what if you fly ? / clifford

what if I fall ?

oh but my darling, what if you fly ?

Aurait-elle mieux fait de venir autrement qu'en voiture ? C'est la question qu'elle se posera, plus tard.
À pieds, elle risque toujours moins de causer des dégâts en percutant un passant dans un instant d'inattention. Elle en a quelques uns, des instants d'inattention, et c'est mieux dans ces moments-là qu'elle n'ait pas un volant entre les mains. Le plus souvent elle renonce à prendre sa voiture évidemment, mais pas ce jour-là. Elle se sait pourtant terrible conductrice, et s'efforce de redoubler de prudence dès l'instant où elle monte dans son véhicule - oui parce qu'on ne sait jamais, si elle peut être un danger avant même d'enclencher le contact. N'a-t-elle pas manqué de dévaler une colline une fois, parce qu'elle ne s'était pas rendue compte que son genou avait pris appui sur le frein à main jusqu'à l'abaisser complètement ? Mieux vaut rire de cette anecdote à présent.
Rira-t-elle aussi facilement de la maladresse qu'elle s'apprête à commettre ?

Pour l'heure, Ellie est toujours en route pour l'hôpital. Rien d'urgent, rien de dramatique, seulement la routine. Un rendez-vous qui doit vérifier les effets secondaires du dernier médicament en date qu'elle teste. Un rendez-vous qui aussi, elle l'espère, lui permettra de recroiser un visage familier. Et pas n'importe quel visage familier.
Elle ne l'avouera pas à voix haute bien sûr, pas déjà, mais ses pensées peuvent bien l'admettre : elle espère le revoir dans cette salle d'attente. Il ne lui vient pas à l'esprit qu'elle pourrait le croiser ailleurs à cet instant, quand elle songe à cette musique qu'elle aimerait écouter. Alors tout en gardant un œil sur la route, la voilà qui cherche ce cd sur le siège passager, avant de l'introduire dans l'autoradio.
Une chanson passe, puis deux.
Mais la troisième elle ne veut surtout pas l'écouter - elle est de ces chansons-là, celles qui restent inlassablement dans la tête. De toute façon elle est arrivée, elle s'est engagée dans ce parking et roule au pas pour trouver sa place. Alors elle dépêche son doigt de venir la faire taire et baisse un instant les yeux sur son geste, si bien qu'elle ne voit pas qu'il est là, qu'il arrive, sur la gauche. Elle ne l'aperçoit que lorsqu'elle relève les yeux, et son premier réflexe est d'écraser la pédale de frein. Son véhicule s'immobilise brusquement mais c'est trop tard, elle ne le voit plus : il est tombé.
“ Oh non non non... ” Le cœur affolé, c'est à présent le bouton de sa ceinture qu'elle écrase pour s'en libérer et s'extirper de son véhicule. Ainsi elle peut de nouveau le voir, affalé, et elle s'empresse de mettre genou à terre pour l'aider.
“ Tout va bien !? Je t'ai pas fait mal ? ” Ellie ne réfléchit pas, déjà elle attrape son bras et cherche à l'aider à se relever. C'est qu'il faut qu'elle s'assure qu'il va bien, lorsqu'elle ne voudrait surtout pas lui avoir causé du mal.
“ Je suis désolé, vraiment désolé, c'est ma faute ! Je ne regardais plus devant moi ! Oh quelle idiote... ”

what if I fall ?

oh but my darling, what if you fly ?

« Qu’est-ce que ça vas t’apporter d’aller t’empoisonner les veines ? » lui répète toujours sa mère, et à vrai dire, Clifford n’en a pas la moindre idée. Il n’y avait pas réfléchi en passant un coup de fil au numéro indiqué à la fin de l’annonce, avait simplement convenu que s’il lui fallait passer une heure ou deux dans une file d’attente pour arrondir ses fins de mois, c’était une occasion en or. Peut-être que ça lui jouerait des tours dans quelques années, parce que pour l’instant, il a la chance de ne pas encore être mort dans d’atroces souffrances dues aux effets secondaires. Non, il est parfois simplement dans le gaz – assez pour se rendre à l’hôpital à pied plutôt qu’avec la voiture – et ça, contre toute attente, ça a fini par lui jouer des tours. Il en pris bien conscience lorsque sa tête heurta le pavé après qu’il se soit fait percuter par une voiture. Il pensait avoir bien vérifié avant de traverser la route, et pourtant, voilà qu’il se retrouvait face contre terre, à ressentir une douleur qui pulsait déjà dans sa tempe gauche. Le choc avait été bref, mais il s’empressa tout de même d’agiter les bras puis les jambes avant de se recroqueviller sur lui-même pour s’assurer qu’il n’avait rien de cassé. Ça aurait été dommage d’avoir à participer au match de fin de semaine depuis les gradins.

En attendant, il allait bien devoir régler ses comptes avec le chauffeur – une femme, en l’occurrence et pas n’importe laquelle : sa voix, aux oreilles de Clifford, ressemblait à celle d’un ange. Malheureusement pour lui, il fallu que cet ange soit une chauffarde. Elle l’aide à se relever, ce qui a le don de l’importuner plutôt qu’autre chose étant donné qu’elle vient à peine de lui encastrer sa voiture dans les côtes, et c’est là qu’il croise son regard. N’ayant jamais réellement pris le temps de lui parler, il n’avait pas pensé que ça pouvait être elle rien qu’au son de sa voix. Il tenta alors de dissimuler son agacement et, difficilement, la douleur qui lui prenait toujours à la tête. Les excuses de la femme qui s’accapare ses rêves depuis des mois traversent ses oreilles sans qu’il n’y prête vraiment attention : il est soit sonné, soit obnubilé par le visage de la conductrice. « Je… ça va, je crois. Je crois que je préférais l’époque où l’on se tenait mutuellement la porte, là c’est un peu trop brutal pour moi. » Il penche la tête, histoire d’offrir son profil à la femme. « Je crois que ça saigne. Est-ce que c’est ouvert ? Vous pouvez me le dire Ellie, je vais pas vous coller un procès. » Il n’avait jamais eu l’occasion de lui demander son nom – enfin si, mais il n’avait pas osé le faire – mais il l’avait entendu plusieurs fois dans la salle d’attente. C’était peut-être le moment approprié pour l’utiliser.

S'il n'y a personne, pas même sa (future ex) belle-mère, que la jeune femme pourrait vouloir renverser avec sa voiture ; présentement son coeur s'en retrouve d'autant plus affolé que c'est avec Clifford que cette mésaventure lui arrive. Si elle l'avait aperçu avant de le percuter, peut-être que l'accident aurait pu être mis sur le compte du trouble que lui inspire le jeune homme, mais non, tout ne tient qu'à sa seule maladresse ! Ou comment s'assurer qu'ils ne manqueront pas de s'adresser la parole cette fois-ci... Car poussée par sa seule frayeur, la voilà déjà qui s'adresse à lui et attrape son bras, sans avoir dû chercher pendant des minutes quoi lui dire (pour finalement se taire). À cet instant, tout ce qu'elle souhaite surtout, c'est de ne pas lui avoir causé le moindre mal. Il plaisante en tout cas, et Ellie se force à un léger sourire en réaction - non pas parce qu'elle ne le trouve pas drôle, mais parce qu'elle est toujours sacrément accaparée par sa peur.
“ Tu as encore toute ta tête, c'est déjà ça ! ” Elle s'en soulage effectivement : il n'a pas perdu conscience, et l'a même reconnu. Elle qui a pris l'habitude de l'attendre, alors qu'elle ne le connaît pas tout à fait encore. À présent elle est plus près de lui qu'elle ne l'a jamais été, et elle ne le réalise pas tout à fait, trop soucieuse du tort qu'elle vient de lui causer.
“ Tu es sûr ? Rien de cassé ? Tu n'as mal nulle part ? C'était quand même un choc, il faudrait que tu vois un médecin pour être sûr. ” Et elle aurait pu simplement s'arrêter là, mais il faut croire qu'elle n'en est plus à une maladresse près.
“ C'est une bonne chose que nous soyons devant l'hôpital. Enfin je veux dire... non ! C'est pas une bonne chose, de t'avoir renversé, mais au moins... ” Là voilà confuse, et heureusement le klaxon de l'automobiliste coincé derrière son véhicule la coupe dans son élan.
Y'a du sang sur la tempe de Clifford, elle s'en rend compte l'instant d'après lorsque ce dernier le mentionne. Voici de quoi la faire se sentir mal de nouveau, et pourtant elle se trouble par la même occasion de l'entendre l'appeler par son prénom, au point de se perdre trois ou quatre secondes dans ses yeux. Elle ne devrait pas, ce n'est pas le moment de se concentrer sur une familiarité bienvenue. Elle lève alors sa main et va jusqu'à pousser sa mèche de cheveux, pour mieux apercevoir la plaie. Ses doigts s'attardent ensuite en l'air, comme s'ils s'apprêtaient à toucher sa peau, mais ils n'en font finalement rien puisqu'Ellie laisse retomber sa main.
“ Ça saigne oui... Tu veux t'asseoir ? ” Elle désigne le banc sur le trottoir derrière eux, prête à l'y emmener alors que son bras soutient toujours le sien. Et quant à ce procès qu'il serait en droit de lui faire...
“ Tu devrais, je suis vraiment... c'est ma faute, je suis désolée. Je me demande souvent si je fais bien de continuer à conduire, je suis un vrai danger public parfois. ” Parfois seulement ?
“ C'est ma voiture, qu'elle désigne au passage, au moins tu sais que si tu la vois dans les parages, il faut fuir dans l'autre direction ! ” Elle plaisante oui, elle s'essaye une nouvelle fois à un semblant de sourire, mais le coeur n'y est pas quand elle reste soucieuse.

what if I fall ?

oh but my darling, what if you fly ?

« Tu as encore toute ta tête, c’est déjà ça ! » Peut-être bien, oui, mais ça pourrait vite changer si Ellie continue de lui donner autant d’attention. Car si le cœur de Clifford bat la chamade, ce n’est plus à cause de l’accident mais de la femme préoccupée par son état de santé. L’éducateur canin ne veut jamais penser que les choses peuvent arriver parce qu’elles sont écrites – c’est qu’il essaye d’être rationnel parfois, parce qu’en dehors de sa sœur, personne ne veut bien croire avec lui que les esprits sont bel et bien réels – mais parfois, il se dit que c’est la seule explication plausible pour décrire les choses qui lui arrivent, et c’est plus simple de faire une exception. En guise de réponse, Clifford hoche la tête et s’efforce de sourire. Parce que mine de rien, maintenant qu’il est sûr de ne s’être rien cassé pendant l’impact (enfin, dans la caboche, ça reste à voir), il est content d’être passé sur le capot de sa voiture. Elle insiste un peu pour qu’il voit un médecin, ce qui a le don de faire sourire Clifford une deuxième fois. La voir en train de s’inquiéter pour lui ça lui donne des papillons dans le ventre, assez pour faire momentanément disparaître la douleur. Il s’apprête à répondre, dans toute son euphorie, mais Ellie ne lui en laisse pas le temps. Elle s’exprime avec maladresse, et avant qu’elle ne se mette encore plus dans l’embarras, Clifford songe à la couper à son tour. Mais c’est un type, bloqué par la voiture d’Ellie, qui s’en charge à coup de klaxons. « On n’a qu’à… appeler ça un heureux incident ? » Leur regard se croise, assez longtemps pour que le brun finisse par céder et détourner la tête, parce que mine de rien, il a pas vraiment l’habitude qu’on le regarde comme ça. Tout comme il frissonne, sursaute lorsqu’une mèche de cheveux glisse sur son visage. Le diagnostic est fait : il saigne, et décide donc de suivre les conseils de la blonde pour aller s’asseoir plus loin avec elle. Il écoute attentivement ses excuses, sourit à l’idée qu’elle puisse être un danger de la route, et s’attarde sur la voiture qui l’a percuté lorsqu’elle tombe au centre de la conversation. « Je sais ce que ça fait. J’ai rencontré mon meilleur ami en le renversant, lui aussi. Et encore une fois, heureux incident. Enfin, ça veut pas dire qu’on… » A son tour, il comprend à quel point la situation peut vite devenir embarrassante. « En parlant de votre… de ta voiture. Tu devrais peut-être la garer vite fait. Promis, je ne jugerai pas. Et si tu ne renverse pas un poteau, je peux peut-être t’offrir un café ? » C’était maladroit, mais la seule manière qu’il ai trouvé pour éviter d’avoir simplement à lui dire au revoir aujourd’hui. Car avec tout ce qui se passe, c’est peut-être bien l’occasion d’apprendre à la connaître.

Un coup de pouce du destin ? Ellie ne se risquerait certainement pas à y songer, quand pourtant c'est bel et bien cet homme et pas un autre, celui qui a attiré son attention dans cette salle d'attente et qu'elle ne demandait qu'à connaître davantage, qu'elle a percuté avec sa voiture. Un heureux hasard alors ? Heureux peut-être pas, parce qu'elle ne voudrait pas se réjouir de lui avoir causé ce tort. Et pourtant, elle ne peut nier qu'à le voir se relever indemne, plus ou moins, la frayeur fait peu à peu une petite place au plaisir de lui parler, de le voir tout près aussi. D'ailleurs, c'est ainsi quelques instants après qu'elle prend la pleine mesure de leur proximité, et s'il lui sourit, elle égare un moment son attention sur les traits de son visage, jusqu'à réveiller un délicieux embarras dans son ventre. À présent, ce n'est plus seulement la peur qui affole les battements de son cœur, ça elle en a pleinement conscience. Et si la jeune femme sourit finalement, c'est qu'à entendre Clifford, elle comprend que leurs pensées ne sont pas si éloignées. Alors, un heureux incident ou hasard ? Elle acquiesce bien volontiers, malgré son sentiment de culpabilité pour ces circonstances.
“ Plus de peur que de mal, oui, heureusement. ” Enfin, elle espère qu'il puisse aller voir un médecin pour le confirmer, histoire de s'abandonner définitivement au soulagement de le savoir indemne. Toujours, son regard se perd dans le sien, et ce n'est que lorsqu'il se détourne finalement qu'elle pense à s'embarrasser. D'ailleurs elle ne tarde pas à lâcher son bras, à présent qu'il s'assied sur ce banc, et c'est alors qu'il lui fait une drôle de confidence qu'elle retrouve avec surprise (et un sourire) son visage.
“ Vraiment ? Quelle coïncidence ! Enfin, euh, oui je vois. ” Car qu'est-ce que ça ferait d'eux, si Clifford s'est rapproché de cet homme pour faire de lui son meilleur ami suite à cet accident ? Voilà de quoi les embarrasser, si vraiment ils songent à la même chose ? Le silence qui suit semble vouloir dire quelque chose, mais c'est finalement un nouveau coup de klaxon de l'automobiliste coincé derrière sa voiture qui se fait entendre.
“ Oui, je devrais... ” se dépêcher d'aller garer son véhicule ; seulement l'instant d'après elle est prise de court par son invitation, et ses yeux reviennent se planter dans les siens. Est-ce une simple politesse, ou doit-elle y comprendre une autre intention ? Peut-elle l'espérer ? Dans tous les cas, ce n'est pas lui qui a à le lui offrir, après le mal qu'elle vient de lui causer.
“ Si on le prenait dans la salle d'attente des urgences, ce café ? Ça ne sera pas le meilleur, mais je serais rassurée que tu vois un médecin, quand même. Et je te l'offre, c'est bien la moindre des choses. ” De son avis, elle lui doit bien plus pour se faire pardonner. “ Je vais essayer de ne rien renverser... ” Un sourire (complice ?) et elle abandonne un instant ses côtés, pour s'empresser d'aller garer sa voiture - de travers évidemment - sur la place de parking la plus proche. Elle se dépêche ensuite de revenir à la hauteur du blessé, que c'est tout juste si elle pense à refermer sa portière au passage. Et face à lui, elle se fait plus hésitante à se rapprocher aussi près cette fois-ci, comme rattrapée par la réalité de leur manque de familiarité. Mais elle se rapproche bel et bien, d'un pas, pour lui tendre un paquet de mouchoirs qu'elle a pu récupérer dans sa voiture au passage.
“ Tiens, pour... ” ...sa plaie au front, de toute évidence. Peut-elle se permettre d'y presser un mouchoir à sa place ? Elle ne l'ose pas, et reste sur place avec ses hésitations. “ On y... va ? Si tu veux bien. ”