(M/LIBRE) › BRADLEY COOPER

« Tu es complètement fou. » chuchotai-je à l'oreille de Matthew en admirant le diamant de la bague de fiançailles qu'il m'avait offert la veille. Cela faisait à peine dix mois que nous nous fréquentions, et voilà qu'il m'avait fait sa demande. La grande demande, celle qui change la vie de deux personnes, celle dont j'avais tant rêvé étant petite. Enfin, j'allais être la princesse d'un prince charmant, qui plus est doté d'une situation financière plus qu'aisée. Jamais je n'aurais cru, en quittant mon île, que j'en arriverai là. J'étais suffisamment déterminée pour réussir ce que je souhaitais entreprendre, et si déjà sur le plan professionnel, ma carrière comblait mes attentes, ma vie privée surpassait mes rêves les plus fous. Matthew était un homme passionné et très attentionné. Dans le lit de la suite luxueuse de l'hôtel dans lequel nous avions passé notre première nuit de fiançailles, nous nous enlacions comme deux jeunes amoureux transits. Du bout du doigt, il parcourait mon bras tandis que je me prêtai à quelques rêvasseries. « Tu crois qu'on pourrait faire la cérémonie à Waiheke ? Ce serait parfait, et tu gagnerais le respect éternel de mes ancêtres. » Un rire cristallin s'échappa de ma gorge. « Vraiment, ce serait chouette. » « Je pense que c'est envisageable. » Ces quelques mots suffirent à me faire sauter de joie jusque dans ses bras. Je le serrai fort avant de l'embrasser tendrement. « Alors par contre, au niveau des dates, il va falloir s'y prendre à l'avance. » Matthew acquiesça. « C'est vrai que pour la mairie, la réservation du lieu de la cérémonie, les billets d'avion pour mes par... » « Non, non, rien à voir. Non, c'est juste que je ne peux pas me permettre de quitter le boulot pendant des jours et des jours. » J'affichai une légère moue, consciente que pour vivre le plus beau jour de ma vie, il faudrait que je mette ma vie professionnelle entre parenthèses. Et même si cette parenthèse serait vite refermée, l'idée même de ne pas remplir mes fonctions pendant quelques jours ne me plaisait pas le moins du monde. C'est la raison pour laquelle je fis part de mon inquiétude à mon fiancé, qui ne semblait pas partager mon point de vue. Matthew se dégagea de notre étreinte pour quitter le lit, et s'habiller sans un mot. « Qu'est-ce que j'ai dit ? » Aucun son ne sortait de sa bouche. « Matt ? » Il me fixa, le visage fermé. Cela n'annonçait rien de bon. « Écoute, Maia, je t'aime et je n'ai jamais été aussi heureux que depuis que nous sommes ensemble. Mais si tu n'es pas capable de nous faire passer avant ton boulot, alors nous fonçons droit dans un mur. » La bouche semi-ouverte, je tentais de comprendre ce que tout cela voulait dire. « Tu me demandes quoi exactement là, de choisir entre toi et mon boulot ? Parce que tu sais très bien que c'est impossible, tu le sais depuis le début. » Cela paraissait foutrement égoïste de dire cela à son futur époux, mais je me devais d'être aussi franche que je l'avais toujours été avec Matthew. Dès notre première rencontre, je lui avais clairement fait comprendre que j'étais ambitieuse, et que ma carrière passerait avant tout. Je faisais partie de ces gens qui considèrent qu'il y a plus de chance de réussir sa vie professionnelle que sa vie sentimentale, étant donné le pourcentage de chances de réussite. Car si le travail et la persévérance sont toujours récompensés dans la vie professionnelle, ce n'est pas forcément le cas dans la vie privée : combien d'hommes et de femmes approchent de la fin de leur carrière sans avoir de vie familiale stable ? Non, vraiment, je ne voulais pas prendre le risque de perdre mon travail en ayant l'esprit trop occupé ailleurs. Il fallait que je parvienne à faire la part des choses, et à diviser mon temps en deux catégories bien distinctes : le boulot, en premier lieu, puis les papouilles. Mes parents, deux âmes soeurs, avaient eu la chance de se rencontrer alors qu'ils avaient tous deux la situation professionnelle qu'ils désiraient, et je comptais suivre leur exemple. J'étais simplement beaucoup plus ambitieuse qu'eux. « Je ne comprends pas ce que tu veux, Matthew ... » Il prit un instant pour réfléchir, soupira, et se laissa tomber sur le bord du lit. « Excuse-moi, je ne cherche pas à te poser d'ultimatum. Tu m'as toujours dit que ton boulot passerait avant tout, c'est vrai. J'ai juste envie de profiter de toi au maximum. » Ces mots, sincères, me vinrent droit au coeur. « Vous êtes exceptionnel, M. Matthew Mahoney. » Je lui déposai un baiser sur la joue, avant de le rassurer comme je le pouvais. « Je te promets d'essayer de faire moins d'heures supp, pour te préparer de bons petits plats néozélandais. » Un petit sourire en coin et un regard complice plus tard, Matthew abdiqua. Des mois s'écoulèrent sans que je ne faillisse à ma promesse. Je m'efforçai de faire moins d'heures supplémentaires au bureau, quitte à bosser sur mon ordinateur dès que Matthew s'endormait. A ma grande surprise, je ne ressentis pas vraiment cela comme un sacrifice. Je prenais réellement du plaisir à rentrer à une heure plus "conventionnelle" et à passer les week-end en sa compagnie plutôt que sur des tournages hors temps de travail. Je me plaisais à lui concocter de petits plats maison, mais avant même notre mariage, j'aurais dû me douter que cette situation ne pourrait pas durer très longtemps. Le quotidien reprit rapidement le dessus, et petit à petit, je repris mon rythme de travail acharné. Matthew, quant à lui, finit par s'y habituer... enfin, c'est ce que nous croyions tous les deux.