Il n'est pas trop tard pour faire connaissance (Caitlin)

En ce moment, au travail, Aiden subissait la mauvaise humeur d'un autre agent, présent depuis plus longtemps. Ce n'était pas peu dire qu'il avait un peu le moral en berne. Il se sentait mis au placard, aux plaintes... et l'attitude de Delgado à son égard ne faisait qu'aggraver ce sentiment. Ok, il était de notoriété publique qu'il bizutait les bleus comme un pro. Seulement après autant de mois de travail, Aiden estimait qu'il n'était plus le nouveau qu'on malmène un peu de façon rituelle. Il ne percevait pas que sous le comportement de son "responsable" du moment, se cachait en vérité une amertume, une jalousie, qui se transformait en haine. Il s'efforçait de bien faire son travail, quoiqu'on lui confie. D'une part parce qu'il était passionné par la police et qu'il ne se voyait pas faire autre chose. D'autre part, parce qu'on lui avait toujours appris à être volontaire et à ne pas se plaindre. La troisième raison, plus matérielle tenait au fait qu'il fallait bien bosser pour payer les factures, surtout maintenant, qu'il était papa et qu'il voulait participer à l'éducation, de sa petite fille. Aiden avait pour projet de faire ouvrir un compte épargne à Charlyne, pour y mettre une bonne somme tous les mois. Ainsi, à sa majorité, elle pourrait utiliser cet argent pour bien démarrer dans la vie. Et il n'excluait pas non plus de participer financièrement, maintenant qu'il savait qu'elle existait. Kamryn, habituée à son indépendance, ne semblait pas emballée. Il faudrait donc la convaincre qu'il pouvait aider et surtout qu'il le voulait, qu'il n'agissait pas par obligation. En fait, Aiden demandait très régulièrement des nouvelles de sa petite fille, depuis qu'il l'avait rencontrée. Et il essayait d'être aux petits soins, sans que la jeune maman ne perçoive cela comme lourd et malvenu. Intimement, il aurait tant aimé reprendre leur histoire, construire une famille. Plus que sa carrière, sa vie sentimentale revêtait une caractère très important à ses yeux.

Ce mercredi après-midi, il profita de son jour de repos, pour réfléchir un peu à la façon dont il pourrait présenter son projet à Kam, sans qu'elle ne ferme définitivement cette opportunité. Le matin, alors qu'il faisait son running, il se demanda s'il n'aurait pas été plus judicieux de privilégier la surprise. C'est à dire de venir à l'improviste pour voir les deux femmes de sa vie. Et au détour d'une conversation, il pourrait ainsi lui glisser son idée, inattendue. A moins que cela ne soit contre-productif ? Kamryn semblait bien aimer l'organisation, le "prévisible". Pouvait-il la stresser avec ses histoires ? Finalement, peut-être que l'idée ne semblait plus si lumineuse que ça... Quand il rentra chez lui pour prendre sa douche, son esprit tournait toujours autant... Ensuite télévision et musique n'y changèrent rien. Ca trottait en permanence. Il se décida donc à suivre son instinct. Vers 15h30, après que sa fille ait fini sa sieste, il irait rendre visiter à Kamryn et Charlyne. Il se prépara et avant de se rendre sur place, il s'arrangea pour ne pas avoir les mains vides. Il acheta un joli bouquet de fleurs pour celle qui faisait toujours battre son coeur. Des roses, parce qu'il ne voyait pas quoi lui offrir de plus beau. Pour Charlyne, il trouva un petit ensemble mignon, à sa taille. Et il passa prendre quelques pâtisseries gourmandes, pour le goûter. South Bay, ça n'était pas vraiment l'endroit où il pourrait vivre. Il commençait sa carrière de flic, et le salaire allait avec. Rien de fou, insuffisant pour vivre dans une zone aussi chère. En roulant dans le quartier pour trouver l'adresse que Kamryn lui avait donné, un jour, il dut admettre qu'ici au moins, sa fille serait tranquille. En tant que policier, il savait bien que certains quartiers craignaient plus que d'autres. Ici, le seul danger, ça restait les cambriolages. Mais bon, sur une échelle du pire, il préférait ça au trafic de drogue... C'était étonnant qu'il en soit venu à se poser toutes ces questions. Après tout, quelques mois auparavant, sa seule obsession, c'était de revoir Kamryn en espérant qu'elle soit toujours célibataire et de reprendre leur idylle.

Il se gara devant la maison-duplex. Il sortit de son véhicule, qui par rapport aux berlines du secteur, faisait quelque peu miteux, il fallait bien le reconnaitre. Il vérifia son apparence dans les rétroviseurs. C'est que comme toujours quand il allait voir Kamryn, il prenait soin de lui. Il se rasait, il se parfumait, toujours avec ce même parfum qu'aux Îles Fidji, parce qu'inconsciemment, il souhaitait raviver la flamme. Niveau vestimentaire, il avait mis un pantalon noir et un pull gris foncé, à capuche. Sans être excessivement classe, il faisait propre sur lui et soigné. Il récupéra tous ses présents et avança jusqu'à la porte d'entrée. C'était la première fois qu'il venait ici. Il espérait que ça ne mette pas Kamryn mal à l'aise... Un petit SMS pour l'informer, ça aurait quand même été bien, non ? Trop tard pour se poser des questions... il toqua à la porte, plutôt que d'utiliser la sonnette. Charlyne était peut-être encore en train de faire sa sieste. Il entendit du mouvement derrière la porte puis celle-ci s'ouvrit. Sauf que ce n'était pas Kamryn. Il ne put cacher sa surprise. Dans son "rêve idéal", il n'avait pas prévu ça du tout. Il reconnut le visage de la jeune femme. C'était la soeur de Kam. Il l'avait croisé aux Fidji. Alors bien sûr, à ce moment-là, Aiden n'avait pas été très loquace à son égard, puisqu'il n'avait d'yeux que pour la femme de sa vie. Mais en tout cas, il la reconnaissait, merci sa mémoire des visages !

- Oh ! Euh... Bonjour ! Je suis Aiden, le papa de Charlyne... Est-ce que Kamryn est disponible ?

Il ne savait pas trop quoi dire. En fait, il ne connaissait pas Caitlin. Sur le moment il ne songea pas à l'opinion qu'elle avait de lui. Mais ça n'allait pas tarder... pour sûr !

D'entrée, Aiden comprit qu'il n'était pas forcément bien perçu par la jeune femme qui venait de lui ouvrir la porte. Comment aurait-il pu l'être ? Il avait tourné autour de sa soeur, il l'avait séduite, et dans un élan de passion, ils s'étaient même livré à plusieurs parties de jambes en l'air tout au long de leurs vacances. Aiden était responsable du fait que Kamryn soit tombé enceinte. Dans le feu de l'action, il n'avait pas du tout pensé à se protéger et clairement, il s'en voudrait toujours. Non pas parce que Charlyne était née, mais parce que du coup, il n'avait pas pu être présent pendant la période compliqué de la grossesse. Un impair qu'il comptait rattraper aujourd'hui, comme il le pouvait. Est-ce qu'il en voulait à la grande soeur de sa bien-amée de se montrer aussi ferme ? Non. En réalité, il la comprenait. A sa place, si sa soeur était encore vivante, il aurait surement réagi pareil. Il lui fit quand même un sourire poli. Il ne venait pas là pour semer la zizanie, cela dit, dans les faits, c'était trop tard pour ça. Il voulait simplement voir sa fille et puis celle pour qui son coeur battait encore la chamade. Hélas, ni l'un ni l'autre n'était présente ! Voilà qui lui apprendrait à se pointer sans prévenir ! Il allait gentiment s'excuser du dérangement et lui confier ses cadeaux avant de rebrousser chemin, lors qu'elle lui proposa d'entrer. Et à la façon dont elle lui indiqua la raison, Aiden comprit qu'il ne possédait pas trop le choix. Non pas qu'elle soit autoritaire, mais s'il partait maintenant, il perdait probablement l'opportunité de faire connaissance avec Caitlin et de lui faire bonne impression. Il hocha donc la tête et entra. Il lui confia les roses pour qu'elle puisse éventuellement les mettre dans un vase.

- Ravi de faire ta connaissance, Caitlin.

Dans les faits, c'était vrai. Il n'avait absolument rien contre la famille de Kam, au contraire ! Il leur était reconnaissant d'avoir pris autant soin d'elle ! Aiden, bien élevé, attendit non loin que son hôtesse l'invite à s'asseoir ou à se rendre dans telle pièce. Il ne venait pas en terrain conquis. Ici, il restait l'étranger, l'intrus. Il le savait. Quand Caitlin lui proposa à boire, il répondit :

- Oui, pourquoi pas, je voudrais bien un verre d'eau, s'il te plait.

Son regard se posa sur le koala qu'il avait acheté à sa fille et qui se trouvait dans son petit parc. Elle ne l'avait pas donc pas mis dans un coin. Ca le toucha. Au moment où Caitlin refit surface, il posa les yeux sur elle et prit le verre en la remerciant. Voilà une situation étrange. En face de lui, sa "belle-soeur" (oui il la voyait comme telle), dégageait une forme de charisme et de présence assez impressionnants. La volonté de fer de Kamryn s'avérait être une qualité familiale ! Il but une gorgée puis s'éclaircit la gorge. Il fit le premier pas, bien conscient que c'était l'occasion de s'expliquer et même si cela n'excusait rien, il espérait qu'elle ne le voit plus comme le type qui avait mis en cloque sa soeur.

- Je veux commencer par te remercier, d'avoir pris soin de Kamryn pendant sa grossesse et après la naissance de Charlyne. Ca me rassure de savoir qu'elle a pu compter sur quelqu'un à défaut de pouvoir se reposer sur moi.

Il marqua une courte pause. Il faisait attention à ce qu'il disait, pour ne pas provoquer un terrible malentendu.

- Ensuite, je voulais aussi te dire que je suis désolé pour ce qu'il s'est passé. Je n'ai pas du tout réfléchi aux conséquences lors de ces vacances aux Fidjis... J'aurais du penser à faire attention mais... bref, je ne vais pas te faire un dessin, j'ai pas été responsable, ni très mature. Je ne pensais pas qu'elle tomberait enceinte. Et je n'ai pas du tout su qu'elle l'était. Pour être tout à fait franc avec toi, j'ai tenté de la retrouver parce que je n'ai jamais réussi à l'oublier. Je ne pensais pas la recroiser ici, à Island Bay... mais si j'avais su qu'elle attendait un bébé, et si j'avais su où elle se trouvait, j'aurais été présent... je ne peux pas revenir en arrière, mais je peux faire en sorte qu'à l'avenir et là, maintenant, elle puisse compter sur moi. Et Charlyne aussi.

Il ne voyait pas trop quoi ajouter d'autre. Il venait de s'exprimer avec sincérité. Il espérait qu'elle ne le juge pas d'entrée de jeu et qu'elle lui accorde une deuxième chance de pouvoir montrer qu'il était quelqu'un de bien. Pas parfait, mais en tout cas soucieux de bien faire et de rendre Kamryn ainsi que Charlyne heureuses.

Caitlin avait face à elle un Aiden plutôt confiant. A vrai dire, c'était ainsi que Kamryn fit sa rencontre. Et ce fut sans doute ce qui la séduisit. A la base, le jeune homme se montrait entreprenant, volontaire, dynamique. Il s'activait toujours pour être dans l'action, pour ne pas subir les évènements. Kam, il avait flashé sur elle et n'avait pas hésité une seule seconde à l'aborder. L'assurance qu'il afficha contrastait énormément avec l'hésitation affichée lorsqu'il retrouva son amour de vacances. Dans le fond, pouvait-on lui en vouloir ? Il rêvait depuis tellement longtemps de la revoir, de lui parler, de reprendre là où ils s'étaient arrêtés. Et tant d'incertitudes embrumaient son esprit. Désormais, il savait pour l'existence de Charlyne et sa fille lui permettait de retrouver ses moyens en présence de Kamryn et de redevenir un peu ce mec, prenant des initiatives, masquant ses doutes sous une couche de résilience. Il parlait à Caitlin d'une façon directe, sincère. C'était inimaginable, quelques semaines auparavant. Parce que son esprit avait tellement construit de choses autour de Kamryn, qu'il partait dans tous les sens. Même encore aujourd'hui, de temps à autre, il perdait les pédales. Il se laissait dominer par les battements frénétiques de son coeur en présence de la jeune femme. Elle le mettait dans un état émotionnel à la fois plaisant et terrifiant, parce qu'il aimait bien contrôler les choses, quand même. Il se maitrisait toujours très bien. Au travail, on restait admiratif de sa patience. Jamais un coup de sang, jamais de violence, il méprisait ça. Il pouvait se mettre en colère, oui, mais si rarement qu'il ne se souvenait pas de la dernière fois où il avait ressenti cette émotion. Dans les faits, la seule capable de le désarçonner d'un simple regard, c'était Kam.

- D'accord ! Je pensais que c'était toi qui t'étais occupée d'elle après l'accouchement. Kamryn m'a parlé d'une soeur, mais sans me donner son prénom, j'ai fait un raccourci. Enfin, ça ne change pas grand-chose, je te remercie d'avoir été là pour elle, pendant et puis là, aujourd'hui.

Peu importait la période à laquelle Caitlin avait aidé Kam. C'était très important, pour ne pas dire crucial, que la jeune femme trouve des soutiens. Être mère n'était déjà pas très facile, mais si en plus on se retrouvait seule, sans possibilité de se faire aider par des proches, ça devenait très compliqué à gérer. Aiden en avait parfaitement conscience. Il devait beaucoup à la famille Wilson. Désormais, il savait qu'il lui faudrait gagner leur confiance, démontrer qu'il pouvait être un bon père. Et aider lui aussi Kamryn du mieux possible. Cela l'animait et lui fournissait une raison supplémentaire pour bien faire, bien agir, bien de comporter. Quand on voyait sa tête et ses attitudes, il était à mille lieues de ressembler à un voyou. En fait, il faisait même premier de la classe, de prime abord. Dans son travail, ça lui attirait les foudres des personnalités "rebelles", telles que Delgado, par exemple. Sans être imbu de lui-même, il dégageait une certaine stabilité. Quand il exposa la situation à son hôtesse, et qu'il lui avoua ses sentiments à l'égard de Kam, cela vint de façon très naturelle, au fil de son propos, sans qu'il n'ait à feindre quoi que ce soit. Face à lui, il apprécia d'avoir quelqu'un qui n'y aille pas par quatre chemins. Caitlin fut très directe. Si ça pouvait décontenancer un peu, Aiden ne fut pas déstabilisé. Il but une petite gorgée d'eau, avant de répondre :

- La paternité, c'est tout nouveau pour moi... je me suis toujours dit que j'aurais des enfants un jour, mais là, je dois l'admettre, c'est arrivé beaucoup plus tôt que ce que je pensais. Mais je me suis renseigné, je lis beaucoup de livres là-dessus, pour apprendre à être un bon père. J'aimerais aider Kamryn à assumer les charges financières qui découlent de notre fille, car je me refuse à l'idée de la laisser tout assumer. J'aimerais être suffisamment présent pour elle, et qu'elle me fasse confiance au point que je puisse la soulager, m'occuper de Charlyne pour qu'elle se repose, tu vois ? Je voudrais que nous fassions des choses ensemble, des promenades, des balades, pour que Charlie connaisse la sérénité d'un cocon familial. Je sais que ça fait un peu fouillis, là, dit comme ça, pourtant, je tiens vraiment à faire tout ça.

Il ne répondait que partiellement à la question. Car il n'évoquait que Charlyne. Ca n'était pas une volonté de sa part. Il n'oubliait pas Kamryn, seulement là, on touchait de près à ses sentiments. Cela se vit dans son attitude, puisque sa voix s'adoucit, que son regard se fit plus rêveur et que ses propos étaient moins "rigoureux", plus "passionnés".

- Après, j'aurais voulu que Kamryn et moi formions une famille. Sa présence dans ma vie me fait tellement de bien. Dans l'idéal, j'aimerais reprendre là où nous nous étions subitement arrêtés. Je suis toujours amoureux d'elle, comme au premier jour. Mais je sais aussi qu'elle a évolué et que ça n'est plus son cas. Je respecte ça. Je ne désespère pas qu'un jour, peut-être, la flamme renaisse chez elle, bon en fait, je l'espère vraiment. Quoiqu'il arrive, je veux être là pour elle et pour Charlyne. Elle a raison quand elle dit que la priorité c'est notre fille.

S'il acceptait un peu à contre-coeur le souhait de Kam de tourner la page de leur idylle, cela ne l'empêchait pas de commettre quelques actes, qui parlaient d'eux-même. L'exemple le plus parlant, c'était le bouquet de fleurs qu'il avait confié à Caitlin. Il ne se résignait pas complètement. Au fond, il essayait de la séduire, suivant son instinct. Pour autant Aiden n'était pas de ceux qui harcelaient les autres. Cette attention, si elle était délicate et romantique, n'attendait pas vraiment de réponse de la principale intéressée. Un petit sourire mignon se desssina sur son visage :

- Charlyne ressemble beaucoup à Kamryn ! Elle a le même sourire, tu ne trouves pas ?

S'investir. En un mot, Caïtlinn venait de résumer de façon simple, limpide et exacte ce que souhaitait faire Aiden à l'égard de sa fille. Dans sa position de célibataire, jeune, bon nombre d'autres hommes auraient renoncé à être présent. Mais pas lui. En fait, la nouvelle de sa paternité avait bel et bien été un choc. Forcément, quand on mène une vie tranquille, en pensant de bonne foi que l'on est dédouané de toute responsabilité, c'était un peu comme se prendre une baie vitrée en pleine figure, avec le double vitrage. Ca l'avait un peu sonné. Pourtant, il ne réagissait pas mal. Au contraire, en fait, s'il mettait de côté les craintes de mal faire, il était tout excité à l'idée d'être papa. Dans sa tête, il se projetait, avec Charlyne. Il s'imaginait l'emmener à la fête foraine, lui faire découvrir les poneys, l'amener voir la Reine des Neiges 5 au cinéma, râler parce qu'elle ne cesserait pas de chanter un air entêtant et à la longue agaçant. Et dans les mauvais moments, il comptait aussi être présent. On ne pouvait pas lui en vouloir d'avoir été absent quand on savait qu'il avait cherché Kamryn partout et qu'il ne savait pas qu'elle était enceinte puis maman. Cela ne lui retirait en rien sa part et son implication. Pour concevoir un bébé, il fallait être deux et clairement, il n'avait pas été exemplaire en ne se protégeant pas. Une chose était certaine, ils ne pourraient pas revenir dans le passé. Aiden avait le choix : assumer ou fuir. Il se refusait à opter pour la seconde possibilité. Jamais de sa vie il n'avait fui, pas même devant le danger. Ce n'était pas aujourd'hui que ça allait commencer, clairement pas. Cette forme de "courage", l'avait déjà conduit à dévoiler ses sentiments à Kamryn et elle lui avait clairement répondu que pour l'instant, seule sa fille comptait. Une façon de remettre les pendules à l'heure qui n'avait pas été pour lui déplaire. Bien sûr, ça lui mettait la boule au ventre, parce qu'il ne pouvait pas renoncer à ce qu'il éprouvait pour elle, au plus profond de lui. Mais il respecterait son choix, sans le contester.

- Oui, je lui en ai parlé. Elle m'a dit que la priorité, c'était Charlyne. J'ai cru comprendre qu'elle ne fermait pas la porte, donc je me permets d'espérer. Au final, je respecterai sa décision, quelle qu'elle soit.

C'était important qu'il le dise. Parce que vu de l'extérieur, on pouvait s'inquiéter de cette forme de passion qu'il vouait à Kamryn. Ca faisait un peu admirateur bloqué... à tendance fanatique. Or, Aiden n'était pas comme ça. Il pouvait parler avec beaucoup de conviction, mais il le faisait toujours avec respect. Et on sentait qu'il avait été bien éduqué, parce qu'il se souciait toujours de respecter autrui.

- Je ferais tout pour ne pas la blesser, si jamais cela arrive, ce sera une erreur involontaire de ma part. Mais je vais faire attention à ce que cela ne se produise pas. Tu sais, je comprends tes inquiétudes, après tout, nous ne nous connaissons pas. A ta place j'aurais les mêmes.

Si sa soeur était encore en vie, oui, il aurait été du genre à la protéger, peut-être un peu trop. Mais en tant qu'aîné et qui plus est en tant que garçon, il voulait apporter une rassurance autour de le lui, à son entourage. Certes, les femmes étaient parfaitement capables de se défendre et elles le faisaient plutôt bien. Mais le fait d'être présent à leur côté, ça leur offrait une épaule sur laquelle se reposer dans les moments de doutes. D'ailleurs, l'inverse était tout aussi vrai. Aiden aurait parfois voulu se confier à sa petite soeur, lui dire comment ça se passait au travail, lui parler de sa fille, de Kamryn, bref, de tout un tas de choses qu'il avait sur la conscience et qu'il portait en silence, sans se plaindre. Il falalit faire partie de son cercle pour qu'il se livre à quelques aveux sur lui, sur ses émotions. Personne ne pouvait savoir, en dehors de ce cercle, ce qu'il ressentait vraiment. La discussion dévia bientôt sur Charlyne. Le regard d'Aiden brillait d'une certaine fierté. Il eut un sourire radieux lorsqu'elle confirma que sa fille possédait le même rire que Kam. Il fut intrigué par ce qu'elle raconta sur cette dernière.

- Comment elle était, Kamryn, quand elle était toute jeune ? Enfin, sans vouloir être indiscret, je me renseigne parce que je sais déjà que Charlyne a hérité de mon côté déterminé et entêté... J'essaie de me projeter, voir si Kam a des qualités qui pourraient peut-être compenser ? Ma mère m'a souvent dit que j'étais pas facile à vivre quand j'étais gosse...

Il eut un rire, en repensant à toutes les bêtises qu'il avait pu faire. Déjà à l'époque, il avait cette absence de peur qui l'amenait à aller de l'avant. Et cette force de caractère, que Kamryn avait peiné à retrouver lors de leurs retrouvailles. Normal... Aiden ne s'attendait pas à la voir et ses sentiments étaient intacts. Ca l'avait un peu décontenancé. Pas longtemps, car il avait beaucoup réfléchi. La présence de Charlyne l'aidait à retrouver son flegme et son assurance. Il n'était pas du genre à s'attarder sur le passé mais plutôt sur l'avenir. Et donc, il s'adaptait très facilement. Il ajouta, espiègle :

- Quand j'ai commencé à marcher, ma mère a été obligée de mettre des serrures à tous les placards... j'ouvrais tout, je touchais tout... dès qu'elle avait le dos tourné, une catastrophe s'annonçait. Enfin, tu vois le genre !

- Oui, je comprends et tu as raison. C'est clairement le genre de questions que je dois lui poser à elle. Je ne veux pas te mettre mal à l'aise là-dessus, il s'agissait surtout d'une curiosité, un peu maladroite, je l'admets.

Reconnaitre ses torts, il savait y faire. Là-dessus, il ne se posait jamais la question trop longtemps. Il détestait la mauvaise foi, ce n'était pas pour la pratiquer à la première occasion. Quel mal y avait-il à admettre une maladresse ? Aucun, selon lui. Au contraire, ça l'aidait même à avancer. En se montrant réservée et protectrice, Caitlinn démontrait qu'elle était digne de confiance. Il fallait beaucoup de personnalité pour refuser de parler à quelqu'un, qui tâchait de se montrer poli et avenant. Son attitude était loin de vexer Aiden, au contraire, il se sentit même plus confiant. Et ça le rassura de savoir que Kamryn était aussi bien entourée. Non pas qu'il doute de lui-même, mais si jamais il faisait une bêtise, elle aurait quelqu'un pour la soutenir et la réconforter. Et puis, à ce moment-là, il ne savait pas encore quel serait l'avenir pour leur couple ou leur famille. Compréhensif et pour le coup très mâture, il n'insista pas. Il n'essaya pas de cacher son humilité derrière son assurance. Ca ne servait à rien de faire ce genre de choses... à part tromper le monde et renvoyer l'image d'une personne arrogante, prétentieuse.

- Je ne savais pas que tu avais un neveu et une nièce ! Du coup, tu découvres les joies d'être tatie ! J'adorais ma tante, la soeur de mon père, quand j'étais petit ! Elle me prenait parfois chez elle et elle m'a appris à cuisiner. Enfin, à faire des pancakes, des madeleines et des oeufs benedict ! Elle nous gardait souvent avec ma soeur.

Quelques souvenirs lui revinrent en mémoire, heureux et puis... tristes aussi. Son regard se fixa sur la fenêtre, pendant quelques instants. Quand il repensait à sa tante, son père ou sa soeur, il y avait toujours des moments de nostalgie et une forme de douleur intérieure aussi. Le temps pansait les plaies mais il ne pouvait pas effacer ce sentiment de peine, même atténué. Il but un peu d'eau et changea de sujet :

- Sinon tu fais quoi dans la vie ? Si ce n'est pas indiscret, bien sûr ! Bon, je commence, pour ne pas paraître impoli. Je travaille comme agent de police. En fait, je ne suis encore qu'un débutant mais j'ai bon espoir de m'améliorer ! Qui sait, peut-être qu'un jour je finirais commissaire !

Il laissa échapper un rire amusé. Il possédait de l'ambition, mais il préférait l'idée de se savoir sur le terrain, plutôt que dans un bureau. Il avait besoin de ce petit coup de fouet, de cette action comme principal moteur de son existence. Et au fond, ça lui permettait aussi d'apprendre. Il n'avait jamais été très versé sur les lectures de rapports, la rédaction de compte-rendus... son domaine de prédilection c'était les maths. Tout ce qui touchait au littéraire, s'avérait être une faiblesse. Il espérait qu'en prenant l'initiative, il mettrait Caitlinn en confiance. Il ne s'intéressait pas à elle que par politesse. Il aimait bien la personne qu'il avait en face de lui et il voulait aussi savoir qui entourait Kamryn, pour mieux apprécier tout le monde et qui sait, peut-être qu'un jour, il serait considéré comme un membre de la famille ? Dans la mesure où il se trouvait loin de la sienne, du moins ce qu'il en restait, il désirait avoir un point d'attache à Island Bay. Ca passait par Charlyne et Kamryn, bien sûr, mais également par leurs proches. Et il n'y avait rien de calculé ou de tactique. Son père disait toujours qu'un foyer, c'est un lieu où on se sent soi-même, où l'on est heureux et accepté tel que l'on est. Cette ville était grande, il ne la connaissait pas. Il devait reconstruire tous ses repères, se faire des amis, tisser des liens avec les autres. Et pourquoi pas avec sa belle-soeur ? Leur rencontre se déroulait plutôt bien, elle cherchait à savoir à qui elle avait affaire et il ne pouvait que comprendre. Si sa soeur avait encore été vivante, il aurait agi de la même façon, sans doute, avec moins de délicatesse, parce que bon, Aiden était quelqu'un de gentil mais il ne fallait pas toucher à sa famille. C'était la limite à ne jamais franchir.

- Et juste pour savoir, au total, vous êtes combien de soeurs et de frères ?

Ce genre d'informations, en principe, il aurait du en avoir connaissance. Sauf qu'aux Fidjis, ce n'était pas venu dans ses conversations avec Kamryn. Et ensuite, disons que ça ne lui avait pas effleuré l'esprit. Du coup, il avait un peu mal à quantifier les membres de la famille Wilson. Il savait, grâce à Caitlinn que Kamryn était née la dernière et qu'elle possédait un neveu et une nièce, sans doute issus d'une autre soeur ou d'un frère. Lui qui n'avait pas eu une fratrie très développée, ça lui faisait bizarre de voir une famille "nombreuse".