new sheriff in town (finn)

Lara Drake. Il allait encore lui falloir un peu de temps pour s’y faire, et pour prendre l’habitude de donner ce nom-ci plutôt que Grimsdottir quand on le lui demanderait, mais l’islandaise était vraiment satisfaite de son nouvel alias. Depuis qu’elle avait posé le pied sur le sol néo-zélandais, ça lui donnait la drôle d’impression d’être un agent secret en mission. Ce qui était un peu le cas d’ailleurs, puisque Finn n’était même pas au courant de sa présence en ville. En fait, elle voulait d’abord s’assurer d’avoir un endroit où passer la nuit histoire de ne pas se retrouver à demander le gîte et le couvert à son frère cadet. Parce qu’en plus de devenir un boulet, elle aurait vraiment raté son départ. Heureusement, elle avait fait la rencontre d’Emrys par le biais d’une annonce sur Internet et s’était dégotée une place au sein de sa colocation, ou elle avait également rencontré Savannah. Et force était de constater qu’ils forment un adorable duo et que les choses s'annoncent vraiment bien pour la suite.

Maintenant qu’elle avait les clés de sa nouvelle maison en poche, elle considéra tout de même de mettre Finn au courant. Téléphone dégainé, c'est toujours dans cet état d’esprit d’agent secret qu’elle pianota son message.

Spoiler:

Bon, d’accord, deux messages parce qu’elle n’a pas pu s’empêcher de faire le coup du message piégé. Il faut dire qu’elle était de bonne humeur, et la perspective d’une nouvelle vie à Island Bay la rendait toute chose. Elle n’avait pas encore subi le mal du pays, même si ça avait été un peu difficile au moment d’embarquer. Heureusement, une fois au sol, elle est entrée dans un état de béatitude total, si bien que pour une fois, elle n’a même pas pensé une seule seconde à Johann. Et ça c’était plutôt bon signe, non ? Sérieusement. Bref, tout ça pour dire qu’elle avait fini par poser ses fesses sur la terrasse d’un restaurant, à siroter une limonade en compagnie de son sac à dos, de son saxophone et de ses chaussures de randonnée. Autant dire qu’elle ne passait pas inaperçue, surtout si on ajoute à ça son teint si pâle qu’elle en devenait presque éblouissante - c’est qu’on voit pas souvent le soleil, à Reykjavik. Heureusement, elle devint tout de suite plus rayonnante en voyant Finn faire son entrée en scène, et se surprit même à rougir un peu. C’est là qu’elle ouvre grand les bras, histoire de saluer le petit Drake comme il se doit.

- Fiiiiiiiinn, je suis trop contente de te voir ! J’espère que t’étais pas trop occupé. Je suis arrivée ce matin mais je pouvais pas attendre jusqu’à demain pour voir ta petite tête.

Évidemment qu'il ne refuserait jamais de la pizza. Quel plaisir ça fait de pouvoir revoir son frère. Ça suffit à remonter le moral de Lara qui, mine de rien, déteste ne pas le voir physiquement pendant trop longtemps. Parce que d’ordinaire, elle le surveille surtout sur les réseaux sociaux, même si ça lui donne un air un peu creepy. Malheureusement, elle en aurait presque oublié qu’il était si perspicace. Il l’a toujours été, en même temps, donc Lara aurait peut-être dû s’y préparer un peu mieux. Expliquer le pourquoi du comment de sa venue en Nouvelle-Zélande semblait bien plus compliqué qu’il y a quelques minutes, quand elle flânait encore dans les rues, et entre venir se ressourcer quelques jour et tout plaquer pour s’installer définitivement ici, il y a un monde. Maintenant Lara avait peur que la pizza ait un goût totalement différent une fois qu’elle se serait expliquée. Franchement, elle aurait préféré arriver avec de bonnes nouvelles : une représentation à Wellington, une place dans un prestigieux orchestre néo-zélandais ou on ne sait trop quoi d’autre.

- Surprise ! J’ai tout mon orchestre qui attend caché au coin de la rue, on va te faire une compilation de tous tes films préférés.

Une petite pointe d’humour qui lui fait décrocher un bête sourire, histoire de ne pas inquiéter Finn plus qu’il ne l’était sûrement déjà. Il s’agissait maintenant de franchir le cap, parce qu’elle n’allait quand même pas tourner autour du pot pendant deux heures. Lara haussa les épaules en réfléchissant à la meilleure façon d’annoncer et son installation en Nouvelle-Zélande, et sa nouvelle identité. Et comme il n’y a pas de façon idéale pour annoncer qu’on vient tout juste d’envoyer sa vie voler en éclats, elle se ravisa très vite pour plutôt se laisser aller et formuler ça comme ça lui vient à l’esprit.

- Je vais m’installer ici, pour un petit moment. Je ne sais pas combien de temps encore, mais je pense que ça me fera du bien.

Et c’était sincère. Beaucoup de choses lui sont tombées dessus en si peu de temps à Reykjavík, Lara n’a pas supporté. Elle voyait Island Bay comme un ticket de sortie, un nouveau départ, et c’est pour ça qu’elle avait si vite fait le choix de plier bagages.

- J'étais pas trop sûre de venir ici, au début. Puis je me suis dit que c’était l’occasion de me rapprocher un peu plus de toi, et pour marquer le coup j’ai même fait changer mon nom. Lara Drake, t'en dis quoi ? La classe, hein ?

D'ailleurs, Lara Drake savait très bien qu’il en faudrait beaucoup plus pour contenter Finn, parce que pour l’instant, elle devait quand même vachement donner l’impression de vouloir échapper à un meurtre qu’elle a commis en Islande, non ?

Quand Finn mentionne l’univers des super-héros, ça rappelle toujours de bons souvenirs à Lara. Les marathons Marvel ont toujours été une épreuve pour elle, parce que c’est pas vraiment un milieu qui l’attire et parce qu’elle passe son temps à poser tout un tas de questions idiotes du genre “Et donc ça c’est le Joker ?” en pointant Gamora du doigt, ou encore “Mais si Spiderman c’est un millionnaire orphelin, pourquoi il s’embête à négocier le prix de ses photos avec des journalistes ?”. Est-ce que je dois continuer ? J’imagine que vous avez l’idée. Ce qui l’intéresse vraiment Lara, c’est pouvoir passer du temps avec son frère et tenter de comprendre un peu mieux ses passions. Et puis, avec une bonne pizza, ça fait toujours un bon divertissement. Lara sourit à son tour en s’imaginant le tableau que ça ferait si elle rameutait son orchestre surprise pour jouer le thème des Avengers.

- Ah, bon. Je pensais surtout à Dragonball Evolution, les meilleurs films d’Adam Sandler et… tu sais, le deuxième Blair Witch.

Finn étant plutôt friands de films d’horreur, sa réaction pourrait valoir le détour. Maintenant, il est temps pour Lara d’expliquer la raison de sa venue avec autant d’affaires. Elle se relaxa un peu en voyant son frère apprendre la nouvelle avec le sourire : mieux, il lui propose même une place chez lui. C’est bien gentil, mais c’est typiquement le genre de traquenard que Lara souhaitait éviter en allant sonner chez Emrys, parce qu’elle ne voulait certainement pas finir à squatter chez son frère plus longtemps qu’elle ne le devrait, à s’imposer en somme. Et puis, c’est un grand garçon maintenant, alors il a peut-être envie d’un peu d’intimité quand il joue les super-héros avec sa copine. Oh, quelle horreur.

- C’est gentil, maiiiis…

Elle sort fièrement les clés de la colocation et les agite devant elle.

- Je t’avais bien dit que j’étais en ville pour affaires ! J’ai trouvée une place dans une coloc, dans une maison de ma-lade. Je te ferais faire un tour des lieux si ça te dit en rentrant, j’habite à East Bay. Enfin… tu vas me déposer, hein ?

Elle était contente que ce changement brutal de vie soit aussi bien passé auprès de son frère, surtout le changement de nom. Lara Drake, c’est vrai que ça sonne bien, et c’est l’occasion rêvée de devenir une famille à part entière. En bonne Islandaise, Lara avait un attachement tout particulier pour les liens de la famille et ce qu’un simple nom peut représenter. Un serveur vient les couper dans leur conversation, alors Lara en profite pour commander un audacieux mélange de poivrons, chorizo et olives, et c’est comme ça qu’elle préfère décrire la pizza, parce qu’elle n’a aucune idée de la façon dont on les appelle ici. Quand la pizza arrive et quand Finn y plante ce petit drapeau volé, Lara sent que ça y est, c’est une nouvelle vie qui commence.

- Quel spectacle ! T’es vraiment le roi des accueils chaleureux. Merci Finn, vraiment. J’avais peur que tu sois flippé à l’idée que je débarque à l’improviste, que tu t’imagines… je sais pas, des histoires d’argent avec un cartel de la drogue ?

Par acquis de conscience, elle préfère remettre ce petit drapeau à sa place et, en revenant s’asseoir, elle effectue quelques pas de danses, parce que quand le restaurant passe du Pharell Williams, c’est dur pour Lara de s’en empêcher.

- Il faut absolument qu’on fasse une liste de choses à faire tous les deux. J’aimerai bien découvrir un peu l’envers du décor de tes histoires de fantôme. Je savais même pas qu’on pouvait en trouver en Nouvelle-Zélande.

C’est noté ! Et pour le coup, Lara se permet même de tracer quelques traits invisibles sous les nanars Sandler, parce que ce serait intéressant de vérifier s’il y a vraiment une bande originale dans ces films là. Enfin, façon de parler : dans le cinéma, comme l’imagine Lara, il est un peu Celui dont il ne faut pas prononcer le nom, et elle ne le ferait certainement que sous la torture. Tout comme Finn, elle se met à rire en pensant au comique de la scène. Puis, elle lui explique qu’elle s’est trouvée une jolie maison, dans laquelle elle va cohabiter avec deux personnes et qui pourrait potentiellement en accueillir une quatrième. Il est souriant, content pour elle, mais quand il rappelle qu’elle aurait très bien pu passer un peu de temps chez lui, Lara comprend que dans le fond, il est déçu. « Alors, attention. Ça va sonner un peu vieux jeux, maiiiis… » Elle marque un temps, histoire de prendre une grande inspiration. « J’avais pas envie d’être un poids pour toi, surtout que t’étais même pas au courant de mon arrivée il y a encore une heure. Je sais que ça t’aurais fait plaisir, mais honnêtement… je sais pas, j’ai pas envie d’être ce genre de sœur toujours un peu trop présente dans ta vie. J’imagine que t’as d’autres chats à fouetter, et puis t’apprécierais pas que je sois tout le temps sur ton canapé. » Et puis, qu’ils vivent ensemble où pas, ça change rien : ils sont tous les deux à Island Bay maintenant, alors ils auront toutes les occasions du monde pour rattraper le temps perdu. C’est pas parce qu’elle ne veut pas être omniprésente dans sa vie qu’elle va se priver pour passer chez lui à l’improviste et manger une pizza.

Heureusement, non. Si c’est un baron de la drogue qui voulait sa peau, elle serait allée se terrer ailleurs que dans la ville où vit son frère. Quand Finn lui pose la question, elle découvre les dents dans un grand sourire. « Disons plutôt un groupe sectaire. Il s’est passé tout un tas de choses dernièrement, et pour faire court… bon, ben disons que je suis célibataire et que l’orchestre n’a pas voulu de moi. » Elle en fait peut-être des caisses pour certains, mais pour Lara, ça représente beaucoup de choses. Elle a tellement de bons souvenirs avec Johann, et tellement de moins bons avec toutes ces nuits blanches passées à retenir des pages et des pages de partitions pour son concert du lendemain. Enfin bref, elle ne veut pas non plus gâcher la célébration des retrouvailles, et si elle est ici, c’est justement pour faire un trait sur tout ça et pour se remettre en selle. « Et avant que tu ne me poses la question, oui, je crois que je vais m’inscrire sur Tinder. » C’est pas vraiment son truc, mais bon. Il paraît que certains se font aussi de chouettes amis sur ces réseaux là.

Lara partage aussi avec son frère l’envie de faire quelques activités ensemble. Elle le sait passionné de films d’horreur et de chasse aux fantômes, et si ce n’est pas trop sa tasse de thé, elle n’en est pas moins prête à faire l’effort pour se plonger un peu dans l’univers de Finn. Elle hoche la tête à chacune de ses énumérations, ce qui lui laisse instantanément ce sentiment d’avoir fait le bon choix en proposant l’idée. Lara pioche dans les frites aussi, histoire de pouvoir dire qu’elle en a eues quelques unes avant que Finn n’engloutisse tout. « Je suis pas sûre d’être prête pour tout ce qui est sanatorium et compagnie, mais pour le reste… ouais, carrément. Ce serait cool. T’es déjà tombé sur des trucs, genre… des preuves ? Tu sais, une tâche sur une photo, ou un truc comme ça. » Pour le coup, ça pourrait bien titiller sa curiosité. Et puis, quelle tête est-ce qu’ils ont les fantômes de Nouvelle-Zélande ?

Lara plisse les yeux, joint ses mains comme si elle était sur le point d’effectuer une prière. « En chair et en os ! C’est un club très sélect, tu sais. Moyennant un généreux paiement deux fois par mois et le don de tous tes objets de valeur, je suis sûre que tu pourrais nous rejoindre. » Ce n’est que plaisanterie bien sûr, parce qu’elle serait bien la dernière à se laisser embarquer dans des galères comme ça. Enfin c’est ce qu’elle pense en tout cas, parce que dans les faits, ça doit être bien plus facile de se faire embrigader qu’on ne le pense. Sinon, tous ces gens qui témoignent ne continueraient pas de se faire avoir. Lara ne s’intéresse pas vraiment à ces choses là, et d’ailleurs, il faut croire qu’elle ne s’est pas non plus assez intéressée au concept Tinder, parce qu’elle en apprend une bonne par le biais de son frère. Elle grimace, fait des gestes de mains dans tous les sens. « Tu fais bien oui, dégoûtant ! Bon, j’imagine que c’est mort pour la case Tinder alors. Je vais rester seule et nourrir les chats du quartier. » Ce qui serait un peu conflictuel avec le caractère itinérant de Lara, mais bon. En ce moment, elle ne peut pas se permettre de faire la fine bouche. Ceci dit, c’est une bonne occasion pour passer plus de temps auprès de son frère, qui partage l’idée mais qui regrettera probablement de l’avoir fait dans quelques mois, quand l’islandaise sera collée à ses basques. Elle essaye de s’intéresser à ce qui passionne son frère, convaincue qu’elle n’a pas assez souvent eue l’occasion de le faire ces dernières années : d’abord, la chasse aux fantômes. Elle sait que c’est quelque chose qu’il adore, et comme Lara le voit, ça pourrait très bien se mêler à son envie de faire de l’urbex. Elle écoute son frère raconter les bizarreries qui lui sont arrivé avec un air bienveillant et une pointe d’excitation. « Trop bizarre. Quand on regarde les vidéos sur internet, c’est généralement le mec qui fait des cuts dans la vidéo, mais si là ça vous est vraiment arrivé… ça doit être glaçant. » Alors qu’elle hoche lentement la tête, elle ne peut s’empêcher de penser que c’est tout de même un peu décourageant. Lara ne voulait pas croire à tout ça et pourtant ça ne l’empêcherait pas d’avoir des sueurs froides si un jour elle devait accompagner Finn pour jouer les Ghostbusters. En tout cas, ce sera pour une prochaine fois : il ne reste que quelques parts de pizza, bientôt froides, et une bonne marche jusqu’à la voiture fera du bien à la fratrie. Lara abat bruyamment ses mains sur son ventre. « Ah, prête je sais pas. Il faut que j’arrive à me lever. » Elle feint de galérer en lâchant un long gémissement, mais finit tout de même sur ses deux pieds. « En route monsieur Drake, j’dois encore vous montrer ma superbe demeure. »