list of people (to try and forget about) • mac

L’enfance sait ce qu’elle veut. Elle veut sortir de l’enfance. Jamie avait déjà entendu ça quelque part, cette petite phrase aguicheuse et donnant à philosopher lui avait traversée l’esprit alors qu’elle buvait tranquillement un verre, du côté de South Bay. De temps en temps, lorsque la fin de semaine pointait le bout de son nez, elle avait pris l’habitude de sortir profiter du coucher de soleil, griffonner quelques idées qui lui passaient par la tête sur son carnet et chercher l’inspiration dans toute la vie qui l’entourait. Elle n’avait pas emmenée sa nièce, convaincue qu’elle se débrouillerait très bien toute seule à la maison le temps d’une heure et demi au plus, et puis, elle n’était pas non plus du genre à s’inquiéter pour ça.

Si cette petite citation lui revint aussi soudainement, c’est à cause d’un bête échange de point de vue qui était en train de tourner au vinaigre à quelques mètres d’elle, un peu plus près du bar. Elle n’était pas du genre à se mêler de ce genre d’histoire, d’autant plus depuis qu’elle s’était retrouvée avec un œil au beurre noir la dernière fois qu’elle avait tentée de calmer la situation. Mais l’une des deux têtes ne lui était pas inconnue, et le fond d’accent italien qui l’accompagnait n’était pas inconnu à la blonde. Mac, putain. C’était Mac, l’un des gamins avec qui sa fratrie traînait alors qu’ils étaient plus jeunes, un type à qui elle avait appris pas mal de combines alors qu’ils étaient tous hauts comme trois pommes. Pour le coup, elle était vraiment obligée d’intervenir : alors que les premiers coups fusaient, que les premiers crochets étaient distribués, Jamie tenta de s’interposer avec les quelques techniques qu’elle avait apprises de Phoenix. Ce n’était pas un franc succès, elle manquait de pratique, mais c’est probablement – et paradoxalement - le fait qu’elle se mette à menacer l’autre enragé qui détendit la situation. Pour l’empêcher de faire encore plus de vagues, elle attrapa son sac puis empoigna le bras de Gentile afin de le traîner dehors. Une fois à l’extérieur, elle se penche un instant en avant, mains posées sur les genoux avant d’éclater de rire.

- Putain, ce que ça fait du bien. Alors ça y est, t’es devenu un panier à emmerdes maintenant que t’es majeur ?

Elle tapa du poing sur le pectoral droit du jeune homme en guise de salut amical.

- J’pensais pas que tu reviendrais par ici. T’aurais pas du, en fait, c’est toujours pareil.

Sortir du bar s’était avéré être un véritable parcours du combattant : le petit con qui distribuait des salades de phalanges à Mac avant que Jamie n’intervienne était occupé à hurler dans le dos du nerveux et de son escorte. Ce n’est qu’une fois dehors qu’ils purent enfin respirer, même si ça n’allait probablement pas durer. Mac, il ne semblait pas vraiment remettre la blonde. C’était compréhensible, de l’eau avait coulée sous les ponts depuis, tout comme il avait du se battre un nombre incalculable de fois. Mais ça tombe bien, parce que ça valait aussi pour son ange gardien de la soirée, une blonde pas bien grande qu’il finit enfin par remettre. De ce qu’il racontait, Island Bay était un petit coin de paradis comparé à un autre pays, qu’il qualifia « de merde ». Est-ce là-bas qu’il était terré pendant tout ce temps ? Toujours est-il que oui, Island Bay, comparé à où qu’on soit dans le monde, c’est un havre de paix : la seule saloperie ici, c’est les chauffards. Et peut-être ces types qui se battent dans les bars, mais ça, c’est un cercle un peu privé. Et puis, il y en a partout.

Enfin, Mac affirma que Jamie aurait pu prendre des coups en voulant s’interposer, ce qui la fit doucement rouler des yeux en exprimant un sourire malicieux.

- Tu plaisantes où quoi ? Je fais de la boxe maintenant, il peut plus rien m’arriver. Je suis sûre que je l’aurai éclaté avant toi.

Elle tapa délicatement sur le buste du jeune homme pour illustrer ses dires avant de lui ébouriffer les cheveux, en souvenir du bon vieux temps.

- Tu parlais d’un pays de merde. T’étais caché où pendant tout ce temps ? De ce que je me souviens, t’as disparu d’un coup, sans qu’on sache pourquoi.

Elle haussa les épaules. Ça ne la regardait peut-être pas mais ça, c’est lui qui en jugerait.

Spoiler:

La boxe, un sport de mecs ? Peut-être, c'est ce qu'aurai pu penser Jamie avant de prendre quelques cours de self-défense en tout cas. Et à la réflexion, elle préfère largement avoir à subir ce type de réflexions plutôt que de prendre des marrons : et puis, sport de mecs ou pas, ça aura quand même permis à Mac d'éviter de finir dans de beaux draps.

- Dans ce cas, j'me permets de te dire que tu te bas comme une femme alors. Gros malin, un merci c'est trop te demander ?

Mac, ça faisait un bout de temps qu'elle l'avait pas vu la Jamie. C'est même étonnant qu'elle se rappelle de lui après autant d'années, ils étaient tous les deux gosses la dernière fois qu'ils s'étaient vus, et ils n'avaient probablement plus rien en commun maintenant. Ouais, de l'eau avait coulée sous les ponts depuis, mais Mac avait tout de même gardé les mêmes traits du visage. Toujours la même tête de petit voyou, et il semblerait bien qu'il n'a pas perdu ses bonnes vieilles habitudes à en juger par la scène du bar.

Jamie, elle s'essaya quand même à lui demander où il avait fait son trou ces dernières années. Il était parti du jour au lendemain, sans dire quoi que ce soit à personne, sans laisser de traces. La blonde s'y était faite, il y avait tout un autre tas de gosses dans le quartier, mais maintenant qu'ils étaient l'un en face de l'autre, la question la turlupinait quand même un peu. Et il s'avère que son trou, c'était l'Italie. Ça doit faire un changement, peut-être trop pour une si petite tête, puisqu'il n'a vraiment pas l'air ravi.

- Quoi, c'était pas bien ? J'aimerai bien finir mes jours en Italie moi, tiens.

Probablement pas en fait, elle avait mal rien qu'à l'idée de se la couler douce à longueur de journée sous une chaleur écrasante. Elle tira sur les sangles de son sac à dos lorsqu'à son tour elle fut interrogée sur ce qu'elle pouvait bien faire de sa vie, maintenant qu'elle venait de passer la trentaine.

- Oh, ben... Ma vie est un beau bordel. Ma famille est un peu éclatée, et je me retrouve un peu au milieu. Je fait du dessin, pour des bouquins éducatifs, et je m'occupe de ma nièce.

Oui, la vie de Jamie avait un peu été chamboulée avec l'arrivée à temps plein de Carrie à la maison, et elle a encore un bon paquet de progrès à faire si elle veut que la petite ne finisse pas comme le reste de sa famille à son jeune âge.