There's no one else I'd rather spend every day with than you (+) Lily & Liam

« Dix ans d’amour, ça se fête ! » Ce slogan publicitaire, sur lequel il avait posé les yeux plusieurs mois auparavant, avait interpelé Liam. Mais visiblement, ça ne l’avait pas marqué plus que ça. Sinon, il ne serait pas actuellement en train de courir à droite à gauche, jetant régulièrement des coups d’oeil à sa montre sans manquer de pousser des jurons à voix basse. Il n’était vraiment pas content de lui-même. Comment avait-il pu oublier un jour aussi précieux ? C’était la première fois que ça lui arrivait, précisément l’année où il aurait voulu marquer le coup. Bien entendu, rien n’avait été pareil cette année. Il n’était peut-être plus tout à fait le même Liam que quelques mois auparavant, celui qui était relativement insouciant, n’ayant aucune idée de la douleur étouffante que pouvait provoquer le manque de plusieurs êtres aimés qu’on ne reverrait jamais. Mais ce n’était pas parce qu’il était déboussolé qu’il pouvait se permettre d’oublier le reste. Il aurait voulu disparaître dans un trou de souris quand il avait saisi pourquoi Lily lui avait apporté son petit-déjeuner au lit. Il avait été mortifié quand il avait vu la tête de sa bien-aimée se décomposer quand elle avait compris qu’il avait oublié le dixième anniversaire de leur tout premier rendez-vous. Ils avaient l’habitude de le fêter joyeusement chaque année. Alors il lui avait promis qu’il se rattraperait. Et il était bien décidé à tenir sa promesse.
Heureusement, il avait commencé à préparer sa surprise plusieurs semaines auparavant déjà. Mais justement, ça lui était complètement sorti de la tête par la suite. Après négociations, il avait réussi à se faire remplacer au travail. Et maintenant, c’était à lui de jouer. Depuis plusieurs heures déjà, Liam transpirait en s’affairant à la maison pendant que Lily était partie bosser. Tout ne serait pas parfait, pour la simple raison que la journée n’avait pas bien commencé de son point de vue. Mais il pouvait au moins faire de son mieux pour que la soirée se déroule sous de meilleurs auspices. Enfin prêt à accueillir sa brunette, le jeune homme vérifia une dernière fois que tout était en place. Se passant une main dans les cheveux comme à chaque fois qu’il était un peu nerveux, il faillit tressaillir en entendant la porte d’entrée s’ouvrir. « Coucou belle demoiselle. » En moins de temps qu’il n’en fallut pour le dire, Liam était auprès de Lily, l’enlaçant tendrement d’un air coupable, sans trop savoir à quoi s'attendre, espérant qu'elle ne lui en voulait pas à mort. « J’espère que ta journée s’est bien passée quand même. Je suis vraiment désolé d’avoir oublié que c’était aujourd’hui. » Après l’avoir laissée se débarrasser, il l’entraîna vers leur sofa, où étaient posés de petits paquets-cadeaux. « Je t’ai préparé… Des petites surprises. Ce n’est pas grand-chose, mais chacune d’entre elles a une valeur symbolique » se crut-il obligé d’expliquer. « C’est un peu comme… Des souvenirs des endroits qu’on a visités ensemble. J’en ai choisi dix, bien sûr… » En réalité, l’idée venait de ses soeurs, lorsqu’il était parti à la pêche aux idées quelques semaines auparavant. Lily n’aurait sans doute pas trop de mal à deviner qu’il s’était fait aider sur ce coup-là. « Par quoi est-ce que tu veux commencer ? Le cadeau spécial Croatie, Autriche, Norvège, Grèce, Prague ou Amsterdam ? L’Italie, Londres, la France et l’Islande sont à garder pour la suite de la soirée. »

Scrutant le visage de sa fiancée à la recherche de signes avant-coureurs d’une explosion de colère contenue toute la journée, ne sachant pas trop à quoi s’attendre, Liam ne se sentait pas très à l’aise. S’il y avait bien une chose qui le faisait battre en retraite presque à l’image d’un chien apeuré, c’était bien une Lily furieuse, d’autant plus si c’était à juste titre. Or il savait qu’il n’aurait que ce qu’il méritait si c’était le cas, pour avoir oublié un jour aussi important. Il s’efforçait donc de se rattraper, se montrant à ses petits soins dès son arrivée. Et il faillit pousser un soupir de soulagement quand il constata qu’elle lui rendait son étreinte. Elle était sûrement mécontente, mais pas assez fâchée pour ne pas accepter qu’il l’entoure de ses bras aimants. « Non, je me suis fait remplacer. » Du coup, il en devait une à l’un de ses collègues supplié à la dernière minute, mais ça n’avait absolument aucune importance. Il voulait être avec elle ce soir-là, encore plus que d’habitude. Et il se sentait amplement récompensé par le fait que Lily semblait s’être calmée depuis ce matin-là. « Je comprends que tu aies été remontée. Je te demande pardon de t’avoir fait de la peine. Tu es ma reine au quotidien, mais je te promets que tu seras particulièrement comblée ce soir. » Il enfouit son nez dans les cheveux de sa bien-aimée. Ils sentaient toujours bon. C’était l’une de ses odeurs préférées au monde. « D’ailleurs, j’ai dévoré tous tes cupcakes. Merci beaucoup de t’être donné de la peine pour moi. »
L’enthousiasme visible de Lily rendit définitivement le sourire à Liam. Elle avait déjà oublié le fâcheux incident qui aurait bien pu gâcher une journée censée être spéciale. Il n’aurait pas été surpris de la voir sautiller d’excitation. « Tu m’en vois ravi ! Bon, comme tu me perces à jour mieux que personne, tu te doutes bien que l’idée m’a été brillamment soufflée. Poppy était presque aussi enchantée que toi. Mais tout le reste, réfléchir, creuser, chercher, enfin bref tu verras ce que je veux dire, tout ça vient de moi, bien sûr. » Il ne voulait pas donner l’impression de s’être reposé entièrement sur sa grande sœur, même s’il lui était très reconnaissant. Il n’aurait assurément trouvé rien de mieux. Mais ça lui avait quand même pris beaucoup de temps de s’en occuper et il espérait vraiment que ça en valait la peine. En tout cas, pour l’instant, il n’était pas déçu. Il sentit son coeur se réchauffer quand elle se mit sur la pointe des pieds pour lui donner un baiser.
« Prague est un très bon choix » approuva-t-il. Lily avait déjà déballé son paquet et il se lança dans ses explications, essentielles pour chaque présent de son point de vue. « Je sais que tu as déjà une bague de fiançailles, mais celle-là est symbolique d’une autre façon. Parce que ça fait dix ans que j’ai la chance de t’avoir à mes côtés. J’ai appris que le grenat tchèque est apprécié depuis des siècles. On dit que c’est une pierre de transformation qui aide à dépasser les difficultés pour en tirer une expérience. Tu sais que je n’y crois pas, mais… En fait, je trouve que ça nous correspond assez. Je n’aurais jamais pu traverser… Les épreuves de la vie sans toi. » Il lui passa la bague au doigt, un geste autrement symbolique, qu’il espérait bien reproduire officiellement dans les mois à venir.
« Enfin bon, je te laisse choisir la suite ! » Pour la Grèce, il avait choisi un livre intitulé « Che committed suicide », un roman de Petros Markaris, parce qu’elle adorait lire. En ce qui concernait la Norvège, il avait commandé avec l’aide de Freya une porcelaine qui était d’après elle très belle, en souvenir du pays de l’artisanat par excellence. De l’Autriche étaient arrivés des produits de la gamme « Alpienne », des crèmes reconnues pour leur qualité exceptionnelle provenant des Alpes tyroliennes. Il avait réussi à obtenir des napperons en dentelle traditionnelle de l’île de Pag en Croatie, que lui-même trouvait jolies alors que c’étaient des choses qui ne l’intéressaient pas du tout à la base. Quant au paquet intitulé « Pays-Bas », il contenait une photo encadrée du couple enlacé et au sourire éclatant, posant devant un champ de tulipes à l’apogée de la saison - l’une de ses photos préférées qu’ils aient prises dans ce pays, avec celle prise devant les canaux d’Amsterdam avec leurs vélos loués. « J’espère que ça te plaît. Encore une fois, pas grand-chose, mais... Symbolique. »

Obtenir des cadeaux typiques de pays en particulier qu’ils avaient visités avait demandé un certain travail en amont à Liam, d’autant plus qu’il n’était pas spécialement doté de bon goût en la matière. Et même s’il avait demandé conseil et qu’il connaissait sa fiancée par coeur, il restait quelque peu tendu en attendant sa réaction. Mais celle-ci fut à la hauteur de ses espérances. La bague en particulier, qualifiée de magnifique par la principale intéressée, sembla faire son petit effet. « C’est moi le plus heureux ! » assura-t-il, la voix vibrant de sincérité. « J’ai toujours eu besoin de toi, mais depuis qu’Axel et Josie ne sont plus là… C’est grâce à toi que j’ai pu tenir le coup. Tu sais que je ne pouvais pas m’effondrer devant mes parents et devant mes soeurs, mais avec toi je peux tout montrer, tout exprimer, sans me contenir, et ça, c’est vraiment… Ton soutien n’a pas de prix. » Parce que sinon, il n’aurait peut-être pas trouvé d’épaule aussi précieuse sur qui pleurer et aurait peut-être explosé de chagrin contenu. « Mais on parle plus de ça. C’est notre soirée. C’est juste pour t’expliquer à quel point je me sens chanceux de t’avoir auprès de moi. » Il l’embrassa tendrement sur le front, fermant brièvement les yeux. Même si la vie n’avait pas toujours été tendre, il restait reconnaissant pour ce qu’il avait encore.
Avec un enthousiasme qui faisait vraiment plaisir à voir, Lily commentait chacun des cadeaux qu’elle déballait. Il ne répondait pas grand-chose, se contentant de la regarder avec l’agréable impression qu’elle semblait encore plus joyeuse qu’une petite fille ayant reçu la visite tant attendue du Père Noël. Quand elle se tourna vers lui pour l’enlacer, il l’entoura à nouveau de ses bras protecteurs, un geste dont il ne se lassait jamais. Il pencha la tête pour plonger son regard dans le sien tandis qu’elle se livrait à une véritable déclaration d’amour. Caressant ses cheveux bruns, il ne pouvait s’empêcher de se sentir émerveillé. « Moi aussi je t’aimerai toujours, future madame Millstone. » Ils n’avaient pas discuté des préparatifs de leur mariage, ou même de la cérémonie tout court, depuis un bon moment, mais pour Liam, c’était toujours aussi réel, peut-être même encore plus. « Je suis sûr qu’il ne tient qu’à nous de faire durer ça tout notre vie. Et je te promets de faire de mon mieux pour continuer à entretenir et à faire grandir notre amour. Parce que c’est ça la vérité, c’est que je t’aime bien plus qu’au début. Je continue à t’aimer davantage. » Il posa ses lèvres sur les siennes, l’entraînant dans un tendre baiser. « Merci de me supporter depuis dix ans et de continuer » lui chuchota-t-il dans l’oreille en riant.
« Et voici le cadeau spécial Islande ! » Il lui tendit une jolie enveloppe décorée, contenant des bons pour une activité particulière. « J’imagine que tu te souviens des piscines naturelles chaudes où on s’est baignés là-bas ? C’est sûr que ce n’est pas la même chose, mais on va aller passer une journée en amoureux, à Rotorua, où on pourra profiter pleinement de leurs bains chauds. Tu pourras te détendre avec la totale, c’est promis, tu te feras bichonner en même temps ! » Il s’empara d’une autre enveloppe. « Et pour Londres… C’est là-bas que tu as vraiment commencé ton activité de styliste que tu aimes tant. Je suis fier d’avoir une fiancée qui fait le travail qui lui plaît. Et je me souviens du premier défilé auquel tu m’as emmené. Je n’y comprenais pas grand-chose, mais… Je veux aussi m’intéresser à ce qui t’intéresse. Alors ça, c’est pour aller à la Fashion Week d’Auckland. On pourra passer quelques jours là-bas. » Il lui adressa un sourire radieux, parce que pour le coup, il était sûr que cette proposition l’emballerait. « En ce qui concerne l’Italie… J’ai choisi ce qui, à mon avis, est le meilleur de ce pays. J’espère que tu as faim ? » lui demanda-t-il avec un sourire malicieux.

Presque surpris par la question de sa fiancée, Liam baissa à nouveau les yeux vers elle. « En tout cas, je l’espère de tout mon coeur. » Il n’aurait pas très bien su dire pourquoi il ne s’y attendait pas vraiment. Après tout, ils n’avaient pas abordé la question de la cérémonie de mariage depuis plusieurs mois déjà. Elle lui avait laissé du temps. Pour que la plaie béante puisse se refermer ne serait-ce qu’un tout petit peu. Pour ne pas organiser une fête dans la famille si tôt après une perte aussi immense. Malgré l’enthousiasme visible qu’elle avait mis à chercher des idées sur Pinterest et autres sites Internet, elle avait été patiente. Elle l’était encore aujourd’hui. « Tu n’oublieras jamais les moments passés à Venise, n’est-ce pas ? Eh bien depuis, j’ai encore plus envie que tu sois ma femme. » Il l’attira dans ses bras pour un autre câlin. « On va en parler ce soir si tu veux bien. Bientôt, dès qu’on sera posés, d’accord ? » Il préférait avoir une vraie conversation, plutôt que quelque chose d’informel. Pourtant, il parlait avec son coeur dès qu’il s’agissait de Lily, mais il était capable d’être tellement maladroit en paroles et en actes qu’il préférait réfléchir un minimum avant de parler.
« Tu sais, je serais capable d’endurer bien plus que la Fashion Week pour toi ! » lui assura-t-il en riant. Bien entendu, il ne s’y amusait pas du tout, il avait même une nette tendance à jeter un coup d’oeil à son téléphone portable toutes les trente secondes. Mais le regard enchanté de la jeune Davies valait absolument tous les sacrifices. Aux yeux de Liam, mieux valait que le plus d’activités soient programmées à deux, même si des compromis étaient nécessaires. Il arrivait par exemple que Lily l’aide à faire la cuisine même s’il ne le lui demandait que rarement. En revanche, ce n’était pas prévu ce jour-là. En effet, il voulait absolument la chouchouter jusqu’au bout, ce qui incluait qu’elle mette les pieds sous la table en attendant la suite. « Non, ne t’en fais pas pour ça. Allez, viens. » S’emparant de la main de sa bien-aimée, le Millstone l’entraîna vers leur petite cuisine bien équipée, qui faisait aussi office de salle à manger. Il avait décoré la table avec des bougies et des pétales de rose, prenant bien soin de suivre les instructions de Freya. « S’il vous plaît. » Il avait tiré une chaise pour qu’elle puisse s’asseoir. « Au menu, pizza aux légumes méditerranéens avec, évidemment, du faux fromage en entrée, et en plat pour toi ce sera de l’Osso Buco avec des gnocchis de patate douce. Maison, bien sûr. »
Quelques secondes plus tard, les plats étaient disposés sur la table. « Je crains de ne pas avoir très faim parce que j’ai pas arrêté de picorer en cuisinant. Mais il paraît que l’appétit vient en mangeant ! Par quoi tu veux commencer ? » Il les servit tous les deux et, malgré les propos qu’il venait juste de tenir, s’attaqua à la pizza végétalienne avec un plaisir non dissimulé. « Alors, tu aimes ? » Pendant le repas, ils firent quelques projets pour leur voyage à Auckland.   Même si ce n’était pas en-dehors de leur propre pays, Liam adorait les voyages en tous genres et ça l’enthousiasmait toujours. « J’espère que tu as encore de la place. J’ai préparé un tiramisu en dessert ! Adapté pour que je puisse aussi en manger, mais tu verras, j’ai testé une nouvelle recette et j’en suis très content ! » Alors qu’il posait une verrine devant elle et une autre pour lui, il décida d’aborder le sujet de conversation qui leur tenait tous les deux à coeur et posa une main sur la sienne. « Tu sais, je suis vraiment heureux d’être avec toi. Ce soir. Tous les jours. Me marier avec toi, ce serait… Comme un rêve devenu réalité. C’est juste que j’ai été tellement pris dans… Mes parents, mes soeurs, mon propre chagrin… Et je suis désolé si… Depuis le mois de février, quoi que ce soit a pu laisser penser que t’épouser ne serait pas la plus belle chose qui puisse m’arriver. » Surtout que quelque part, au fond de lui, il redoutait toujours que le pire se produise. « Est-ce que… Est que toi, tu es toujours sûre d’en avoir envie ? »

Le dîner se déroulait merveilleusement bien. La mère de Liam lui avait souvent dit qu’une relation de couple avait toujours plus de chances de réussir si elle était basée sur une amitié profonde et sincère, permettant des échanges complices et facilitant la communication. Il l’avait compris lui-même au fil des années. Lily était devenue sa meilleure amie, sa co-équipière dans la vie. Mais ce soir-là, c’était encore mieux que d’habitude, peut-être parce qu’ils avaient décidé d’un tacite accord de laisser de côté le moindre souci qui pourrait perturber le dixième anniversaire de leur premier rendez-vous galant. Lily et Liam se plaisaient à évoquer quelques-uns des souvenirs qu’ils avaient en commun, de leurs rencards du début à la folle aventure qu’ils avaient entamée ensemble en Europe. Les voyages avaient aussi renforcé leur relation, car ils avaient vécu ensemble des choses bien différentes que s’ils étaient restés confortablement à Island Bay. Entre deux bouchées de pizza, Liam ressortait une anecdote qui faisait presque inévitablement rire Lily alors que sur le moment, ça n’avait rien de drôle : la fois où il s’était trompé de côté quand il avait roulé pour la première fois dans la campagne française et s’était fait copieusement insulter par le conducteur d’un semi-remorque, celle où ils s’étaient perdus lors d’une randonnée dans le nord de l’Italie et que Lily avait bien failli se casser la figure, ou encore celle où il avait bien cru qu’ils allaient mourir de froid avec leur groupe de touristes dans les fjords norvégiens. Il était facile d’oublier les moments passés ensemble mais heureusement, grâce aux photos, le bons souvenirs laissaient une trace.
Après le tiramisu, dont le Millstone dégusta avec joie deux verrines alors qu’il avait affirmé ne pas avoir spécialement faim, il décida d’aborder le sujet moins léger évoqué plus tôt - moins léger dans le sens où il était très important. Trop de temps s’était écoulé depuis la dernière fois où ils en avaient parlé sérieusement, alors que c’était le projet d’une vie, une des étapes les plus décisives dans un couple. Et une fois qu’il eut fini de s’exprimer à ce sujet, il posa à Lily une question qu’il redoutait. Se pouvait-il que le temps qui passe l’ait poussée à réfléchir à deux fois à son engagement, ou tout simplement à se laisser envahir par une certaine lassitude ? Il voyait bien qu’elle portait avec toujours autant de fierté la bague de fiançailles qu’il lui avait passé au doigt à Venise, mais il ne pouvait s’empêcher de se poser la question. Heureusement, la réponse de sa bien-aimée rasséréna Liam, bien que la discussion ne soit pas encore terminée. « Oui, je comprends. Et je te remercie pour ta patience… Et ta compréhension. » Parce qu’encore une fois, il n’était pas sûr qu’un mariage soit approprié tout de suite après une tragédie, même si c’était probablement ce que son cher Axel aurait voulu. « En tout cas, je suis soulagé de savoir que tu en as toujours envie. Qu’on en ait tous les deux toujours envie. Je m’en serais beaucoup voulu si… Si à cause de tout ça… On avait gâché quelque chose qui pourrait être encore plus précieux que ce qu’on a déjà. » Il posa une main sur la sienne pour la caresser avec une douceur infinie. « Tu es la femme de ma vie et tu sais… L’anniversaire de nos dix ans, tout ça… Ça m’a fait réfléchir. Je trouve qu’il y a beaucoup de trop de temps qui est passé. Et je sais que tout n’est pas toujours rose, parce que ça ne l’est jamais pour aucun couple, mais… Quand je repense à la façon dont tu m’as soutenu dans l’épreuve, toujours… Je suis encore plus convaincu que même dans les pires moments, tu resteras à mes côtés. Et ça me donne encore plus envie de sauter le pas ! Alors… Je sais pas trop comment tu envisages les choses, mais… Qu’est-ce que tu dirais de nous y mettre sérieusement ? En commençant par fixer une date, déjà. Et en discutant de tout ce qui en découle… » Lily avait été très enthousiaste au début : elle écumait les sites et autres posts consacrés au mariage. Son engouement aurait-il diminué au bout de huit mois difficiles pour Liam ?

Si le discernement n’était pas le point fort de Liam - loin de là -, il nota bien que Lily semblait tendue à l’évocation de leur futur mariage. Comme il ne pouvait s’empêcher de redouter qu’elle ait peut-être moins envie de se marier maintenant, il interpréta mal sa réaction et ressentit un soulagement indescriptible quand elle le rassura. En réalité, il s’était peut-être trompé encore plus que ce qu’il pensait, dans le sens où l’enthousiasme de la jeune femme semblait absolument intact : sitôt le sujet abordé, elle paraissait débordante d’idées. Elle se déclara aussitôt prête, ce qui fit sourire le Millstone. Une fois la première vague de soulagement passée, il commença à se sentir un peu coupable. Si Lily était toujours aussi excitée à l’idée de se mettre sérieusement à l’organisation de leur mariage, ça voulait peut-être dire que ça lui avait fait un peu de peine d’attendre plus longtemps que prévu. Trop pris par sa souffrance et celle de sa famille, il n’y avait pas vraiment pensé. Et le fait qu’elle lui ait laissé du temps ne faisait que renforcer sa conviction, déjà bien établie, que c’était la bonne. Alors quand elle suggéra le mois de février ou celui de mars, Liam sentit son sourire s’élargir. « Ça me paraît absolument parfait ! Je pensais que tu aurais besoin de plus de temps pour l’organisation à proprement parler, mais je suis ravi de ne pas avoir à attendre une année supplémentaire avant de te passer la bague au doigt. Ça fera un an depuis nos fiançailles, c’est déjà bien suffisant, non ? » Ce n’était peut-être pas grand-chose pour certains, mais pour lui, c’était plus qu’assez. Et visiblement, ça l’était aussi pour sa fiancée, car elle parlait avec tellement de passion que ça en devenait attendrissant. Elle évoquait l’une de ses amies, créatrice, pour leurs vêtements. Il se contenta de hocher la tête en signe d’assentiment, peu préoccupé par ce genre de choses. Il se disait surtout qu’il fallait qu’il arrive à suivre le fil de la conversation. « Alors si tu veux te marier à la plage, fin février, ou début mars, c’est vraiment l’idéal ! Je t’avoue que j’ai même pas pensé à un éventuel lieu… Mais par ici, la plage semble être une évidence. Tu sais, franchement… Bien sûr, je vais t’aider, c’est promis. Mais pour moi, tant que je me marie avec toi, tout me va ou presque ! Je suis préfère te laisser le choix des détails. J’aimerais surtout essayer d’économiser pour pouvoir t’emmener quelques jours en lune de miel. »
Alors voilà. Ils avançaient vers leur mariage. La soirée se déroulait encore mieux que Liam ne l’avait imaginée. « Ne sois pas désolée… Si tu savais à quel point ça me fait plaisir que tu sois aussi heureuse. Alors, est-ce que tu as déjà une idée des couleurs, ou du thème, ou je sais pas trop comment ça s’appelle ? » Il savait qu’elle avait déjà commencé à farfouiller à la recherche d’idées alors qu’ils étaient encore à Venise. « Par contre, je sais que c’est jamais joyeux, mais… Tu penses qu’on pourra faire quelque chose de relativement simple ? Sinon, je crois bien qu’on sera obligés de s’endetter. Oh, bien sûr, j’adorerais t’offrir un mariage de princesse, mais… Pour ça, il aurait fallu que je choisisse une autre carrière. » L’argent, et à combien plus forte raison le manque d’argent, n’était jamais un sujet agréable à aborder. Mais le jeune homme préférait le faire tout de suite, pour qu’ils se mettent déjà d’accord sur une estimation de budget, même si elle restait vague. « Je suis désolé pour ça, vraiment. » Il se leva et s’approcha pour passer ses bras autour d’elle et l’embrassa sur la tempe. « Pour essayer de te faire passer dessus, n’oublie pas que j’ai une dernière surprise pour toi, en souvenir de la France. »

Un sourire effleura le visage de Liam quand Lily lui révéla qu’avant même qu’il la demande en mariage, elle avait déjà commencé l’organisation dans sa tête. Il n’était pas si surpris que ça. Déjà, Lily était une organisatrice-née. Ensuite, ayant grandi avec deux soeurs, il avait appris que les petites filles rêvaient du jour de leur mariage bien avant l’âge d’avoir un petit ami. Du point de vue de Liam, le lieu, la décoration et même les personnes présentes en-dehors de son cercle proche n’avaient pas beaucoup d’importance. Il s’agissait presque de détails pour lui, tant que Lily acceptait de s’unir à lui pour la vie. C’était presque la seule chose qui comptait à ses yeux. C’était la raison pour laquelle il voulait laisser le choix libre à sa fiancée. Bien entendu, il serait heureux d’avoir son mot à dire sur deux ou trois points précis, mais si Lily préférait faire les choses autrement, il n’en ferait pas du tout une maladie. Si elle voulait un mariage à la plage, alors pourquoi pas ? Liam aimait la plage. Il aimait le surf, même s’il était loin d’exceller dans cette discipline. Il aurait peut-être préféré un mariage sous la neige, parce qu’il adorait la neige et le snow-board. Mais encore une fois, il n’avait pas particulièrement envie d’attendre jusqu’au prochain hiver, ça lui semblait trop lointain. C’était la belle saison qui arrivait d’abord, alors autant en profiter. Tant qu’elle était heureuse, ça lui convenait. « Bien sûr que c’est important pour toi. Je m’inquièterais si ce n’était pas le cas. » Il l’écouta parler du thème et de la décoration sans l’interrompre, persuadé qu’il n’allait pas tarder à se perdre dès qu’elle commencerait à évoquer des détails. Alors il se contenta de hocher la tête en signe d’assentiment, sans se départir de son sourire. Parce que ça se concrétisait. Parce que leur mariage commençait à prendre forme. Parce que ça devenait encore plus réel à ses yeux. Et peu de choses, si ce n’était rien, n’auraient pu le rendre plus heureux. « Je suis bien d’accord avec toi. Chic mais sobre. Tout à fait toi, en somme. »
Il se pencha pour déposer un baiser sur ses lèvres, son coeur se serrant à l’idée de revenir quelque peu à la réalité avec la question de l’argent. Lily redescendit assez vite à terre, s’excusant même parce qu’elle avait tendance à se laisser emporter par une foule d’idées. « Je t’en prie, c’est moi qui suis désolé. Et tu sais quoi ? Je suis sûr que tu arriveras à organiser un mariage merveilleux même avec les moyens du bord. J’ai entièrement confiance en toi. » En revanche, ce n’était peut-être pas le cas de son beau-père. Liam ne put s’empêcher d’esquisser une grimace. « Oui… Je te laisse t’occuper de lui. Il a déjà eu suffisamment de mal à digérer quand tu lui as annoncé qu’on s’était fiancés, alors j’imagine sa tête quand il réalisera que je n’ai effectivement pas les moyens d’offrir à sa fille le mariage de ses rêves. » Le jeune homme n’éprouvait pas le besoin d’avoir l’approbation entière de M. Davies, pour la simple raison que ça semblait mission impossible vu le milieu dans lequel il était né. Mais bien sûr, ça lui faisait parfois de la peine que son beau-père continue à penser que Lily pouvait trouver mieux que lui. Bien sûr qu’elle pouvait trouver mieux que lui. Mais Liam n’était pas sûr qu’elle puisse trouver quelqu’un qui l’aime autant que lui. Il s’efforçait de prouver son amour à Lily tous les jours et plus encore lors de cette occasion particulière. C’était l’heure de la dernière surprise. Il se leva, saisit délicatement la main de sa fiancée et l’attira à sa suite. « Ne t’en fais pas pour ça, je m’occuperai de débarrasser et de faire la vaisselle demain matin. Laisse-moi plutôt prendre soin de toi. Est-ce que tu te souviens de l’endroit où tu m’as emmené en France et où on s’est fait masser ? Ça nous a fait tellement de bien. Alors j’ai essayé de recréer l’ambiance de l’endroit et je vais surtout essayer de détendre. » Dans la chambre, les lumières étaient tamisées, des bougies allumées et des huiles essentielles diffusées dans la pièce. Il la laissa s’installer sur le lit dont il avait changé les draps, se força à ne pas lui sauter dessus parce qu’elle s’était déshabillée et qu’elle était irrésistible et commença à la masser. « Maintenant détends-toi, mon amour. »