ne cliquez pas, ce rp pourrait changer votre vie - timo

Clifford, il est typiquement du genre à relever les défis sans vraiment chercher à en croiser. Forcément, étant éducateur canin, il a pas vraiment le choix : parfois, il lui arrive de tomber sur de drôles de phénomènes – animaux comme maîtres. Il ne peut pas affirmer avoir beaucoup d’expérience dans le milieu puisque il n’a qu’une poignée d’années à son actif, mais il pensait tout de même avoir assez pratiqué pour être tombé sur toutes sortes de cas un peu bizarres, du genre à lui faire se poser tout un tas de questions sur la sanité du type qui fait appel à ses services : apprendre à son chien à marcher sur deux pattes pour l’emmener danser, essayer de lui inculquer l’art bien évidemment sacré chez le chien de faire la vaisselle, voilà à quoi ressemblait un peu le quotidien de l’éducateur. Au moins, ça fait toujours de super anecdotes pour Noël. Cliff n’aimait pas se surprendre à se moquer des gens ou à penser du mal d’eux, mais parfois, il était difficile de se retenir de rire pour éviter de paraître impoli.

Sur une note plus drôle, et parce qu’il a un bon sentiment pour Timo Wolfe, Clifford s’est aujourd’hui convaincu d’essayer d’apprendre à son Labrador à aller chercher les croissants tous les matins dans la boulangerie voisine. En principe, l’idée n’est pas si bête et c’est aussi une bonne occasion de tester son camarade à quatre pattes sur sa résistance à la gourmandise. Dans les faits, les résultats sont catastrophiques. Clifford aura passé la matinée à se décarcasser pour mettre en place tout un stratagème qui ferait comprendre au chien qu’il est sensé rentrer avec un sachet de croissants, pas les manger en cours de route. Mais rien n’y fait. Et puis, il fallait encore réfléchir à un moyen pour qu’il accède à la boulangerie, transporte la monnaie et tout ce qui s’en suit – en partant du principe que la boulangère ne sortirait pas un fusil de derrière le comptoir en voyant une bête aussi imposante venir chercher le petit déjeuner. Alors, il fallait bien se rendre à l’évidence : il faudrait plusieurs jours au moins à Clifford pour espérer parvenir à quelque chose, ou alors il faudrait lâcher l’éponge.

C’est pourquoi il retourna toquer chez Timo en fin de matinée, accompagné de son fidèle acolyte, et frappa à la porte en espérant qu’il ne se soit pas rendormi entre temps. Quand la porte s’ouvrit enfin, Clifford haussa les épaules.

- Salut, m’sieur Wolfe. Votre chien, je… bon, je suis pas vraiment sûr que ce soit possible qu’il aille vous chercher le p’tit déj’. Il mange tout avant d’arriver au coin de la rue, je dois déjà être à douze dollars.

Le chien idéal s’appelait Olaf. Quarante-trois kilos d’amour (et de poils égarés sur les différents tissus du loft), des croquettes facilitant la digestion et une panoplie d’accessoires délurés pour l’amuser et en faire une star d’instagram. Voilà ce que Timo avait récolté en adoptant un chiot abandonné au refuge de Wellington. Au début, il avait craqué pour sa bouille rappelant celle d’une peluche qui ne demandait qu’à être câlinée puis… les mois s’étaient écoulés et le chiot au joli minois était devenu son meilleur ami, mais il était beaucoup plus imposant et prenait les trois-quarts du lit. Entre ça et la dictature que son chat avait imposée, il ne restait plus beaucoup d’espace à Timo, mais il ne s’en plaignait pas. Depuis l’époque où il ramassait les escargots à la coquille fissurée pour les soigner, il avait accepté qu’il était un amoureux des bêtes. Néanmoins, il n’avait pas délaissé l’éducation. Pour qu’un monstre d’une quarantaine de kilos vive convenablement en appartement, il fallait qu’il soit dressé. Alors entre deux montages de vidéos, il s’était appliqué à lui apprendre les classiques. Assis, couché, panier, la patte, tourner, Olaf savait se tenir et épater la galerie. Vu le nombre de biscuits-récompenses que son maître lui avait donné en retour, il y avait intérêt.

Pourtant, Timo avait décidé de franchir un cap et pour ça, il avait mis les bouchées doubles. Plus question de s’acharner à coup de tutos YouTube. Il avait décidé de déléguer le travail à un vrai éducateur canin. Sur internet, il avait trouvé plusieurs candidats et ne sachant qui choisir, il s’en était remis à son instinct en optant pour celui dont le nom lui semblait le plus sympathique : Clifford Wade. Le prénom lui rappelait d’agréables souvenirs d’enfance. C’est tout. Ca lui suffisait pour composer son numéro et l’inviter à les rencontrer, Olaf et lui. La première impression avait été bonne et il lui avait laissé son golden retriever sans rechigner. Sa mission : convaincre sa bête poilue à aller chercher les croissants. Pour cela, il avait trouvé un bandana équipé d’une poche à lui attacher autour de la tête. Il n’aurait plus qu’à lui mettre quelques pièces dedans et à l’envoyer à la boulangerie. Bon, malheureusement, l’accessoire n’était pas arrivé à temps pour les premières séances d’entraînement avec l’éducateur, mais il espérait qu’il pourrait faire des miracles sans ça. Le seul obstacle à tout ce manège serait sûrement la gourmandise – et gloutonnerie – du golden. Et ses craintes se révélèrent fondées quand, à la porte de chez lui, l’éducateur lui fit le bilan de ses premiers essais. Les babines encore pleines de miettes, Olaf se fendit de rentrer dans le loft et d’aller se coucher sur le canapé. Il fallait bien qu’il digère toutes les viennoiseries ingérées… Bon perdant, Timo invita le jeune homme à entrer. Après tout, il n’allait pas le laisser sur le pas de la porte.
« Salut, m’sieur Cliff… Euh Wade. J’me doutais bien qu’il ferait son gourmand, mais douze dollars… Il va me refaire la déco d’ici peu, j’le sens » dit-il en regardant le chien qui semblait lutter pour ne pas s’endormir. La dolce vita canine. « Bon, va falloir qu’on trouve un stratagème pour qu’il me flingue pas le budget en deux jours. Asseyez-vous, j’vais vous montrer le bandana que j’ai commandé sur un site chinois qui vend des trucs loufoques. » continua-t-il avant de dégainer son téléphone et de mettre l’image du produit porté sous les yeux du dresseur canin.

S’il devait se montrer sympathique et professionnel pour le bien de ce que l’on appelle le bouche à oreille, Clifford se permettait tout de même parfois d’être curieux. Il aimait savoir un peu à qui il avait à faire en jetant quelques discrets coups d’œil chez l’habitant : parfois, c’est le genre de choses qui pouvaient expliquer pourquoi l’animal est craintif voire un peu plus agressif. Et puis, les résultats obtenus jusqu’à maintenant lui donnant envie de s’arracher les cheveux, il comptait aussi un peu sur l’hospitalité de monsieur Wolfe pour lui offrir un café. Olaf était un bon chien, pas de doute là-dessus, tout comme Timo était un maître attentif, averti et attaché à son fidèle compagnon. Le client parfait en somme, puisqu’en plus de ça, il n’était pas du genre à disparaître sans laisser de traces avant même d’avoir payé.

Après invitation du propriétaire, Clifford s’était assis dans le salon et ouvrit son porte-feuille pour compter les malheureux dollars qui n’avaient pas encore été engloutis par Olaf et qui, mine de rien, lui auraient normalement servi à s’acheter une pâtisserie sur le chemin du retour une fois qu’il en aurait fini ici. Il éleva également la voix, pour se faire entendre de Timo qui était à la recherche d’un accessoire dans la pièce voisine.

- J’avais espoir que la boulangère soit compréhensive, mais honnêtement je crois qu’elle a flairé le filon. Elle avait presque des étoiles dans les yeux chaque fois qu’elle voyait votre chien arriver.

Il en profita pour dégainer son téléphone, prendre une photo du même chien qui était assoupi à côté de lui et l’envoyer à son meilleur ami : il savait sa fille fana d’animaux, et il était certain que ça lui ferait plaisir. Puis, Timo revint avec le bandana et là, impossible pour Clifford de se retenir : il éclate de rire en pensant à l’allure que pourrait avoir le duo dans la rue. Avec quelques années d’entraînement, Olaf pourrait peut-être même faire un bon livreur Amazon.

- Mince, je pensais pas que vous étiez sérieux. Dans ce cas là, on va juste mettre le montant exact, sinon vous allez vous faire plumer.

Clifford essuie ses larmes avant de se faire violence pour redevenir un minimum sérieux. Il attrape le bandana, le met au chien en s’assurant de ne pas avoir trop serré, et dépose ses derniers dollars dans la poche avant de reculer de quelques pas. D’ici, déjà, c’était assez comique à voir.

- Il a un petit air de John Wayne. Non ? Ça vient d’un site chinois, vous dites ? C’est pas si bête, dans le fond, ça pourrait marcher. Bon, ben on y retourne dans ce cas. Cette fois, je vous ramène quand même le déjeuner avant qu’il ne le mange, vous devez peut-être commencer à avoir faim ?  

Timo n’était pas du genre à cacher qui il était. Depuis qu’il avait vu sa notoriété accroître, il s’était surtout mis en tête de ne pas changer ses habitudes. Heureusement, Island Bay était une petite ville et il était relativement tranquille ici. Il lui arrivait parfois d’être reconnu et dans ses cas-là, il tentait toujours de ne pas attiser la curiosité des passants. Le fait d’avoir eu recours à un éducateur canin ne lui posait aucun problème. Il avait appris le minimum syndical à son chien et ce dernier pouvait être qualifié de tout sauf de malheureux. Olaf était comme son enfant, il l’avait aimé avant même de l’avoir choisi et avait doublé une relation fusionnelle avec son chien. Peut-être un peu trop au goût de certains, mais Timo se fichait de ce genre de critiques. Olaf et lui étaient heureux et cela lui suffisait amplement.

Perplexe, Timo récupéra les quelques billets restants. Fichtre, Olaf avait vraiment englouti tout cet argent en viennoiseries ?! De quoi prouver que même sans connivence génétique, l’ami à quatre pattes avait hérité de la gloutonnerie de son maître. Le blond garda pour lui cette information. Il ne se voyait pas divulgué ce genre de choses à quelqu’un qu’il ne connaissait pas.

« J’ai toujours su qu’elle avait une attirance spéciale envers les petites pièces de toute façon… ».

Lui qui était revenu avec son bandana avec une certaine fierté, il devait faire avec le rire moqueur de l’éducateur canin. La bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe, qu’il se dit en lui-même. En réalité, il se fichait bien que cela lui semble ridicule. Timo était toujours plein d’idées farfelues et certaines lui avaient valu d’être là où il était à présent. En plus, le coloris choisi mettait en valeur le poil soyeux d’Olaf, un poil régulièrement arrosé d’une huile de coco dénichée dans un magasin bio et au prix exorbitant et amélioré par des croquettes premium. Qu’est-ce qu’il ne faisait pas pour son chien…

Effectivement, le golden pouvait rappeler les traits de John Wayne. Enfin. Avec un peu d’imagination. « Si on ferme les yeux et qu’on secoue la tête 4 fois sur le rythme de « Gangnam style », ouais, y a du John Wayne, c’est sûr… » répondit-il, légèrement moqueur… « Ouais, j’veux bien. Et prenez quelque chose qui vous plaît, je fais le café ! » dit-il avec un faux-air de professionnel de la boisson. « Ou un thé, si vous préférez ! ». Olaf, lui, ne semblait pas très partant à l’idée de se remettre au travail. Il était allongé sur le tapis du salon et levait de temps en temps une paupière pour vérifier si l’inconnu était toujours là. Même quand son maître le démarchait, il faisait mine de ne pas l’entendre. « Allez Olaf, on ne t’a pas mis ce bandana pour rien, fais un petit effort… Un dernier petit effort ». A force d’être supplié pour bouger, le golden se mit sur ses pattes et se décida à suivre l’éducateur en traînant légèrement. Pire qu’un adolescent en début de rébellion.

Elle était bien bonne celle-là, m’sieur Wolfe. Si la boulangère avait prévu d’arnaquer l’éducateur dès le départ, il aurait peut-être été plus judicieux de le prévenir. Maintenant, Clifford était dépouillé de sa fortune et devait traîner derrière lui un chien qui pesait désormais deux chocolatines – ou plutôt petits-pains, restons civilisés – et trois croissants de plus. Et, alors qu’il pensait impossible que la situation continue de devenir encore plus ridicule, voilà qu’il était debout, devant son employeur, à le regarder mettre un bandana à son chien. Enfin, c’était toujours mieux que des vêtements à paillettes, du rouge à lèvres ou du vernis sur les griffes.

Timo, lui, il n’avait pas l’air de prendre la chose avec la même légèreté que l’éducateur. Pour lui, ça avait plutôt l’air d’une question de vie ou de mort : il fallait que son chien aille chercher le déjeuner, coûte que coûte. La journée allait être longue. Clifford osa tout de même faire la comparaison avec John Wayne, et à en juger par la réaction de son client, ça faisait peut-être longtemps qu’il n’avait pas vu John Wayne sur un écran. Comme il n’avait peut-être pas assez écouté la radio récemment, parce que « Gangnam Style », ça ne lui inspirait rien, mais alors rien du tout. Enfin. Le soucis, c’est que malgré ses airs fringants avec son nouveau bandana, Olaf n’avait plus très envie de bouger. Ce qui ne plaisait pas trop trop à Clifford, étant donné que son client vient de lui proposer de lui offrir le café. Ou bien le thé, s’il préfère, mais il préfère le café. « C’est gentil, m’sieur Wolfe. On va s’y remettre et si tout se passe bien, le café sera encore chaud quand on reviendra. Enfin… s’il veut bien se lever, quoi. » C’est qu’il avait bien mangé, le pépère. Il avait commencé la sieste pendant que son maître et le drôle de phénomène qui l’emmène déjeuner débattaient pour savoir s’il ressemblait oui ou non à un cow-boy. Clifford glissa les mains dans ses poches en adressant un regard suppliant à Timo. Car il était le seul capable de les sortir de cette sale situation. Après avoir à son tour supplié Olaf, il était parvenu à le remettre d’aplomb – façon de parler – et bientôt, les deux compères se mirent en route jusqu’à la boulangerie.

C’était un vrai fardeau, sans déconner. Olaf traînait les pattes, pas encore tout à fait remis de sa dégustation, et le trajet jusqu’à la boulangerie qui n’était pourtant qu’au coin de la rue semblait prendre une éternité. Il fallu quelques techniques bien à lui pour que Clifford parvienne à duper la boulangère, et seuls ses nerfs d’acier lui permirent de faire comprendre à Olaf que tout ce qu’il avait à faire, c’est tenir le sachet entre ses dents jusqu’au domicile de son maître. Au bout d’une vingtaine de minutes, Clifford revint frapper chez son client. « M’sieur Wolfe ? Olaf vous ramène le p’tit déj. Entier, cette fois. »  

Timo, c’était pas le genre à cancaner sur les gens et à leur faire une réputation. Il en avait bien entendu des choses sur la boulangère et son mari, mais il s’en fichait un peu. Les gens du centre-ville, souvent des personnes âgées, adoraient partager leurs anecdotes croustillantes et le blond était trop poli pour refuser de les entendre.

Dresser Olaf pour qu’il aille chercher le petit-déjeuner, ça relevait plutôt de la folie que de la raison. Il savait bien que ce n’était pas utile à tout le monde et qu’on le jugerait sûrement, mais cela faisait bien longtemps qu’il avait accepté le fait d’être le weirdo du quartier. De toute façon, il allait bientôt le quitter alors à quoi bon se racheter un honneur. Le golden retriever était complice, surtout lorsqu’il pouvait en tirer profit et c’était bien ce qu’il avait fait en engloutissant une grande partie des provisions de la première partie du coaching. Néanmoins, maintenant que le bandana était solidement fixé au cou du chien, l’éducateur et le maître espéraient de meilleurs résultats. Timo avait dû motiver son compagnon de route pour qu’il accepte de se relever de sa sieste digestive, mais il y était parvenu. Le temps d’un dernier essai, le blond s’était mis à faire le café. Ses amis avaient ramené une véritable cafetière italienne, mais il peinait légèrement à s’en servir. Lui était plutôt un adepte des dosettes et machines automatiques. Maladroit, le paquet de café lui échappa des mains et finit par terre, ce qui l’obligea à se mettre à genoux pour tout ramasser. Il ne fallait surtout pas que quelqu’un le dérange dans cette tâche. Rapidement, il tenta de réparer les dégâts et c’est alors qu’il venait de raccrocher la pelle qu’il entendit taper à sa porte. Il eut la bonne nouvelle d’apprendre que cette fois-ci, il allait pouvoir se remplir le ventre sans que son chien lui grille la priorité. En ouvrant la porte, il vit Olaf se précipiter dans son panier. Le pauvre avait sûrement dépensé trop d’énergie. Timo fit l’effort de récupérer les provisions dans le bandana et même si elles avaient été légèrement aplaties par le poids du golden retriever. Il prit les deux tasses de café qu’il avait réussi à obtenir en utilisant la « bonne vieille méthode » (comprenez, la machine à café mise en avant par un célèbre médecin de série) et les déposa sur la table en invitant l’éducateur à se servir en premier. Il était affamé, mais gardait ses bonnes manières. « J’imagine que je ne suis pas votre demande d’éducation la plus folle. Si c’était le cas, je serais un peu déçu. Alors racontez-moi votre expérience la plus folle » demanda-t-il tout en buvant une gorgée de café. Il allait devoir en avaler plus que ça pour tenir la journée.