Non, la solution n'est pas de défoncer la porte ...

Un jeu d’évasion ? Pourquoi pas. Pas vraiment le genre de Jamie, bien trop impatiente et irréfléchie lorsqu’elle est soumise au temps et à la pression, mais pourquoi pas. Ça lui permettrait de passer un moment entre copines avec Jenny, puisque c’est le terme sur lequel elles se sont indirectement accordées pour leur relation. Et au fond, ce n’est pas plus mal : la glace est brisée entre elles, et c’est bien plus simple de se laisser aller dans une relation quand on sait concrètement ce qu’elle représente. Elles arrivèrent au bout de quelques minutes sur la route, quelques minutes pendant lesquelles elles n’échangèrent pas un mot car Jamie devait se concentrer sur la route plutôt que sur les signes de sa camarade de jeu. Ce n’était pas dérangeant, elles commençait à prendre l’habitude. Jenny fit part de ce qui représentait peut-être une inquiétude à Jamie : la présence de son au cours du jeu, qui pourrait un peu contrarier le programme. Elle haussa les épaules l’autre blonde, parce qu’elle n’y connaissait pas grand-chose en escape game.

- Je sais pas trop. Je me dis que le type derrière les commandes doit nous guider avec un micro, mais bon. On verra, on trouvera toujours un moyen de s’arranger.

Elle n’inclut pas la solution la plus simple, qui était probablement de jouer sans les indices : elle savait pertinemment que ça finirait par la gonfler. Jenny ajouta qu’en cas de pépin, l’autre blonde pourrait toujours défoncer la porte. Ça la fit doucement sourire.

- Même un mur, s’il le faut. Avec un peu de chance, on arrivera directement à la voiture.

Oh oui, qu’elle en serait capable – de défoncer la porte, pas le mur bien entendu – et c’est probablement ce qu’elle fera si ça devient trop pesant pour elle. Il n’y avait plus qu’ à espérer qu’elle ne finisse pas en plus par menacer le gérant pour se faire rembourser. Jamie roula des yeux à la dernière remarque de Jenny, tout en poussant la porte du bâtiment.

- Eh, si ça se trouve c’est toi qui va paniquer. Du coup, ça va un peu faire de moi ton guide ? T’es entre de mauvaises mains, ma fille. Je peux te l’assurer.

Elle s’arrangea à l’accueil, mentionna la surdité de Jenny au gérant qui ne pouvait cependant pas s’arranger pour adapter le jeu, et enfin, elles entrèrent dans la pièce.

Ce que Jamie aime chez sa partenaire d’escape game, c’est qu’elle n’est jamais la dernière à dire oui lorsqu’il s’agit de faire un truc contraignant quand on est sourd. Elle est trois fois plus capable que quelqu’un qui fonctionne avec tous ses sens, et ça fait du bien de pas avoir à se prendre la tête pour faire ça ou ça. D’autant plus que le courant passe bien. Mais toujours est-il qu’elles ne savent pas à quoi s’attendre, elles ignorent si c’est un jeu adapté pour quelqu’un qui ne s’entend même pas parler. Jamie imagine que le maître du jeu, ce vicieux caché derrière une caméra, leur donnera des indices par le biais d’un micro. Jenny, elle, préfère penser que tous les indices seront sous leurs yeux, et qu’elles n’auront qu’à se creuser les méninges. Jamie préférerait qu’il en soit ainsi, ne serait-ce que pour que son amie en profite à cent pour cent.

Elles aiment plaisanter sur le caractère un peu rodéo de Jamie, et il s’avère qu’il pourrait être utile aujourd’hui : si jamais elles se retrouvent coincées, elle n’aura qu’à exploser le mur pour rejoindre la voiture. Elle laisse échapper un rire lorsqu’on la compare à Captain Marvel, et ce même si elle ne partage pas l’engouement de tout le monde pour ce que devient le MCU.

- Ou peut-être plutôt Super Girl. Je pourrais dessiner un contour de porte en tirant des lasers avec mes yeux.

De ce qu’elle en savait, en plus, Super Girl était plus puissante que Captain Marvel. Elle n’en mettrait pas sa main à couper, mais elle aimait au moins le penser. Très vite, les deux comparses se retrouvent au cœur de l’action – façon de parler puisqu’elles ressemblent surtout à deux cochons d’indes qui découvrent la nouvelle cage où ils vont passer les prochaines années de leur vie. Jamie glisse ses mains dans ses poches, fait un peu le tour de la pièce avant de tourner le regard vers Jenny lorsqu’elle s’adresse à elle. Elle mime une grimace lorsqu’elle mentionne cette histoire de murs qui se rapproche, puis soupire.

- Si il fait ça, c’est un tordu.

Et elle n’en pensait pas moins. Elle s’activa lorsque Jenny l’invita à commencer, puis parcouru la pièce de long en large à la recherche de quelque chose qui puisse les aider.

- Il y a un paquet de trucs. Je sais pas trop par où commencer, est-ce qu’on devrait chercher le code pour les tiroir ? Peut-être dans les coffres, mais il faut une clé pour ouvrir les coffres. Donc… on chercherait des clés ? Qu’est-ce que t’en dis, Jack Sparrow ?

Elle adressa un sourire à Jenny, avant de fouiller par-ci par-là à la recherche des dites clés.

Si elle peut voir à travers les vêtements des gens ? Mince alors, même si l’idée ne lui avait jamais traversé l’esprit quand on lui demande le super-pouvoir de ses rêves, ça lui soulagerait la vie. Au moins, elle repérerait tout de suite les types musclés comme ça. La gestuelle de Jenny suite à la question fait doucement rire l’illustratrice, puisque pour le coup, Jamie sait déjà à quoi s’attendre sous les fringues de sa camarade de jeu.

- Peut-être. C’est la première étape, après ça je me jette sur ma proie comme un faucon pour lui dire d’arrêter de faire du bruit.

Oh, ce qu’elle aime taquiner Jenny. Au moins, le fait qu’elles se considèrent comme de simples amies ne les empêche pas de s’envoyer des piques quand l’envie leur prend. Maintenant que la piste du maître du jeu sociopathe est écartée, elles peuvent enfin commencer à faire chauffer leurs cerveaux – même si Jamie, gros bras de cette session, compte surtout sur Jenny pour ça. Elle regarde un peu avec quoi elle pourrait interagir dans la pièce, repère un coffre qui nécessite bien évidemment une clé. C’est l’occasion de citer l’une de ses plus banales références cinématographiques, car pas très au fait de la culture de Jenny dans ce domaine. Mais ça semble fonctionner, et elle se fait même reprendre. Ce sera Capitaine Jack Sparrow, alors. Puisque sa comparse semble aller dans le même sens qu’elle concernant le coffre, Jamie décide de le laisser de côté. Elle s’intéresse cependant au tableau qui attire l’œil de Jenny lorsque celle-ci lui fait part de la trouvaille, et fait mine de réfléchir alors qu’elle n’y comprend franchement pas grand-chose.

- Comment ça trouver l’ordre ? Pourquoi est-ce qu’il y aurait un ordre des continents ?

Comme le naturel revient au galop, Jamie refait un tour de la pièce en quête de quelque chose qui pourrait les aider avec cette petite énigme, tout en marmonnant. Il y a bien des objets de la même couleur que sur le tableau, mais elle ne voit pas vraiment comment aborder le problème. Alors, elle traîne les pieds quelques instants avant de se tourner vers son amie.

- Hé, t’es vraiment sûre que je peux pas défoncer la porte ? Ou au moins arracher le tableau, le mécanisme est sûrement derrière. C'est toujours comme ça dans les films.

Alors que sa comparse lui explique le but du jeu, puisque l’illustratrice ne semble toujours pas avoir totalement compris malgré le départ du chrono, celle-ci fait les quatre-cent pas à travers la pièce en marmonnant à son tour « pour nous donner un indice, tieeeens ». Elle reste sur son avis, c’est un jeu organisé par des vicieux, et ils sont même sûrement en train de saliver derrière leurs caméras. Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’ils ne saliveront pas sur la vivacité d’esprit de miss Hackett, puisque les casse-têtes comme celui-ci, c’est vraiment pas sa tasse de thé. Et son impatience ressurgit d’autant plus lorsque Jenny affirme qu’elles ne sont là que depuis deux minutes.

- Tu te fous de moi ? Deux minutes ? J’ai l’impression d’être enfermée ici depuis une éternité. La prochaine fois, on ira faire du surf.

Le naturel revient toujours au galop, c’est pourquoi elle espérait malgré tout que son amie ne prenne pas toutes ces réflexions immatures personnellement. Elle était contente de venir ici pour passer du temps avec Jenny, mais le simple fait d’avoir à se retourner le cerveau pour sortir d’ici la tracassait. C’est qu’elle ne s’attendait pas vraiment à ça, elle n’avait pas souvent eue l’occasion de faire des activités du genre avec sa famille auparavant, alors elle était un peu déçue. Heureusement, Jenny, elle, elle sait y faire. Par on ne sait quel miracle, elle appuie sur les continents jusqu’à ce qu’une trappe s’ouvre à côté du tableau. Elle ne semble pas l’avoir entendue, alors Jamie vient poser sa main sur la tête de son acolyte – et sa sauveuse – pour la faire pivoter jusqu’à cet heureux incident.

- Bien joué, capitaine. Je vais te dire ce qu’on a trouv-… Une clé ! C’est une clé ! Je veux même pas savoir comment tu as fait.

Elle ressort le bras de la trappe en secouant l’objet comme une enfant. Et très vite, se précipite vers le coffre. En d’autres circonstances, elle aurait laissée à Jenny l’honneur d’ouvrir le coffre, mais là, elle a vraiment pas le temps quoi. Et là, c’est le drame. Dans le coffre, une multitude de petites pièces en bois qui, à vue d’œil, sont sensées s’assembler pour former un quelque chose.

- Putain, les vicieux ! On est pas sorties, Jenny.

Elle s’assied au pied du coffre et commence à former quelque chose avec le tout – son âme d’artiste entrant dès lors en ébullition.  Ça, les puzzle, elle sait y faire. Il n’y avait que ça à la maison.

- Tu penses que ça rentre dans l’encoche, là-bas, dans le mur ?

Bien sûr qu’elle aime se plaindre, la Jamie. Elle essaye même de se surpasser, puisque se plaindre, elle adore ça : elle le fait quand elle s’ennuie, quand elle mange un truc qu’elle n’aime pas, quand elle attend le bus. Elle adore se plaindre, ça a toujours été le cas. Heureusement, Jenny est assez patiente pour ne pas tomber dans son petit jeu, faute de quoi elle s’embarquerait pour une bonne heure de cauchemar – pas plus, il ne faut pas pousser le bouchon – dans cette fichue salle-prison. En attendant, la force tranquille de Jenny eu pour effet de calmer un moment l’autre blonde dans ses complaintes.

- Bon, tout va bien alors. Tu vas voir, je vais t’emmener surfer dès que les beaux jours seront revenus. Tu vas tellement t’éclater que tu me supplieras de brûler cette… escape room de mort, là !

Elle haussa la voix sur la fin de sa phrase, histoire de bien se faire entendre du propriétaire qui les écoutait sûrement. Pendant ce temps, Jenny mène la danse et commence à déchiffrer la grande énigme qui les retient prisonnières. Jamie ne veut pas vraiment savoir comment elle s’y est prise : ce n’est pas comme si elle reviendrait tenter l’expérience le mois prochain. Non, elle se contente de s’emparer jalousement de la clé et d’aller ouvrir le coffre, dans l’espoir d’y trouver une autre clé qui les fera sortir de la salle – ou un bélier pour défoncer la porte, à défaut. Mais à l’intérieur, rien de tout ça : simplement un autre casse-tête, qui ne manque pas de la faire râler une énième fois. Heureusement, les puzzle ont le don de la faire retomber en enfance, et elle s’y colle sans plus attendre. Pendant que Jenny s’occupe ailleurs, le tout prend forme. Et lorsque l’autre blonde revient enfin auprès de Jamie, le puzzle est vaincu. Au final, il représente trois symboles alignés de gauche à droite. Étant donné qu’elle n’est pas sûre de comprendre si c’est un nouvel indice ou une plaisanterie, Jamie lève les yeux vers son acolyte.

- Tu les as vus quelque part ces symboles, pendant que tu faisais le tour ? Plus on avance, plus j’ai l’impression qu’on me prend pour une conne.

Alors elle se lève, fait un tour de la salle elle aussi, jusqu’à tomber sur les fameux boutons que Jenny a croisés plus tôt.

- On en prend un chacune et j’appuie sur le troisième en faisant le grand écart ?

Si l’idée lui avait frappé l’esprit assez longtemps pour aller jusqu’à titiller le bout de ses doigts, Jamie n’était pas pour autant si bonne surfeuse qu’elle le laissait penser. Elle nage, plonge mais n’a encore jamais réellement songé à dompter les vagues. Peut-être qu’un jour elle s’y donnera à cœur joie, qui sait ? Peut-être que Jenny aussi, tiens. « Va pour une journée plage, alors. C’est dommage, je salivais déjà à l’idée d’avoir des photos de toi en train de te faire laminer par une vague scélérate. » Simple plaisanterie. Maintenant qu’elle y pensait, Jamie était incapable de se rappeler la dernière fois qu’elle était allée se la couler douce à la plage tout un après-midi durant. Tout est allé si vite avec l’arrivée de Carrie à la maison.

Les suggestions fusent dans la tête de la blonde et disparaissent dans un « pouf » lorsqu’elle réalise à quel point elle est peut-être en train de s’emballer. Les jeux de réflexion comme celui-ci, ce n’est définitivement pas son truc. Sûrement parce qu’elle est consciente de ne pas vraiment être en danger. Mais parfois, quelques idées un peu capillotractées semblent valoir la peine d’être exploitées, et c’est comme ça que Jamie en vient à proposer à son acolyte de se sacrifier en activant deux des trois interrupteurs à elle seule. Ça devait être un peu ambitieux, parce que sur le coup, elle eut l’impression de mourir et, alors qu’elle appuyait sur les interrupteurs, la voilà à s’inquiéter de la façon dont elle allait bien pouvoir se relever. « J-Jenny ? Je crois que je vais rester coincée comme ç-… Ah, non, c’est bon. » Elle fait une pause le temps de reprendre ses esprits, puis s’étire les jambes l’une après l’autre. « Il te restait une main toi, non ? Me dis pas que tu prenais des photos ? » Faute de quoi il lui faudrait casser le téléphone de Jenny avant de s’attaquer à la porte. Jenny lui demande ce que ça a bien pu provoquer et, après un court instant de réflexion, Jamie pointe un coin de la pièce du doigt. « Une petite boîte là-bas, je crois. Tu jettes un œil ? Je peux plus marcher. »

Encore quelques minutes plus tard, les deux aventurières mettent finalement la main sur la clé qui leur permettra de revoir la couleur du ciel. Jamie soupire de soulagement, lève ses majeurs vers la caméra en prenant son air le plus fier puis offre son high five amplement mérité à Jenny. « Parle pour toi, si tu m’avais pas accompagnée je… bon, je serais pas venue de moi même, mais autrement j’aurai dû survivre en bouffant les meubles. Imagine. » Ou alors elle aurait lentement mais sûrement grignotée la porte.

La remarque imagée de Jenny a le don de faire sourire la deuxième blonde. Elle aimait bien faire des activités avec elle Jamie, depuis qu’elles s’étaient plus ou moins mises d’accord chacune de leur côté sur ce que devait être la nature de leur relation, ne serait-ce que pour la facilité qu’elle avait à s’exprimer avec elle, et ce même si il fallait en plus discuter avec des séries de signes. Jamie hocha vivement la tête, pris le même air fier que lorsque Carrie produisait de superbes dessins. « Tu vois, t’as déjà l’allure d’une surfeuse. Fais-moi confiance, pour une fois, ça va être super fun. » Le jeu continue, c’est long mais la lumière commence à se profiler au bout du tunnel. Jamie se met dans des positions pas possibles pour vaincre les énigmes douteuses du vicieux qui les observe sûrement derrière un écran, continue évidemment de se plaindre pour toujours plus embêter son amie. Jenny affirme avoir convenu d’un deal avec le propriétaire des lieux, ce qui, après réflexion, est assez drôle en soi. « J’espère qu’il m’affichera en grand à l’accueil. Tout le monde mérite de me voir victorieuse, avec la grâce d’un cygne. » Elle n’était plus si sûre des signes adaptés au mot cygne – oui c’est chiant – mais qu’importe. Tout ça pour dire qu’au final, le duo est parvenu à créer du mouvement à l’autre bout de la pièce, dévoilant probablement un énième indice qui les mènera à la sortie. Est-ce qu’elle existe, au moins, cette sortie ? C’est que ça n’en finit plus. Jamie ne prend pas la peine de répondre lorsque Jenny laisse à penser qu’elle ne portera pas son amie jusque là voiture. Bien sûr que si qu’elle le fera, pensa la nageuse. Elle la portera elle, et leur trophée.

L’aventure se termine enfin quelques minutes plus tard. Et comme le dit si bien Jenny, oui, Jamie survit. En bonne dame qu’elle est, cette dernière ouvre la porte et fait bêtement la révérence en invitant Jenny à passer devant. C’est vrai que pour le coup, avoir l’avis de l’organisateur sur leur performance intéresse bien Jamie. Elles arrivent de nouveau à l’accueil et, contrairement à ce qu’aurait pu penser la blonde, force est de constater qu’il fait encore jour. A cet instant précis, elle prie pour que Jenny ne leur porte pas malheur et qu’elles n’aient pas vraiment droit à une partie supplémentaire. Le propriétaire les accueille avec un grand sourire. « Eh, c’était pas si mal. Des étoiles de mer j’en ai vues, mais alors des comme vous, ça, jamais. Vous pouvez récupérer les photos si vous voulez, et il y a une peluche offerte avec. » Putain, pensa Jamie, avant de se lancer dans une série de signes. « Tu rigolais pas, t’as vraiment négociées les photos ? »