painting on the wall / jenkins

Il jette un coup d’œil à son téléphone, par réflexe. Pas de message donc, pas d’urgence à l’hôpital. Il laisse échapper un soupire sans savoir s’il espérait avoir une excuse pour éviter de jouer les mannequins pour son frère, ou s’il est content d’enfin pouvoir profiter d’un week-end de repos avec le reste des Jenkins. Sans doute un mélange des deux. Une main dans ses cheveux et il enfile le blouson, ses clefs de voiture dans la main. Quelques minutes plus tard, le moteur ronronne et il s’enfuit sur la route, direction Wellington ; il est parti avec un quart d’heure de retard, se doute que les autres seront sans doute déjà sur place. Il regrette de ne pas avoir proposé à Sidney de l’emmener – passer par chez elle lui aurait donné un bon prétexte pour son retard, mais elle doit être sur la route, si ce n’est dans la maison secondaire, déjà, et il sait qu’il est préférable de ne pas accuser sa petite sœur pour son incapacité à être à l’heure quelque part. Il profite d’un stop pour composer le numéro de l’aîné, le bluetooth de son téléphone lui permettant de garder les deux mains sur le volant tandis qu’il redémarre et s’engage sur le périph’. « Y a pas mal d’embouteillages, » qu’il ment, conscient pourtant qu’ils ne sont pas dupes. « Je devrais arriver d’ici trente minutes. Mais si tu veux commencer à peindre les filles, te gêne pas pour moi, hein. » Pas que ce soit près d’arriver – si Gabriel a décidé que les quatre enfants doivent être sur son tableau, alors les quatre enfants seront sur le tableau. Il raccroche avec un sourire sur les lèvres, accélère. C’est que le timing est un peu serré (les parents devant débarquer en fin d’après-midi pour découvrir la surprise préparée pour leur anniversaire de mariage).

Il se gare finalement dans la rue devant la maison modeste ; la paire solaire sur le bout du nez, il traverse la petite allée fleurie et entretenue (par qui ? Il n’en sait rien mais il se promet d’en toucher un mot à la fratrie parce qu’autant il a pas la main verte, autant ça le gêne pas de financer un jardinier pour que les herbes ne deviennent pas folles), décide de contourner la bâtisse pour entrer par l’arrière coure. Ca fait longtemps qu’il n’est pas venu – qu’il n’a pas pris le temps de venir, en réalité, même s’il aime se cacher derrière ses heures folles à l’hôpital ; mais rien n’a tellement changé, à part peut-être le voisinage. Et encore, un coup d’œil par-dessus la haie lui apprend que les Wimbleton possèdent toujours la résidence sur leur droite (en revanche, depuis quand est-ce qu’ils ont un enfant, ça, c’est un mystère). Il pousse la porte après un dernier regard chez les voisins – mauvaise habitude prise à force de propager des ragots avec la matriarche Jenkins, dans son enfance – et, le plus discrètement possible, se faufile jusqu’au salon. Où Jody lui tourne le dos. Un large sourire apparaît alors sur ses lèvres tandis qu’il fait signe à la petite Victoria de ne rien dire. A pas de loup, il s’approche de sa sœur, et, conservant son statut de frangin le plus fun (auto-décerné mais uniquement parce qu’ils sont trop pingres pour lui offrir un vrai trophée), il se jette à moitié sur la plus jeune de ses sœurs. « Attention ! » Un regard en direction de l’air (ahuri ? consterné ? choqué ? il n’arrive pas bien à déterminer l’expression qui s’est peinte sur les traits de Jody) et il éclate de rire, dépose un baiser sur le haut de son crâne. « Bah alors Jody, on dirait que t’as vu un fantôme. Halloween c’est passé, pourtant. » Son rire se répercute encore contre les murs de la pièce à vivre tandis qu’il se baisse pour attraper Victoria. « Ah, la plus belle de la famille. » La petite se blottie contre lui, nichant sa tête dans son cou et il sent son cœur fondre – comme à chaque fois, vraiment, mais il ne s’est toujours habitué à cette sensation. « Tu sais où sont Sid et Gabriel ? » Une main chatouille les côtes de sa filleule, l’attention pourtant portée à sa cadette.

Doucement ses yeux papillonnes et Sidney est durement agressée par la lumière du soleil, direct conséquence de son oublie de fermer les volets. Une main portée à son visage pour tenter de retrouver un semblant de vue et Sidney jette un coup d'oeil à son téléphone qui clignote. Un rappel. Un rappel concernant le tableau que veut peindre Gabriel de leur famille, un rappel qui lui annonce qu'elle est en retard, car forcément elle a oublié. Sidney a toujours été celle qui fait les trucs à reculons, la tradition d'Halloween c'était pas son truc, les photos de famille pour les cartes de voeux non plus, alors forcément, elle avait zappé, pourtant elle se lève, ne cherche pas une énième excuse pour ne pas se rendre à la maison familiale, parce que Gabriel lui a demandé un service et que même si elle n'est pas la plus démonstrative, ils sont sa famille. Elle se lève, rejetant la couverture avant d'attraper de quoi s'habiller, un jean, le tee shirt noir de la caserne et une veste en jean plus tard, elle est prête à partir. Ses lunettes de soleil sur le nez elle prend la route avant de s'arrêter à un café, elle n'est pas à quelques minutes de retard en plus.
Le chemin n'est pas bien long et forcément elle se gare à la roche sur le trottoir et forcément sa mère aura droit à des commentaires avec la voisine sur l'incapacité de sa fille à suivre les règles imposées. Poussant la grande porte d'entrée avec un sourire désolée, elle entre tant bien que mal dans la maison. Désolé, je sais je suis en retard, mais pour ma défense, j'ai eu une intervention hier soir et je ne suis rentrée qu'à cinq heures ce matin. Elle soupire longuement, se rappelant de la catastrophe qu'elle avait dû gérer. Mais je ne suis pas vraiment en retard puisque Thad ... elle lève le regard pour trouver celui de son grand-frère. Pour le coup elle est vraiment en retard, car si Sidney n'est pas du genre à l'heure, Thad est le roi du retard. Ok, je suis vraiment en retard, mais j'ai apportée des donuts et des cafés. Elle dépose le tout sur la grande table et enlève ses lunettes de soleil avant de se diriger vers son grand frère et de lui déposer baiser sur la joue tout en le prenant dans ses bras et de lui murmurer à l'oreille. T'aurais dû m'appeler, tu savais que j'allais zapper. Oui forcément elle rejette la faute sur Thas car si une chose que tout le monde à propos de Sid, c'est que ce n'est jamais de sa faute. Elle embrasse le front de sa nièce avant de  s'approcher de Jody et lui embrasser le crâne. Quelqu'un peut me dire où est Gabriel ? Oui parce que c'était sa grande idée à la base.

Painting on the wall.

Jenkins family.

Gabriel s'était levé de bonne heure ce matin. D'une part, parce que Victoria ne voulait plus dormir et d'une autre parce qu'il avait comme un million de choses à faire avant de partir rejoindre la fratrie à l'autre bout de la ville, dans leur maison de vacances. Gabriel avait eu l'idée du siècle pour réunir tout le monde. Les peindre tous ensemble pour offrir la fameuse toile à leurs parents pour leur anniversaire de mariage. Du génie et personne n'osait rien refuser à Gabriel, alors il en profitait de temps à autre. Il y avait presque tout dans sa voiture, son matériel de peinture, de quoi manger, un sac à linger et des jouets pour Victoria qui était assise tranquillement dans son siège bébé.

Il fut bien évidemment le premier à arriver. De plus, il savait pertinemment qu'au moins deux d'entre eux se feraient désirer par un retard toujours un peu douteux. Gabriel en profita pour installer Lily dans ce parc dans lequel ils avaient eux-mêmes joué des années plus tôt. Leur père l'avait ressorti et un peu retapé, il faut avouer. Il lui installa tous ses jouets, et la petite dernière pointa le bout de son nez. Il lui ouvrit la porte en la prenant dans ses bras.

- Je savais que tu serais la première à me rejoindre, comment vas-tu ?

Puis échanger quelques banalités, il reçut un appel de Thad et s'excusa auprès de Jody en lui disant que Victoria était dans le salon. Son frère était soi-disant dans les embouteillages. Il n'en croyait pas un mot, mais cela ne changerait rien à la situation.

- Essaye d'arriver avant ce soir !

Gabriel rangea son téléphone portable dans la poche de son jean puis il se dirigea dehors pour sortir tout son matériel, il y avait un sacré bazar et il n'aurait sûrement pas besoin de tout, mais il valait mieux prévenir que guérir, non ? Il installa tout dans le salon, puis il fit un dernier aller-retour à sa voiture pour sortir la nourriture qu'il déposa dans la cuisine. Retrouvant Jody, il reprit la parole.

- On pourrait boire un verre, ça les fera peut-être venir, tu ne crois pas ?

Il s’éclipsa une nouvelle fois dans la cuisine afin de servir deux verres, même s'il en sortit quatre au total, plus quelques toasts qu'il avait préparé, histoire qu'ils se tiennent tous tranquille au moment de prendre la pose. Entendant un boucan pas possible dans le salon, cela ne voulait dire qu'il seul chose, tout le monde était enfin là. Retournant au salon avec son plateau, il s'exclama.

- Et bien, et bien… On a presque failli attendre avec Jody. J'espère que vous avez mis vos plus beaux vêtements.

Puis un large sourire se dessina sur les lèvres, signe que c'était bien le cadet de ses soucis. Il posa tout ce qu'il avait entre les mains pour pouvoir serrer Thad et Sidney contre lui afin de les saluer comme ils l'avaient toujours fait entre eux.

CODES c LITTLE WOLF.

Spoiler:

Pour passer du temps dans notre maison de vacances en dehors de la ville, je ne me fais jamais prier. Il y a tellement de souvenirs ici… Et puis qu'est-ce qu'on ferait pas pour les parents hein ? Depuis que j'ai mon propre appartement, papa et maman me manquent plus que je ne le pensais et j'étais plus que contente quand Gabriel m'a appelée avait son idée de tableau surprise pour leur quarantième anniversaire de mariage. J'avais prévu d'arriver un peu en avance pour décorer la maison et aider mon frère pour garder Victoria pendant l'installation de tout son matériel. Les bras chargés de paquets, les clés rentent introuvables dans mon sac alors que je le fouille frénétiquement. Mais heureusement Gabriel est déjà là et m'ouvre la porte et ses bras pour un câlin.
—Très bien et toi ? Tout est rentré dans l'ordre à la galerie ? Où est Vicky ma petite chérie ?
Après quelques échange de nouvelles fraiches, il m'indique la direction du salon et je trouve ma petite chérie dans son parc à jouer tranquillement. Elle me tend les bras dès qu'elle me voit avec sa petite frimousse malicieuse à laquelle ne peux résister bien longtemps. Je babille avec elle alors que Gabriel prend un coup de fil, évidement, comme il fallait s'y attendre c'est Thad... il est en retard. Je lève les yeux au ciel en riant, au fond c'est ça la famille, le monde change, le monde bouge tout autour de nous, mais les piliers de nos cœurs restent les mêmes. C'est rassurant. Et un tel bonheur en même temps. Gabriel revient finalement de ses derniers préparatifs en me tendant un verre de vin et je repose ma nièce dans son parc pour trinquer avec lui.
— Aux parents ? Oui ne t'inquiète pas ça les fera venir...
Et quand on parle du loup... mon cœur, mon corps font un énorme bond alors Thad passe à l'attaque direct en arrivant. J'ai cru mourir sous son cri et même manqué de faire tomber mon verre. Il y a tout de même un peu de vin qui se renverse, direct sur ses mocassins italiens. Bien fait.
—Oui... Halloween c'est passé... mais visiblement ta connerie c'est pas une fois par an, c'est tout le temps...
Me moquer de mon frère à coup de joute verbale fait partie de notre complicité éternelle et je lui lance un sourire moqueur alors qu'en même temps je me blottit dans ses bras doucement.
— Gabriel est dans la cuisine mais on attends encore Sid, tu t'améliores, t'es pas le dernier...
Juste à ce moment, la porte s'ouvre à nouveau sur Sid qui a l'air d'avoir peu dormi vu sa mine blanche. Heureusement c'est une peinture pas une photo, Gabriel n'auras pas de mal à lui peindre quelques couleurs supplémentaires. Amour vache avec ma sœur cadette ? Noooooon... Rien qu'un peu alors que je luis fais un câlin à mon tour pour lui dire bonjour... Gabriel débarque à nouveau de la cuisine avec deux verres supplémentaires pour tout le monde et on peut enfin commencer. Je mords dans un donuts au glaçage rose que Sidney a apporté et trinque à nouveau, cette fois-ci avec tout le monde.
— Bon, on commence ? Parce que ce n’est pas tout mais… les parents vont débarquer dans quelques heures et on a tout à préparer !
Mais visiblement, personne n'est pressé, c'est toujours comme ça quand on ne s'est pas vu tous ensemble depuis longtemps, rien qu'à se raconter nos petites histoires du moment ça prendrait un week-end entier. Il se passerait d'ailleurs au moins une heure avant qu'on puisse prendre la pose dans le jardin devant la toile de Gabriel si je ne secouais pas tout le monde...

Il baisse le regard sur ses mocassins, relève un regard accusateur en direction de Jody. « Tu me dois une paire de chaussures. » Il récupère sa filleule au passage, la couvre de baisers qui la font glousser avant qu’il ne lève les yeux au ciel, ne fasse mine de vouloir couvrir les oreilles de Victoria. « Heeey, c’est quoi ce langage devant une enfant, Jody ? Je suis vexé que tu aies pensé qu’il y avait une date limite pour mes enfantillages. » Une main à sa poitrine pour ajouter à sa théâtralité et il dépose un baiser sur sa tempe, se retournant sur lui-même pour essayer d’apercevoir le reste de la fratrie Jenkins. « Sid est en retard ? » Il arque un sourcil avant de faire volte-face car la porte s’ouvre et dévoile une Sidney avec un teint proche du cadavérique, déjà en train de se chercher des excuses. Il s’éclaircit la gorge alors qu’elle tente de pointer les travers du retard sur lui (pas que ce soit très faux, mais pour la forme). « Désolé sis, mais ça marche pas aujourd’hui. » Elle est bien prompte à se rattraper avec ses beignets et donuts et Gabriel surgit à cet instant. Tandis que Victoria entre ses bras réclame son père, Thad embrasse sa deuxième sœur, retenant un rire sec. « Et rater l’occasion de te voir piquer mon étiquette du retardataire ? Tu plaisantes j’espère ? » Un baiser sur le haut de son crâne. « T’as une mine affreuse, d’ailleurs, mauvaise nuit ? »  Il la scrute l’air de rien (espère-t-il), inquiet par un vieux réflexe dont il est maintenant incapable de se débarrasser. Il se retourne, enlace l’aîné des Jenkins, Victoria passant de l’un à l’autre dans le processus. « J’avais mis mes plus beaux habits, mais Jody a décidé de les dégueulasser donc faut t’en prendre à elle pour les mocassins pleins de vin. » Il hausse les épaules, plonge la main dans le sac de friandises ramenées par la pompier et croque dedans avant de désigner la concernée puis ses mocassins. Pas que ce soit d’une grande importance, de toute façon – ils sont loin de l’époque où leur mère pouvait les forcer à être parfaitement coiffés pour une photo de famille à quelques jours de Noël. Pour orner le sapin, qu’elle répétait à chaque fois avant de déposer la photo au sommet de l’arbre (parce que l’étoile c’était so overrated de l’opinion de la mère Jenkins). Il récupère la bière ramenée par l’aîné, la lève pour trinquer avec les autres. « J’ai une question avant qu’on commence… Comment tu vas faire pour te peindre avec nous, Gabriel ? » Il penche la tête sur le côté avant de jeter un regard du côté des frangines. A ce qu’il sache, aucune d’elle n’a de talent particulier pour le dessin (à moins qu’elles lui aient menti sur ça). « Tu voulais nous peindre où ? Devant la cheminée c’est un peu trop classique, non ? » Non pas que ça lui importe, en réalité (il y connait rien, lui et il fait entièrement confiance à Gabriel pour les diriger sur ce qu’il imaginait avec cette idée tordue). « Au fait, depuis quand les Wimbleton ont un gosse ? » La bière dans une main et un nouveau donut dans l’autre (et une petite malédiction lancée à Sidney pour avoir ramener autant d’éléments gras quand il essaie de faire attention à sa ligne), il s’est approché de la fenêtre, le regard porté malgré lui en direction du jardin des voisins.

apologies:

Enfin les voilà tous réunis, elle doit avouer qu'elle était sceptique au début Sidney, une toile pour cadeau. Mais si les trois autres décident que c'est une bonne idée, alors elle suit Sidney, mais forcément qu'elle est en retard et quand Gabriel s'ils ont tous enfilés leurs habits de lumière, elle ferme les yeux, parce qu'elle savait bien qu'elle avait oublié quelque chose. Elle jette un coup d'oeil à son jean, son tee-shirt portant le sigle de la caserne et sa veste. Bah on va dire, qu'au moins ma tenue est à mon image. Un sourire qui ressemble à des excuses prend place sur son visage, tout le monde sait que jamais Sidney n'ira jusqu'à enfiler une robe, ça n'est jamais arrivé jusqu'ici et il faudra sûrement attendre son mariage pour la voir faire un tel effort. Elle apprécie les grands bras de ses frères dans lesquels se faufiler et accorde un regard à Thad avec un sourire cette fois beaucoup plus sombre. Ouais, on a perdu un gamin. Elle baisse la tête pour cacher ses yeux qui se remplissent de larmes. Pourtant aucune ne coulera sur son visage, pas aujourd'hui. Elle laisse sa mélancolie de côté pour eux, parce qu'ils sont pas obligés de partager sa noirceur habituelle. Au lieu de ça, elle porte la bière à ses lèvres avant de suivre son frère jusqu'à la baie vitrée pour observer les voisins. Je ne les ai jamais trop aimé, ok j'ai foncé dans leur voiture l'année dernière, mais pas obligé de le rappeler à maman à chaque fois qu'ils la voient. Ce n'est pas pour rien qu'elle ne conduit pas le camion Sid, c'est la plus mauvaise conductrice de l'île, la moins patiente aussi. Elle a dû repasser cinq fois son permis de conduire, après tout, certains pariaient même que Jody l'aurait avant elle. Se retournant d'ailleurs vers sa soeur, Sid se glissa à côté d'elle. Leur relation avait été détériorée depuis le départ de la blonde à l'armée, cela ne voulait pas dire qu'elle ne voulait pas tout faire pour que tout revienne à la normale.  Je suis passée chez les Pedersen l'autre jour. Elle essaye de le dire le plus bas possible, tout le monde ici sait que sa relation avec la famille de son défunt meilleur ami est compliqué. Sid ne s'est jamais pardonnée la mort de Sam, malgré que la famille de ce dernier passe son temps à la rassurer. Je ... je voulais juste m'assurer que Juliette allait bien, je suis intervenue sur un incendie où elle était présente. Elle sait pas pourquoi elle a l'impression de devoir se justifier en face de sa soeur, comme si elle avait fait quelque chose de mal et tout d'un coup la perspective de devoir lui avouer que la belle brune a emménagé chez elle, lui semble être une très mauvaise idée.

Je souris alors que Gabriel remet Victoria dans son parc. Non seulement la petite est le soleil de la famille depuis sa naissance, mais à présent grâce à elle, je ne suis plus la plus jeune de nous tous. Que du bonheur qu’on ne s’attarde plus sur ma consommation d’alcool à moi, alors qu’il y a quelques années encore, j’avais droit aux railleries de tout le monde dès que j'avais une bière à la main. Bon par contre pour les vannes de Thad, ça… rien n’a changé...
— Mais… bien sûr mais c’est carrément ma faute si t’es un petit “rigolo” ! Tu vois -  je surveille mon langage !
Je lui tire la langue pas un brin coupable pour ses chaussures. Sidney nous résume brièvement sa nuit infernale et ça me serre le coeur d’apprendre qu’elle a perdu un enfant cette nuit. Je me demande soudain si Roman me parlera aussi d’événements tragiques comme celui-ci quand il reprendra le travail. Ma soeur prend toujours son travail très à coeur et elle force toujours l'admiration d’être aussi forte. Bien sûr je me garde de bien de lui dire surtout quand elle enchaîne en parlant de la visite aux Pedersen.
— Un incendie ? Et c’était quand ? Juliette m’a rien dit. Je ne suis pas sûr qu’aller la voir était la meilleur à chose à faire, mais bref c’est fait.
Je lance un regard contrarié à Sid. Ma meilleure amie parle peu de la mort de son frère mais ma soeur n’a pas à aller remuer le couteau dans la plaie pour se déculpabiliser. La famille de Juliette a assez souffert comme ça. Nous n’avons pas eu l’occasion de nous voir depuis plusieurs semaines et je me promets de l’appeler en rentrant pour m’assurer que la visite de Sidney ne l’a pas trop chamboulée. Gabriel enchaîne et nous propose de nous peindre à l’extérieur, le temps printanier s’y prête bien aujourd’hui et je ne peux qu’approuver.
— Oui c’est super en extérieur ! Peut-être devant les beaux rosiers devant la façade auxquels maman tient tant ? Et puis comme ça quand tu auras fini de peindre nos têtes, nous on préparera tout pour le dîner avant que les parents arrivent.
Alors que tout le monde s’avance vers le jardin, on laisse la grande baie vitrée ouverte pour pouvoir entendre malgré tout les babillages de Victoria et on s’installe tous à quelques mètres de la toile blanche de Gabriel pour prendre la pose. Et puisque pour une fois on est tous réunis sans pouvoir s’enfuir, j’en profite pour poser la question qui me trottait depuis plusieurs semaines sans oser en parler à mes frères et ma soeur.
— Dites… euh… vous croyez que pour la prochaine réunion de famille, je pourrais euh… inviter mon… petit ami ?
Je tais pour le moment le fait qu’il viendrait accompagné de ses deux enfants et me contente d’un sourire innocent en direction de Gabriel qui commence à nous peindre.

Il a un sourcil qui s’arque, Thad, à la remarque de son aîné – un air innocent (et, pour le coup, réellement un peu perdu parce qu’il n’a pas tout écouté, il doit l’avouer) déjà peint sur les traits de son visage. « Douteux ? Y a rien de douteux chez moi aux dernières nouvelles, » souligne-t-il avec un regard appuyé en direction de son frère. Dommage que Victoria soit encore trop jeune pour prendre sa défense (car il ne fait aucun doute qu’elle prendrait sa défense, il sait comment l’amadouer, la petite). Son attention est déjà détourné en direction de la cadette et il lève les yeux au ciel. « Ca, c’est parce que tu n’as jamais eu le loisir de voir ta tête quand on t’effraie. C’est précieux, pas vrai Sid ? » La benjamine n’a toutefois pas besoin de répondre beaucoup parce que Thad, il voit bien qu’elle n’a pas l’air dans son assiette, Sidney. Il l’observe de son regard de grand frère, celui qui voudrait pouvoir sonder les méandres de son esprit en détail pour lui retirer la peine qu’elle porte ou pour lui arracher un sourire et les mots qu’elle prononce l’obligent à déglutir. Il connaît ça. Trop bien, même. Il sait que les mots ne peuvent pas suffire dans ce genre de situation, alors il ne cherche pas à en trouver et il se contente de passer un bras autour des épaules de sa sœur pour la serrer brièvement contre lui, un baiser claquant contre ses tempes. Il ne force pas à parler, Thad, parce qu’il sait que sa fratrie sait qu’ils peuvent se tourner vers lui quand le sac devient trop lourd à porter. « Tu comptes peindre jusqu’au torse ou… ? » Ou le terme spécifique lui échappe (le seul type de cadrage dont il se souvienne est le plan épaule, du reste, il n’a jamais compris pourquoi tous les autres plans ne se désignaient pas par les parties du corps humain qu’ils permettaient d’afficher). « T’as enfoncé la voiture des Wimbleton ? Waoh, chapeau bas. » Il lâche un rire bref, essaie de s’imaginer la scène dans son esprit mais il n’a jamais eu l’imagination bien débordante alors il laisse vite tomber l’affaire pour se concentrer sur le plus important – et ce qui les amène dans la maison de campagne de leurs parents. « Je crois que ça ne lui a pas réussi de se couper l’oreille de toute façon. » Nouvelle gorgée de bière, rapidement épongée par un morceau de donut englouti. « Va pour les rosiers, » qu’il tranche en ouvrant la baie vitrée avant de se laisser guider par Gabriel pour la pose. Une main sur l’épaule de sa sœur proche et il manque de s’étouffer à la bombe larguée par la plus jeune (et vraiment très jeune) de la famille. « Non seulement tu peux mais je dirai même que tu dois l’inviter ! » Il en oublie la peinture, Gabriel qui tient ses pinceaux en main pour se tourner vers sa cadette. « Et comment s’appelle ce cher petit ami ? » Et quel âge il a et que fait-il dans la vie et comment l’as-tu rencontré et est-ce que t’es sûre que c’est un type bien et est-ce qu’il a un casier judiciaire dont il faudrait se méfier – les questions se succèdent toutes dans son esprit et Thad, il essaie de les trier par ordre d’importance (et de politesse, surtout, parce qu’il voudrait pas que Jody assume qu’il joue les papa ours).