standing in the rain → tommy

Enfin. Après plus d’un mois d’attente, la Tesla achetée avec un code promo fourni par ses collègues YouTubeurs était arrivée. Timo avait dû faire le chemin aller jusqu’à Wellington par ses propres moyens pour récupérer son nouveau bolide. Il aimait bien les voitures. Du moins, il était capable de reconnaître les marques, d’énumérer quelques modèles et de conduire, mais la Tesla noire était sa première acquisition. Jusque-là, il s’était contenté des transports en commun ou d’un vélo qui traînait dans la cave du loft qu’il possédait. Il avait investi dans une voiture dans le seul but de ne pas se retrouver dans le pétrin lorsqu’il quitterait son logement en centre-ville pour un quartier avec moins de commerces de proximité.

La Tesla était arrivée lustrée et en parfait état. Il n’y avait eu aucun retard d’acheminement ou dans la satisfaction des options. Seulement voilà, tout se passait trop bien et il manquait clairement quelque chose pour sceller son appartenance au blond. C’en était même louche. Heureusement, la pluie s’invita à la fête et en grande quantité puisqu’une alerte orange venait d’être prononcé par les autorités et annoncée à la radio. Adieu polish sur la carrosserie et jantes brillantes et bonjour saleté.

Sur la route du retour, à quelques kilomètres de chez lui, il vit une voiture arrêtée sur le bas-côté. Le chemin n’était pas des plus fréquentées et il pensa immédiatement au scénario d’un film d’horreur. Dans un premier temps, il avait fait le vœu de ne pas s’arrêter, mais plus il s’approchait et plus il pouvait distinguer la silhouette d’une Coccinelle. Cela lui suffit pour renoncer à son égoïsme. Ainsi, il mit une rangée de pneus dans l’herbe mouillée et arrêta le moteur de la voiture à proximité de celle qui semblait être en panne. Evidemment, il n’avait pas de capuche et il ne fallut que quelques minutes pour que les trombes d’eau ne ruinent sa coiffure. Il tapota à la vitre côté passager pour prendre des nouvelles de la conductrice. Visiblement, il faisait peur. C’était si terrible de ça, capillairement parlant ?! La vitre ne se baissa qu’à moitié, mais il ne put s’empêcher de pouffer de rire quand il se rendit compte que la propriétaire de la Coccinelle le pensait policier.

« J’ai plusieurs nouvelles. Deux mauvaises et une bonne. La mauvaise, c’est qu’il semblerait qu’il y ait une alerte orange à cause des pluies, ce qui explique que nous soyons les deux seuls sur cette route. L’autre mauvaise, c’est que je suis une quiche en mécanique et que je ne vais pas pouvoir vous aider. La bonne, c’est que je ne vais pas vous verbaliser puisque je ne suis pas agent, mais que je me suis pris de sympathie pour la Coccinelle. » dit-il à bout de souffle et le visage trempé. S’il avait eu de mascara, nul doute qu’il ressemblerait à un panda. L’eau commençait à traverser l’intégralité de ses vêtements. Il ne manquait plus qu’un coup de vent et il pouvait appeler son médecin pour un rendez-vous. « Si vous voulez attendre à l’abri et avec du chauffage tout en veillant sur Choupette, je suis juste derrière. » dit-il avant de retourner à l’intérieur de la voiture. Heureusement, il avait eu l’instinct de laisser les housses de protections sur les sièges. Sinon, il ne se serait sûrement pas proposé.

Certes, la situation pouvait faire penser au scénario d’un mauvais film. En plus de ça, Timo ne s’était pas rasé correctement et ses deux dernières nuits blanches lui laissaient des marques brunâtres sous les yeux. Il n’était clairement pas à son avantage pour faire croire à sa bonne foi et pourtant, il n’avait pas l’intention de faire le moindre mal. D’autant plus qu’avec une telle voiture en sa possession, il serait vite repéré. Les Tesla ne courraient pas les rues en Nouvelle-Zélande.

Rapidement, il fut rejoint par la jeune femme. Visiblement, le blond n’avait rien de rédhibitoire. Il savait que la marque de son véhicule y était pour quelque chose. Du moins, il s’en était douté à la minute où il avait vu le regard noisette de la conductrice se balader dans l’habitacle. A moins qu’elle ne fût à la recherche de l’éventuelle arme du crime ? Cette pensée le fit rire intérieurement. Néanmoins, quand elle lança d’elle-même une allusion à une potentielle marre de sang, il sut qu’ils avaient pensé à la même chose et ne put s’empêcher de sourire.

« Effectivement, je viens tout juste d’aller la chercher. C’est peut-être ça qui a déclenché ce temps-là, vu que c’est ma première voiture et que j’ai enfin cédé aux nombreuses recommandations de mes proches. » Vu la situation, un peu de légèreté ne faisait de mal à personne. « Et puis, si ça peut vous rassurer, j’ai même pas de cric dans le coffre alors j’aurais bien du mal à vous assommer ». Heureusement qu’elle avait commencé à faire des allusions sinon elle aurait pu s’enfuir en courant à la simple évocation de ce détail.

« Et vous alors, depuis combien de temps vous traînez ce tacot ? J’imagine qu’elle est même plus vieille que vous, à moins que vous soyez adepte du sérum de jeunesse ou de la chirurgie. » A ce moment-là, et uniquement après avoir prononcé ces paroles, il se souvint de l’adage qui disait que c’était impoli de demander son âge à une femme. Bon après tout, ce n’était pas le point central de sa question et elle se garderait bien de le dire si elle le souhaitait. Il se fichait un peu de savoir de quelle décennie elle était. Timo se contentait de rendre service. Lui qui était réservé, il avait ouvert la porte de sa voiture à une inconnue. Comme quoi, les miracles étaient possibles. Il la laissa téléphoner à un garagiste tout en se concentrant sur la voiture qui était devant. Chaque grosse goutte de pluie semblait peser plus lourd sur la carrosserie.

« Alors, qu’est-ce qu’il vous a dit ? Il pense être là rapidement ? » Non pas qu’il voulait se débarrasser d’elle au plus vite, mais elle devait avoir envie de se sortir de cette situation aux allures de mauvaise blague.

Immédiatement, Timo ne put s’empêcher de penser à la fameuse expression populaire qui disait « Mariage plus vieux, mariage heureux ». Il y pensait, car sa mère avait longtemps cru que « plus vieux » ne s’écrivait qu’en un mot et qu’il y avait un quelconque rapport avec la météo le jour d’un mariage. Il avait grandi dans le mensonge, lui aussi, jusqu’au jour où il était tombé sur ce présage à l’écrit et avait réalisé l’ampleur de la méprise. Il ne pouvait donc pas répondre qu’il espérait que son mariage à la marque américaine soit heureux. Enfin si, mais il ne pouvait pas faire de lien avec les trombes d’eau qui claquaient contre le pare-brise.

« J’espère aussi, mais si je suis en train de me dire que j’aurais peut-être dû opter pour un bateau à la place » dit-il sur le ton de l’humour. S’il y avait bien un élément que Timo détestait, c’était l’eau. Du moins, il l’aimait, mais de loin. Se promener sur le bord de la plage et tremper ses pieds dans l’eau lui suffisaient amplement pour être satisfait. Il ne s’était jamais imaginé tenir la barre, ne serait-ce que pour frimer. Après tout, il n’était pas capricorne pour rien. Son truc à lui, c’était la terre.

Les années 70. La jeunesse de ses parents. Timo ne le clamait pas sur tous les toits, mais il était un grand fan de cette époque ; la musique, le cinéma, les voitures, les modes de vie alternatifs… Toutes ces choses qui le fascinaient et qui lui laissaient le goût amer d’être né à la mauvaise période. S’il avait pu et surtout, s’il n’avait pas été un grand amateur de technologies, il aurait sûrement troqué sa Tesla dernier cri contre un van aménagé.

« Malgré son vieil âge, j’suis sûr qu’elle nous enterrera. »

Coup de la panne ou non, les vieux modèles étaient beaucoup plus faciles à réparer. Moins capricieux et surtout moins fournis en composants électroniques, ils étaient un cadeau des cieux pour les garagistes. Le seul problème était peut-être de continuer à se fournir en pièces. Quoiqu’il en soit, il leur fallait patienter une vingtaine de minutes avant d’être sauvés. Le temps de tailler une bonne bavette en regardant le ciel s’écrouler sur leur tête. « J’avais un rendez-vous, mais j’étais déjà en retard avant même de m’arrêter, de toute façon. » avoua-t-il avec décontraction. Il avait promis de jouer en live tout en donnant ses premières impressions sur son nouveau carrosse, mais cela avait été rapidement compromis par le temps. Tant pis, un petit tweet d’excuses et le tour serait joué. Il y avait bien pire qu’un live annulé et de toute façon, il ne risquerait pas sa vie pour si peu.

« Et pardonnez-moi si je suis curieux, mais qu’est-ce que vous faites dans la vie de tous les jours ? Avec une voiture pareille, j’vous imagine bien à parcourir les brocantes pour dénicher un vase de Chine dont peu de gens connaissent la valeur, mais je suis nul pour cerner les gens alors j’imagine que je me plante en beauté ». Et c’était peu de le dire. Timo avait souvent une imagination débordante et en comparaison, la réalité était souvent décevante.

« Dieu merci, je ne serai plus là pour assister à ça ». Timo n’était pas un grand amateur de King. Il allait même jusqu’à se demander ce que les gens lui trouvaient, c’est dire. Il avait bien essayé de lire une de ses œuvres à une ou deux reprises, mais il s’était endormi à chaque fois et ce malgré l’absence d’une certification assurant que l’ouvrage choisi était prévu pour faciliter la sieste.

Le blond n’était pas du genre à tenir des comptes pour recenser qui lui devait quoi. S’il s’était arrêté, ce n’était certainement pas pour obtenir quelque chose en retour. Néanmoins, il ne regrettait pas d’avoir croisé la Coccinelle sur sa route. Cette rencontre, aussi anodine puisse-t-elle être, avait eu le don de mettre son imagination à l’épreuve. Elle pouvait bien dégoter des trésors en brocante, avec un véhicule comme ça. Certes, il était un peu dans le cliché, mais il se plaisait à imaginer la Volkswagen remplie à rapport avec un tendeur pour tenir le coffre. Il ne put dissimuler une pointe de déception à l’annonce du style de l’intérieur de la jeune femme. Pour le vintage, on repassera, se dit-il intérieurement. « Vous êtes pleine de surprises, au moins. Et maintenant vous allez m’annoncer que vous êtes ingénieure aérospatiale ?! Ou mieux, cosmonaute ? » Il s’attendait à tout.

Moderne, Timo ? Avec sa collection de consoles, son équipement domotique dernier cri qui lui permettaient d’avoir des lumières connectées et sa passion pour tout ce qui réclamait de la batterie ne pouvait contredire les propos de la jeune femme. Pourtant, en revenant en Nouvelle-Zélande, il avait dû abandonner une partie des gadgets technologiques auxquelles il s’était habitué au Japon. Island Bay était tout de même moins animé que les quartiers japonais. Parfois, cette vie-là lui manquait, mais il se rattachait à toutes les bonnes choses que le quotidien néo-zélandais lui avait apportées.

« Vous avez raison. Je vis dans un loft plutôt moderne, avec des droïdes en guise de personnel de maison ». Il pouvait presque considérer ses colocataires comme des robots tant ces derniers avaient un emploi du temps bien huilé comparé aux siens. Les métiers qu’ils exerçaient avaient des horaires fixes qui rythmaient leur vie. Timo était bien plus irrégulier. Aux yeux des autres, il était souvent le geek un peu trop en avance sur son temps – pour ne pas dire le weirdo de la coloc. Néanmoins, il se gardait bien de le dire. Elle ne semblait pas l’avoir reconnu et c’était tant mieux. Il préférait clairement être un humain lambda, surtout quand il s’agissait de mettre son incompétence manuelle en lumière.

« D’ailleurs, j’espère que vous comptez bien me payer un café moléculaire pour service rendu à votre nation ! » dit-il sur le ton de la plaisanterie. « A moins que vous soyez du genre à proposer vos infusions maisons… » rajouta-t-il en voyant la dépanneuse arriver au loin. « Y a Martin de Cars qui a l’air de rappliquer ! ». Geek un jour, geek toujours.

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i walk down the lane, with a happy refrain, just singin' in the rain.
@Timo Wolfe (sarasvati)

Tiens, le jeune homme n’a pas l’air d’apprécier Stephen King. Ce qui arrive en soi, ce n’est probablement pas la première fois qu’elle rencontre un de ses détracteurs. En ce qui la concerne, Robin aimait bien sa façon d’écrire et, bien que ses récents romans soient un peu plus décevants, il a toujours ce don de rendre l’écriture facile. Ou en tout cas, c’est l’impression qu’elle en a. Sa réponse la fit sourire. Notamment parce qu’il n’est pas si vieux et qu’il y avait donc de fortes chances pour qu’il soit toujours là quand ça se ferait. Enfin, si ça se faisait. Peut-être même qu’elle devrait leur écrire pour leur faire savoir qu’elle avait une Coccinelle antique en sa possession… Bref, il la rappelle en lui annonçant qu’au moins, elle était plein de surprises. Oui, c’est une façon de voir les choses. Puis il enchaîna en lui demandant si elle s’apprêtait maintenant à lui annoncer qu’elle était cosmonaute. Ça pour surprendre, ça serait surprenant. D’autant que si, comme tout le monde, le ciel et l’espace l’intriguaient et l’attiraient au plus haut point, elle les trouvait également terrifiants depuis qu’elle avait vu Gravity. Robin laissa échapper un petit rire.

« Hé non, là en revanche, c’est très classique : je restaure des œuvres d’art. »

Entre autres choses qu’elle ne crierait pas sur tous les toits car les gens comme elle avaient étrangement tendance à être pris pour des fous. Bien évidemment, c’était également son cas et elle ne comptait pas les heures qu’elle avait passées en thérapie. Thérapie qui n’avait servi à rien, soit dit en passant puisqu’elle n’était pas folle, juste différente ; probablement plus sensible que la moyenne. Soit, elle se demanda quelques instants ce que ce jeune homme pouvait bien faire dans la vie, surtout lorsqu’il confirma sa théorie. Des droïdes en guise de personnel de maison. On ne va pas se mentir : Robin pensa immédiatement au robot-soubrette des dessins animés mais elle n’en dit rien. Si elle était pleine de surprises, il était plus prévisible mais ce n’était en rien un reproche. Les gens plus prévisibles sont en quelque sorte une valeur sûre.

« Vous m’en direz tant. Ça doit être sympa. »

Puis il se mit à lui parler de café moléculaire et, grands Dieux, Robin se rendit compte qu’elle ne savait même pas que ça existait. Ni en quoi ça pouvait bien consister exactement. D’ailleurs, elle resta quelques secondes les yeux dans le vague, sourcils froncés à tâcher de se le figurer mais en vain.

« Avec plaisir, pour peu que vous m’indiquiez les bonnes adresses. »

Dire qu’elle pensait tout savoir sur le café, la voilà détrompée. Bref, ce fut à cet instant qu’arriva la dépanneuse. Car oui, la médium saisit tout de suite la référence. C’est qu’elle avait des frères et sœurs plus jeunes qui avaient regardé Cars. Avec elle. La main sur la poignée de la portière, Robin s’exclama :

« Merci beaucoup d’avoir attendu avec moi. Si vous avez encore vingt petites minutes, on pourrait se le faire, ce café moléculaire. »

Bon, peut-être bien qu’elle était optimiste en disant vingt minutes. Si ça se trouve, il faudrait plus de temps qu’elle ne le pensait pour la dépanner mais l’expérience lui avait appris que, quelle que soit la situation, il valait mieux être optimiste.

Si Timo était prévisible ? Peut-être. Il avait l’allure de monsieur-tout-le-monde et il ne s’en souciait pas plus que ça. Etre atypique, ce n’était pas dans ses ambitions. Malgré lui, le jeune avait toujours cherché à rentrer dans la norme. Plus jeune, il avait affronté tout un tas de situations où sa différence – bien qu’elle ne soit que matérielle à l’époque – avait été un problème et il voulait à tout prix éviter de se sentir à nouveau comme la version de lui, vingt ans plus tôt. Il était toujours le « weirdo » de la bande à bidouiller des appareils de high-tech, mais il le vivait mieux. Il faut dire qu’il avait la chance d’être entouré de personnes dont la bienveillance n’était plus à prouver.

Quand il apprit qu’il partage son cockpit avec une restauratrice d’œuvres d’art, Timo manqua de s’étouffer avec sa propre salive. Il ne croyait pas au karma, mais à ce moment-là, il réalisa qu’il ne pouvait nier l’existence d’une force supérieure pour qu’il se retrouve avec cette jeune femme-là précisément. Ce n’était pas qu’il était insensible à l’art, non, mais il avait du mal à en comprendre les tenants et les aboutissants. Il lui était arrivé de mettre les pieds dans un musée et de lire les petits écriteaux vissés au pied des œuvres, mais il n’avait jamais adhéré au contenu qu’ils renfermaient. Enfin, qu’importe, ce n’était pas le moment de se questionner sur la pertinence de ces résumés.

« Ca vous va bien, tiens » dit-il, sûr de lui.

Un instant, il se demanda ce qui avait bien pu lui passer par la tête pour dériver sur la question du café moléculaire. Il avait bien lu qu’une start-up s’était lancé dans une folie de ce nom, mais il ne se voyait pas être un client. De toute façon, ils étaient un peu trop des Etats-Unis pour espérer pouvoir plier le voyage et déguster une boisson chaude en vingt minutes.

« Avec plaisir. Au fait, moi, c’est Timo. »

De l’intérieur de sa voiture, il regarda la jeune femme s’extirper et régler les détails avec le garagiste. Coupé du son de leurs échanges, il s’imagina les dialogues avec une pointe d’humour, comme à son habitude. Quelque chose lui disait que les négociations étaient beaucoup longues que prévu. Néanmoins, il attendit sagement qu’on lui envoie un signe pour qu’il sache quoi faire. Il n’allait pas rester planter là à regarder les gouttes tomber, si ? Il les regarda faire en espérant qu’elle reviendrait bientôt vers lui pour l’aiguiller dans ce qu’il devait faire. Ce qu’elle fit rapidement, à son plus grand soulagement.

« Alors, quelles sont les nouvelles ? On va pouvoir le boire, ce café, ou vaut mieux qu’on se donne RDV pour une glace en été ? »

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@Timo Wolfe (sarasvati)

La réaction du jeune homme lorsqu’elle lui annonça le métier qu’elle pratiquait l’amusa ; elle n’aurait su dire que c’était de bon ou de mauvais augure mais il le vit très clairement déglutir. Peut-être détestait-il l’art de la même façon qu’il n’aimait pas Stephen King ? Cette fois encore, Robin ne pourrait pas lui en vouloir car elle était bien placée pour savoir que le sujet pouvait être des plus assommants. De la même façon qu’il pouvait être tout à fait fascinant, il suffisait juste de trouver ce qui vous parlait le plus sinon tout le monde resterait de marbre. Il commenta alors que ça lui allait et Robin ne sut pas trop si elle devait bien le prendre ou non. Disons que ça collait plutôt avec l’image de la propriétaire de Coccinelle antique qu’il s’était fait d’elle alors dans le doute :

« C’est gentil. Je crois ? »

Puis le dépanneur arriva et il lui fallu s’éclipser en instant, mais juste avant qu’elle ne sorte de la voiture, le jeune homme se présenta. Timo. C’est pas banal comme nom, la médium se demanda d’où ça pouvait bien venir. Puis elle songea qu’elle n’avait pas vraiment le temps d’être plus curieuse que ça ; le dépanneur n’allait pas l’attendre éternellement, aussi se contenta-t-elle d’un :

« Et moi Robin, enchantée. »

Avant de sortir et de courir sous la pluie à la rencontre du garagiste. Toujours le même, il devait à peu près aussi bien connaître sa Coccinelle que les pédiatres connaissent les enfants qu’ils soignent. Pourtant, ça dura un peu plus longtemps, cette fois-ci. Ce n’était pas une panne d’allumage qu’il aurait suffi de régler d’un coup de booster – quelle idiote en plus, elle avait des pinces dans le coffre au cas où mais bon, en dehors de Timo et son tout nouveau bolide, elle n’avait vu personne passer par-là. En vérité, elle ne comprit pas bien de quoi il s’agissait exactement mais le type avait apparemment eu la bonne idée de prendre ce qu’il fallait avec lui. Et ce fut réglé pile dans les temps, une fois que Robin eut accepté de tenir le parapluie qu’il lui tendait au-dessus de sa tête. Elle était donc rincée mais tant pis, il eut été difficile de faire autrement de toute façon. Elle le remercia, assura qu’elle passerait au garage dès que possible pour régler la note et retourna voir Timo aussi sec.

« Voilà c’est arrangé ! Passez devant, je vous suis. »

Robin. C’était un prénom peu commun pour une femme. A vrai dire, Timo ne l’avait jamais entendu ailleurs que dans la saga Batman (dont il n’était pas un vrai fan, préférant Marvel à DC). Il connaissait bien Robin Hood, mais là encore, il s’agissait plutôt d’un héros masculin. Aussi inédit que cela était, il appréciait de pouvoir mettre ce prénom sur un visage féminin. Il eut grandement le temps de nourrir sa réflexion en regardant le garagiste s’atteler aux réparations. Visiblement, il était habitué à la Coccinelle et il connaissait ses faiblesses. Robin – puisqu’il connaissait maintenant son prénom – s’était dévoué pour tenir un parapluie, à peine de quoi protéger le magicien pendant son tour. Timo était bien au sec et observait la scène de l’intérieur en espérant que les nouvelles seraient réjouissantes.

« Votre tacot voulait juste voir son docteur quoi » dit-il avec un sourire aux lèvres en réfléchissant au lieu qui serait le plus adapté pour qu’ils puissent boire un café dans de bonnes conditions. Pas un café du futur, juste un café dont le résultat de la commande ne serait pas un jus de chaussette ou au contraire, un liquide mystérieux qui leur donnerait envie de grimper aux arbres sans se tenir. Il avait bien l’idée d’un petit café relativement reculé de l’animation du centre-ville, mais ils allaient devoir être patients car cela leur faisait quelques minutes de route.

« Vous me faites confiance ? Non parce que j’ai bien une idée, mais j’vous avertis, c’est pas à la portée du premier nigaud qui se balade » avoua-t-il – et c’était vrai, il ne l’emmenait pas dans un repaire de touristes.

Il prit la tête du convoi et profita de ces quelques kilomètres pour prendre en main son nouveau bolide. Il avait à cœur de respecter le code de la route – surtout en sachant qu’il était suivi – et pourtant, il sentait que le moteur en avait sous le pied. Peut-être qu’il irait s’amuser sur circuit dans les jours à venir, s’il trouvait le temps.
Une fois arrivé sur place et garé sans abimer la peinture neuve de sa voiture, Timo mit le pied à terre avec soulagement. Ils étaient arrivés à destination, à deux, et sans que la Coccinelle ne les lâche en route. Un pas après l’autre, Robin suivit le blond jusqu’à la ruelle dans laquelle se trouvait le troquet tant espéré.

« Ok, j’ai un peu menti, pas de café moléculaire ici, mais je peux vous assurer qu’ils font les meilleurs cafés liégeois du pays » annonça-t-il en ouvrant la porte à son invitée.

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@Tommy Walker (sarasvati)

Il faut croire que Tommy a raison, son antiquité avait juste envie de voir son docteur. Elle lui rendit son sourire avant qu’il ne lui demande si elle lui faisait confiance. Hé bien ils avaient déjà plaisanté au sujet du fait qu’il soit potentiellement maniaque et une chose était sûre : si elle y avait cru ne serait-ce qu’une seule seconde, elle ne serait pas venue s’asseoir à ses côtés en premier lieu. Même si tout bien réfléchi, c’est sans doute la technique pour laquelle opterait un serial killer ; il voudrait tout d’abord mettre sa victime en confiance. Trêve de plaisanterie, Robin opina du chef en réponse à la question du jeune homme, elle le suivrait où bon lui semblerait. Même dans un bouge infâme pour peu que le café y soit bon. Puis s’il pouvait lui faire découvrir de nouveaux endroits, elle ne serait pas contre, Robin avait un peu trop tendance à rester fidèle aux mêmes enseignes. Il ne faudrait juste pas qu’elle prenne peur parce qu’il l’emmenait dans un coin un peu reculé, pas de problème. Ainsi, elle se hâta donc de retourner à l’intérieur de sa Coccinelle – qui démarra en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire – et suivit la Tesla.

Lorsqu’ils se stationnèrent, Robin remarqua qu’effectivement, elle n’avait jamais mis les pieds dans cet établissement. Mais selon les dires de Tommy, il proposait les meilleurs cafés liégeois du pays. Oh, un café liégeois, ça faisait des années qu’elle ne s’était plus laissé tenter. Pas qu’elle fasse particulièrement attention à sa ligne mais, comme bien des gens, elle avait succombé à la mode des lattes et autres macchiatos. Un sourire étira de nouveau ses lèvres à l’évocation de ce fameux café moléculaire. Qu’elle n’avait pas spécialement hâte d’essayer, maintenant ou plus tard, pour sa part.

« Pour être tout à fait honnête, le café liégeois me branche bien plus alors c’est parfait. »

La médium poussa donc la porte et chercha du regard une table libre à laquelle s’asseoir. Elle aimait que ça soit un endroit sans prétention, ça la changerait un peu. Elle finit par s’asseoir là où il y avait de la place, car s’il s’agit en effet d’un endroit pas très touristique, ça ne signifie pas pour autant qu’il n’y a personne. Bien au contraire.

« C’est marrant, je ne vous aurais pas imaginé ici, plutôt chez Starbucks. Comme quoi. »