Livin on a prayer (+) Finn & Lou

Encore une fois, c’est une déception. Oh, Lou n’en a pas tant que ça, des rencards. Elle peut compter ça sur le doigt d’une main depuis qu’elle est au lycée. Mais à chaque fois, ça ne s’est pas passé comme elle l’espérait. Et le pire, c’est qu’elle ne comprend pas très bien pourquoi. Est-ce qu’elle met les pieds dans le plat à chaque fois ? Est-ce qu’elle a une haleine de chacal même si elle prend soin de se brosser les dents après chaque repas ? Est-ce qu’elle a une conversation totalement inintéressante ? Est-ce qu’au début, elle a l’air attirante, mais de plus près, elle est moche ? Ce genre de questions tourne en boucle dans la tête de Lou. En réalité, ça fait quelques années déjà qu’elle se demande pourquoi elle n’a pas de petit ami. Bon, elle a bien compris qu’elle se prend trop la tête à ce sujet et que si elle prenait les choses comme elles venaient, ça se passerait sûrement mieux. Mais quand même, il doit y avoir plein de filles plus tarées qu’elle qui sont maquées, non ? Enfin, ceci dit, leur mec n’est peut-être pas très sain d’esprit non plus. Or, Lou ne veut pas du premier venu. Non, elle veut d’un garçon bien et de quelque chose d’authentique. Mais apparemment, c’est trop demander. Tout le monde n’a pas les mêmes attentes, d’accord ; elle ne pensait seulement pas qu’autant de mecs avaient des attentes dirigées uniquement vers le sud du corps. Dépitée, elle secoue la tête, comme pour oublier qu’elle a perdu son temps pour une soirée. Un rencard raté, ce n’est pas grave en soi. Mais aux yeux de la brunette, ça va plus loin que ça. La réalité, c’est qu’elle a l’impression d’être un cas désespéré. Même si elle n’a pas encore vingt-trois ans, elle a l’impression qu’elle ne trouvera jamais celui qu’il lui faut. C’est donc en poussant un profond soupir qu’elle s’approche du réfrigérateur. Ce soir, c’est décidé, elle se réfugie dans la bouffe. Alors qu’elle s’empare d’un paquet de chips de tortillas qui traîne et qu’elle jette un coup d’oeil à ce qu’il y a au frais, elle sent quelque chose d’humide contre sa jambe : c’est une truffe. Un peu réconfortée, elle se penche vers Nana, qui bat allègrement la queue. « En voilà au moins une qui va pas me laisser tomber. Les filles sont les meilleures, hein ? » Des bruits de pas se font entendre et la silhouette du “maître” se profile. « Enfin non, toi aussi ça va, t’es pas mal, enfin ça passe encore quoi. Dis-moi, il ne nous reste plus de cidre ? » Elle referme la porte du réfrigérateur. « Le rencard était grave naze, alors je comptais me soûler avec du Champomy ou un truc dans le genre. »


« Je sais pas trop. Je suis visiblement tombée sur un gars qui pensait pouvoir faire sa petite affaire dès le premier soir… Il a fait pas mal d’allusions déplacées. Je suis peut-être pas une spécialiste des rencards, mais ça m’a pas paru très bon signe. » Elle lève les yeux au ciel, mais il ne la voit peut-être pas parce que la cuisine est plongée dans la pénombre et qu’elle a refermé la porte du réfrigérateur. Mais celle-ci se rouvre sur Finn qui attrape une canette de coca et Lou pousse un soupir en se disant qu’il faut qu’elle a dû oublier de faire les courses - il faudra qu’elle y pense demain après le travail. « Nan… Aucun mec vaut la peine qu’on se bourre la gueule pour lui et certainement pas ce spécimen-là. Surtout avec du champagne pour enfants, quel gâchis » précise-t-elle en riant. « Mais rassure-moi, les seules fois où tu as bu un coup de trop ne se résument pas à celles où ton plan avec une fille s’est avéré foireux ? » Parce qu’elle, en tout cas, a d’autres souvenirs de lui, quand ils font une soirée avec leurs deux autres meilleurs amis pour s’amuser. Ou alors, c’est juste elle qui était pompette et qui a cru qu’il en était de même pour tout le monde. Quoi qu’il en soit, elle ne croit pas au dicton prétendant qu’il faut forcément boire de l’alcool pour s’amuser. Mais là, tout de suite, elle prendrait bien quelque chose. Sauf qu’elle n’aime pas la bière, alors elle finit par se rabattre elle aussi sur une canette de coca, se disant que pour une fois elle peut oublier la quantité de sucres qu’il y a dans cette chose. Elle aimerait bien oublier le début de sa soirée aussi, alors quand Finn lui propose de se joindre à lui pour la fin d’un match et un film, son visage s’éclaire d’un sourire. « Avec plaisir. C’est pas avec toi que j’imaginais ma soirée, mais en fait c’est pas plus mal. » C’est même sûrement mieux. Elle se dit qu’elle ferait mieux de profiter de la compagnie de ses amis et de ses frères plutôt que de s’embêter à chercher un amoureux un tant soit peu convenable. « Oooh, on gagne, de quoi me remonter le moral ! » Lou se réjouit tout en s’installant dans le canapé. Il faut dire que même si elle n’y a jamais joué, le rugby est un sport tellement populaire chez eux qu’elle s’y est toujours intéressée. Elle suit l’action avec attention, pousse des exclamations, maugrée quand les Wallabies inscrivent un essai avant de le transformer et encourage ses compatriotes jusqu’à la fin. « Tu vois, je t’avais dit qu’on allait gagner ! » Une fois l’excitation retombée, elle donne des caresses à Nana. « Alors, quel film tu prévoyais de regarder ? Est-ce que c’est un truc qui va me donner des cauchemars pendant six mois ? »

« Voilà. Tu as tout compris. J’ai envie de m’amuser un peu. » Oui enfin, la notion est toute relative. Lou est quand même à la maison, avec pas grand-chose en terme d’alcool en réserve… En gros, elle est plus dans la routine qu’autre chose. Mais elle ne fait qu’exprimer ce qu’elle voudrait. Sauf que regarder un film en compagnie, ça peut être tout aussi amusant, alors elle approuve ce programme. Ce sera toujours mieux que de rester seule dans sa chambre, du Ben & Jerry’s vegan à la main, devant un film à l’eau de rose qui se terminera tel un conte de fées donnant de faux espoirs aux petites filles et aux adolescentes. « Et puis, c’est un peu une soirée entre potes, non ? Bon, on en a beaucoup depuis qu’on vit ensemble, mais c’est vrai quand même. » Alors qu’ils discutent, un bruit intrigue visiblement Nana car celle-ci se met à grogner. Finn se lève, se dirige vers la terrasse et annonce l’arrivée d’un déluge. « J’ai bien fait de rentrer tôt finalement. » Comme son meilleur ami se dirige vers sa chambre, elle l’interpelle de loin. « Tu peux m’apporter une couverture, s’il te plaît ? » En grosse flemmarde, elle n’a pas très envie de se lever. Elle préfère attendre le retour du jeune homme. Mais au final, elle s’aperçoit que c’est mieux d’avoir des trucs à grignoter devant un film - pour elle, en tout cas. Du coup, elle extirpe sa carcasse du canapé et retourne dans la cuisine, ouvrant les placards pour partir à la recherche d’une pépite. Elle attrape le paquet de tortillas déjà entamé, puis le guacamole qu’il reste, et des Oreo. Elle se répète qu’il faut qu’elle aille faire des courses, parce qu’elle fait partie des personnes qui aiment avoir le réfrigérateur et les placards bien remplis. « On est prêts ! » Elle revient dans le salon, pose les paquets sur la table basse, s’installe à nouveau sur le canapé et s’empare de la couverture. « Merci. » Elle est au chaud, elle a à manger et elle passe la soirée avec son colocataire. Même si ce n’est pas ce qu’elle attendait de cette soirée, il n’en faut pas plus pour lui remonter le moral. « J’ai envie de regarder un film d’horreur, en fait. Mais pas trop flippant non plus. Genre pas The Grudge quoi. Pour info, mes frères me l’ont montré quand j’avais genre onze ans et c’est ça qui m’a donné des cauchemars pendant six mois. » Encore aujourd’hui, elle se refuse à regarder ne serait-ce que l’affiche ; certains « traumatismes » ont la dent dure. « Du coup, Scream, ça devrait le faire. Ou un film dans le même goût, comme tu veux. » Oui, elle est nulle pour prendre des décisions. « Avant de le lancer, je voudrais un avis masculin honnête. Tu penses qu’il y a quelque chose chez moi qui fait fuir les mecs ? »

Grignotant ses chips de tortillas, Lou hoche la tête en signe d’assentiment à la déclaration de Finn. Non, en effet, lui ne risque pas de lui briser le coeur alors il est sûrement l’une des meilleures compagnies qui soient en ce moment. « Je suis d’accord avec toi. J’ai de la chance d’avoir appris à vous connaître. » Elle ne trouve pas que tous les mecs sont des ordures, puisque elle est bien entourée d’hommes plus ou moins respectables dans sa famille et dans ses amis. Alors pourquoi n’arrive-t-elle pas à s’en dégoter un ? Si ça peut en rassurer certains, ce n’est pas toujours aussi obsessionnel chez elle, mais disons que son rencard raté renforce un peu ses craintes. Il serait exagéré de dire que la solitude lui pèse sur les épaules, mais elle espère seulement qu’elle finira pas vieille fille. Alors, ballotée par des doutes assez féminins, elle ne peut s’empêcher de poser carrément la question à son meilleur ami. Mais elle a peut-être un peu oublié que c’est un garçon. Il ne comprend peut-être pas ce qu’elle veut dire, d’ailleurs elle-même n’est pas sûre de comprendre ce qu’il veut dire par « superbe » - elle ne sait pas s’il parle de la personnalité ou du physique. Néanmoins, sa réponse a quelque chose de rassurant et pour ça, elle lui en est reconnaissante. « C’est gentil. Tu m’as pas demandé mon avis, mais toi non plus t’es pas trop mal. » Elle sait que la conversation s’arrêtera là et que, si elle veut pousser le sujet un peu plus loin, elle devra sans doute trouver une oreille féminine (ou, mieux encore, laisser complètement tomber). « Dix-huit dans la tête, hmm-hmm, c’est pas vraiment une nouvelle. » Elle trouve que les garçons sont globalement immatures par rapport à leur âge physique, mais au fond, Lou sait qu’elle est pareille. Elle est sûre qu’à son âge, sa soeur Robin était plus mûre. « Bon après, t’as quand même déjà été fiancé hein, je me trompe ? » Du coup, c’est sûr que niveau relation sérieuse, c’est lui qui est allé le plus loin de toute la bande - sauf si c’étaient de fausses fiançailles comme dans les films. « Scream, ça me va. Ou Halloween si tu préfères, mais pas Resident Evil. » En termes de films d’horreur, c’est vrai qu’elle est un peu compliquée. Finalement, Finn lance le film et Lou s’enveloppe dans la couverture, sans pour autant laisser la bouffe trop loin - c’est peut-être la partie la plus importante du film. « Comme tu sais déjà à quel point mes cris sont stridents, je m’excuse d’avance pour la suite. » Nana aussi les accompagne et, comme elle ressent déjà le besoin de la rassurer, Lou passe les doigts dans son poil soyeux.

« Non, pas du tout. Dans mon imagination, il ne faut plus être un enfant soi-même avant d’avoir des enfants. » Elle continue sur sa lancée à le taquiner sur son âge mental. Remarque, elle-même a envie d’avoir des enfants alors qu’elle n’est clairement pas assez mature dans sa tête pour ça. Et puis elle vient à peine de trouver un boulot stable, elle vit en colocation avec son meilleur ami et, détail non des moindres, elle n’a aucun homme avec qui concrétiser ce désir. « Et puis si tu étais déjà marié, je n’aurais évidemment pas emménagé chez toi. Crois-moi, tu gagnes au change. » Bien entendu, elle plaisante. Elle ne connaît même pas celle qui a été fiancée à Finn. Elle sait seulement qu’elle est heureuse que les choses soient comme aujourd’hui, avec leur bande d’amis. Pour l’instant, elle ne voudrait changer ça pour rien au monde, même si elle sait qu’il va falloir grandir un jour. Après tout, ils sont encore jeunes, ils ont le temps pour penser à mener une vie plus stable. Pour l’heure, Lou se satisfait pleinement de leurs soirées à s’amuser, même quand il s’agit de choses très simples. « Hmm-hmm. » Elle répond vaguement à Finn, occupée à regarder l’écran de télévision et surtout, à manger en même temps. Elle grignote lentement, mais sûrement, avant d’être interrompue par la sonnerie de son téléphone portable. Elle ne jette même pas un coup d’oeil à l’écran, décrochant directement sans consulter le numéro ou le nom de son correspondant. Mais dès qu’elle pose l’appareil contre son oreille, elle le relâche aussitôt avec un cri perçant. « T’es bête, tu m’as fait peur ! » Fâchée contre elle-même de s’être laissée avoir aussi facilement, Lou raccroche brutalement en réfléchissant à une éventuelle vengeance. Mais comme elle n’est pas douée, rien ne lui vient à l’esprit. Elle se lève quand même du canapé, tentant de localiser Finn dans l’appartement. Elle se cache et, comme elle s’y attendait, la queue de Nana remue à l’arrivée de son humain. Alors la jeune fille sort brusquement de sa cachette en se jetant littéralement sur Finn et en hurlant, espérant sans grande conviction lui donner la frousse à lui aussi.

Un peu déçue, Lou esquisse une moue boudeuse. Elle n’espérait pas réellement faire peur à Finn, parce qu’elle sait qu’il n’est pas très impressionnable, mais elle aurait quand même voulu provoquer une quelconque réaction. Là, il a sursauté, à la limite. Et elle sait que c’est plutôt à cause de sa voix qui monte dans les aigus et vibre quand elle crie - un truc très reconnaissable, qui a cassé les tympans de leur bande d’amis à plusieurs reprises, un signe qui leur permettrait aussi de reconnaître de très loin si elle a des ennuis. « Inutile de chercher à me rendre la pareille, tu t’es déjà bien débrouillé avec ton histoire de coup de fil à la noix. » Toujours en faisant la grimace, Lou se détourne de lui pour retourner dans le salon. Nana a suivi l’agitation et, surtout, elle suit Finn dans la cuisine d’un air intéressé. Visiblement, celui-ci a encore un petit creux ou, tout simplement, il veut terminer sur une touche sucrée avec une part de tarte. « Fais-toi plaisir. Tu as de la marge alors que, de mon côté, je vais pas tarder à ressembler à une baleine mais en moins gracieuse. » Pas d’insulte pour les baleines qui sont de très beaux mammifères marins. En fait, comme la plupart des femmes, Lou se préoccupe beaucoup de sa ligne alors elle essaye de faire un minimum attention - parfois plus que d’autres, sans réel équilibre. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles ça lui fait du bien de traîner avec des mecs, ils ne se prennent pas du tout la tête.

« Bon, trêve de bêtises, je vais essayer de suivre un peu le film. » Comme elle a fini de manger, la jeune fille s’installe bien dans le canapé. Elle est emmitouflée dans sa couverture et, quand elle a peur, elle se cache derrière l’épaule de Finn. Elle est bien contente de le regarder avec lui et non toute seule. Alors c’est vrai que ce n’est pas la soirée qu’elle a imaginée, mais en fait, c’est peut-être encore mieux. Elle est avec quelqu’un qui compte vraiment pour elle, pas en train de s’inquiéter outre mesure de ce qu’elle va dire ni de ce qu’il va se passer et, au final, elle s’endort blottie contre son colocataire. C’est peut-être une erreur de sa part, parce qu’à la réflexion elle sait qu’il n’hésiterait pas à la réveiller avec une autre plaisanterie bien placée. Mais c’est seulement le signe qu’elle se sent en sécurité avec lui, même si l’écran ne projette pas des scènes très rassurantes.