Death is a mystery. | Aiden & Nathan.

Aiden n'avait plus trop de doutes. On l'avait mis au placard. Et il vivait assez mal cet état de fait, surtout qu'il ne déméritait pas. Il faisait tout pour faire du bon travail, le problème, il se résumait à un seul nom de famille : Delgado. Naïvement il pensait qu'en se montrant serviable et volontaire, il arrivait à entretenir des rapports cordiaux avec lui. Mais ce fut loin d'être le cas. Harton en ignorait la raison fondamentale. Comment aurait-il pu se douter qu'il s'agissait là de pure jalousie à son égard ? Car oui, son "bourreau" n'avait pas supporté d'être rétrogradé et encore moins de voir qu'Aiden était plutôt bien vu dans les hautes sphères. Il voulait démontrer que ce "bleu" était un incapable et que sa réputation naissante était surfaite. Au quotidien, il ne perdait jamais une occasion de le rabrouer. Quand le jeune homme proposait de lui apporter un café, il sous-entendait qu'il cherchait à ne rien faire... pour finalement, un quart d'heure plus tard, estimer que son travail était "nul" et que son destin c'était d'aller lui chercher un bon ravitaillement de caféine. Aiden prenait beaucoup sur lui, il ne disait rien, il encaissait. Ce n'était pas dans sa nature de se rebeller ou de se plaindre. Il bossait, avec cette même volonté. Seulement, ça commençait à lui peser sur le moral. Delgado sautait sur la moindre de ses erreurs pour le pourrir, de préférence devant tout le monde et il enchainait les mauvais rapports auprès de leur hiérarchie. Son attaque préférée : mettre le doigts sur ses fautes d'orthographe. Aiden n'avait jamais été littéraire, lui son truc, c'était les maths, le raisonnement, la logique. Delgado n'en avait cure, de ses réflexions, de ses hypothèses. Et quand il avait raison, il s'appropriait les lauriers.

Ce matin-là, Aiden en avait pris pour son grade... en cause, la rédaction de la dernière plainte qu'il avait enregistrée. Delgado lui colla la honte en affichant le document à plusieurs endroits du commissariat. Après ça, il l'affecta aux photocopies, trouvant même à redire sur la qualité de celles-ci... résultat, il envoya le jeune homme aux archives, pour classer. Ca faisait mal à Aiden, de se retrouver dans cette pièce fermée, seul, sans personne à qui parler, à trier des dossiers et à les reclasser... Il se consola en se disant qu'au moins, il n'y aurait pas d'humiliation publique. Sur cette réflexion, la porte des archives s'ouvrit. Il évita de lever le regard, continuant son rangement. Mais la voix qui s'éleva ne fut pas celle de son bourreau :

- Harton, c'est bien ça ?

- Euh... oui, Monsieur.

- Tu es demandé sur une scène de crime, tout de suite.

Aiden secoua négativement la tête, avant de se motiver à regarder l'agent qui était venu lui parler. Il l'avait déjà croisé, c'était un gradé... le genre de type avec lequel on ne plaisantait pas. Seulement, sur le moment, Harton avait trop subi pour y croire :

- Sauf votre respect, Monsieur, l'agent Delgado m'a déjà envoyé sur une scène de crime avant-hier... qui n'était autre que mon casier saccagé... si je retourne nettoyer et remettre de l'ordre, je ne pourrais pas archiver les dossiers qu'il m'a confié, ce qui me vaudra encore un mauvais rapport...

Il désigna les trois bureaux à côté de lui, couvert de piles de dossiers de la taille d'un homme, que Delgado avait volontairement déclassé pour les lui faire ranger... Il perçut de la surprise chez son interlocuteur, qui croisa les bras et répondit sèchement :

- Qu'est-ce que vous racontez, Harton ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Bah... nous verrons ça plus tard ! Bougez-vous ! Peñali vous a expressément demandé et il va encore me faire une crise s'il perd son temps ! Bon sang, allez, ne restez pas là les bras balants ! Remuez-vous !

Peñali le demandait sur une affaire de crime ? Sérieusement ? Aiden se demanda pourquoi, ce fut son premier réflexe. Sans vouloir tomber dans la persécution, il n'aimait pas être expressément désigné. Il commençait à se demander la finalité de chaque ordre qu'il recevait, car Delgado était aussi fourbe qu'imprévisible. Il laissa donc ses dossiers en plan et se dirigea vers la sortie, mais au moment où il passa à côté de l'officier, celui-ci l'arrêta net en le retenant par le bras.

- A votre retour, vous passerez dans mon bureau, Harton. Il faut que nous discutions. L'agent Delgado a fait plusieurs rapports sur vous, pas très élogieux. J'aimerais votre version des faits. Ne décevez pas le Docteur Peñali.

Aiden avala sa salive avec difficulté et comme il était relâché, il hocha la tête, le regard fuyant. Ca commençait à sentir mauvais... voilà que maintenant on le convoquait dans le bureau d'un officier... et pour quoi faire ? Donner sa version des faits ? Que pouvait-il dire pour contrer les arguments très critiques d'un type qui était là depuis bien plus longtemps que lui et qui disposait d'une solide réputation ? Aiden n'avait pas envie non plus de devenir le centre d'attention. Il voulait simplement faire son travail et bien l'accomplir. Il s'y efforçait, autant que possible. Et puis que faire s'il était viré de la police ? Il n'avait vécu que pour ça depuis tout jeune... Comme on aurait pu s'en douter facilement, Harton ne se sentait pas très bien. Il ne voulait pas y penser, mais la sanction disciplinaire semblait se rapprocher de jour en jour. Il fit un détour par le bureau central, pour récupérer les informations concernant l'enquête. Un meurtre donc... et ça n'avait pas l'air très propre. Cela dit, à croire qu'il l'avait senti ou qu'il ignorait avoir l'estomac noué à cause du travail, il disposait d'un estomac vide. Pas de risque de souiller la scène de crime, à première vue. Il prit un véhicule pour se rendre sur place. Quand il arriva sur la scène de crime, qui se trouvait dans une rue, il coupa le moteur, à proximité d'un attroupement de curieux. Il souffla, pour essayer de se détendre. "Ok, courage Aiden... quoiqu'on te reproche, tu peux faire au mieux...". Il sortit du véhicule, non sans vérifier son allure dans le reflet de la vitre. Il gomma grossièrement les traces de poussières présentes sur son uniforme. Et il rejoignit le cordon, en montrant sa carte d'agent de police pour qu'on le laisse passer. Une femme gisait, à plat ventre, sur le sol... et il y avait du sang séché autour d'elle. Aiden observa d'abord la scène de crime, dans son ensemble. Il remarqua les petits plots numérotés et notamment le 6, posé juste devant un téléphone. Il reporta son attention sur le cadavre, autour duquel, Nathan était déjà à l'oeuvre. Pas très assuré, Harton s'approcha pour saluer son collègue :

- Bonjour, Docteur Peñali, vous avez demandé à me voir...

Quelques semaines s'étaient écoulées entre le jour où il avait débarqué à la morgue et aujourd'hui. Et Nathan n'aurait aucun mal à observer qu'Aiden ne semblait plus aussi confiant que la dernière fois. Toutefois, dans son attitude, il restait toujours professionnel. Il s'avança, en évitant de souiller la scène de crime et un détail le frappa. Sur le coup de la femme, il distinguait une entaille profonde... Elle avait visiblement été égorgée. Cela dit, Aiden n'était pas médecin et il ne saurait dire si ça avait bien provoqué la mort.

- J'ai l'impression que c'est un crime passionnel... ou du moins que ça n'a rien de crapuleux. Elle a toujours sa montre en or au poignet et là-bas, il y a un téléphone, je suppose que c'est le sien, même s'il faudra vérifier... les empreintes de pas sont étranges... ça ne ressemble pas à une chaussure normale... en fait, on dirait même un talon... on dirait le même genre de chaussures que portait ma mère, des escarpins... se pourrait-il qu'une femme soit à l'origine du meurtre ?

- Pas de grosse affaire, non. Beaucoup de classement, les services des plaintes est assez saturé.

Il était avare en précision mais ça faisait partie de sa personnalité. Il n'aimait pas se plaindre. Le travail que lui donnait Delgado avait beau être insipide et terriblement injuste, il ne serait pas celui qui irait voir un supérieur ou un collègue pour essayer de gagner des faveurs. S'il se retrouvait à devoir se justifier, après cette enquête, dans le bureau d'un de ses chefs, ce serait uniquement parce qu'il avait commis la bourde de trop en dire. Quand on connaissait bien son caractère, il devenait facile de comprendre comment il fonctionnait. Travailler, il le faisait par devoir, convaincu qu'il pouvait apporter son aide et servir à quelque chose. Delgado l'avait surement bien intégré, puisqu'il jouait là-dessus pour le manipuler. Il savait où taper pour qu'Aiden ne se sente pas à l'aise ou qu'il doute de lui-même. Il serait probablement facile pour lui d'arriver à ses fins d'ici peu de temps, puisque le jeune homme commençait à s'interroger sur son avenir au sein des forces de l'ordre. Et s'il ne renonçait pas de lui-même à un moment donné, ses supérieures risquaient bien de prendre la décision pour lui, étant donné que Delgado enchainait les rapports peu valorisants à son sujet. Comme pour clore cette parenthèse, le plus rapidement possible, il s'était lancé dans des hypothèses, en se basant sur les indices présents sur la scène de crime. Avec la paire de gants prêtée par Nathan, il devenait beaucoup plus sûr de manipuler les éléments sur la scène de crime, même s'il ne s'y risqua pas. Sa théorie exposée, il écouta l'avis du légiste, avec une oreille très attentive. Il semblait valider la thèse du crime passionnel, ce qui conforta légèrement Aiden. Le jeune homme se souvînt de la capacité de son collègue à le mettre en confiance et, il écouta la suite, en sortant un carnet sur lequel il nota les différents indices. Quelques questions lui vinrent, en rapport avec l'analyse de Nathan :

- Donc, la victime serait morte vers 4h30, si mes calculs sont exacts. Pouvez-vous déjà déterminer de quoi ? Je veux dire, ça me parait être sa blessure au cou, la responsable, mais si elle a été égorgée, cela soulève une question : à quelle heure l'a-t-elle été ? Si c'est l'hémorragie qui a entrainé le décès, il faudrait savoir combien de temps en moyenne, cela a mis pour ne trépasse. J'ai lu quelque chose à ce propos, il parait que c'est rapide, deux à cinq minutes, je crois... mais je n'en suis pas certain. Et si on voit la trace d'un coller autour de son cou, cela veut donc dire que le collier a été volé avant la blessure, sinon, cela n'aurait pas engendré de traces, je me trompe ?

Le fait de se retrouver en plein air et de ne pas avoir d'odeur trop étrange, ça aidait Aiden à se concentrer. Et à ne pas avoir la nausée comme à la morgue. Il laissa toutefois le soin à Nathan de toucher le corps, se tenant à une distance raisonnable de son côté. Mieux valait ne pas tenter le diable ! Il nota les informations complémentaires récupérées grâce à sa carte d'identité. Et il tilta aussitôt.

- Attendez... Miranda Baker ! Je connais ce nom !

Il ferma les yeux pour se concentrer. Il prit la carte d'identité pour l'observer plus en détail. Pas de doute, le visage lui était familier !

- J'ai archivé une plainte déposée par cette jeune femme. Elle disait qu'elle était épiée et que certains objets bougeaient de place chez elle, comme si quelqu'un la traquait. Selon le rapport d'enquête, elle avait été soignée, quelques années plus tôt pour une forme d'hallucinations, avec un traitement et un suivi psychologique. La plainte a été classée sans suite. Peut-être de façon trop hâtive. Et si Miranda avait été vraiment épiée et "traquée" ?

Continuant de noter sur son carnet, Aiden détourna son attention du corps pour observer autour d'eux. Un détail attira son regard. Il fronça les sourcils. Quelque chose l'intriguait. Il remarqua en effet qu'un des buissons avait une partie de ses branches légèrement écrasées. Il s'avança pour se placer devant et voir où cela donnait.

- Les branchages ont été aplatis à cet endroit là... et il donnait une vue plongeante sur le salon de la victime... Je doute que ça soit une coïncidence. Nous avons donc deux pistes principales : le bar et l'avocat... mais... Je pense que nous devrions également creuser du côté de la voisine dont vous avez parlé. J'ai comme une intuition, je ne sais pas comment vous expliquer, mais peut-être que cela pourrait nous être utile, qu'en dites-vous ?

Heureusement que Nathan était présent sur les lieux. Il avait l'oeil pour tout et surtout ce qui semblait échapper aux autres. L'oeil de lynx du commissariat ne se fit pas avoir par le contexte, ni par les apparences. Il nota que la blessure au cou n'était pas suffisante pour justifier un égorgement. Au delà de ça, il ne se laissa pas influencer par les hypothèses de l'agent Harton. Les faits, rien que les faits. La quantité de sang présente n'était pas liée à une carotide tranchée mais à une blessure au crâne. Aiden regarda attentivement ce que le médecin légiste lui montrait. Effectivement, pourquoi n'avait-il pas pensé à l'absence de projections ? Lorsque quelqu'un est égorgé, le sang sort en giclées. Du moins, il ne coule pas simplement sur le sol. En tout cas, c'était ce qu'il se souvenait de son cours de criminologie à l'école de police. Il n'avait jamais été très attentif dès qu'on parlait de trucs un peu dégueu comme le sang, les cadavres, etc... Très clairement, ça le mettait mal à l'aise. Ne pas faire de conclusion hâtive, pas sur une scène de crime. C'était une règle. Heureusement le docteur la lui rappela avec beaucoup de pédagogie. D'autres n'auraient pas eu la même délicatesse.

- Bien vu la blessure au crâne... je suis totalement passé à côté.

Aiden n'était pas du genre à jouer la mauvaise foi. Il savait reconnaitre ses échecs. Cela l'aidait beaucoup à apprendre. Grâce à cette attitude, il progressait en permanence, il s'enrichissait de ce qu'il ne réussissait pas. Le scénario de Nathan était d'autant plus crédible qu'il avait des preuves matérielles allant dans son sens. Ainsi, l'objet de la dispute avait été le collier. Sur la scène de crime, impossible de retrouver celui-ci. Cela dit, sa découverte permettrait très probablement de clore l'affaire, car le "meurtrier" ou la "meurtrière" supposé(e) y avait laissé ses empreintes. De quoi confondre un suspect. Il acquiesça donc quand Nathan fit référence au rôle crucial du bijou. Restait donc à interroger la voisine. Aiden n'excluait pas qu'elle puisse être mêlée au drame. Les buissons aux branchages pliés indiquaient bien qu'elle semblait espionner la victime. Pour autant, il ne pouvait pas se servir de ça pour argumenter d'une quelconque culpabilité. Il savait à peu près quoi poser comme questions, pour ne pas la brusquer et pour obtenir ce qu'il voulait. Être policier, ça demandait un minimum de psychologie.

- Oui, bien noté. Je vous rejoins au labo ? Je vais récupérer quelques témoignages.

C'était convenu ainsi. Ils se séparèrent. Aiden se rendit en premier chez la fameuse voisine, pour reccueillir des informations supplémentaires. Il fit ensuite un petit tour du voisinage, histoire de glâner des détails. Il notait tout sur un carnet. Après deux bonnes heures, il retourna au commissariat. Il retrouva Nathan dans son bureau et il exposa tout ce qu'il avait pu rassembler.

- Bon, alors... la voisine, je pense qu'on peut l'exclure de la liste des suspects. Elle m'a confirmé qu'elle espionnait Miranda, parce qu'elle n'avait pas du tout confiance en elle. Elle trouvait qu'elle menait un train de vie bizarre. Elle m'a raconté qu'une fois, elle l'a trouvé en train de tenter de mettre le feu à sa boite à lettres, parce qu'elle semblait persuadée qu'un corbeau donnait des informations sur son compte à son ex... Elle m'a parlé de la berline noire, mais est incapable de se rappeler qui en sortait. Elle m'a dit qu'elle ne se souvenait plus de son visage. Il s'agissait visiblement d'un homme, elle se souvient d'une chaussures de type Richelieu, très bien cirées. Par contre et ça va vous plaire, elle connaissait le collier. Miranda le portait très souvent. Il avait été offert par son ex, justement. Elle le décrit comme quelqu'un de charmant. Il s'appelle Robert Lawley. Il faudra vérifier son alibi mais selon elle, il habite à Toronto maintenant. Ca l'exclurait de la liste des suspects. Bref, le collier donc... Miranda ne cessait de lui dire qu'il avait été fait sur mesure pour elle dans une bijouterie nommée "Le Joyau de ses dames", ici, à Wellington.

Il marqua une pause avant d'ajouter, soucieux du détail :

- Elle dit que Miranda avait "perdu" ce collier quelques jours avant le drame et qu'elle ne cessait de dire et répéter dans une sorte de semi-délire : "c'est la traînée qui me l'a volé". Quand j'ai demandé à qui elle pouvait bien faire référence, la voisine m'a répondu : "Astrid Kepler". Une française, qui aurait été la maîtresse de Lawley. Si ça vous tente, on peut aller à la bijouterie pour vérifier l'information. J'ai lancé un avis de recherche pour Astrid Kepler, afin d'obtenir son adresse actuelle. On doit me contacter dès que ça donne quelque chose. Et vous, qu'avez-vous découvert de votre côté ? Dites-moi que vous avez des traces ADN d'une autre personne que Miranda...

Aiden n'était pas mécontent que Nathan ait accepté de l'accompagner pour la suite de l'enquête. Il ne faisait aucun doute que la présence du légiste lui permettrait de se sentir un peu plus en confiance. Il fallait le comprendre, il s'agissait de sa première affaire, sur laquelle on lui donnait la responsabilité d'investiguer et de mener un peu le jeu. Ca paraissait surement pas grand-chose pour quelqu'un de rôdé tel que l'était le Docteur Peñali, mais pour un petit bleu comme lui, c'était l'occasion de faire ses preuves. Et de nuancer les rapports très critiques de Delgado sur son compte. Il avait compris que ces brûlots le plombaient, notamment au niveau de sa hiérarchie. Les archives, les plaintes, c'était intéressant, mais à petite dose. Or, là, il y passait ses journées. Dans le jargon, on qualifiait cela de mise au placard. Et il ne comprenait pas pourquoi Frank s'en prenait à lui de façon aussi acharnée. Certes, comme dans toute profession, il existait un moment bizutage, qui se finissait au bout de quelques semaines. On pouvait critiquer le procédé, car il amenait à certains excès. De façon générale, pourtant, les événements se passaient bien. On gardait un côté bon enfant, puis tout rentrait dans l'ordre. Certes, il aurait pu se plaindre à ses supérieurs. Aiden n'était pas comme ça. Il aimait régler les choses par lui-même. Ce n'était nullement une question d'égo ou de fierté, juste un principe que son père lui avait inculqué. L'enquête, c'était un peu son élément. Il faisait ce métier parce qu'il aimait résoudre des affaires complexes. En fait, à l'école, il avait toujours voué un amour certain aux mathématiques et plus particulièrement aux épreuves de logique. Chercher le pourquoi du comment, raisonner pour partir d'une équation à une solution implacable. Au final, il n'y avait que dans cette matière avec laquelle on était sûr du résultat. Et où il ne fallait pas s'attendre à de grosses surprises. Dans toutes les autres, les certitudes ne pouvaient être établies, pas même en physique ou en chimie.

- J'imagine que si aucun de nous deux n'en parle, personne ne sera au courant, oui...

Là encore, ça n'était pas son style de cacher des choses à sa hiérarchie. Concrètement, il n'y avait rien de mal à agir ainsi, ils ne risquaient pas de blâme, peut-être un avertissement et encore, ça n'était pas sûr. Rien qui n'effraie Aiden dans leur petit marché. Ils partirent donc du commissariat, en montant dans le véhicule de fonction de l'agent Harton. Une voiture qu'on lui avait mis à disposition, pour l'enquête. Au volant, il avait une conduite assez responsable et douce. Rien ne pressait, ils n'étaient pas sur une grosse urgence, même si plus vite ils obtiendraient des indices, mieux ce serait pour tout le monde. Aiden était assez concentré, peu bavard. Ils ne tardèrent pas à se garer devant la bijouterie. Alors qu'il venait de couper le moteur, il regarda la vitrine. Clairement, on sentait que la boutique était destinée à des personnes assez bien lotties au niveau financier. Et étrangement, sans vouloir émettre de préjugé, il se dit que la victime n'avait pas les moyens pour s'acheter un bijou ici. Ils sortirent et s'approchèrent de la vitrine. De l'autre côté, derrière un verre particulièrement épais, étaient présentées des parures de diamants. Aiden ne put s'empêcher d'émettre un sifflement. Des pièces comme ça, jamais il n'en avait vu de sa vie. C'était beau, au point de fracturer l'oeil, tout comme le prix, affiché juste en dessous.

- Pfiou... c'est pas avec notre paie qu'on va pouvoir acheter ça à nos femmes...

Ils entrèrent à l'intérieur de la bijouterie. Presque aussitôt, le gérant sembla nerveux. On pouvait facilement comprendre pourquoi. Dans une échoppe aussi prisée et avec pignon sur rue, la présence de la police attirait les curieux. Il s'approcha d'eux, soucieux de comprendre la raison de leur venue :

- Bonjour, Messieurs. Que puis-je faire pour vous ?

- Bonjour. Je suis l'agent Harton et voici l'agent Peñali. Nous enquêtons sur une affaire et nous aurions quelques questions à vous poser.

Il lui montra rapidement sa carte et l'homme acquiesça. Il les invita à le suivre et le conduisit à l'arrière de la boutique, fortement sécurisé. Il y avait des agents de sécurité partout. En même temps vu la valeur de la marchandise, ce n'était guère étonnant. Il marchèrent dans un couloir jusqu'à un bureau, sans fenêtre, où seule une ampoule apportait de l'éclairage. Une fois la porte fermée, le gérant reprit la parole :

- Je vous écoute, en quoi puis-je aider la police d'Island Bay ?

- Nous cherchons à confirmer certaines informations dans le cadre d'une affaire criminelle.

- Ah... je vais faire au mieux...

- Le nom de Robert Lawley vous parle-t-il ?

- Hum... cela me dit quelque chose... mais vous savez, il y a beaucoup de clients.

- Il serait venu ici pour faire réaliser un collier sur mesure. Ce collier...

Aiden lui donna la photo et aussitôt l'homme eut le regard illuminé :

- Oh oui !!! Bien sûr ! Nous avions conçu ce collier sur mesure ! Robert Lawley nous l'avait demandé pour une femme, une certaine... Milena... je crois ?

- Miranda Baker ?

- Oui !!! C'est ça ! Mais je crains que Mme Baker n'ait pas apprécié le travail.

- Que voulez-vous dire ?

- Et bien... un commissaire priseur m'a contacté pas plus tard qu'il y a une heure pour que je lui estime la valeur du collier. Je ne donne jamais ce genre d'informations au téléphone. Pour moi un bijou qui sort de ma boutique a une valeur inestimable.

- Auriez-vous retenu le nom de ce commissaire priseur ? Auriez-vous noté son numéro de téléphone ?

- Non. Mais il doit être sur le journal des appels que nous enregistrons informatiquement. Je vais vous sortir cela. Pourriez-vous m'attendre ici ? Je vais vous chercher l'information.

Il quitta la pièce, laissant Aiden et Nathan seul dans le bureau. Aiden, plutôt sage, resta en place sans rien fouiller et sans fouiner. Il demanda, à son coéquipier :

- On dirait bien que l'étau se resserre et que nous avançons ! Si nous remontons jusqu'au commissaire priseur, nous devrions parvenir à trouver l'identité de la personne qui aura le collier et de là, nous pourrons comparer l'ADN... enfin si la personne a laissé des traces... Je me demande si je n'ai rien oublié...

C'était aussi pour ça qu'il avait tenu à la présence de Nathan, pour s'assurer qu'il n'oubliait rien dans la précipitation...