I'm not telling you it's going to be easy, I'm telling you it's going to be worth it (+) Lily & Liam


Le front plissé, Liam franchit les quelques mètres qui le séparaient encore de sa petite maison. Il était un peu préoccupé. Il revenait de chez ses parents. Son père n’était pas là, mais c’était surtout sa mère qu’il voulait voir. Pour prendre de ses nouvelles. Parce que de toute la famille, avec Freya directement concernée aussi peut-être, sa mère était probablement celle qui avait été la plus dévastée de la famille suite à l’accident qui lui avait pris son fils et sa nièce. Liam avait perdu un frère, un repère, et une nièce, un rayon de soleil. Mais il avait bien compris que perdre son fils et sa petite-fille, c’était tout sauf naturel, ce n’était pas dans l’ordre des choses. Et si le temps faisait son oeuvre, petit à petit, difficilement, chez Freya, Poppy et Liam, le processus semblait beaucoup plus long chez leur maman. Liam trouvait qu’elle avait encore maigri. Et comme chacun de ses enfants, il ne pouvait s’empêcher de remarquer que ses yeux semblaient avoir définitivement perdu leur éclat d’avant. Il ne savait pas quoi faire. Aucun d’entre eux ne le savait. Passer du temps avec elle, bien sûr. Tenter de lui apporter un peu de joie de vivre par leur présence, oui. Mais en-dehors de ça, ils restaient assez limités et c’était plutôt triste. Poussant un profond soupir de lassitude, le jeune homme franchit finalement le pas de sa maison et se promit d’y réfléchir encore, mais plus tard. Pour l’instant, il était chez lui et il s’apprêtait à retrouver sa fiancée. Il ne voulait pas que tous les malheurs des Millstone s’abattent sur les épaules de Lily, même si elle s’apprêtait à faire officiellement partie de la famille. Il voulait que son chez-lui reste un endroit joyeux, même s’il avait parfois du mal parce que beaucoup de choses lui rappelaient encore qu’il n’avait plus de grand frère, ni de nièce. Il voulait faire des efforts pour sa brune, parce que même s’il n’y était pour rien, elle ne méritait pas un homme qui cédait trop souvent à des accès de déprime, de mélancolie et de nostalgie.

Il ne fut néanmoins pas très difficile pour Liam de retrouver son sourire à l’instant précis, pour la simple raison qu’il allait passer la soirée avec sa bien-aimée. Lily était son condensé de bonheur au quotidien, celle qui était à ses côtés depuis dix ans et qui lui donnait chaque matin la force d’avancer. Alors oui, même s’il était soucieux, il sentait une autre émotion l’envahir, à savoir la joie de retrouver l’être tant aimé. Mais en entrant chez lui, le benjamin des Millstone eut soudain un doute. Lily était-elle bien à la maison ? Celle-ci semblait plongée dans les ténèbres. Il se déchaussa et laissa de côté son manteau léger de printemps, avant d’avancer en hésitant, tâtonnant autour de lui. Il n’avait pas été assez intelligent pour simplement tendre la main et allumer le contact, aussi se retrouva-t-il dans le salon dans le noir. Fronçant les yeux pour tenter de les habituer à l’obscurité, Liam tenta d’extirper son téléphone portable de sa poche. Où Lily pouvait-elle bien être allée ? Puis quand il actionna la lampe-torche de son téléphone portable, une forme humaine se dessina sur le canapé et Liam sursauta, retenant difficilement un cri. « Chérie ! Tu m’as fichu une de ces frousses. » Se dirigeant à grands pas vers la lampe, il l’alluma enfin. « Qu’est-ce que tu fais assise là dans le noir ? Tu étais en train de flâner sur les réseaux sociaux et tu avais la flemme de te lever pour allumer la lumière ? » En tout cas, c’était la seule raison qui pouvait pousser Liam à rester dans le noir - se laisser surprendre par la tombée de la nuit et en même temps par une crise de flemmardise aiguë. « Je suis content de te voir. » Il s’approcha d’elle pour l’embrasser.


Elle avait reculé quand il s’était approché d’elle pour l’embrasser. Ce n’était pas bon signe du tout. Même pour quelqu’un comme Liam, c’est-à-dire qui manquait cruellement de discernement notamment pour comprendre ce qu’il avait dit ou fait de mal, il était évident comme le nez au milieu de la figure que quelque chose n’allait pas. Fronçant légèrement les sourcils, il se demanda de quoi il pouvait bien s’agir. Mais même en réfléchissant un peu, il ne voyait toujours pas. Il n’osa néanmoins pas demander à sa fiancée de quoi il en retournait, parce qu’il craignait de se prendre une réplique cinglante en pleine figure. En effet, Lily avait l’air pour le moins mécontente, voire en colère. Ce n’était pas juste quelque chose qui clochait, mais c’était bien dirigé contre lui. Alors il se contenta d’attendre la suite, pour la simple raison qu’il était à peu près sûr qu’elle finirait par lui dire ce qui l’énervait. Certaines femmes pouvaient bouder en gardant le silence pendant des jours, mais ce n’était pas le cas de Lily. Elle avait besoin de s’exprimer. Et c’était tant mieux pour Liam, parce que même en plusieurs jours, il n’était pas sûr d’arriver à comprendre les choses de lui-même.
Quand la jeune femme lui répondit qu’elle l’attendait, il se retint de lui demander « dans le noir ? ». Il se contenta de faire quelques pas pour allumer la lumière, parce qu’il se voyait mal continuer une discussion qui pouvait être longue en étant éclairé uniquement par la lampe-torche de son téléphone portable. Il tressaillit néanmoins en voyant finalement l’expression de Lily. En effet, il avait visiblement quelque chose à se reprocher. Mais quoi ? Tout en faisant tourner ses méninges, Liam s’efforça de rester concentré sur elle. Il n’avait pas envie de louper un élément qui pourrait l’éclairer. Et il n’avait pas non plus envie de lui donner une raison supplémentaire de l’engueuler. Parce que c’était simple, s’il y avait une chose qui faisait peur au Millstone, c’était bien les colères de Lily. Non qu’elle soient particulièrement violentes ou différentes de celles des autres femmes. Mais justement, peut-être que toutes les femmes en colère étaient flippantes. Il en connaissait, des gaillards fiers qui pourtant devenaient comme des toutous en présence de leur femme.
Ce n’était pas le cas de Liam, parce que même si Lily avait un caractère bien trempé, il estimait avoir beaucoup de chance d’être tombé sur elle. Seulement, plein de bonnes intentions, il oubliait parfois que certaines choses ne se faisaient pas, surtout quand on était en couple. Alors il se faisait souvent remonter les bretelles pour avoir fait quelque chose dont il ne voyait pas où était le mal - et, après coup, après explications, il comprenait précisément en quoi ça n’avait pas été judicieux. Alors quand Lily lui demanda où elle était, Liam crut comprendre de quoi il en retournait, même s’il n’en était pas sûr. « Chez ma maman… Comme je te l’ai écrit. Tu n’as pas reçu mon message ? » Puis il se rappela qu’elle lui avait répondu. « Je suis désolé de rentrer tard, babe » s’excusa-t-il. Il avait envie de tenter une nouvelle approche pour la prendre dans ses bras, mais il n’osait pas. « Je peux faire quelque chose pour me rattraper ? »


Comme elle poussait un soupir visiblement agacé, Liam comprit qu’il n’avait pas donné la bonne réponse. Il se résolut donc à attendre qu’elle veuille bien expliquer ce dont il s’agissait, devinant qu’il risquait de mettre les pieds dans le plat s’il s’y employait lui-même. Mais quand Lily tourna brusquement les talons, il crut pendant un instant qu’elle s’était décidée à ne pas lui parler. Alors il se sentit un peu soulagé quand elle lui fit signe de s’approcher, même si ça ne lui disait rien qui vaille. Alors bien évidemment, il rappliqua aussitôt, aussi prêt qu’on puisse l’être pour un règlement de comptes en bonne et due forme. Et dès la première phrase que Lily prononça, la lumière se fit dans le cerveau de Liam. Bien sûr. Tout était clair, dorénavant. Peu de choses pouvaient mettre Lily en colère autant que la jalousie. Pourquoi n’y avait-il pas pensé avant ? La réponse était simple : cet épisode de sa journée n’avait été qu’un court moment parmi d’autres plus importants. Il aurait pu le lui dire, tout simplement. Mais comme il s’y attendait, elle ne lui laissa pas l’occasion d’ouvrir la bouche avant d’avoir fini de déverser toute sa colère. Il savait que ce n’était pas la peine d’espérer en placer une tant qu’elle tempêtait contre lui. Alors, assis en face de lui, il se contenta d’attendre, le visage impassible. Il tressaillit seulement quand Lily lui demanda s’il la prenait pour une conne. Pour qu’elle en arrive aux vulgarités, il fallait que ça l’ait vraiment touchée. Liam s’efforça de garder ça en tête tandis qu’elle parlait, parce que ses propos eux-mêmes étaient blessants pour lui. Il ne cilla pas, même si intérieurement, il hallucinait d’être ainsi accusé sans preuves. D’accord, les rumeurs prenaient souvent leur source quelque part, mais comment pouvaient-elle leur accorder autant de crédit ? Se débattant avec des pensées peu réjouissantes, Liam s’efforçait pourtant de ne pas s’appesantir là-dessus, parce qu’il savait que ça ne risquait pas d’améliorer les choses. Sa préoccupation, pour l’instant, c’était plutôt de savoir comment il pourrait bien réussir à s’expliquer si elle ne le laissait pas s’exprimer au moins un peu.
Quand elle s’arrêta enfin de parler, le jeune homme fit glisser son téléphone portable vers elle. « Je t’en prie, sens-toi libre d’appeler ma mère pour vérifier mon emploi du temps. » Il la regarda droit dans les yeux, parce qu’il n’avait rien à cacher. « Oui, j’ai vu Mikayla aujourd’hui. Mais c’était par hasard. Je suis allé au cimetière après le travail. Je voulais juste… Nettoyer un peu les tombes d’Axel et Josie. Et c’est là qu’elle est arrivée. Sans qu’on se soit fixé un rendez-vous ou je ne sais quoi. Alors oui, on a discuté un peu. Mais c’est tout. Peut-être une demi-heure, à tout casser. On n’a pas bougé du cimetière. Et ensuite, je suis allé chez mes parents, où j’ai passé le début de la soirée avant de rentrer. Les conneries, c’est ce que tu as entendu par la suite. » Il y avait peu de choses aussi désagréables que le fait de devoir se justifier, mais dans un couple, c’était un passage obligé. « Lily, écoute, je sais que j’ai plein de défauts. Je suis maladroit, je manque de discernement, je peux faire des choses qui t’énervent. Mais… Qu’est-ce que tu t’imagines ? Après dix ans en couple, tu crois vraiment que je serais capable de te blesser à ce point ? Prétendre que je suis avec ma mère alors que je suis avec une autre… Et jouer à de petites amourettes, comme tu dis ? C’est ça que tu penses de moi ? Que je suis le genre de type à… Jouer les jolis coeurs et fricoter avec d’autres, voire te tromper, parce qu’apparemment c’est ce qui s’est dit, pendant qu’on prépare notre mariage ? » Il avait du mal à ne pas montrer à quel point lui-même était blessé. « Je vais te le répéter encore une fois, il n’y a rien entre Mikayla et moi. Rien-du-tout. Oui, on a un passé, mais c’était il y a longtemps. Oui, on était restés proches à l’époque, mais c’était avant qu’on parte en Europe. Aujourd’hui, même en tout bien tout honneur, je ne fais plus rien avec elle. Alors si tu veux que même quand je la croise par hasard, je l’évite, dis-le-moi tout de suite. Mais crois-moi, je ne suis pas assez stupide pour croire qu’en étant fiancé, qu’en m’apprêtant à devenir un homme marié, je peux encore avoir une meilleure amie féminine autre que toi. »

Poussant intérieurement un « ouf », Liam ne récupéra toutefois pas son téléphone portable, ne voulant pas qu’elle interprète mal son geste. S’il était soulagé qu’elle n’ait pas accepté sa proposition, c’était tout simplement parce qu’il valait mieux ne pas mêler sa mère à ce genre de conflit. Oui, il était prêt à le faire si Lily ne le croyait pas. Mais si elle ne voulait pas aller jusque-là, c’était encore mieux. Sa mère n’avait rien à voir là-dedans et ne désirait certainement rien savoir de tout ça. En plus, de quoi auraient-ils l’air ? De deux gamins aussi stupides que ridicules et non de deux adultes qui sont en plein préparatifs de mariage. « Alors je te le dis. J’étais chez mes parents. Avec ma maman. » Maintenant que l’explosion de colère de Lily était terminée, c’était au tour du jeune homme de parler. Il s’exprima tout à fait calmement, prenant son temps pour bien expliquer ce qui s’était réellement passé. Bizarrement, Lily resta silencieuse. D’ordinaire, elle avait du mal à ne pas l’interrompre quand elle s’était mise en colère. Pour Liam, c’était plutôt bon signe. Ça signifiait non seulement qu’elle l’écoutait mais aussi, certainement, qu’elle lui donnait raison à lui plutôt qu’aux racontars. D’ailleurs, le cuisinier ne comprenait même pas pourquoi elle avait écouté ces sottises et surtout, comment elle avait pu y croire suffisamment pour se fâcher ainsi contre lui. Bien sûr, il était avec elle depuis assez longtemps pour savoir qu’elle pouvait être très jalouse, mais généralement, ce n’était pas sans la moindre raison. C’était la première fois qu’elle l’accusait aussi directement, sans preuve en plus. Bien entendu, Liam se sentait blessé. Il avait l’impression qu’elle ne lui faisait pas vraiment confiance et qu’elle ne le connaissait pas tant que ça. Mais il s’efforçait de garder ses sentiments pour lui, parce que son objectif, ce n’était pas de prouver qu’il avait raison ou quoi, mais simplement de faire la paix. Il avait véritablement horreur de se prendre la tête avec la femme qu’il aimait si tendrement.
« C’est pas très grave de s’emporter, mais… Ce que je voudrais, c’est que si ce genre d’incident se reproduit, tu n’y accordes pas de crédit. Tu peux m’en parler, bien sûr, mais… Tu me connais, non ? Allons, tu sais bien que je serais incapable d’inventer un mensonge pour la voir derrière ton dos. » Pas seulement parce qu’il ne voulait pas lui faire un coup aussi bas, mais aussi parce qu’il était un piètre menteur. Elle savait presque à tous les coups s’il disait la vérité, rien qu’en analysant son comportement. « Je suis désolé que ça t’ait autant blessé. » Parce que si lui-même était froissé, il comprenait bien qu’elle avait dû très mal prendre ces rumeurs pour se retrouver dans cet état. Et comme il voulait surtout agiter le drapeau blanc, il se retint de faire remarquer qu’à son avis, Mikayla ne s’intéressait plus du tout à lui autrement que pour une relation platonique. Elle lui avait confié qu’elle avait des sentiments pour un vieux. Et il l’avait bien répété à Lily, mais il n’avait pas très envie de s’entendre dire qu’il était aveugle alors qu’elle était dotée de l’intuition féminine, aussi garda-t-il ses pensées pour lui. Il n’aurait d’ailleurs pas eu l’occasion de s’exprimer très longtemps, puisqu’il eut la surprise de constater que Lily s’était mise à pleurer. Il ne mit pas longtemps à comprendre qu’elle évacuait un stress et une colère certainement contenus plusieurs heures. « Hey… » Immédiatement, le benjamin des Millstone quitta sa chaise pour s’approcher de sa bien-aimée. Il s’agenouilla auprès d’elle, essuyant les larmes qui coulaient sur ses joues roses. Il détestait la voir pleurer. « Je ne veux pas que tu aies peur de me perdre. Tu as oublié ? Je t’aime une fois… Je t’aime deux fois… Je t’aime plus que le riz et les petits pois. » Il lui prit la main gauche et toucha sa bague de fiançailles. « Ce jour-là, à Venise, je t’ai fait une promesse. Je t’ai expliqué que pour moi, dès l’instant où tu m’as dit oui, c’est comme si on était déjà mariés. Je compte bien tenir ma promesse. Tant que tu voudras de moi, je te chérirai chaque jour qui nous est accordé ensemble. » Il se releva pour l’entourer de ses bras protecteurs.

« Merci. Et je te promets de passer le moins de temps possible avec elle, surtout si tu n’es pas là. » En fait, il ne la voyait pas tant que ça, même s’il l’appréciait toujours beaucoup. Il la croisait surtout par hasard et ils en profitaient pour échanger un peu des nouvelles. Mais ça n’allait pas plus loin que ça et, en temps normal, Lily le savait. Il y avait longtemps qu’elle n’avait plus explosé ainsi de colère et Liam fut soulagé de constater que la situation s’apaisait plus tôt qu’il ne le pensait. Elle avait simplement besoin d’explications et, surtout, imaginait-il, besoin d’être rassurée. Il avait mis un bout de temps à comprendre qu’une femme éprouve le besoin quasi-constant d’être rassurée et il s’efforçait de combler ce besoin chez sa fiancée, même si ce n’était pas toujours facile. Il lui rappela donc à quel point il l’aimait, parce qu’il savait qu’elle ne s’en lasserait jamais. Le sourire qu’elle esquissa fut une petite récompense pour lui, et la déclaration qu’elle lui fit à son tour le fut encore plus. « Pour toujours. » Il savait qu’il n’avait besoin de rien confirmer. Mais il aimait le répéter. Si on lui avait dit, alors qu’il était adolescent, qu’il épouserait environ dix ans plus tard la jeune fille qu’il avait timidement invité à prendre un chocolat chaud avec lui, il ne l’aurait sans doute pas cru. Aujourd’hui, peu de choses pouvaient le rendre aussi heureux. Bien entendu, ce n’était pas un long fleuve tranquille tous les jours. Mais Liam l’avait compris depuis bien longtemps et, surtout, il avait accepté cette idée avec philosophie. Il savait, par exemple, que s’il avait un caractère plutôt agréable, il lui arrivait en revanche de faire ou de ne pas faire des choses qui pouvaient mettre Lily en pétard. Et puis, pour avoir vécu au seine d’une famille nombreuse, il était bien placé pour savoir que toutes les filles avaient leurs sautes d’humeur. « Je ne t’en veux pas. Je veux juste qu’on soit en paix. » La proportion à la rancoeur ne faisait pas partie de ses défauts.
Tout en appréciant le baiser qu’elle lui donnait, le jeune homme se dit qu’il fallait lui changer les idées. Elle avait dû ruminer de sombres pensées pendant plusieurs heures, toute seule. « Allez, pensons à autre chose. Rassieds-toi, je vais nous préparer un sorbet. Mangue ou myrtille ? » Même sans vérifier, il savait précisément ce qu’il avait dans le congélateur. Avec le robot multifonctions, ça ne lui prenait pas plus de cinq minutes et, aussitôt après, il les servit dans des coupelles et revint s’asseoir à table. « Pour la future Madame Millstone. » Tout en portant la cuillère à sa bouche, Liam se surprit à penser une énième fois qu’il avait hâte que Lily porte son nom de famille. Il savait que ce serait une fierté pour lui. Mais d’ici là, ils avaient encore pas mal de travail à abattre. « Au fait, comme tu m’avais dit, j’ai demandé à mes soeurs si elles pouvaient venir nous aider à mettre les invitations dans les enveloppes, à les timbrer si nécessaire, bref ce genre de choses. Comme je pensais, elles sont absolument enchantées. Tout ce qui concerne la préparation de ce mariage les enthousiasme au plus haut point. » C’était un peu moins le cas du jeune homme, mais seulement parce qu’il se sentait un peu largué et dépassé. Sans sa Lily et ses capacités d’organisatrice, il serait assurément perdu. « Alors, tu veux m’expliquer un peu ce qu’il reste à faire ? On expédie les invitations ce week-end. On a rendez-vous avec un nouveau traiteur la semaine prochaine et j’ai retenu qu’on devait aussi s’occuper de la musique. Mais je suis sûre que tu as encore toute une liste. Tu veux qu’on en parle ce soir et qu’on regarde ensemble deux ou trois trucs ? » Ils essayaient de ne pas programmer trop de choses à faire en une journée, mais Liam savait que Lily était toujours de bonne humeur quand il s’agissait de se lancer dans les préparatifs - sauf si quelque chose ne se passait pas comme prévu.

Surpris par la question qu’il venait d’entendre, Liam se désintéressa momentanément de son sorbet à la mangue et posa sa cuillère. « Bien sûr que tu feras honneur à la famille. Comment il pourrait en être autrement ? J’ai beaucoup de mal à l’imaginer, en tout cas. » Le jeune homme ne savait pas à quoi sa fiancée pensait, ni même si elle envisageait quelque chose de précis, mais il savait qu’après une prise de tête, les femmes remettaient facilement tout en question. « Tu fais déjà partie de la famille, de toute façon. Mais j’ai hâte que ce soit officiel. Et les autres aussi. Si ma mère verse quelques larmes pendant la cérémonie, ne te laisse pas avoir. Elle a un peu pleuré au mariage d’Axel, mais elle adorait Josie. Elle l’aime toujours autant, d’ailleurs. » Sa belle-soeur était encore invitée à chacun de leurs repas de famille, même si son frère et sa nièce les avaient quittés. Ça rendait la composition de la famille Millstone un peu particulière et, pour Liam qui avait toujours appartenu à une famille classique et fonctionnelle, c’était parfois un peu étrange. « En tout cas, tout le monde a proposé son aide pour les préparatifs du mariage, même mon père qui était pourtant complètement dépassé quand son fils aîné s’est marié. Je lui confierai les tâches les plus simples possibles, comme… Remonter l’allée en compagnie de ses deux filles. Enfin, sauf si tu as prévu autre chose. » Parce qu’au fond, ça n’avait pas d’importance pour lui. Comme beaucoup d’hommes, il avait tendance à classer pas mal de choses dans la catégorie des détails. Il avait donc du mal à comprendre quand Lily paniquait dès que quelque chose n’allait pas comme elle le souhaitait, mais il s’efforçait simplement de la rassurer. Parce que la seule chose qui comptait, pour lui, c’était qu’elle lui dise oui. Il aurait tout aussi bien pu aller l’épouser à Las Vegas, mais il savait que ce n’était pas du tout le genre de choses qu’elle voulait. Et il savait aussi qu’en rentrant, il se ferait trucider par le reste de la famille, les Millstone comme les Davies.
« J’envoie un message groupé à mes soeurs dès qu’on a fini notre conversation et je te confirme le moment. » Il n’osait pas demander si sa présence était indispensable, conscient qu’il était facile de marcher sur des oeufs avec n’importe quelle future mariée. Mais il se disait déjà qu’il se sentirait complètement dépassé, parce que les trois femmes auraient assurément une conversation qui l’exclurait totalement. En revanche, sans grande surprise, il était absolument enchanté par le rendez-vous avec le traiteur. Ça n’avait peut-être rien d’étonnant, pour un cuisinier ; mais en réalité, c’était surtout parce qu’il était un véritable estomac sur pattes. « Je répondrai présent, tu peux compter sur moi pour le traiteur ! » Mais en ce qui concernait le reste, il se perdait un peu. « Comment tu fais pour organiser et retenir tout ça ? On dirait que tu as un planning gravé dans le cerveau avec des alarmes qui retentissent automatiquement et des listes qui se cochent toutes seules. » Il racla le fond de son bol. « Après-demain pour le costume. J’ai noté le rendez-vous dans le calendrier de mon téléphone. Ça sonnera, ne t’en fais pas, comme ça, impossible que j’oublie. » Pour sa tête de linotte, c’était beaucoup mieux. « Je suis ok pour la musique ! Ça aussi, ça me paraît plus accessible. Je vais débarrasser nos bols et faire la vaisselle et pendant ce temps, tu allumes l’ordinateur et tu prépares ce qu’il faut, ça te va ? » Après qu’elle ait approuvé, Liam se leva pour s’exécuter. Mais avant de se diriger vers l’évier, il se pencha vers sa bien-aimée en l’entourant d’un bras, déposant un baiser sur son front. « Je suis tellement heureux de vivre ça avec toi. Je t’aime. »