l'histoire de ma vie
after all this time? always.
— And when the road stops, I'm gonna keep on.Il est d'usage de parler de la fin d'une étape comme des prémices d'une nouvelle aventure. Pour Tommy, le palier supérieur était un tournant décisif. Après plusieurs années à courir après les A et des heures à s'entraîner pour exceller sur le parquet, il était prêt à s'envoler pour un autre continent. L'une des universités les plus prestigieuses des Etats-Unis avait retenu sa demande d'admission, appuyée par une bourse décrochée grâce à ses nombreux sacrifices et ultime preuve d’un potentiel qui ne demandait qu'à être confirmé. Il allait vivre son propre rêve américain, lui qui détenait la nationalité sans avoir le moindre souvenir du lieu où il était né.
— Like a prayer that only needs a reason.Être sûres de l'avenir de leur amour. Se marier, en grande partie pour avoir un cadre légal. Trouver un donneur avec le bon phénotype. Espérer un peu plus de bienveillance. Enchaîner les rendez-vous médicaux. Être découragées. Capituler face à la douleur produite par les aiguilles. Se disputer. Avoir les premiers signes de grossesse. Se réconcilier. Faire ses premiers achats pour un nouveau-né. Reculer devant la médiatisation. Investir dans un livre de prénoms. Apprendre qu'un prince viendra combler deux reines. Décider du contenu du sac de maternité. Être comblées.
Un parcours du combattant de cinq ans pour que Tommy voit le jour. Un autre de plus de deux ans pour qu'il devienne officiellement leur enfant à toutes les deux. Rares sont les familles à devoir autant prouver pour être légitimées.
— You don't know what goodbye means.Des bouclettes blondes allant et venant au gré du vent, des paroles bredouillées entre deux moments de silence pesant, des larmes essuyées sur le quai de la gare - typique d'un jour de départ. Il avait beau savoir qu’il partait pour les bonnes raisons
(encore répétées la veille par la plus sportive de ses mamans), Tommy avait du mal à s'y faire. Il laissait derrière lui les femmes qui comptaient le plus pour lui et le pays dans lequel il avait grandi. Il avait enduré les moqueries sur son modèle familial, lutté contre la différence de traitement, gagné des alliés et maintenant, il partait sans avoir la moindre idée de ce qui l’attendait.
L'atterrissage et les paysages aux teintes chaudes de son nouveau pays n'y changèrent rien. Les jours et les mois passèrent et malgré les nouvelles amitiés, les lettres et les visites régulières, une partie de Tommy était restée à des kilomètres de là où il était censé performer. Sa progression était dans la norme. Il ne pouvait se permettre de ternir la réputation de la plus endurante de ses mères, celle qui l'avait entraîné, conseillé et épaulé jusqu'à ce qu’il décroche l’opportunité de marcher dans ses pas. S'il aimait le basket ? Bien sûr. Ce qu'il aimait moins, c’était le poids qui pesait jour et nuit sur ses épaules, allant parfois jusqu'à l’empêcher de dormir.
— But I wish I was there with you.Pris à la gorge par une avalanche de sentiments, Tommy était incapable de mener toutes ses activités de front. Garder une forme olympique tout en finissant ses devoirs écrits en temps et en heure lui paraissait de plus en plus insurmontable. Il avait tout essayé pour ne pas perdre pied : régimes alimentaires particuliers et contrôlés, consommation
(un poil) excessive de boissons énergétiques, mise en place de rituels. Tout jusqu'à ce que sa tête prenne le contrôle de son corps, qu'elle le supplie d’arrêter un instant et de l'écouter - de s'écouter lui plutôt que de chercher à répondre aux exigences de son coach, à satisfaire les envies de sa petite-amie et de travailler à ne pas décevoir ceux qui l'aimaient le plus. Match après match, il ne cessait de s'approcher du point de rupture. Sa place, il ne l'avait pas volée et pourtant, il savait au fond de lui que malgré tous ses efforts, il n'était pas aussi fort que sa mère - son idole - l'avait été et ce n'était pas la douleur persistante au genou contre laquelle il luttait à chaque rencontre qui disait le contraire.
Jusqu'à ce que le corps lâche en plein match. Bas les masques - le petit prodige n'était plus. Quand ses 90 kilos touchèrent le sol après avoir été en extension pendant plusieurs secondes, Tommy sentit qu'il ne serait plus jamais le même. La souffrance qui traversa la partie inférieure de son squelette le cloua au parquet devant les regards choqués du public.
Alors qu'autour de lui, on s'écharpait pour savoir quoi faire et vers quel hôpital il devait être transféré, un sourire de soulagement étira la peau fine de ses lèvres. Il serra la main de sa mère qui avait fait le déplacement pour le regarder jouer - elle qui espérait une bonne place pour le prochain draft de la NBA - comme pour la rassurer.
— Going through the motions, know you're feeling worthless.Au lendemain de sa blessure, l'annonce du diagnostic priva Tommy de tous ses rêves d'enfant. Il ne deviendrait pas une figure majeure de la NBA à l'effigie des étoiles dont les maillots étaient fièrement accrochés dans sa chambre. A l'issue de sa rééducation, les chances qu'il récupère cent pour cent de ses capacités étaient minimes. Plus tard, les yeux remplis de larmes, il affronta le regard de ses mères en leur avouant que la probabilité pour qu'il y laisse sa santé mentale était bien plus conséquente. S'en suivit une longue conversation durant laquelle elles furent informées de tous les vagues auxquelles Tommy avait résisté. Ensemble, ils convinrent d'un arrangement raisonnable : il finirait son degree avant de rentrer.
Désormais délesté des entraînements, le jeune homme pouvait s'adonner à un autre de ses passe-temps trop longtemps laissé de côté : les jeux vidéo. Des heures passées à extérioriser toute la rage qu'il ressentait, manette en mains, un exutoire qui le forçait parfois à boucler ses devoirs au lever du soleil, une heure avant de les rendre.
Une porte de sortie originale qui lui permit de ne pas faire valoir son diplôme de manière classique et qui lui donna la chance de délaisser le domaine du sport pour celui de l'e-sport en intégrant une écurie moderne et en devenant quelques années plus tard l'une des premières recrues de la NZESF (New Zealand Esports Federation).
— The things you have learned will guide you.En 2019, après avoir mené différents projets allant des campagnes de lutte pour la reconnaissance de l'e-sport comme un sport à part entière à travers le monde, de la prévention pour l'addiction aux jeux vidéo et avoir décroché plusieurs titres internationaux, Tommy annonça sa décision de se retirer de la compétition officielle et de se consacrer intégralement à sa chaîne YouTube pour diversifier ses activités.
Sujet: tommy walker ─ should i stay or should i go (
Super choix d'avatar !
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