Un nouveau départ (FT. Spencer)

Des années durant, Dean avait démontré qu'il était quelqu'un de courageux. En Afghanistan, il avait eu le privilège de combattre avec d'autres et il s'était toujours comporté de sorte d'aider ses coéquipiers au mieux, même lorsque la situation devenait désespérée. De retour aux États-Unis, il avait du faire face à l'adultère de sa femme, à ses propos blessants, cruels. Ne voulant pas aller en Irak, il avait été considéré comme déserteur et s'était installé en Nouvelle-Zélande, pour y trouver refuge et y commencer une nouvelle vie, en tant que pompier. Dans son nouveau métier, Dean avait affronté beaucoup de situations complexes, où son sang froid fut littéralement mis à rude épreuve. Au détour d'une intervention, il porta secours à sa soeur, Lorena, alors même qu'elle venait de subir un terrible accident de la route. Lorena était partie, il y a quelques mois, faire sa vie à New York. Ironie du sort, quand on savait que Wilkerson venait de là-bas et qu'il ne pouvait y retourner au risque de finir en taule. Et puis il y avait eu aussi l'incendie, avec Roman, où ils s'en étaient sortis grâce à un miracle, mais non sans blessures graves. Même quand il avait eu à rendre visite à Roman, accompagné de Spencer, pour lui jouer un air de guitare, il affronta son angoisse et son stress. Oui, Dean était un battant, un guerrier... mais il n'en demeurait pas moins faillible. Quelques semaines seulement après son accident de travail, il avait eu à subir un immense coup dur, un drame qui l'avait pratiquement terrassé. La mort de Chloé, dans ses bras, avait eu raison de son mental d'acier. Pouvait-on lui en vouloir de s'écrouler quand on réchappe d'un tel moment de folie ? L'ex de Chloé, Matthieu, lui avait tiré dessus, avant de tirer sur la jeune femme et de finir tué par cette dernière, d'une balle dans la tête. Dean connaissait l'odeur du sang, à l'armée, il fallait bien s'y habituer. Mais de voir le dernier souffle de celle qu'il aimait... ça, ça manqua bien de l'achever.

Après un séjour à l'hôpital, sa mère demanda à ce qu'il soit isolé dans un centre spécialisé, où une équipe de psys et de médecins, faisaient de leur spécialité les traumatismes comme celui qu'il avait vécu. Soigné, écouté, Dean avait passé cinq mois à remonter la pente, à se ressourcer. Il était passé par tous les stades : la déprime absolue et totale, qui l'amena à tenter de mettre fin à ses jours à deux reprises, le mode zombie, assomé par les anti-dépresseurs et les calmants, la violence, le désarroi puis la culpabilité, les regrets, l'acceptation. Il avait compris que se détruire ne la ferait pas revenir, que rien ne le pourrait. Mais vivre avec tout ça sur la conscience, ce n'était pas simple. Il avait de la chance d'être bien entouré, par ses amis, par sa mère et sa soeur qui n'était partie qu'une fois qu'il fut sorti d'affaire. Bientôt, Dean reprendrait le travail... il en avait besoin, pour chasser les idées noires qui revenaient de temps en temps. On ne pouvait pas dire qu'il était guéri, ça non. Mais il y avait un net progrès, comparé au début de son internement. De sa rencontre avec Matthieu, il gardait une cicatrice sur la tempe, où une belle avait rebondi et une autre au niveau des côtes, où là, ça avait perforé son poumon droit. Des blessures qui marquaient à jamais son corps. Il avait repris du poids et du muscle, ce qui n'était pas du luxe. Trois mois auparavant, il était absolument méconnaissable... décharné... ça faisait peur et peine à voir ! Quelque chose avait changé dans son regard, autrefois pétillant et plein de vitalité. Il semblait plus terne, plus las. Cela dit, il s'agissait peut-être du contexte de cette journée. Aujourd'hui, il emménageait dans son nouveau logement : une maison située dans North Bay. Retourner dans la maison où il avait vécu tant de bons moment avec Chloé ? Impossible... il ne pouvait pas remettre les pieds dedans. Même si elle avait été nettoyée, il savait qu'il verrait encore les tâches de sang dans la chambre... il ne pouvait pas affronter cela, ça annihilait toutes ses forces. Aussi, sa mère s'était chargée de tout, des cartons, de contacter les déménageurs, de trier les affaires de Chloé pour les donner... Il restait à Dean la tâche du rangement. Et à part quelques meubles, il n'avait pas énormément d'endroits où mettre les choses.

Pour l'aider, Spencer avait gentiment accepté de venir. Dean était occupé à ranger sa caisse à outils dans le garage lorsque celui-ci arriva. Il eut un léger sursaut, parce qu'il ne s'attendait pas à ce qu'il débarque dans le garage. Il lui adressa un sourire, très léger, même s'il était content de le voir.

- Hey ! Salut, Spencer ! Désolé... je t'avais pas entendu arriver, ça m'a un peu surpris ! Tiens, tu veux bien me donner un coup de main vite fait avant qu'on rentre ? Je voudrais déplacer l'établi contre le mur là, mais c'est trop lourd pour moi tout seul...

En même temps, vu la tête de l'établi, il y avait de quoi galérer ! Fait de bois massif et de barres d'acier par son propriétaire, l'établi en question s'avérait aussi solide que lourd ! Même le pousser s'avérait compliqué.

- Comment tu vas ?

North Bay, la dernière fois qu’il était venu ici ce fut il y a plusieurs mois déjà. Lorsqu’il était venu dans ce cimetière pour y déposer les cendres de sa mère chérie. Après tant d’années à avoir gardé l’urne auprès de lui, le fils Cooper avait décidé qu’il était temps d’accomplir le dernier souhait de Lindsey avant de mourir : elle voulait être enterrée là-bas. A l’époque, il ignorait pourquoi. En se rendant sur les lieux, Spencer a découvert que sa famille maternelle était originaire d’Island Bay. Et non de New York comme il l’avait toujours cru. Il n’était pas natif des Etats Unis mais belle et bien d’ici. Sa mère lui avait toujours menti. Elle était partie à des milliers de kilomètres afin de fuir son passé. Mentant pendant vingt-et-un ans à son fils unique. L’année passée fut des plus éprouvantes pour le trentenaire. Une demie sœur sortie de nulle part vint à sa rencontre au Magic Event. Des tests ADN avaient confirmé leur lien de parenté. Joy et lui avait le même père. Malheureusement Spencer ne pourra jamais le rencontrer car le dernier est décédé depuis plusieurs années. Lui qui avait toujours rêvé de rencontrer son padre et espérait tant combler toutes ces années de séparation entre eux, ce fut officiellement mission impossible. Spencer était orphelin. Il était perdu. Il ne savait plus qui il était. Où il en était. Heureusement pour lui, sa « nouvelle » sœur Joy était présente pour le soutenir. Elle était devenue une épaule sur laquelle il pouvait pleurer quand cela n’allait pas. Ils apprenaient doucement à se connaître. Malgré cela leur relation demeure fragile. Il ne faut pas oublier que l’illustrateur est le fruit d’un adultère. Comment va réagir la mère de Joy quand elle découvrira l’existence du jeune homme ? Sans parler des frères et sœurs de Joy… Côté famille ce n’était pas la joie !

Côté cœur n’en parlons même pas ! A peine mariés à Las Vegas que Magdalena a demandé illico le divorce de retour à Island Bay. A l’heure d’aujourd’hui, l’ex madame Cooper a accouché et Spencer n’a toujours pas vu sa fille. La mère lui refusant ce privilège-là. Ignorant comment elle a fait, miss Lovelock a obtenu la garde exclusive de la gamine. Elle a un autre homme dans sa vie qui élève le bébé avec son ex. Spencer en souffre terriblement. Il porte toujours son alliance car il n’arrive pas à se détacher de la soigneuse. Mais il ne peut rien dire. Il n’a pas le droit. L’artiste ne peut s’empêcher de comparer sa situation avec celle de son meilleur ami Dean. Ses problèmes à lui ne sont rien vis-à-vis de ceux du pompier. Il a perdu sa fiancée. Chloé est morte dans ses bras. Tout comme Lindsey a donné son dernier souffle dans les bras de son fils il y a déjà quinze ans. Malgré les années qui passent, l’ex dj a toujours les images qui demeurent gravées dans sa tête. Il ne souhaite de vivre cette horreur à personne. Et surtout pas à son pote d’enfance. Et pourtant…

Malgré que sa propre vie est une montagne russe, malgré sa maladie, Spencer est toujours resté aux côtés de Dean. Même dans les pires moments. Que cela soit après l’accident du pompier ou après le meurtre de Chloé. Même durant le séjour de Dean dans « la maison de repos » comme préférait dire Spencer. Il déteste le terme « centre psychiatrique ». Car pour lui, son ami n’est pas fou. C’est un terme trop brutal et négatif pour l’illustrateur. « Maison de repos » est mieux selon lui. Ca tourne plus vers le positif.

Après un temps interminable dans le bus pour arriver à destination, Spencer arriva enfin chez Dean. Il alla toquer à la porte quand il vit le garage ouvert. Curieux de nature, le jeune homme alla voir quand il avait entendu du bruit. Quel ne fut pas sa surprise en voyant son ami se prendre pour Hulk à tenter désespérément de bouger un établi bien trop lourd pour un homme seul. « Hey ! Attends-moi ! Tu vas te faire mal… » Spencer se dépêcha de rejoindre son ami et l’aida à déplacer non sans mal l’établi en question. Une fois la chose réglée, il ne put s’empêcher de prendre son ami dans ses bras pour lui faire un câlin. « Je suis content de te voir enfin dehors tu sais. » Depuis sa séparation avec Magdalena, Spencer se sentait horriblement seul et avait tout comme le pompier besoin d’affection. Il se détache de son best. « Elle a l’air plutôt jolie ta maison. Tu me fais le tour du propriétaire ? » Le trentenaire ignorait volontairement la dernière question de Dean. Ce n’était pas la grande forme mais il faisait avec. Ca faisait des mois qui ça durait alors bon… Il n’avait pas envie de se plaindre. Dean était en ce moment sa priorité. Il était là pour l’aider et non se lamenter. Il devait absolument lui faire changer les idées. Être présent pour le positiver.

Dean n'en était pas à sa première folie depuis qu'il était sorti de la maison de repos. Il avait notamment soulevé beaucoup de cartons, lourds et encombrants, comment ceux dans lequel sa mère avait stocké la vaisselle. Il ne fallait pas vraiment attendre de lui qu'il se repose. Ça, il avait largement eu le temps de le faire. Il ne pouvait pas se résigner à la convalescence, plus maintenant, il avait besoin d'avancer, de retrouver un peu de vie et d'énergie. Alors, dans la façon dont il agissait, il faisait tout pour reprendre son autonomie, sauf que là, avec l'établi, c'était impossible. Il oubliait qu'il l'avait fabriqué lui-même, certes mais que Chloé l'aida à le positionner. Tout ce qui impliquait sa fiancée se retrouvait altéré. Il colmatait son existence, avec des parenthèses, des sortes de protections qui l'empêchaient de sombrer. En définitive, ce qui demeurait le plus important, comme ne cessait de lui rabâcher son psy, c'était de continuer à vivre. Il y aurait d'autres moments joyeux. Wilkerson restait vivant, en dépit de tout ce qu'il traversait. Le temps ferait son affaire, à son rythme, sans brusquer, sans se hâter. L'établi en place, il étreignit également Spencer, non sans qu'une grimace ne déforme son visage. Sa cicatrice restait douloureuse et depuis le drame, il éprouvait beaucoup de mal à respirer quand il ne trouvait pas suffisamment d'espace, comme une oppression. Le médecin l'avait rassuré, en lui disant que son coeur allait bien, et que son poumon se remettait également. Il devait se montrer patient, accepter de ne pas trop se ménager pour laisser le temps à son organisme de bien repartir. Plus facile à dire qu'à faire. N'ayant pas encore été autorisé à reprendre le travail, Dean s'occupait comme il le pouvait. Et donc, les conseils de son médecin, il lui arrivait de ne pas les suivre... évidemment. La preuve avec cet établi, qu'il avait tenté de déplacer tout seul...

- Merci... euh... le tour du propriétaire oui... donc ça c'est le garage... et euh... suis-moi.

Il avait commencé à déballer des cartons, à ranger. Félix s'approcha naturellement du nouveau visiteur, pour exiger caresses et considération. Ils passèrent par une petite porte qui donnait sur un petit couloir. C'était un peu exigu mais au bout se trouvait un grand salon donnant sur une cuisine américain. un style très new-yorkais, qui allait bien au propriétaire. C'était lumineux et plutôt agréable, si on enlevait l'encombrement lié à l'emménagement et le manque de meubles. A côté, se trouvait deux pièces, les toilettes et puis la salle de bains, refaite à neuf, avec baignoire. Restait deux chambres, dont une servait pour le moment d'entrepôt. Mais on comprenait qu'elle serait réservée à un ami ou peut-être un enfant, si tant est qu'il retrouve quelqu'un, que le feeling passe, que la femme veuille bien porter le fruit de leur amour, qu'il ne perde pas son job et qu'il ne soit pas bon à rien... beaucoup de pensées négatives l'assaillirent et cela se ressentit puisqu'il oublia de présenter une dernière pièce, où il avait mis sa batterie et sa guitare, à côté de photos de Spencer et lui en train de jouer. Il avait la mine abattue. Cette maison était grande... mais vide. Elle ne possédait pas d'âme, car aucune décoration sur les murs et une peinture uniforme, gris clair, qui la faisait ressembler à une maison témoin. Ca ne respirait pas la joie comme dans son précédent domicile. En même temps, la décoration fut faite à deux... Comme si Félix sentait que son maître vivait un gros coup d'abattement, il se mit à se frotter contre ses jambes et à miauler pour attirer l'attention. Beau succès puisque Dean se pencha pour le ramasser et le prendre dans ses bras. Concert de ronronnements garanti. Ce bruit régulier jouait comme un thérapie. Après quelques minutes, il sembla reprendre vie.

- J'ai quelques travaux à faire... des bricoles, changer la couleur de la peinture, poser du parquet dans la chambre pour virer la moquette... Puis réaménager le garage, aussi... mais c'est plutôt bien comme endroit... je m'y sens presque comme chez moi.

Le "presque" avait toute son importance, pour déchiffrer son état d'esprit. Il avait tellement vécu de choses fortes avant que retrouver ce feeling serait compliqué. Alors qu'ils étaient revenus dans la cuisine, il proposa :

- Tu veux boire quelque chose ?

Spencer n’a jamais autant montré d’affection à son entourage que depuis qu’il s’est fait largué en beauté par sa femme. En sortant avec Magdalena, il espérait de tout cœur qu’elle soit la bonne et que plus jamais il ne retrouve le célibat. Il n’a connu que ça avant de se mettre en couple avec la soigneuse. Déjà qu’avant c’était dur d’être seul… Mais depuis qu’il a goûté à l’amour – si minime soit-il – à l’heure d’aujourd’hui, c’était devenu insupportable. Il ignorait ce qui était le plus dur entre s’être fait rejeté par sa femme ou ne pas connaître sa fille… En fait si ! Il le savait très bien au contraire ! La deuxième option bien évidemment… La première il n’a connu que ça avec Magdalena. Il ignorait ce que ça faisait d’être en parfaite harmonie avec une personne. D’être aussi fusionnel et complémentaire comme l’étaient Dean et Chloé. Il a toujours enviait son meilleur ami sur ce point. Pour Cooper, ces deux-là représentaient le couple parfait. Deux âmes sœurs. C’est sans doute ridicule pour un mec approchant la quarantaine de penser ainsi. Ridicule pour quiconque sauf pour l’artiste. Spencer a toujours été sentimental et romantique. Alors ce n’était point étonnant qu’il soit malheureux avec son ex. Elle n’a jamais été la femme qui lui fallait. Celle qui savait le comprendre et qui partageait ses rêves. Mis à part vouloir fonder une famille, ils n’avaient strictement rien d’autre en commun. Et même cela, elle le lui avait volé. Son unique chance sans doute de devenir papa un jour… Car avec sa maladie, à cause du lourd traitement qu’il a enduré et endurait encore malgré sa rémission, Spencer avait été prévenu qu’il y avait des risques de devenir stérile. C’était donc un miracle tombé du ciel que la soigneuse ait pu tomber enceinte. Enfin bref…

En enlaçant son ami de longue date, Cooper sentit le souffle coupé de Dean. Il se détacha de lui. « Hé ça va mon pote ? » Il s’inquiétait encore énormément pour lui. Pas seulement pour sa santé morale mais aussi pour sa santé physique. Il ne voyait pas le pompier refaire des sprints de sitôt.

Dean fit découvrir les lieux à son comparse. Spencer eut un léger sourire en voyant la cuisine. Un style et une décoration bien de chez eux : typique newyorkaise ! Car même si l’ex dj a découvert qu’il n’était pas d’origine américaine mais belle et bien d’Island Bay, il a grandi et vécu pendant vingt-et-un ans sur le continent américain. Cela reste ses origines de cœur.

Spencer visita les lieux sans aucun jugement. Il y avait beaucoup de cartons. Il lui semblait même y avoir un problème de taille vis-à-vis des meubles. Pour le moment, il ne dit rien. Car peut-être que tout n’était pas encore présent. Le chat de Dean vint quémander des câlins. Spencer lui fit quelques caresses vite fait. La soigneuse a réussi à le dégoûter un peu des animaux à cause de toute sa ménagerie. Du coup il n’était plus très amateur des chiens, chats ou autres bestioles de compagnie. Même des autres bêtes en général. Il n’avait plus le cœur à aller au zoo. Plus envie de la croiser surtout. « Ce n’est pas mal ici. Tu seras bien installé une fois les travaux et le déménagement finis. »

Spencer observa le pompier. Sa mine défaite lui fit beaucoup de peine. Pendant que Wilkerson se perdait dans ses biens sinistres pensées, Cooper alla voir derrière une porte restée fermée. Est-ce que Dean ne voulait pas qu’il voit la dernière pièce ? Ou l’avait-il simplement oublié ? L’ex dj penche sur l’oubli. Il sait trop bien ce que cela fait quand t’es trop absorbé par tes propres pensées. Il en avait fait les frais il y a un an par sa rencontre un peu trop brutale avec un bus qui lui avait brisé son bras. Spencer a été des mois dans le plâtre sans parler des multiples opérations et de la rééducation. Il a très peu rejouer de la guitare depuis ce jour-là. En ouvrant la porte, il eut la surprise de voir les instruments de son ami exposés, prêts à être utilisés.

Il rejoignit Dean en laissant volontairement la porte ouverte, comme pour faire un clin d’œil plus tard dans la journée sur une potentielle pause musicale. Incognito, il écouta son comparse revenir à lui. « Ca me ferait vraiment plaisir de t’aider à finir ce que tu as à faire ici. » Il regarda autour d’eux. Les murs sont vraiment ternes. Spencer avait envie de donner de la vie à ces lieux. « Si ca te dit je pourrais te faire quelques fresques dans certaines pièces. Tu auras juste à me donner tes idées et tes désirs deviendront des réalités artistiques. » Si seulement cela pouvait aider Dean à se sentir vraiment chez lui, ce serait cool ! « Bon après je ne veux pas t’imposer mon mauvais goût. Cela va de soi ! » Il tentait de plaisanter un peu. Spencer sait très bien que son ami d’enfance est un de ses fans pour son coup de crayon. Il n’a plus rien à prouver à ce niveau-là.

« Je veux bien un verre d’eau si tu as. Sinon l’eau de robinet me va très bien aussi mon frère. » Depuis qu’il est tombé malade, Spencer n’a plus touché à une goutte d’alcool. Et ce n’était pas parce qu’il était en rémission qu’il devait rechuté vers ses anciens démons.

- Mais... c'est une idée géniale, les fresques ! J'adore !

Et aussitôt, alors qu'il s'imaginait vivre dans des pièces repeintes et personnalisées en fonction de ses goûts ou de l'inspiration de son ami, un petit sourire vint animer son visage fatigué. Pour la première fois sans doute depuis que Spencer était arrivé, il montrait un petit signe de bonheur. Certes, ça n'avait rien à voir avec l'attitude d'avant la mort de Chloé, mais c'était un début ! Il laissa son esprit vagabonder sur tout un tas de choses : dans le salon, il verrait bien une frasque représentant central park, New York. Après tout, il y avait grandi, c'était une part essentielle de sa vie, importante car elle lui permit d'être débrouillard. Dans la salle de bain, il voyait bien la mer, un bateau dessus, se dirigeant vers l'ouest, avec un coucher de soleil. Dans son "atelier musical", pourquoi pas une fresque plus détonnante ? Un genre de public un peu flou, avec en arrière plan la scène ? Ce serait l'occasion de faire un clin d'oeil à Spencer, parce que lui, il était prêt à jouer devant des gens. Dean, par contre, il avait le trac et freinait des quatre fers ! Et puis dans sa chambre, il savait déjà ce qu'il voulait mettre. Paris, la même vue que celle qu'il avait eu à l'hôtel, pour être plus précis. Au moins, comme ça, il gardait une partie de Chloé avec lui. Et il évitait de la laisser tomber dans l'oubli. Même si dans les faits, jamais il ne l'oublierait. Et puis cette soirée là, fut le début de toute leur relation amoureuse. Dans cette chambre, parce que trop bourrés, ils s'étaient allumés et avaient couché ensemble. Une nuit inoubliable... qui avait mis un terme à des années passées à se tourner autour, sans capter les signaux d'attirance de l'autre et le magnétisme qui s'ensuivait. Toutes ces idées, il allait les mettre sur papier et les donner à Spencer. Il devait d'abord bien réfléchir à tout ça. En ce qui concernait le style de son ami, il s'avérait complètement fan et sous le charme, donc ça ne poserait aucun problème. Alors qu'il allait chercher deux verres et qu'il prit une bouteille d'eau dans le frigo, il ajouta, comme une légère plaisanterie :

- Par contre, si tu fais des fresques, je veux que tu me les signes ! Déjà parce que quand je recevrais des gens, je veux pouvoir te citer et ensuite parce que si jamais un jour, je viens à vendre, je veux pouvoir dire : "Ces dessins sur mur sont tous du célèbre Spencer Cooper, oui, oui, le grand génie ! D'ailleurs, regardez, c'est signé !". Non pas que je veuille me faire de l'argent sur ton dos, mais un dollar est toujours bon à prendre ! Et je te reverserai le prix équivalent aux fresques ! Ce n'est pas négociable.

Dean revint vers Spencer, avec les deux verres et le chat perché sur son épaule. Celui sauta en direction d'un carton encore plein et fermé. Le propriétaire des lieux s'assit et se cala contre le dossier du canapé. Il ferma les yeux un instant. Il sentait que la fatigue restait présente, mais ça n'était pas avec ses nuits aussi chaotiques, qu'il pourrait vraiment se ressourcer. Il rouvrit les paupières. Il restait beaucoup de travail à abattre. Mais les prochains jours, Dean aurait du temps. Après tout son médecin ne voulait pas qu'il reprenne le travail, jugeant qu'il n'était pas encore prêt. Ca l'énervait, forcément, mais il n'avait pas le choix. Et puis tant qu'il parvenait à se trouver une occupation, c'était l'essentiel.

- Il faut que j'achète encore quelques meubles, pour ranger ce qu'il y a dans les cartons. Mais d'abord, il faudra que je passe un coup de peinture. Si tu veux bien m'aider, pour peindre. Surtout les hauteurs, en fait. Ca me lance quand je lève le bras de façon trop répétée. Pour les meubles aussi, j'aurais bien besoin de toi, pour les monter et les mettre en place... Il va me falloir les acheter... je déteste ça. C'était Chloé qui avait le bon goût sur la déco...

On en revenait toujours à Chloé. Sa voix s'était brisée sur la dernière phrase. La tristesse avait balayé le fragile entrain qui l'animait. Il baissa les yeux, sans parvenir à cacher ses larmes. Clairement, cette sordide histoire l'avait ravagé. Il n'était plus le même. Le Dean courageux, combattif et énergique, avait laissé la place à un type dépressif, taciturne, meurtri. Il faisait peine à voir et même s'il tentait de le cacher, il n'y parvenait pas vraiment. Difficile de prétendre aller bien quand tout partait en vrille. Felix sentit sans doute que son maître était encore avec des pensées douloureuse, il le rejoignit sur le canapé et s'installa contre lui, en émettant un ronronnement sonore et régulier. On pouvait dire ce qu'on voulait, mais l'apaisement fonctionnait, en tout cas chez Dean. Pas de quoi le transformer en quelqu'un d'heureux, mais suffisant pour faire cesser les larmes. D'une voix rauque, il demanda :

- Bref... Mais et toi... qu'est-ce que tu deviens ?

Oui, il changeait de sujet, pour éviter de remuer le couteau dans la plaie.

Spoiler: