powerpuff roomies (savannah)

Les premiers jours à la colocation de Lara se déroulaient, et c’était peu de le dire, à merveille ! C’était pas très difficile en même temps, parce qu’elle avait déjà habité avec d’autres gens une fois à Reykjavík, et là pour le coup ça c’était vraiment très très mal fini. Elle se souvient même de sa caution qui lui était passée sous le nez parce que des ustensiles de cuisine avaient traversé la pièce et, accessoirement, la fenêtre. C’est d’ailleurs pour ça qu’elle s’était faite la promesse de ne plus jamais réitérer l’expérience, avant l’épisode Island Bay. Parce que si elle n’était pas revenue sur sa décision, si elle était restée bien emmitouflée dans son bunker de déni, elle se serait de toute évidence réveillée sur le canapé de Finn ce matin. Et franchement l’idée d’être un boulet pour quelqu’un, merci mais non merci. C’est qu’elle a une vie à reconstruire, en ce moment, alors pas le temps pour les prises de tête inutiles.

Emrys n’est pas là pour le weekend, alors les filles se sont mises d’accord pour s’organiser un petit truc en cercle très privé en fin de journée, histoire de faire plus ample connaissance et afin que Lara continue de s’intégrer un peu plus. Ça tombe bien parce que, de ses deux colocataires, c’est probablement Savannah que l’islandaise a le moins eue l’occasion de voir. Elles n’ont fait que se croiser depuis le début, si bien que ça aurait vite pu devenir gênant. C’est vrai quoi, personne n’a envie de vivre avec un fantôme qui nous fait sursauter deux-trois fois par jour à l’angle d’une pièce. Alors du coup, en rentrant de deux heures de cours particuliers avec un gamin qui débutait à peine le saxophone et à qui elle avait dû prêter le sien, elle s’était arrêtée à l’épicerie du coin pour faire quelques emplettes : une, puis à la réflexion deux bouteilles de vin, de quoi faire quelques amuse-gueules et, au passage, du papier-toilette pour réapprovisionner les stocks.

Sur son téléphone, l’horloge tapait vers les dix-neuf heures, ce qui voulait dire que Savannah n’allait pas tarder à rentrer parce que c’est vaguement à cette heure là qu’elles s’étaient donné rendez-vous. Lara pris l’air d’une maman fière de ses petits en regardant les amuse-bouche qui, mine de rien, avaient une meilleure allure qu’elle l’aurait espéré. Elle avait mis un peu de musique en fond sonore, histoire de se rapprocher un peu de l’ambiance cocooning ultime, et c’est lorsque elle entendit les clés dans la serrure de la porte d’entrée qu’elle exprima un grand sourire.

- Tu tombes bien, je viens de finir une armée de trucs à se mettre sous la dent pour l’apéro ! Par contre, j’espère que tu sais ouvrir une bouteille de vin.

Elle amène le tout dans le salon, attrape deux verres à pied en chemin et se laisse choir dans le canapé.

- J’te jure, les enfants c’est plus ce que c’était. Ça a été les cours ?

La première bonne nouvelle, c’est que Savannah semble avoir le sourire. C’est un point important, parce que ça veut dire qu’elles ne rentreront pas dans le tragi-comique ce soir, à énumérer leurs déboires, boire aussi du coup et finir par trouver une pensée positive qui enlèvera tout son sens à la conversation qu’elles viendront d’avoir. La deuxième bonne nouvelle, c’est que le bouchon de la bouteille de vin est sur le point de capituler. Lara en profite pour s’installer dans l’un des fauteuils du salon, en attendant que Savannah la rejoigne. « Tu ne devrais peut-être pas placer autant de confiance dans mes talents culinaires. C’est pas dit qu’on repeindra pas les murs dans une heure. Mais, j’ai fait des efforts ! » Et si Savannah décide de ne pas piocher dans les petits-fours, Lara ne lui en voudra pas le moins du monde. Elle récupère son verre, avant de trinquer et de porter un toast. « Girl power, et longue vie à la colocation. » Et, puisqu’elles viennent à peine de se retrouver, elles racontent chacune leur journée. Attentive, Lara hoche la tête en écoutant parler Savannah, sans pour autant réussir à se mettre à sa place. Pour elle qui n’a jamais connu les bancs de la fac, c’est difficile de se projeter. C’est pourquoi elle décide qu’il ne vaut mieux pas se plaindre, parce qu’elle n’est pas consciente des charges de travail que peut emmagasiner sa colocataire en une journée de cours. « J’ai encore un peu de mal à m’adapter, et c'est difficile d'avoir la confiance des parents de mes élèves parce que... bon, c'est marqué sur mon front que je ne suis pas d'ici, mais ça va aller. Je suis plutôt confiante. Tu as des projets pour la suite ? Du genre, continuer tes études ou alors… voyager, je sais pas. » C’est toujours intéressant de savoir, et puis si c’est voyager qui l’intéresse, elle trouverait en Lara une source inépuisable de témoignages, parce qu’elle en a vu du pays. D’un autre côté, elle est peut-être aussi effrayée à l’idée de se lancer dans le grand monde des adultes, et ça pourrait aussi être l’occasion idéale pour en discuter. Même si du coup, le tragi-comique va devenir inévitable.

HRP:

Lara ne peut s’empêcher de retenir un rire nerveux tandis que Savannah fait preuve de politesse : elle n’a décidément pas idée des compétences culinaires de l’islandaise, pour ne pas appeler ça des talents d’empoisonneuse. « Je t’en voudrais pas si tu change d’avis après avoir goûté, j’ai l’habitude maintenant. » Pire, ça lui colle à la peau. Dans le pire des cas, elle n’auront qu’à se rabattre sur les fonds de placard et la boisson. En attendant, elles trinquent pour marquer la fin de cette journée compliquée. Compliquée pour l’une parce qu’elle peine à se faire une clientèle, compliquée pour l’autre parce que la fac ça a juste l’air barbant pour Lara, qui n’y a jamais mis les pieds. Elle écoute Savannah parler de ses projets d’avenir avec beaucoup d’intérêt, découvre qu’elles pourraient finalement faire plus ou moins le même travail dans un futur proche. Enfin, après avoir découvert un peu le monde, comme pas mal d’étudiants. Ca tombe plutôt bien, parce que Lara a un paquet de pays à son actif. « Quand j’ai eu mon diplôme de musique, j’ai fait un petit road-trip à travers l’Europe. Allemagne, Hongrie, République Tchèque… Tout ça, tu vois. Je suis partie avec un sac à dos, mes potes et un billet de bus. Et après, on s’est débrouillés là-bas. Si tu t’organises bien, c’est vraiment plaisant. Après, si tu veux juste être dépaysée sans avoir à aller trop loin… Peut-être que l’Australie ça peut être cool aussi. » D’ailleurs, elle réalise que ça pourrait valoir le coup d’y aller un jour maintenant qu’elle vit juste à côté. Par curiosité, et parce que ce serait dommage de tout apprendre sur Savannah par le biais de leur troisième colocataire, elle décide d’approfondir l’interrogatoire. « Il y’a d’autre choses que tu aime faire, à part voyager ? » Elle croit savoir qu’elle travaille à mi-temps dans un café pour financer ses études, alors peut-être qu’elle a des talents cachés de mixologue - un talent que tout le monde voudrait avoir dans sa colocation - ou alors de dessin au lait sur le café. En attendant une réponse, elle attrape un petit four et, surprise, ils sont bel et bien immondes.

Spoiler:

Qu’est-ce que c’est plaisant de recevoir des compliments sur des petits fours qu’elle a juste eu à mettre au four ! Ce n’est peut-être pas plus mal qu’elle soit si nulle en cuisine, sinon elle prendrait bien trop facilement la grosse tête. Comme on dit, c’est l’intention qui compte, pas vrai ? Il y a du vin, de quoi éponger tout ça, et elle a même fait l’effort de passer par le rayon papier toilette pour que personne ne se retrouve dans une situation délicate dans les jours à venir. Lara ne cache pas sa satisfaction, elle lâche même un petit « Nickel ! » victorieux. En parlant de ses voyages à travers l’Europe, en proposant des idées de destinations économiques sans pour autant faire l’impasse sur le dépaysement, l’islandaise voit bien les étoiles dans les yeux de sa colocataire. Elle comprend que ça ne puisse pas être facile pour tout le monde de voyager, d’autant plus quand on est encore en plein dans ses études. Lara a toujours eu la chance d’avoir son père derrière elle pour assurer ses arrières, mais sans ça, peut-être qu’elle aussi se contenterait encore aujourd’hui de rêver en écoutant les autres parler de leurs aventures aux quatre coins du monde. Peut-être qu’elle n’aurait jamais trouvé le courage de sauter le pas pour refaire sa vie ici, à Island Bay. « C’est en bonne voie alors ! Qui sait, peut-être qu’on finira par se croiser un de ces quatre, à l’autre bout de la planète ? Et si c’est pas le cas, tu m’enverras des photos. Je serais contente d’avoir de tes nouvelles et de savoir que tu auras réussi à mener ton projet à bien. » C’est tout ce qu’elle lui souhaitait. En attendant, Savannah n’aura qu’à se consacrer à sa deuxième grande passion : le dessin. Soulagement pour Lara, qui espérait juste qu’elle ne soit pas colombophile, ou quelque chose d’autre du même genre. C’est parfois difficile de tenir une conversation, dans ces cas-là. « Je comprends. Moi aussi je passe mon temps à dessiner des têtes de notes, des hampes et des durées sur des partitions. Ça arrive qu’on ne voit pas l’heure défiler. » Lara fait preuve d’un peu plus de retenue en ce qui concerne la nourriture : ne sachant pas cuisiner, elle a vite appris à se contenter d’une simple assiette de coquillettes.

Quel honneur ! Ce serait bien la première fois que le visage de Lara termine dans un carnet de dessin, et il faut bien avouer que c’est flatteur. Maintenant que le sujet est abordé, elle se demande bien de quoi ses traits peuvent avoir l’air sur le papier, et surtout à quel point Savannah se débrouille. Lara attrape son verre, s’affale dans le canapé et passe une main dans ses cheveux. Elle se la joue célébrité, comme si un spot lumineux venait d’être braqué sur elle. « C’est quand tu veux, chaton. On pourra la coller sur la porte de ma chambre, au cas où des invités se perdraient en route. » Avec un peu de chance, ça fera un heureux accident. Enfin, quoi qu’il en soit Lara ne compte pas presser Savannah avec ça maintenant : elles sont là pour partager un bon moment entre colocs avant tout, tisser des liens et en apprendre un peu plus l’une sur l’autre, le tout dans une ambiance girl power. « Je reste curieuse de savoir ce que ça va donner. J’ai pas encore eu l’occasion de voir tes travaux depuis que je sais que t’étudie l’art. » Il ne lui reste plus qu’à prendre son mal en patience, comme on dit. En attendant, Lara lève son verre, décidée à trinquer une nouvelle fois. « A notre rencontre, et à tout ce qui reste à faire ! »