche, elle ne s’attarda pas sur le fait qu’elle n’avait pas eu tant de chance que ça parce que son ex-mari était loin d’être un cadeau sous sa façade de beau gosse, elle lui épargnerait les détails. Lauren s’excusa alors avant d’enchaîner très rapidement :

« Ça te dérange pas si je tente ma chance ce soir, alors ? »

L’espace d’un instant, une pure expression de dégoût dût se peindre sur son visage, c’était donc ce genre de profiteuse. Mais la grecque se reprit vite.

« Pas du tout, fais-toi plaisir. »

Et puis Ryan embrassa enfin Kylie mettant fin à toute cette comédie et Noomi s’empressa d’aller retrouver Sarah et de s’assurer qu’elle n’avait besoin de rien.

Frank se surprit à remarquer qu’en fin de compte, il y a parfois du bon dans le mauvais pour lui aussi. Ce mariage n’était pas parti pour être mémorable, ou en tout cas pas dans le bon sens du terme, notamment à cause de la présence de son ex-femme, mais le policier était tout de même bien entouré. Il y avait des amis de longue date, des gens qui avaient fini par tomber dans l’oubli avec le temps mais avec lesquels raviver de vieux souvenirs semblait si facile. Ces grands bruns à chaussures noires qui l’entouraient, il les connaissait bien. Oui, il connaissait bien ces gars là, et c’est pourquoi il ne se gêna pas pour rappeler à quel point il détestait les mariages. Étonnamment, tous accueillir la nouvelle avec un certains soulagement, comme s’ils partageaient tous le point de vue de Frank. C’est son voisin Jamie qui le relança. Il tapa du coude sur l’épaule du grand brun, avant de murmurer, la bouche en coin.

- Ça va aller ? Avec Noomi, j’veux dire. Vous allez vous retrouver à la même table.

Ce détail, qui devint instantanément bien plus qu’un détail, n’avait pas frappé Frank jusque là. Jamie n’avait pas tort, demoiselles et garçons d’honneur se retrouveraient très certainement à la même tablée, auprès des mariés. Il n’avait plus qu’à espérer que ses deux amis soient issues de familles recomposées, puis re-recomposées et pourquoi pas re-re-recomposées pour, avec un peu de chance, se retrouver le plus loin possible de Noomi. C’est ce qu’on appellerait sauver les meubles. Mais Frank n’était pas très optimiste à ce sujet.

- Ça va sûrement être le mariage le plus long de ma vie, si tu veux tout savoir. Au moins je peux voir ma fille. C’est la petite, juste là, regarde.

Il désigna Sarah parmi les invités et, alors qu’il réussit à capter son attention, lui adressa quelques signes et un grand sourire. Enfin, la cérémonie se déroula sans anicroches et bientôt, tout le monde eut le droit de prendre congé et de retourner se mêler à la foule. Frank tenta de retrouver Sarah afin d’aller la saluer. Il marmonna dans sa barbe en voyant Noomi, déjà retournée auprès d’elle. Il savait que les chances que ça tourne au vinaigre étaient élevées, mais il ne pouvait pas s’esquiver et refuser de dire bonjour à sa propre fille sous prétexte que son ex-femme était déjà sur le coup. Alors bientôt, il approcha d’un pas félin et se glissa derrière Sarah avant de déposer quelques papouilles dans ses cheveux. Il embrassa sa fille, puis regarda un instant Noomi droit dans les yeux, avec cet air de connard fier de ce qu’il s’apprête à dire.

- Sarah, ma puce. Comment vas-tu ? Bonjour, Noomi. Très jolie robe.

Comme si ça ne suffisait pas qu’elle ait la garde de Sarah seulement un week-end sur deux, voilà qu’il fallait qu’elle partage ses jours avec lui, maintenant. Bon, heureusement, ça ne serait pas tout le temps comme ça, c’était une occasion spéciale mais en attendant, ça l’embêtait. Et pas qu’un peu. Et bien sûr, il ne lui fallut pas bien longtemps pour rappliquer. Noomi tâcha de faire abstraction de sa proximité avec sa fille, c’était sans doute ce qu’il y avait de mieux à faire, attendit que la petite réponde qu’elle allait bien. Puis elle entendit son prénom ainsi que la petite pique qui suivit. Car aussi enrobée de sucre qu’elle puisse être, elle savait très bien que c’en était une. Elle le connaissait comme si elle l’avait fait – bon sang, heureusement que ce n’était pas le cas et que Sarah était toute mignonne et adorable. La blonde plissa les yeux par réflexe.

« Salut Frank. »

Elle avait toujours eu cette façon de prononcer le nom de quelqu’un comme s’il s’agissait d’une insulte quand elle était énervée. Et étrangement, c’est sûrement celui de son ex-mari qu’elle a le plus souvent prononcé de cette manière.

« Merci, toi aussi t’es plutôt… élégant. »

Bon, en soi, elle ne le trouvait pas si mal en dehors du nœud papillon qu’elle avait toujours trouvé hyper ringard mais c’était normal, ça, le marié n’essayait jamais d’enlaidir les gens qui se trouvaient à côté de lui pour se valoriser, c’était malheureusement un truc réservé aux nanas. La grecque avait déjà envie de prendre congé mais quelque chose lui disait qu’elle n’était pas au bout de ses peines. Pourtant, il y avait du monde, il aurait été facile qu’ils ne fassent que se croiser vite fait. Et comme de juste, lorsque les invités passèrent dans la salle de réception, elle eut la surprise – qui n’en était plus vraiment une étant donné qu’elle s’en doutait un peu – de voir leur nom à tous les trois marqués sur le même carton sur le plan de table. Haha, ils n’en avaient décidément pas raté une, ces deux-là. Et puis bien sûr, comme Sarah commençait à savoir lire, elle ne manqua pas de pointer du doigt ledit carton avant de se tourner vers son père.

« Tu viens t’asseoir à côté de nous, Frank ? Dis ouiii. »

Manquait plus que ça, vraiment. Dire qu’il n’y a pas cinq minutes, elle ne pouvait plus la voir en peinture et que maintenant, Noomi plaçait tous ses espoirs en Lauren qui surgirait à un moment ou à un autre et qui, avec de la chance, l’accaparerait une partie de la soirée.

Frank savait que sa présence sortait Noomi de ses gonds. Il était impunément en train d’empiéter sur l’un des rares moments que la grecque pouvait encore partager avec sa fille sans se soucier des horaires d’échange, ni de la présence de l’autre, mais il ne pouvait tout simplement pas faire mine de ne pas les avoir vues le temps du mariage. Sarah aurait été chagrinée, et Noomi, hah, qui sait. Peut-être se serait-elle servie de ce manquement à son devoir de père pour faire pencher la balance. C’est pourquoi Frank jugea préférable de ne pas monopoliser sa fille pendant les festivités, sous peine de subir les foudres de Noomi, qui n’en est pas à son premier coup d’essai quand il s’agit de déchaîner les enfers sur Frank. Il grinça des dents lorsque la blonde prononça son nom, sans dissimuler toute l’hostilité qu’il y avait derrière.

- Détends-toi un peu, Noomi. Je ne pensais pas que vous seriez là. Je viens juste dire bonjour à Sarah, je ne vais pas te la voler.

Bon, c’est un peu ce qu’il avait fait ces derniers temps, avec le fait qu’il ai récupéré la garde, tout ça. Il posa une main sur l’épaule de Sarah, se détendit un peu lorsque son ex-femme complimenta son apparence.

- Tu parles, je vais finir par étouffer avec ce nœud pap’.

Il parvint à se retenir d’ajouter un juron, pour la petite. Frank savait s’habiller correctement, mais il détestait avoir à le faire dès lors que ça devenait trop pompeux. Il ne portait pas la cravate, détestait les nœuds papillons ; il préférait aussi bien ouvrir un ou deux boutons de sa chemise pour peu que ça l’aide à se distinguer. Maintenant qu’il était là, qu’il avait pu saluer Sarah et échanger quelques mots avec sa mère, il pria intérieurement pour qu’un deus ex machina se produise, afin de pouvoir en finir avec cette drôle d’ambiance. Cette chance, il aurait pu la saisir une fois dans la salle de réception si, comme ne manqua pas de le signaler Sarah, il était indiqué sur le plan de table que le duo aurait à se supporter une bonne partie de la soirée. Pour dissimuler la frustration qui s’emparait petit à petit de lui, il sourit à la petite en la soulevant pour l’installer sur l’une des chaises.

- Je vois que tu ne me laisses pas le choix, la terreur. Okay, alors. Je vais m’installer avec vous.

Il se sépara de sa veste puis retroussa ses manches. Il caressait les cheveux de Sarah avec bienveillance, tout en posant son regard sur Noomi.

- Qu’ils soient maudits, avec leur fichu mariage. Je pensais pourtant que c’était écrit sur nos fronts, D-I-V-O-R-C-É-S.  

Il en a de bonnes, lui. Se détendre sous prétexte qu’il ne voulait pas lui voler Sarah. Qu’est-ce qu’elle en savait, d’abord ? Il n’avait pas hésité à le faire quand elle était dans le coma et puis en convalescence. Le pire coup bas qu’il lui ait jamais fait. Alors allez savoir… Noomi se contenta d’un répondre avec un « hum » qui chez elle, voulait toujours tout dire. Mais elle se détendit effectivement en l’entendant râler au sujet de son nœud papillon. Un sourire se dessina même sur ses lèvres l’espace d’un instant parce qu’elle le reconnaissait bien là. Puis elle reprit ses esprits ; qu’il s’étouffe donc. Puisqu’elle n’avait pas le choix, la blonde se résigna et les suivit jusqu’à leur table, qu’ils partageaient par chance – ou pas, ça reste à voir – avec d’autres amis à eux, et elle se débrouilla pour que Sarah se retrouve assise entre eux deux. Ça s’appelle de la prévoyance. Puis elle se mit à jouer avec un des verres pour s’occuper. Jusqu’à ce que Frank lui adresse à nouveau la parole. Il devait sacrément prendre sur lui pour lui parler comme si de rien n’était. Même si c’était pour se plaindre du fait qu’ils auraient pu avoir la décence de ne pas les inviter tous les deux. Ce avec quoi elle était d’accord, bien entendu.

« On devrait peut-être se le faire tatouer quelque part, comme ça ils n’auraient plus d’excuses. »

Un de plus, un de moins, pour Noomi ça ne faisait pas grande différence. En revanche pour Frank ça le serait. Il en avait un, de tatouage, un qui lui plaisait beaucoup, elle s’amusait à raconter à qui voulait l’entendre qu’il l’avait dans la peau. Mais c’était il y a longtemps tout ça et il avait dû se le faire enlever depuis. Bref.

« En tout cas je comprends mieux maintenant pourquoi ils ont tellement insisté pour que j’emmène Sarah. »

Ça, c’est sûr qu’ils étaient bien placés pour savoir que ça pouvait très vite dégénérer entre eux ; ils s’étaient assez souvent retrouvés entre deux feux alors la présence de Sarah était comme une garantie : Noomi ne se donnerait pas en spectacle devant sa fille. Qui avait l’air de réfléchir à la question, d’ailleurs.

« - Pourquoi ?
- Pour te voir dans cette jolie robe, évidemment. »

Elle se servit un verre d’eau ainsi qu’à sa fille avant de remettre la bouteille en place et d’aviser Lauren, assise un peu plus loin et qui regardait intensément dans leur direction.

« Tiens, tu te souviens de Lauren Higgins ? Ben elle nous croyait toujours ensemble, c’est fou. »

C’était même risible, d’ailleurs elle rit.

Frank pouffa suite à la remarque de son ex-femme : elle n’avait pas tort, ça aurait permis de mettre un terme à toutes les rumeurs les plus abracadabrantesques qui pouvaient passer de bouche à oreille dans la salle ce soir. Et les autres jours aussi, d’ailleurs. Néanmoins, le brun savait que ça aurait fait tâche avec l’autre tatouage qu’il avait, planqué sur l’omoplate gauche. Un tatouage de jeunesse, qu’il ne regrettais pas jusqu’à son divorce : pour sûr, il les avait tous les deux fait beaucoup rire à l’époque, mais maintenant, il n’arrivait pas à se convaincre d’aller le faire effacer. Il s’accouda à sa chaise, observa les gens aller et venir dans la salle.

- Ça c’est une bonne idée. Si ça se trouve, il y a un tatoueur assez doué dans le coin qui pourra me remplacer l’autre par celui-ci.

Parler de ce tatouage ne le dérangeait pas le moins du monde, et même si il était toujours un peu réticent à le montrer, il finissait par céder. Il s’était un peu effacé au fil des âges, mais rien de dramatique. Divorcé, qu’il se répéta à lui-même. Elle était bien bonne aussi celle-là, ils ressemblaient vraiment à tout sauf à un couple divorcé ce soir. Il retira son coude du dossier de la chaise pour plutôt croiser les bras. Il baissa les yeux vers Sarah lorsqu’elle devint le principal sujet de conversation. Noomi n’avait pas tort, c’est leur petite fille qui allait ce soir servir de figure pacifique. Même si cette idée ne lui plaisait pas vraiment, mais ça il se garda bien de le dire. Il sourit suite à la curiosité de la petite.

- Ta mère a raison, c’est une très belle robe.

Il ne comprenait pas vraiment pourquoi Noomi s’essayait à lui faire la conversation. Bien sûr, ils étaient à deux chaises l’un de l’autre, mais rien ne les empêchait de discuter avec quelqu’un d’autre autour de la table. Là, c’est à croire que rien ne s’était jamais passé entre eux deux. Elle mentionna Lauren, à qui il l’avait vu parler plus tôt, pendant la cérémonie. Frank passa une main dans sa barbe avant de lentement la gratter. Il avait bien vu que Lauren les regardait, son instinct de flic lui disait que quelque chose clochait.

- Oui, je me souviens de Lauren. C'qui est le plus fou Noomi, c’est qu’elle n’a jamais attendue que l’on soit divorcés pour essayer de me faire passer à la casserole. Je me demande ce qu’elle devient.

Il baissa d’abord un œil vers Sarah pour s’assurer qu’elle ne comprenait pas tout ce qui se tramait, puis il laissa échapper un sourire en se réinstallant correctement dans le fond de sa chaise. Il se demandait si cette remarque allait faire réagir Noomi.   

Alors comme ça, il avait gardé son tatouage, elle se demandait bien pourquoi. A sa place, elle l’aurait sûrement fait enlever ou recouvrir. D’autant que c’était lui qui était parti. Mais apparemment pas, ce qui soulevait quelques questions comme est-ce que c’était pas un peu problématique dans sa vie de tous les jours ? Au pire, il pouvait toujours prétendre être un super grand fan de la Nouvelle-Ecosse. Des questions dont elle n’aurait probablement jamais les réponses. Noomi opina du chef comme si ça ne lui faisait rien de le savoir. Puis la discussion s’orienta sur Lauren Higgins. Pour quelle raison ? La blonde n’aurait su le dire. Peut-être uniquement pour que la soirée ne soit pas une véritable plaie. Aussi un peu parce qu’elle se sentait trahie de se retrouver là avec Frank à sa table alors qu’il était de notoriété publique que c’était une très mauvaise idée. Sans parler de se servir de sa fille comme garantie. Tous des traîtres avec qui elle n’avait pas envie de parler pour l’instant, finalement. Peut-être plus tard, quand elle l’aurait moins mauvaise. Ce qui fait qu’il restait Frank, aussi bizarre que ça puisse paraître et si elle parlait du cas Higgins, c’est surtout parce qu’elle n’arrêtait pas de les fixer, ça en devenait presque gênant.

Quoi qu’il en soit, ça n’eut pas l’air de le surprendre de savoir qu’elle les pensait toujours mariés, ce qu’il trouvait fou en revanche – et il lui annonça ça comme on largue une bombe -, c’était surtout qu’elle n’ait pas attendu que le divorce soit plié pour lui faire du rentre-dedans. Hé ben, quelle garce, celle-là. Il faut croire que le mariage ne signifie plus rien pour personne dans cette ville. Elle ne dissimula même pas une grimace de dégoût lorsqu’elle recroisa le regard de l’autre – de toute façon, Noomi était incapable de mentir hormis pour faire croire que tout va bien - ; pas étonnant qu’elle n’ait jamais pu la sacquer. Enfin soit, ça aussi c’était il y a longtemps et elle regrettait un peu d’avoir amené ce sujet sur la table. Non parce que Frank pourrait très bien choisir ce moment pour lui annoncer qu’en fait, il l’a trompée des tas de fois durant leur mariage et ça serait le pompon.

« Tu vas sûrement pas tarder à le savoir. »

Elle marmonna ça tout bas en prenant une gorgée d’eau et de se tourner vers son autre voisin pour papoter. Peut-être bien qu’elle l’avait un peu moins mauvaise maintenant.

Et bien ça y est, il faut croire que la deuxième phase de ce mariage est sur le point de commencer : Noomi se tourne vers son autre voisin, ce qui n’est pas plus mal, et c’est maintenant Lauren qui jette un regard insistant, un peu déconcertant à Frank. Il n’est pas intéressé, n’a pas bien grande estime de cette femme et n’a certainement pas envie de faire sa petite affaire ce soir. Quelle peine, se répéta-t-il intérieurement en jetant des regards ci-et-là dans la salle, à la recherche d’une connaissance auprès de laquelle il pourrait prendre des nouvelles, d’une occasion à saisir. Plus les secondes s’écoulaient et plus il regrettait d’avoir acceptée cette invitation : il aurait été aussi heureux au travail, où à continuer ses travaux chez lui. Il aurait acheté une bonne bouteille de whisky à l’occasion, aurait bu un verre ou deux pour célébrer la fin du chantier en cours dans sa cuisine. Tiens, un verre : voilà bien quelque chose qui lui faisait envie, maintenant qu’il y pensait. Il se leva, posa ses mains sur les épaules de Sarah et déposa un baiser sur son front.

- Tu restes près de maman, Sarah. D’accord ?

Rien à redire du côté de la petite, alors Frank rangea son téléphone dans la poche de sa veste laissée sur la chaise puis se faufila jusqu’au bar, à l’autre bout de la salle. Il était probablement suivi de près par Lauren, il s’en doutait sans non plus s’essayer à regarder derrière lui. C’est à subtils coups de rencontres imprévues et de grands signes de mains à faire qu’il parvint à s’assurer un aller-retour sûr, du bar à sa place. Il pris une gorgée de son whisky, puis déposa son verre avant de contourner la table. Lauren était revenue s’asseoir entre-temps, adressait quelques signes à Frank de sorte à l’inviter à discuter plus loin. Arrivé derrière la place de miss Higgins, il posa une main sur le dossier de celle-ci, l’autre sur le bord de la table. Il prit rapidement quelques nouvelles, de manière à ne pas tout de suite paraître impoli, écoutait attentivement les réponses avec de grands hochements de têtes et un panel de sourires plus moqueurs les uns que les autres. Enfin, sa main se crispa un peu plus sur la table alors que la conversation semblait tourner en rond : Lauren espérait définitivement plus, mais pas tant qu’ils resteraient à cette table. Frank pris une grande inspiration avant de recracher, de manière à ce qu’une bonne partie de la table puisse l’entendre.

- Écoute Lauren, je suis venu là pour Ryan, pas pour toi. J’ai eu une journée difficile, j’aimerai que la soirée soit rapide et tranquille, alors… évite de me faire chier tout le long du mariage, d’accord ? Et putain, arrête de nous regarder comme ça !

Oui, Frank était un sacré con quand il le voulait ; il n'y allait jamais par quatre chemins et ne manquait pas de le faire savoir à tout le monde autour de lui. En ce qui concerne Lauren, il lui adressa un regard insistant pour s’assurer qu’elle ai bien compris, puis tapota deux fois sur le dossier de la chaise une fois satisfait. Puis il retourna s’asseoir et jura de son côté en prenant son verre entre ses doigts. Un cri l'interpella : Lauren ne comptait définitivement pas en rester là et s'adressait à Frank depuis l'autre bout de la table.

- Tu sais quoi ? J'comprends mieux pourquoi tu te retrouves tout seul, t'es vraiment qu'un gros con Frank !

Oh, la soirée allait être longue.  

Lorsqu’elle entendit Frank dire à Sarah de rester près d’elle, Noomi le suivit à peine du regard. Elle était curieuse, peut-être que le fait d’en parler lui avait donné envie d’aller bavarder un peu avec cette chère Lauren mais ça s’arrêtait là. Il valait sans doute mieux qu’elle se concentre sur la conversation qu’elle avait en ce moment, déjà qu’il les lui fallait bien toutes avec sa mémoire défaillante. Mais Lauren s’était levée pour le suivre alors elle pouvait pas faire autrement que de jeter un œil à ce qui se passait par là-bas de temps à autre. Ça la fit sourire de voir son ex-mari esquiver chaque tentative d’approche de l’autre sangsue. Assez divertissant, même, pour tout dire. Puis, une fois qu’elle se fut rassise ayant fait chou blanc, elle vit, toujours du coin de l’œil, Frank aller la trouver. A partir de ce moment-là, sa propre conversation passa au second plan et peut-être même qu’elle répondit totalement à côté de la plaque mais son interlocuteur n’eut pas l’air d’en prendre ombrage donc c’est que ça allait. Elle le vit lui adresser ce sourire qu’il lui réservait habituellement et c’était un peu satisfaisant quand même.

« - Maman j’ai faim, quand est-ce qu’on mange ?
- Bientôt, bébé. »

Pauvre Sarah, ça devait être long et ennuyant pour elle aussi. La blonde farfouilla dans les poches de sa veste pour en sortir un bonbon qui ferait patienter sa fille au moment où la voix de son ex-mari se fit entendre. Et bien sûr, elle tendit l’oreille. Même si elle ne saisissait que quelques bribes de la conversation, elle en comprenait néanmoins la teneur. Ou comment se faire remettre à sa place en bonne et due forme. Bien fait. Puis il revint s’asseoir et Noomi fit de son mieux pour dissimuler sa joie. Par contre, elle ne tint pas bien longtemps quand Lauren décida de crier à l’assemblée que Frank n’était qu’un con. La grecque se mit à rire. Une femme de plus à être déçue par Frank Delgado, la différence c’est que celle-ci le méritait clairement. Et qu’elle n’avait visiblement même pas eu la chance de se l’envoyer pour compenser. Et maintenant, toutes les têtes étaient tournées vers eux alors qu’elle n’y était pour rien, pour une fois.

« - Pourquoi tu ris ? Elle a dit à Frank qu’il était con, c’est méchant !
- Sarah, qu’est-ce que je t’ai déjà dit ?
- De pas dire de gros mots en public mais c’est elle qui l’a dit… »

Seulement en public, oui parce que sinon, elle ne voyait pas tellement le problème. Noomi était une bonne mère mais elle n’était pas du genre trop strict non plus, ça ne servait à rien. C’était même souvent pire. Quoi qu’il en soit, tout fut interrompu par l’arrivée du dîner. Pas trop tôt.

Oui, la soirée allait être longue. Frank se laissa faire incendier sans broncher : peut-être l’avait-il mérité, peut-être que ce n’était que justice, mais il n’avait pas l’intention de faire une scène ce soir. Pour Sarah, déjà : il n’y a pas de raisons qu’elle ai à subir ça alors qu’elle prend déjà sur elle en étant ici. Mais aussi pour Noomi : la situation semblait la réjouir, et il ne faudrait pas qu’elle en profite trop non plus. Même s’ils avaient su se montrer cordiaux l’un envers l’autre en public jusqu’à maintenant, c’était comme une espèce de course à celui ou celle qui serait le premier à la mettre à l’envers à l’autre. Il fit tourner son doigt autour de son verre, détournait le regard en attendant que la situation redescende. Heureusement, Frank fut sauvé par le gong : l’appel général pour le repas.

Il fit la queue jusqu’au buffet, près de Sarah et de la grecque. Sourire aux lèvres, il écoutait attentivement sa fille se demander avec quoi elle allait bien pouvoir se régaler, s’il y avait des frites ou du steak haché, ce genre de choses. Frank n’était pas un grand cuisinier, et en règle générale, c’est le genre de chose qu’il proposait à Sarah pour le repas ; autrement, ils se retrouvaient à commander à manger.

- T’en fais pas, Sarah. Je suis sûr qu’ils ont pensés à toi.

Il glissa ses mains dans ses poches, jeta quelques regards dans la foule pour s’assurer que Lauren ne viendrait pas lui faire une scène maintenant, faute de quoi il serait impossible de le rattraper. Il croisa le regard de Noomi et, faute de mieux, s’essaya à lui faire la conversation.

- Alors, euh… comment va ta tête ? Il y a du mieux ?

Ce n’était probablement pas la meilleure question à poser, étant donné que c’était bien là la raison pour laquelle elle ne voyait sa fille qu’un week-end sur deux. Mais pour le coup, il paraissait sincère : ce n’était après tout pas le genre de choses qu’on souhaitait voir arriver aux gens. Enfin, rapidement, ils arrivèrent jusqu’au buffet et Frank laissa les deux dames qui l’accompagnaient se servir. Ils auraient pu repartir tranquillement à leur table si, là-bas, le ton n’avait pas commencé à monter entre les mariés. Frank en resta bouche-bée, convaincu que ce genre de choses n’existait que dans les films, puis il secoua la tête.

- Et ben. C’est étonnant qu’on soit pas passés par là nous aussi. Sarah, tu devrais peut-être boucher tes oreilles, ma puce.
  

Parfois, le mieux à faire c’est juste d’attendre. Que le dîner soit servi par exemple, ça devait faire partie des choses qui apaisent les esprits, ça, non ? Probablement. Presque d’un même mouvement, tout le monde se leva pour se diriger vers le buffet. Plus qu’à faire la file comme à Disney World. Sauf que ce qui vient ensuite est quand même vachement moins fun qu’au pays de Mickey. Sarah quant à elle se posait des questions sur ce qu’il y aurait au menu. Comme pour la plupart des enfants, un steak et des frites feraient très bien l’affaire, ça serait même le top. Et Noomi avait vu d’autres enfants dans la salle alors il y avait des chances qu’ils aient eu une petite pensée pour eux. Elle hocha donc la tête pour appuyer la réponse de Frank avant de se pencher vers sa fille qu’elle serra dans ses bras.

« Sinon, j’suis sûre qu’on devrait pouvoir se trouver un peu de chair fraîche parmi les invités, pas vrai, zombie girl ? »

Que personne n’appelle les services sociaux, Noomi ne laissait pas encore Sarah regarder la nuit des morts-vivants et ainsi de suite – pourtant, elle avait un peu hâte d’y être parce que c’était pénible d’avoir Let it Go dans la tête à longueur de journée à force de l’avoir entendu -, c’est juste que la blondinette avait découvert le clip de Thriller il y a peu et qu’elle raffolait des zombies dansants. Elle se mit d’ailleurs à rire aux éclats en reproduisant un bout de la chorégraphie iconique. Sa fille serait rock’n’roll, elle ne pouvait être plus fière.

Puis ce fut au tour de son ex-mari d’essayer de lui faire la conversation. C’était un peu maladroit et la blonde était un peu sur ses gardes. Mais, après observation, elle ne décela que de la curiosité dans la question de Frank et se sentit libre de répondre.

« Y a un mieux, oui, merci. »

Ce n’était pas encore phénoménal mais les médecins avaient l’air optimistes, voire même enthousiastes. Ils disaient que ce n’était plus qu’une question de temps sauf que Noomi avait un peu l’impression qu’ils répétaient ça depuis le début, alors… Soit, elle ne pouvait pas faire grand-chose d’autre que de travailler là-dessus en attendant de voir s’ils avaient effectivement raison. C’est alors que de nouveaux éclats de voix retentirent en provenance de la table des jeunes mariés cette fois-ci. Hé ben, c’était du rapide, ça. Est-ce que Kylie venait d’apprendre que Ryan l’avait trompée avec la strip-teaseuse dans son enterrement de vie de garçon ? Difficile à dire, ils étaient trop loin. Toujours est-il que la remarque de Frank la fit sourire. La vérité c’est que leur mariage restait un des plus beaux jours de sa vie. Bon, ça s’était révélé être une erreur mais le mariage en lui-même avait été proche de la perfection selon ses propres critères. Elle haussa les épaules.

« C’est pas faute de les avoir prévenu que c’était une erreur. »

Mais pas comme un oiseau de mauvais sauf qu’à quoi bon se marier ? Noomi pouvait bien tomber sur un type qu’elle aimerait autant que ce qu’elle avait pu aimer Frank à une époque – ce qui ne risquerait pas d’arriver puisqu’elle n’était plus jeune et stupide - qu’il se verrait opposer un refus catégorique s’il lui venait en tête de poser un genou à terre. Le point positif, c’est que l’attention n’était plus tournée vers eux et qu’il y avait soudain moins de monde dans la file, aussi en profita-t-elle pour attraper deux assiettes et se servir ainsi que Sarah.

Zombie girl ? Frank grinça des dents : il y avait beaucoup réfléchi et était lui-même très ouvert sur la façon dont il devait éduquer Sarah. Il évitait d’agir en véritable muraille entre sa petite fille et le grand monde qui attendait qu’elle grandisse, là, dehors. Il connaissait Noomi, ses idées parfois perchées mais qu’il avait fut un temps lui aussi partagées et son goût esthétique pour le macabre, alors il n’en pris pas ombrage. De son côté, Frank participait lui aussi lentement mais sûrement à rendre la vie de sa petite Sarah plus colorée : ces derniers temps, il la laissait se défouler sur la batterie et essayait d’éveiller sa curiosité pour le rock. Il savait que ça marcherait, et ça, même si c’était involontaire, ça ferait sûrement plaisir à ses deux parents. Enfin, Frank commença à broder un début de conversation avec son ex-femme. En d’autres circonstances, il aurait sûrement abordé la question de manière trop légère, en demandant si elle a toujours une cervelle de poisson rouge, ou un autre truc douteux du genre. Mais s’il le demande gentiment, il a peut-être plus de chances de pouvoir estimer combien de temps encore il aura la garde de Sarah.

Il hocha lentement la tête en apprenant que, comme il s’y attendait, il y avait du progrès. Il aurait aimé approfondir un peu la question, mais c’est cette fois le duo des mariés qui mirent un terme à la conversation. Ils se disputaient à l’autre bout de la salle, à la table même ou la petite famille morcelée devait retourner s’asseoir pour profiter du repas. Frank glissa ses mains dans ses poches, observait la scène en lâchant un commentaire à Noomi. Il n’avait pas à se plaindre, lui : même si son mariage avait fini par exploser par sa faute, c’était probablement le jour le plus grandiose de sa vie. Il s’était contenté de faire confiance à Noomi, que ce soit sur le plan de table, le choix de la salle ou même toute la thématique qu’il y avait derrière et ça avait finalement porté ses fruits. Il pouffa néanmoins à la remarque de la grecque.

- Oh, ça va. Je sais que tu me vois comme une infâme pourriture, que tu crèves d’envie de me faire passer sous ta bagnole, mais il y avait quand même du bon aussi, dans ce mariage. Je t’interdis de dire le contraire.

C’était le seul mariage de sa vie, et assurément le dernier. Alors même si tout avait fini par tomber à l’eau, il y accordait beaucoup d’importance. C’est pourquoi la remarque de Noomi l’avait froissé. Il profita à son tour de l’absence de monde autour du buffet pour se servir puis commanda un deuxième verre avant de retourner s’asseoir. Il se tourna un bref moment vers les mariés, avec le regard sceptique du type qui ne sait pas s’il va devoir intervenir. Il aurait préféré avoir à se battre avec un trouble-fête qui serait arrivé avec quelques grammes d’alcool dans le sang, aurait fait une démonstration publique de force comme il le fait la plupart du temps lorsqu’il arrête un suspect avant de prétexter qu’il devait le ramener au poste pour pouvoir avancer son départ. Mais non, il était définitivement condamné à rester là jusqu’au bout.
  

Sans qu’elle comprenne exactement comment ni pourquoi, son ex-mari rebondit sur son commentaire en s’emportant un brin. Ce à quoi Noomi aurait pu s’attendre mais peut-être pas à ce sujet. Ils avaient toujours eu des tas de raisons de se disputer et c’était encore plus le cas depuis que Frank était revenu à Island Bay mais ça, c’était bizarre. D’autant plus que c’est lui qui a demandé le divorce. Quoi qu’il en soit, il n’avait pas tort, la blonde le voyait bel et bien comme une ordure et elle rêvait également de lui rouler dessus toutes les nuits ou presque. Mais il n’en avait pas toujours été ainsi. En fait, c’était même plutôt récent. Bien que leur relation ait été pas mal en dent de scie, Noomi ne détestait pas Frank avant qu’il profite de son accident pour récupérer la garde de Sarah en traître. Elle ne l’avait même pas détesté quand il avait décidé de la larguer et de se tirer à Miami. Peut-être qu’il en aurait été autrement s’il était resté et qu’elle avait dû le voir tourner la page, entouré de filles comme Lauren ou juste vivre sa vie sans elle mais ignorer tout ça parce qu’il se trouvait loin avait été assez facile. Mais soit, de quel droit se permettait-il de lui interdire quoi que ce soit, de toute façon ?

C’est d’un geste un peu rageur qu’elle remplit les assiettes en ruminant que non, c’est sûr qu’il y avait eu aussi du bon dans leur mariage mais quand on voit comment ça s’est terminé… Elle aurait pu laisser tomber l’affaire, ç’aurait été pour le mieux sauf qu’elle trouvait que c’était un peu l’hôpital qui se foutait de la charité alors, après s’être rassise, Sarah sur ses talons, qu’elle se soit occupé de tout pour que la petite puisse manger et que Frank vint se rasseoir à son tour, elle lâcha :

« Pourtant, c’est pas moi qui suis partie. »

Dans le fond, peut-être bien qu’elle lui en voulait aussi un peu à cause de ça et que ça ne se manifestait que maintenant. Cela dit, elle ne l’avait pas dit de façon agressive – ce qui de toute manière ne se serait sans doute pas vraiment remarqué à côté des deux autres qui continuaient à se donner en spectacle le jour de leur mariage, bravo -, mais puisqu’il s’amusait à faire comme si ça avait de l’importance pour lui, un rappel semblait s’imposer.