late night decisions → maxyne

La dernière chose dont Vesper a envie, c’est de se laisser rattraper par son âge. Quarante-et-un ans. Toujours pas mariée, ce dont sa mère et le reste de la clique est probablement très fière. Pas d’enfants non plus, voilà qui suscite beaucoup moins de fierté de la part des Walker en revanche. Et puis si on lui avait posé directement la question à elle, elle aurait répondu qu’elle n’aurait jamais cru vivre aussi longtemps. Ce n’est pas pour rien que les cascadeurs touchent des primes de risque. Et pourtant elle est là, à l’autre bout de la planète, dans ce qui semble être le pays le plus sûr qui soit. Sans parler de son travail qui, au pays des kiwis, n’est plus que l’ombre de ce qu’il a un jour été. Mais il faut se faire à l’idée lorsqu’on a plus vingt ans et qu’on a décidé de fuir la Californie. Parfois, quand il lui arrive d’y réfléchir trop longtemps, la blonde en vient à se demander si sa présence en Nouvelle Zélande est une bonne idée. Elle qui voulait fuir le tumulte de Los Angeles ainsi que les gens qu’elle avait pu fréquenter à San Francisco, c’est sûr qu’elle était servie. Mais n’ayons pas peur de le dire : Vesper s’ennuie. Assez pour se dire que ce soir, elle va sortir prendre un verre et peut-être même danser, tout dépendrait sur quel style de soirée elle allait tomber. La texane préfère ne pas trop se faire d’illusions ; elle a bien compris que les jeunes néo-zélandais sont plutôt respectables, tout comme la plupart de leurs fêtes. D’un autre côté, c’est sûr que lorsqu’on a connu la décadence des fêtes hollywoodiennes avec de la coke et des viols dans tous les coins, toutes les autres fêtes vous paraissent extrêmement safe, voire fade.

Bref, Vesper se fait belle sans trop se forcer, elle ne se rend pas non plus dans un tel dans le but de choper, juste de se divertir un peu, attrape son sac, s’assure qu’elle a bien ses clefs et son téléphone et prend un taxi direction Te Aro. C’est samedi soir alors il y a de l’animation. Ce qui est une excellente chose étant donné que c’est ce qu’elle recherche. Pas le premier bar ni dans le deuxième, le troisième peut-être ? Oui, c’est incontestablement celui qui lui parle le plus. Elle règle la course avant de pénétrer dans l’établissement. A croire que toute la ville s’est donné rendez-vous dans ce bar. Ce qui est une réflexion des plus idiotes étant donné qu’elle a vu plein de gens devant les autres bars en passant. Enfin bref, là n’est pas la question ; la blonde se dirige vers le bar et demande une simple bière au serveur. Qui lui fait répéter trois ou quatre fois, si bien qu’elle se met à crier sa commande. Hé ben, essayez d’avoir une conversation avec tout ce boucan et c’est sûr que le lendemain, vous vous retrouvez carrément aphone. Dire qu’elle se plaignait que ce genre de soirées lui manquaient, en était-elle bien sûre ?

Quoi qu’il en soit, le barman met littéralement trois plombes à lui servir sa bière – à croire qu’il est parti la brasser lui-même – alors elle se tourne, s’accoude au comptoir et observe un peu la foule. Si elle voulait danser, ç’avait mort dans le film étant donné que personne ne le faisait. Tout le monde est assis çà et là, à s’époumoner pour essayer de se faire comprendre ou en y allant plus directement pour certains. C’est qu’il y en a qui ne perdent jamais le nord, faut croire. C’est alors que son regard tombe sur une autre jolie blonde. Maxyne. Si son prénom lui revient en mémoire, c’est parce qu’à son arrivée à Kiwiland, elles ont passé une nuit ensemble. Oh bien sûr, pas de quoi en faire tout un plat : elles étaient pas mal à l’ouest, sans quoi ça ne se serait sûrement jamais produit. Mais puisque c’est arrivé, c’est arrivé. Ce n’est pas le genre de Vesper d’en rougir comme d’une midinette. Oh non, elle a connu bien pire. Leurs regards se croisent alors et la texane se décide à lui faire un signe de la main accompagné d’un petit sourire. Dans le fond, c’est plutôt cool de croiser quelqu’un qu’elle connaît déjà un peu.

Deux mois. Voilà la durée pendant laquelle Maxyne ne pourrait pas plonger. Le médecin lui avait formellement interdit de solliciter son épaule au maximum au cours des prochaines semaines. La nageuse avait été placée à l’accueil par son employeur afin qu’elle puisse continuer à travailler mais le temps s’écoulait beaucoup moins vite quand elle le passait à gérer le côté administratif du centre nautique plutôt qu’à partir en excursion ou à former des débutants. Malgré cette soudaine fonction comparable à une employée de bureau, Max ne se plaignait pas de cette alternative. Elle n’était pas tombée en invalidité ou en chômage temporaire, ce qui au niveau de ses revenus aurait vraiment été ennuyeux alors qu’elle peinait à joindre les deux bouts. Outre ce souci de santé, de nombreux autres imprévus étaient survenus dans sa vie ces derniers temps et elle ne savait plus où donner de la tête, si bien qu’elle avait ralenti son rythme de vie. Max avait besoin d’évacuer ce stress inhabituel qu’elle ressentait et de se changer les idées. Rien de mieux que de se prévoir une sortie en ce samedi.

Quand la nageuse termina sa journée de travail, elle repassa par son appartement où elle se reposa une partie de la soirée. Des potes du club de moto lui proposèrent de les rejoindre plus tard dans un des bars du centre. Au moment de partir, Max se prépara un minimum et elle rejoignit ensuite les lieux. L’ambiance battait déjà son plein à l’intérieur. La blonde se faufila jusqu’au bar où elle commanda une bière en élevant la voix. Plus loin, elle entendit son prénom. Les autres membres du club étaient déjà arrivés et s’étaient posés autour d’une table dans le fond. Max récupéra sa bière et les retrouva ensuite. « Je vois que j’ai du retard à rattraper. » Lança-t-elle, rieuse, en constatant qu’ils avaient déjà vidé un premier verre. Ils enchainèrent plusieurs verres tout en parlant de leurs prochaines virées à moto, ils refirent le monde et se glissèrent dans leur bulle. La musique s’éleva dans le bar, le brouhaha ambiant grésilla davantage. Après les trois premières tournées, Max offrit la sienne. Elle était au bord de la dèche mais elle préférait dépenser ses derniers billets à une bonne soirée entre amis et se surveiller lors de ses prochaines courses que l’inverse. La tempétueuse blonde se leva et se dirigea donc vers le bar où elle croisa un visage familier. Vesper.

Leurs regards se croisèrent et Max lui rendit son sourire. D’une façon imperceptible, ses joues se rosirent légèrement au souvenir de la nuit partagée entre la cascadeuse et elle, une première expérience avec une femme pour la nageuse. Enfin, pour ce qu’elle s’en rappelait, car elle avait beaucoup bu ce soir-là. A la base, elles s'étaient connues sur le tournage d'un film où Max avait participé comme consultante pour des scènes de plongée tournées sous l'eau. A la fin d'une des journées, l'équipe technique du film était sortie pour célébrer une fin de semaine éreintante et de fil en aiguille, Max avait fini chez Vesper. Elle n’aurait jamais cru être autant attirée par une autre femme mais la cascadeuse dégageait une aura indéniable. Depuis, la texane et la néo-zélandaise n’en avaient jamais reparlé. Ne cherchant pas à l’éviter pour la cause, la trentenaire se rapprocha donc de la blonde. « Salut Ves’ ! Tu vas bien ? » Max avait élevé la voix et s’était légèrement penchée vers elle pour être entendue. « T’es venue passer la soirée avec des amis ? » C’était une façon comme une autre d’engager la conversation en attendant son tour de commander.

Tandis que le barman lui sert enfin son verre, Vesper voit Maxyne se rapprocher du coin de l’œil et se pencher vers elle pour entamer la discussion. Chose que la texane aurait pu faire mais elle ne voulait pas s’incruster. Après tout, c’est assez étrange de fréquenter ce genre d’endroits si ce n’est pas pour y retrouver quelqu’un. Selon la plupart des gens, en tout cas. Pas pour Vesper en tout cas, c’est ainsi qu’on fait connaissance avec la faune locale. Enfin bref, la jolie blonde lui demande alors si elle va bien, ce qui est le cas, donc elle répond gaiement :

« La pêche et toi ? »

Puis Maxyne rebondit aussitôt en lui demandant si elle est venue rejoindre des amis. Si elle répond négativement, elle va passer pour la bizarre de service, non ? Mais elle se voit mal prétendre le contraire, voire alpaguer quelqu’un à la tête sympathique parmi la foule juste pour que ça soit plus crédible. Alors tant pis, autant paraître bizarre.

« Non, j’avais juste envie de m’entourer un peu ce soir, même de parfaits inconnus. Et toi ? Vous fêtez quelque chose ? »

Simple curiosité et encore une fois et puis loin d’elle l’idée de s’incruster dans leur groupe de potes. La blonde boit une gorgée de sa bière tout en zieutant les gens présents dans la salle ainsi qu’en écoutant attentivement la réponse de Maxyne. Des attroupements dans un coin, des attroupements dans un autre, dans le fond c’est vrai que c’est rare de trouver des gens seules dans ce genre d’endroits. Mais il y en a. Et on les trouve principalement à picoler, à moitié vautrés sur le comptoir. Cela étant, elle irait doucement sur ce cliché parce que ce soir, elle faisait partie desdits gens, elle aussi était au comptoir et elle aussi était venue sans autre but que de prendre un verre, écouter de la musique, les gens parler, peut-être même danser si l’occasion se présente. La différence, c’est qu’elle ne sortirait pas de là complètement torchée ; elle avait passé l’âge de se mettre carpette surtout si c’était pour devoir récupérer durant toute la semaine qui suivait. Et puis, si elle en avait vraiment envie, ça ne serait pas vers l’alcool qu’elle se tournait, il n’avait jamais eu sa préférence. Mais là n’est pas la question puisque, comme vous l’aurez compris, ce n’est pas le but ce soir.

Lorsque Maxyne se dirigea vers le bar pour aller chercher une tournée, elle croisa une vieille connaissance qui buvait son verre près du comptoir. S’appuyant sur le rebord dans l’idée de se frayer progressivement un chemin jusqu’au barman quand son tour viendrait, la blonde engagea la conversation pour prendre des nouvelles de Vesper. Les deux jeunes femmes ne s’étaient pas revues depuis un moment, sans doute parce que la cascadeuse était occupée par des longues journées de tournage sur des productions diverses et parce que Maxyne sortait moins souvent à Wellington qu’avant. Les chances de se croiser n’étaient donc pas nombreuses puisqu’elles n’étaient pas suffisamment proches pour chercher à se voir spontanément comme des amies de longue date. Pourtant, la nageuse était contente de tomber sur elle. « Bien aussi. » Ne voyant pas Vesper accompagnée, Max lui demanda si elle était venue rejoindre des amis à elle. La cascadeuse secoua la tête, elle était simplement sortie pour profiter de l’ambiance. Ce n’était pas la Néo-Zélandaise qui la jugerait, il lui arrivait parfois de sortir seule aussi quand elle avait envie de s’amuser et que personne n’était motivé ou libre pour l’accompagner, même si en général Fiona était de la partie. Ce soir, Max avait rejoint sa famille de cœur, celle qu’elle avait choisie, les amis avec qui elle partageait une passion au travers de la moto. « Non, rien de particulier, on s’est retrouvés pour passer un bon moment ensemble. Ce sont des copains du club. »

Maxyne n’eut pas le temps d’en dire davantage puisque son tour était venu de commander. Elle demanda les boissons de sa table, puis se retourna vers Vesper pour reprendre la discussion pendant que le barman servait les verres. « Alors, qu’est-ce que tu deviens depuis la dernière fois ? » Si la réponse ne l’intéressait pas, Maxyne ne se serait pas embêtée à poser la question mais elle avait des affinités avec la cascadeuse, alors même si elles ne s’échangeaient pas des nouvelles toutes les semaines comme deux copines, la monitrice de plongée prenait sincèrement de ses nouvelles et ne l’interrogeait pas juste pour meubler la discussion. « Tu travailles sur un gros projet en ce moment ? » Le métier de Vesper était indéniablement un des aspects les plus intéressants de sa vie, bien plus en tout cas que si elle avait été une employée de bureau, en tout cas aux yeux de Max. Comme le barman avait terminé avec sa commande, la blonde régla sa tournée et essaya tant bien que mal de saisir les quatre verres dans ses mains. C’était limite mais un peu d’adresse et le tour était joué. « Si tu veux te joindre à nous, tu es la bienvenue. » Proposa ensuite la nageuse. Vesper préférerait peut-être continuer à passer la soirée de son côté mais le cas échéant elle serait bien accueillie. Max aimait bien les imprévus tels que croiser des gens qu'elle connaissait en soirée - pour autant que ce soit une bonne rencontre.  

Ainsi donc, Maxyne et ses amis ne sont rien venus fêter de particulier, juste l’occasion de se retrouver tous ensemble autour d’un verre. Amis du club. Vesper se demande si elle est censée savoir de quel club il peut bien s’agir avant d’en arriver à la déduction qu’il doit s’agir d’autres nageurs ou plongeurs. Dans tous les cas, ils ont l’air d’une bande de joyeux lurons tous autant qu’ils sont, c’est plutôt chouette. Si la blonde voulait vraiment se faire des amis dans le coin, elle pourrait rejoindre un club elle aussi, mais lequel ? Ils lui semblent tous tellement planplans. Sans que ça soit une critique négative non plus, juste une remarque. Possiblement un brin déplacée d’ailleurs, étant donné qu’elle a fait partie d’une communauté de hippies durant des années, c’est tout de même gonflé de qualifier quoi que ce soit d’autre de planplan. Elle acquiesce d’un mouvement de tête tandis qu’un petit sourire étire ses lèvres. Puis Maxyne s’enquiert de ce qu’elle devient et bien entendu, la conversation s’oriente tout naturellement sur son job. Un sujet qui intéresse toujours.

« On peut dire ça. Spielberg m’a trouvé un petit taf sur son remake de West Side Story. C’est pas vraiment mon domaine, les comédies musicales mais puisque je rêvais de bosser un jour avec lui, voilà qui sera chose faite. »

Comme quoi, ça paie de s’inviter dans les soirées des stars hollywoodiennes de passage à Wellington pour les harceler quelque peu, elle a fini par l’avoir, son rôle. Et, bien comme dit précédemment, ce n’est pas du tout son style habituellement, il lui tarde quand même de s’y mettre, de voir à quoi ça ressemble et si elle est capable de s’adapter. Un véritable challenge.

« Tu donnes toujours des cours de plongée ? Il se pourrait que je passe te louer du matos, un de ces quatre. »

Histoire d’occuper ses longues journées sans travail. C’était le deal lorsqu’elle avait décidé de quitter les Etats-Unis, elle en avait bien conscience mais ça n’empêche qu’il lui faut s’habituer à un train de vie beaucoup plus posé que celui qu’elle a mené jusqu’ici. C’est alors que la jeune femme lui propose de se joindre à sa bande de potes. En temps normal, la texane aurait sans doute poliment décliné l’invitation, elle ne veut pas déranger mais c’est si gentiment proposé qu’elle se voit mal refuser, tout compte fait.

« T’es sûre ? J’voudrais pas m’imposer. Mais si c’est le temps d’un verre, pourquoi pas ? »

Vesper lui confia qu’elle travaillait actuellement sur un projet de Spielberg, un projet original puisque le film était une comédie musicale. Max esquissa un sourire en entendant le nom prestigieux à la barre de la réalisation. De nombreuses personnes travaillant dans l’industrie du cinéma rêvaient un jour de bosser auprès de ce grand maître. La blonde appréciait la plupart de ses films dont certains avaient marqués les esprits tels que e.t., la liste de Schindler, Jurassic Park et tant d’autres. En tant que cascadeuse, Vesper avait probablement réussi à se créer un réseau de contacts dans le monde du cinéma, à force de persévérance et de talent. C’était une grande famille. « Tu m’étonnes que c’était un rêve. C’est un des meilleurs ! Enfin, il ne faut pas bosser dans le cinéma pour s’en rendre compte. Par contre, c’est vrai qu’on pense plus vite à un film pétaradant pour ton travail. J’ai le même cliché en tête que tout le monde, à voir des armes, des chutes et des explosifs partout. » Répondit-elle en souriant. Max se demandait à quel niveau Vesper devait doubler le casting dans une comédie musicale mais peut-être que les acteurs devaient virevolter dans les airs en chantant ou peu importe. « Ça doit te changer, c’est sûr. » La blonde commanda ensuite la tournée pour sa table et répondit ensuite à la question que la texane lui posa. « Oui, j’en donne toujours. Et pas de soucis. N’hésite pas à nous passer un coup de fil avant qu’on puisse te le mettre de côté. » Tout dépendait la quantité de matos dont elle avait besoin. Max lui conseillait d’appeler pour le réserver avec certitude. Le centre nautique avait un bon stock mais se retrouvait parfois juste selon les périodes d’affluence en cours d’année. « Tu vas avoir de nouvelles scènes à tourner sous l’eau ou tu envisageais de venir à titre personnel ? » Peut-être que Vesper s’était soudainement découvert un goût pour la plongée, qui sait. La blonde réceptionna les verres et invita ensuite la cascadeuse à de se joindre à elle. « Oui, j’suis sûre sinon je ne t’aurai pas proposé. Tu peux commander ce que tu veux. C’est pour moi. » Max l’attendit puis se dirigea vers la table de ses amis. « Les gars, voici Vesper. Vous vous souvenez le film sur lequel on m’avait appelée pour les scènes de plongée ? On s’est rencontrées sur le tournage. » Max contextualisa légèrement pour que les garçons puissent replacer la blonde dans ses connaissances. La nageuse présenta ensuite ses trois potes à la texane... enfin les amis de son frère de base. Puis, elle détailla un peu plus aussi. « C’est la passion de la moto qui nous a réuni, via le club dont je te parlais tout à l’heure. Tu as sûrement déjà eu l’occasion d’en faire aussi ? » Les deux jeunes femmes s’installèrent à la table et évidemment les regards de ses potes trainèrent sur la flamboyante Vesper. Il faut dire que son charme naturel ne laissait personne indifférent, surtout pas des hommes qui aimaient les femmes de caractère et qui avaient déjà plusieurs verres dans le nez de surcroit.

C’est sûr qu’on imagine difficilement qu’il y ait besoin de doublures cascades dans des films d’auteur, par exemple. D’ailleurs, il ne lui semble pas que ç’ait jamais été le cas ou alors c’est vraiment très rare mais il arrive pourtant parfois qu’on fasse appel à eux lorsqu’une grande star refuse de faire telle ou telle chose – souvent des scènes plus intimes – mais qu’elle soit également contre le fait de ne pas toucher son cachet. Chose qui ne s’est encore jamais produite en ce qui concerne la blonde, il faut croire que tout le monde est d’accord pour dire que ça serait du gâchis. Quoi qu’il en soit, un sourire étire ses lèvres face à cette déclaration.

« C’est vrai que c’est pas vraiment dans mes habitudes mais puisque je voulais un peu de calme dans ma vie, je suis servie. »

Hé non, elle ne peut même pas se plaindre, c’est pile ce qu’elle attendait d’une sorte de début de retraite. Puis elle acquiesce lorsque Maxyne lui annonce qu’il n’y a pas de problèmes pour ce qui est du matériel de plongée à louer – il s’avère qu’elle travaille toujours au centre nautique.

« Oh, juste à titre personnel. La plupart de mes amis sont un peu hyperactifs comme moi alors quand on prend le bateau, simplement leur proposer de faire bronzette sur le pont, ça ne suffit pas. »

Bien que personne ne s’en soit plaint jusqu’ici, elle voyait bien que ça allait un temps et puis on partait nager ou encore explorer les petites îles alentours. Ce dont elle se plaignait rarement étant donné que c’était souvent elle la première à proposer d’aller se baigner ou encore de partir en exploration.

Puisque c’est si gentiment proposé, Vesper ne va pas non plus jouer l’asociale, elle peut bien boire un verre ou l’autre en compagnie d’autres gens. D’autant plus que le verre en question lui est gracieusement offert par Maxyne, ça serait idiot de refuser.

« Allez d’accord, à charge de revanche. »

Elle suit donc la jeune femme et rejoint sa bande d’amis qui sont finalement des motards et non pas des nageurs ou plongeurs quoique l’un n’empêche pas l’autre, évidemment. Et tandis que l’autre blonde la présente, elle leur adresse un petit signe de la main.

« C’est super ! Oui, bien sûr, à de nombreuses reprises, c’est juste que je n’en possède pas une. »

Comme de la plupart des véhicules dont elle a le permis, c’est-à-dire presque tous. Toujours est-il que c’est un fait qui a l’air d’intriguer les amis de Maxyne et chacun y va de son petit conseil quant au modèle qu’il faudrait qu’elle achète si un jour elle se décide à franchir le cap. Ce n’est pas tellement le fait de ne pas en avoir envie, c’est surtout que ça pollue énormément tous ces machins alors les conduire/piloter c’est très cool dès qu’elle en a l’occasion mais elle se voit très mal contribuer à l’effondrement de la planète. Cependant, elle n’est pas non plus suicidaire alors il n’est pas question de l’admettre devant cette bande de joyeux lurons. Non, au lieu de ça, elle préfère payer sa tournée quand le moment vient.

Tout comme Max, Vesper était une fonceuse dans sa vie privée alors ses sorties entre amis se résumaient rarement à des promenades calmes au bord de l’eau ou à faire bronzette sur le pont d’un bateau. C’est pourquoi elle envisageait une activité plus dynamique pour occuper sa bande de copains lors de leur prochaine excursion. « Tu as ton propre bateau ? » S’enquit la nageuse en écoutant l’autre blonde. « On a découvert un spot magnifique dernièrement, je te montrerai sur la carte quand tu passeras pour le matériel. » Toutes les zones n’étaient pas disponibles pour les excursions ou accessibles à tous les touristes. Certains critères de préservation limitaient le nombre de personnes dans des endroits plus reculés mais Max pouvait recommander des perles à Vesper les yeux fermés. Elle n’était pas une débutante écervelée et inattentive. « Sinon, je connais aussi un endroit où tu pourras admirer des épaves. C’est plutôt cool si vous voulez jouer aux explorateurs. » Max invita ensuite la cascadeuse à la rejoindre auprès de son groupe d’amis et lui offrit un verre. Elle lui présenta les motards et inversement puis elles s’installèrent autour de la table. Sans surprise, Vesper s’était déjà essayé aux motos également. « En fait, le seul moyen de transport que tu n’as pas testé, c’est une fusée. C’est ça ? » Rieuse, la nageuse avait lancé cette remarque sur le ton de la taquinerie bien que celle-ci ne devait pas être si éloignée de la réalité. Le groupe se mit donc en tête de conseiller la texane sur les modèles à envisager si elle s’achetait une moto un jour. A son tour, Vesper leur offrit une tournée et la soirée continua dans une ambiance bon enfant. Trop bon enfant peut-être car Max se lâcha comme elle ne l’avait plus fait depuis longtemps. A enchainer les bières. Le petit groupe décida ensuite de se rendre dans une boîte à côté pour danser. Sans savoir si la cascadeuse serait emballée ou non, la néo-zélandaise ne lui laissa d’autre choix que de leur emboîter le pas. Ses amis finirent par rentrer les uns après les autres. Voyant que Max était en bonne compagnie auprès de sa pote, ils ne s’inquiétèrent pas davantage. Infatigable, Max continua de danser avec la blonde une bonne partie de la nuit. Elles rigolèrent comme des folles, passèrent un bon moment, se lâchèrent complètement. Une soirée de dingue. Vesper avait de la bouteille, elle tenait vraiment bien la distance. Quant à Max, elle eut vraiment la main trop lourde sur l’alcool. Alors après s’être bien amusée, la jeune femme était soutenue par la cascadeuse pour sortir de la boîte au moment de rentrer chez elle dans le milieu de la nuit. Impossible de retrouver son chemin ou de se souvenir d’où elle habitait dans l’état dans lequel elle était. « Euh… Je crois que c’est à gauche… Ah non, attends… euh ! » Max pouffa de rire et manqua de glisser entre les bras de la pauvre Vesper. A ce moment-là, ses clefs de moto tombèrent de ses mains. Impossible de conduire dans cet état aussi.

Evidemment qu’elle possède son propre bateau. Bon okay, ce n’est peut-être pas si évident que ça, si on pousse la réflexion plus loin : une texane cascadeuse, dans la tête de la plupart des gens, ça ne rime pas forcément avec bateau. Et si elle espère berner ces mêmes gens en leur faisant croire qu’elle est californienne et donc plus près de la côte, qu’elle a ça dans le sang et ainsi de suite, elle se fourre le doigt dans l’œil jusqu’au coude étant donné que n’importe qui l’entendant parler reconnaîtrait son accent à des kilomètres. Merci les médias d’avoir si bien dépeint son bel Etat. Pas peu fière, Vesper hoche donc la tête à la question, un sourire aux lèvres telle la mère acquiesçant lorsqu’on lui demande si ce sont ses enfants. Son sourire s’élargit d’ailleurs davantage en entendant parler d’endroits où admirer des épaves.

« Super, merci. J’ai hâte de voir ça ! »

La blonde ne dit jamais non à un peu d’aventure même si pour le coup, il s’agit surtout de découverte. Bien que l’un n’aille pas sans l’autre, me direz-vous. Mais soit, les voilà donc qui rejoignent la troupe d’amis de Maxyne qui sont donc des motards et pas des plongeurs. La jolie blonde la taquine d’ailleurs en émettant la supposition que le seul transport qu’elle n’a jamais piloté ne doit être que la fusée. Ah, si seulement.

« La fusée, le train, le métro… en revanche, j’ai déjà fait des cascades en diligence pour un western, donc tu n’es pas si loin de la vérité. »

Elle sourit malicieusement en glissant sa langue entre ses dents. Le fait est qu’elle pourrait très probablement apprendre à faire fonctionner un train ou un métro sans trop de difficulté. Le plus compliqué serait probablement d’apprendre à voler mais on ne lui avait pas encore demandé de faire ça. Si c’est pour le spectacle, alors on préfère tourner les scènes aériennes en studios, sur fond vert. Mais ça la tenterait quand même pas mal de s’y essayer. Enfin bref, la soirée passe, plus agréable que ce qu’elle n’aurait pensé, les sujets tout comme les verres s’enchaînent et bien qu’elle sache pertinemment ne pas être une de ces fleurs fragiles qui sont complètement défoncée après deux bières, Vesper fait tout de même attention. Avec raison semble-t-il puisqu’à un moment de la soirée, il est question de se déplacer pour aller danser. Chouette, ça fait longtemps ! Rafa lui a un jour dit qu’il lui apprendrait à danser la salsa et bien qu’elle ne soit pas le moins du monde persuadée d’avoir un quelconque talent pour ça, c’est une perspective qui l’enchante. Et au bout du compte, la bande de potes s’étiolent jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’elle deux. C’est qu’il commence à se faire tard, la boîte dans laquelle elles se trouvent est même sur le point de fermer. Et Maxyne en tient une sacrée couche. Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’a jugé bon de faire attention, en ce qui la concerne. Mais pas de souci, la texane est quelqu’un de confiance. La blonde s’apprête à appeler un taxi, voulant s’assurer que Maxyne rentre bien chez elle mais voilà qui s’avère être une tâche des plus ardues étant donné qu’elle ne se rappelle même plus du chemin.

« Hum bon, j’vais pas te laisser à la rue, t’as qu’à passer la nuit chez moi. Tu verras, j’ai un canapé super confortable. »

Et c’est à peu près tout car ce qui a clairement penché dans la balance au moment de signer le contrat de location, c’était le jardin plus que tout autre chose et à fortiori plus que l’intérieur, du genre rikiki. Enfin soit, tandis que son amie manque se casser la figure, ce sont ses clefs qui tombent au sol. Mais quel timing impeccable ! Et pas besoin de courir partout à la recherche de ladite moto, celle-ci se trouve sur le parking. Vesper cherche le casque qu’elle tend à bout de bras à Maxyne.

« Tu mets ça et tu te cramponnes, okay ? Oh et avant qu’on ne démarre, tu es sûre que tu ne vas pas être malade, pas vrai ? »

Non parce que bon, ça serait tout de même le détail qui viendrait tout gâcher.

« Peut-être que le tournage d’un de tes futurs films exigera une cascade dans un train lancé à pleine vitesse. » Continua de plaisanter Max à propos des moyens de transports empruntés ou non par Vesper dans le cadre de son travail. La Texane venait de lui énumérer ceux qu’elle n’avait jamais pris. En revanche, elle avait déjà exécuté des scènes dans une diligence, utilisée dans le cadre des westerns. « Oui, les films de cowboy. C’est vraiment le style qui te va le mieux. Je trouve. » Max le pensait sincèrement. En dehors des racines de la cascadeuse (Texas, berceau des ranchs et des films du genre), la blonde se rappelait que Vesper montait à cheval. Et puis, quand elle portait les bottes et le chapeau d’une cowgirl, ça lui collait tellement à la peau. « Et ça ne t’a jamais ennuyé que les acteurs récoltent tous les lauriers pour le travail alors que ce sont souvent les cascadeurs qui prennent tous les risques ? » Il y avait des acteurs qui participaient eux-mêmes à leurs scènes de cascade et avaient autant de mérite, mais d’autres non, car ce n’était tout simplement pas leur métier. Pourtant, c’était bien les stars du petit écran qui étaient encensées dans le monde, pas ceux qui au final étaient les véritables héros du tournage. La soirée suivit ensuite son cours, entre verres, discussions légères et rigolades. Le petit groupe changea ensuite d’endroit pour aller danser. Max se lâcha et bougea toute la nuit. Les potes de la bande partirent au fur et à mesure de sorte qu’il ne resta plus que les deux filles. Comme la boîte était sur le point de fermer, elles sortirent. Max tenait à peine sur ses jambes et n’était pas en état de retrouver son chemin, c’est pourquoi Vesper lui proposa de passer la nuit chez elle. A nouveau, la blonde pouffa de rire. « Ce n’est pas comme si c’était la première fois que je testais le canapé. » Oui, ce n’était pas la première fois que Max finissait la nuit chez elle, dans un tout autre contexte d’ailleurs. Sans l’alcool, elle n’y aurait pas fait allusion. Il faut dire qu’elle avait été surprise à l’époque de se réveiller à côté d’elle. Distraite, Max fit tomber ses clefs de moto sur le trottoir. Espérait-elle vraiment conduire dans cet état ? Heureusement, Vesper les récupéra et repéra la moto sur le parking. « Non, c’est à moi de conduire ! » Max ne passait pas sa moto si facilement mais la Texane tint bon. La nageuse n’était clairement pas en état. Vesper tendit ensuite le casque à la nageuse et lui intima de s’accrocher. « Nan, j’suis jamais malaaaade. » Elle l’avait rarement été en tout cas. Comme Max avait passé une bonne soirée, elle avait l’alcool joyeux et elle écouta plus ou moins docilement la cascadeuse. La jeune femme galéra avec son casque, ses cheveux se mettaient devant ses yeux mais elle réussit à s’installer derrière Vesper sans valdinguer sur le parking. « Vamooooooooos ! » Quand la blonde démarra, Max cria tout en passant ses bras autour de la taille de sa conductrice pour s’accrocher. Elle rigola un moment puis l’alcool lui tourna et elle ferma les yeux pour ne pas être malade. En attendant que le trajet passe, elle posa sa tête contre le dos de Vesper. Le parfum de la cascadeuse venait lui chatouiller les narines. Il ne lui faudrait en effet pas grand-chose pour avoir le ventre qui lui tourne. Question d’habitude. Elle avait vraiment abusé ce soir, mais elle tiendrait.

Peut-être que si elle le dit à voix haute, on la prendra pour une folle mais Vesper adorerait ça, être aux commandes d’un train fonçant à tout allure contre un mur. Voyez-vous, c’est là tout le problème des cascadeurs : si on leur assure qu’ils en réchapperont, alors ça n’est pas le moins du monde excitant pour eux. Le fait est qu’on ne peut tout bonnement pas leur assurer une telle chose, jamais, le risque zéro n’existe pas. Ils passent donc l’entièreté de leur carrière à flirter avec la mort et à adorer ça. Malheureusement, ça ne se termine pas toujours sur un happy end pour chacun d’entre eux mais bon, j’imagine que vous l’aurez compris : ça ne suffirait pas à les stopper. La blonde se contente de rire en hochant la tête, sans faire de commentaire qui créerait inévitablement un malaise. Au lieu de quoi elle préfère rebondir quant au fait que les rôles qui lui vont le mieux sont évidemment ceux de cow-boys. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la petite rancher d’Abernathy, sans doute le coin le plus paumé de tout le Texas – ce qui n’est pas peu dire quand on connaît un peu le Texas – en elle ne peut qu’être d’accord avec ça.

« Texan charm, baby ! »

Elle sort bien évidemment ça en forçant encore plus son accent, comme s’il y avait besoin de ça et accompagne le tout d’un clin d’œil. C’est alors que revient une question qu’on lui pose très souvent, presque à chaque fois, à vrai dire, à savoir si ça ne l’ennuie pas que ça soit les acteurs qui en retire toute la gloire. Alors que la plupart ne font pas grand-chose, ils ne sont bien souvent que des figures de proue et malgré ça, ils parviennent encore parfois à se faire sacrément mal alors qu’on leur demande pourtant d’en faire le moins possible.

« Tout dépend de leur amabilité haha. Je plaisante, la plupart sont très sympas avec nous, ils comprennent l’importance de notre travail. Et surtout de celui qu’ils n’auront pas à faire. Nous on s’en fiche un peu de la tête d’affiche, on ne fait pas ça pour être reconnu. »

Mais pour le frisson, on en revient toujours à ça.

« Et puis surtout, ils ne touchent pas nos primes de risque ! »

Pas sûr que ça leur fasse quelque chose compte tenu de leurs cachets mais les primes de risque des cascadeurs valaient tout de même leur pesant de cacahuètes. C’est ainsi qu’on s’achète des bateaux, même. Enfin bref, la soirée se passe, les verres s’enchaînent et puis les danses. Bientôt, il ne reste plus qu’elle et la soirée touche à sa fin, au point qu’on ne les pousse pas tout à fait hors de la boîte mais presque. Maxyne n’a pas l’air contre l’idée de passer la nuit sur son canapé, c’est déjà une bonne chose. Evidemment, le fait qu’elle le connaisse déjà y est sûrement pour quelque chose. Cette réflexion ne provoque qu’un sourire chez notre cascadeuse qui laisse bien vite la place à un froncement de sourcils tandis que l’autre blonde refuse de céder le guidon de sa moto aussi facilement.

« Ne m’oblige pas à te botter le cul, Max. »

S’il fallait vraiment en arriver là, elle n’hésiterait pas. Il faut croire que cet argument fait mouche puisque Maxyne accepte finalement de mettre le casque, que Vesper prend la peine de vérifier avant d’enfourcher la moto, répétant à Max de bien se cramponner. Les rues sont pratiquement vides à cette heure, l’envie est tentante d’appuyer un peu sur le champignon mais elle se rend bien compte qu’elle a une passagère, pas des plus alertes, qui plus est, alors elle n’en fait rien et roule tranquillement jusqu’à chez elle. La petite maison blanche a l’air tout endormie sans la moindre lumière à ses fenêtres. Elle tend la main pour lui rendre ses clefs avant de s’apercevoir qu’elle a une fois de plus oublié les siennes à l’intérieur. D’aucun pourrait croire qu’elle le faisait exprès à force.

« Merde, j’ai laissé mes clefs à l’intérieur. Bouge pas, j’arrive tout de suite. »

Vesper se dirige alors vers la palissade de son jardin qu’elle saute avec aisance. Par chance, elle laisse toujours une fenêtre ouverte à l’étage, il ne lui reste donc qu’à grimper par la gouttière. Un vrai jeu d’enfants. Une fois à l’intérieur, elle allume toutes les lumières à mesure qu’elle descend pour ouvrir la porte d’entrée et s’effacer pour laisser son invitée entrer.

« Mi casa es tu casa. »

Vesper n’était pas dérangée que les acteurs récoltent tous les lauriers. Dans l’ombre, la plupart d’entre eux les remerciaient de prendre tous les risques et surtout les cascadeurs étaient bien rémunérés pour la dangerosité de leur travail. Si elle avait voulu se retrouver sous le feu des projecteurs, la blonde avait les contacts nécessaires et elle aurait réorienté la carrière. Mais ce n’était clairement pas la renommée qui l’intéressait. Boostée à l’adrénaline, Vesper vivait de la passion de son métier. Ce qui n’était pas donné à tout le monde. Bien des gens exerçaient un travail qui les emmerdait comme le monde. Heureusement, Max ne tombait pas dans cette catégorie non plus. En devenant monitrice de plongée, elle avait renoué avec la nage et avec son élément préféré qui était l’eau. Elle bossait en milieu naturel et découvrait la richesse du monde sous-marin, étant de plus en plus conscientisée à l’environnement et à l’impact de l’être humain sur l’écologie. La planète regorgeait de merveilles incroyables. Il devenait plus que nécessaire de les protéger et d’éveiller les plongeurs à en faire autant. « L’important, c’est de faire ce qu’on aime, c’est sûr. » La soirée passa en un éclair entre l’ambiance, les verres et les danses. Bientôt, Max se retrouva seule avec Vesper, en dehors de la boîte aux petites heures. Têtue, la nageuse n’était pas décidée à céder sa moto si facilement quand la cavalière émit l’idée de la conduire pour la ramener chez elle. « Essaie toujours pour voir. » Lança-t-elle d’un air de défi quand sa copine de soirée menaça de lui botter le cul. Farouche, Max répliquait toujours plus fort. Sauf que ce soir, elle ne tenait plus droite sur ses jambes. Il fallait se rendre à l’évidence. Résignée, la jeune femme s’écarta pour Vesper et enfila le casque en tirant maladroitement ses cheveux devant les yeux. Avec la tête qui lui tournait, elle se cramponna solidement à Vesper et se mit à crier joyeusement avant se taire et d’attendre que le moment du roulis passe sur la moto. En quelques minutes, elles atteignirent la maison blanche de la texane. Max descendit du véhicule et s’assit sur les escaliers devant la maison, le casque toujours sur la tête, en attendant que la blonde trouve ses clefs tout en lui tendant les siennes. Quand Vesper lui intima de ne pas bouger le temps qu’elle les récupère à l’intérieur, Max eut presque envie de fuir juste pour la contredire mais la tête lui tournait tellement qu’elle ne décolla pas des marches. « Ok. » Répondit-elle d’une petite voix. L’air frais de la nuit avait été comme un choc violent sur son corps et la ramenait à la réalité. Max s’était trop bien amusée. Elle entreprit de retirer son casque, les cheveux en pétard. Très vite, Vesper apparut de nouveau sur le porche, la porte grande ouverte cette fois. Accueillante, elle l’invita à faire comme chez elle. « C’est vrai ? Merciiiii. » La nageuse répondait avec emphase. Se relevant enfin, elle entra à l’intérieur et suivit l’hôtesse jusqu’au salon. « Le fameux canapé !! » Pas de chance pour Vesper, Max avait un regain d’énergie. Et l’alcool, en plus de l’avoir rendu joyeuse, la maintenait dans un état oscillant entre vertige et euphorie. Le vertige passé, elle retrouvait sa vivacité de fin de soirée. Jetant le casque sur le divan, la nageuse passe en mode sans gêne et fit le tour du propriétaire pour essayer de grapiller des souvenirs de la première fois où elle était venue ici. En réalité, elle s’était déjà mis la tête à l’envers cette fois-là et il serait judicieux de rendre visite à la cascadeuse un jour qu’elle serait sobre parce que sinon elle ne s’en rappellerait jamais. Vesper lui avait justement dit « mi casa es tu casa ». Max l’avait prise au mot. Elle s’aventura au rez-de-chaussée et but de l’eau dans la cuisine pour aider à passer le vertige. A force d’explorer, la blonde arriva ensuite titubante dans une pièce avec des photos de Vesper qui pratiquaient ses cascades, des photos et des souvenirs de tournage, des trophées en guise de récompense. « Oh mais c’est la caverne d’Ali Baba ici !! » La nageuse souleva des objets pour les regarder, si bien qu’elle en déplaça certains et en rangea mal d’autres. Maladroite, elle cassa un élément en verre et se confondit en excuses. « Oh mince ! Je suis désolée ! Qu’est-ce que c’était ? » Max tenta de ramasser les morceaux et se coupa méchamment un doigt, si bien que le sang menaçait de couler et de tâcher les tapis. Elle se sentait mal, le vertige reprenait. Le ventre de la blonde résisterait, mais il était temps qu’elle mette son cerveau en pause.

C’est fou ça, rares sont les gens qui croient qu’elle pourrait réellement leur botter le cul. Pourtant, il s’agit là d’un fait. Pas d’une possibilité mais bien d’un fait, Vesper est plus que qualifiée et très entraînée pour leur faire regretter d’être nés. Mais que voulez-vous, sa plastique pour le moins avantageuse doit laisser supposer qu’elle est douce et fragile. Ce qui est souvent pratique dans le fond, puisqu’on ne voit pas la menace arriver. Cependant, la texane a beau être blonde, ce n’est pas pour autant qu’elle est stupide, elle comprend bien que c’est surtout l’alcool et le manque de discernement qui l’accompagne qui fait réagir Maxyne de la sorte. Telle la mère de la famille qu’elle ne sera sans doute jamais mais dont elle connaît déjà une bonne partie des mécanismes, elle se contente de lui faire les gros yeux et ça suffit à la calmer. Ça ou peut-être un éclair de lucidité quelconque, elle ne saurait trop dire et à vrai dire, ça importe peu, tant que son amie cesse de faire la difficile. Elle s’amuse donc à promener Maxyne. Enfin, uniquement jusqu’à chez elle-même si ça ne l’aurait pas dérangée outre mesure de continuer à faire des tours dans la ville sur cet engin mais elle n’est pas là pour ça.

C’est avec une confiance aveugle et sûrement très insensée que Vesper laisse l’autre blonde sur le trottoir devant chez elle le temps de faire le tour, de crâner un peu pour le voisinage, si tant est que certains soient encore debout à cette heure mais elle n’en doute pas une seule seconde et de venir ouvrir la porte. Bien sûr, pendant tout ce temps-là, elle a envie de croire que Max l’a sagement attendue, assise sur le pas de sa porte, mais elle sait également qu’elle aurait tout aussi bien pu se mettre à courir après un écureuil. Ou une fouine, voilà qui est sans doute plus probable en pleine ville. Mais non, c’est avec une pointe de surprise et de soulagement qu’en ouvrant la porte, elle la retrouve à la même place que là où elle l’a laissée. C’est qu’elle n’a pas la moindre envie d’aller courir à cette heure. La porte lui est donc grande ouverte et la texane ne fait pas plus attention que ça à ce qu’elle fabrique, de toute façon, ce n’est pas comme s’il y avait grand-chose de valeur chez elle. Tant d’enthousiasme en ce qui concerne le canapé l’amuse beaucoup.

« J’me ferais bien un petit café, t’en veux un ? Ou un thé ? Un muffin ? J’en ai fait des tas cet aprèm’. »

Ou autre chose, Vesper est aussi pas mal douée pour à peu près tout ce qui concerne le domaine de la maison, on peut remercier sa mère qui a toujours insisté pour que chacune de ses filles soit extrêmement indépendante et sache aussi bien faire une tarte aux pommes que toute l’installation électrique chez elles. Elle passe donc dans la cuisine tandis que Max découvre ce qu’elle appelle la caverne d’Ali Baba mais qui n’est autre qu’un placard où elle a entreposé la majorité de ses récompenses. Des récompenses de rodéo pour la plupart. Arrive alors ce qui devait arriver, un bruit de verre brisé se fait entendre suivi par les excuses de Max. Sans trop se presser, la texane prend le temps de récupérer la ramassette et la balayette avant de débarquer.

« C’est pas grave t’inquiète, on le recollera. »

Ou on le tapera à la poubelle si c’est devenu un puzzle mille pièces. Mais trop tard, son amie venait tout juste de se couper. Elle pose tout par terre et lui prend la main pour évaluer la profondeur de la coupure. Pas beau à voir mais il ne devrait pas y avoir besoin de points de suture.

« Viens, on va soigner ça. »

Un peu de désinfectant et un sparadrap devraient faire l’affaire. En la tirant doucement, Vesper la fait passer dans la cuisine où elle fait couler l’eau dans l’évier et lui fait signe de rester là pendant qu’elle va chercher tout ce qu’il faut.

L’alcool la transportait. Cette sensation hors du commun qui l’emmenait loin, cette évasion magique, ce cocktail d’émotions pures, d’euphorie chimique, la comblait de joie, au grand dam de ceux qui s’occupaient d’elle quand elle se mettait dans de tels états. C’était dans ces moments où la mélancolie voulait reprendre le dessus qu’elle adorait être dans un état second. « Ouuuui muffin ! » Répondit Max joyeusement lorsque Vesper lui proposa à boire et à manger. Le ventre de la blonde ne pourrait sûrement pas le supporter mais la nageuse n’était plus en état de penser clairement. Puisque la cascadeuse l’avait invitée à faire comme chez elle – et même sans cette invitation, la néo-zélandaise entreprit d’explorer le rez-de-chaussée pendant qu’elle partit dans la cuisine et arriva notamment en face d’un grand placard où étaient entreposés les récompenses de Vesper. Des trophées divers et variés. A force de jouer à la plus maligne, ce qui devait arriver arriva : Max cassa un des objets et se confondit en excuses. L’alcool lui tournait : elle passait de l’euphorie à la maladresse, de la maladresse à un état de cataplexie passager. Vesper arriva dans la pièce en dédramatisant l’affaire et commença à ramasser les morceaux. Voulant aider, la nageuse se coupa stupidement. L’hôtesse de maison lui prit la main et évalua les dégâts. « Mais je vais tout tâcher. » Comme si salir le tapis de Vesper était l’idée la plus importante sur le coup. La jeune femme l’emmena dans la cuisine et ouvrit le robinet pour faire couler de l’eau puis qu’elle partit chercher le nécessaire pour la soigner. Pendant ce temps, Max rinça la coupure, ensuite elle s’assit par terre comme une enfant prise en défaut par sa mère. Quand Vesper revint dans la pièce, la nageuse tenta de se relever mais ne réussit pas à se mettre debout sans avoir la tête qui tourne. Alors, elle tendit la main à la cascadeuse et la laissa traiter la blessure. « C’est pas trop dur de vivre toute seule ici, loin de tes proches ? Ta famille ne vient jamais ou toi tu ne retournes jamais là-bas ? » La réflexion de Max était survenue parce qu’elle avait remarqué qu’il n’y avait pas beaucoup de photos en guise de décoration dans l’appartement. Tout ce que Vesper lui avait raconté était que la situation était compliquée dans sa famille, sans plus. A vrai dire, l’interrogation de la nageuse faisait écho au propre manque qu’elle avait de son frère qui était parti à l’étranger par goût du voyage tout d’abord puis s’y était installé par amour. Toujours ce foutu sentiment. Max n’y croyait plus. Vesper, elle, non plus n’avait pas suivi un homme ou une femme dont elle partageait la vie. Elle esquissa un mouvement de recul de la main lorsque la cascadeuse appliqua le désinfectant. Ça la réveillait d’un coup, ça lui ramenait un brin de lucidité aussi. « Tu sais, j’espère que tu trouveras quelqu’un de bien ici. T’es une fille cool. Et des meufs comme toi, y’en a pas à tous les coins de rue. » Max ne le lui disait pas pour la flatter. Elle s’en était rendu compte l’année passée et encore ce soir alors qu’elles avaient fêté sans se prendre la tête. La soirée avait vraiment été fun, pour la nageuse en tout cas. Bien sûr, la jeune femme était loin de se douter que Vesper avait trouvé chaussure à son pied entretemps. « Et faudra m’expliquer d’où tu tiens cette descente, parce que tu me mets ko et de loin » La fatigue la gagnait à nouveau. Sa main soignée, Max se dirigea progressivement vers le canapé, toujours aidée de la texane. La sentant à côté d’elle, elle lui souhaita bonne nuit puis posa sa tête contre l’oreiller et s’abandonna au sommeil tandis qu’une couverture la recouvrait et que la voix de Vesper résonna une dernière fois dans la pièce avant que la torpeur ne l’emporte.

Que Maxyne tache la moquette de son placard est le cadet des soucis de Vesper. Même si c’est de son placard à récompenses qu’il s’agit. Dans le pire des cas, la blonde passerait un coup de fil à sa mère pour savoir si elle n’avait pas une astuce quelconque pour ravoir une tache de sang mais elle pensait s’y connaître un peu quand même en matière de sang, depuis le temps. Ce qui la préoccupe le plus en cet instant, c’est que son amie ne se soit pas faite trop de mal. Par chance, il s’avère qu’après vérification, la coupure n’est que superficielle et Vesper peut souffler. C’est qu’elle s’en serait un peu voulue dans le cas contraire étant donné qu’elle avait pris la responsabilité de veiller sur elle pour cette nuit. C’est donc un peu à regret qu’elle laisse Max seule dans la cuisine, le temps d’aller chercher sa trousse de soins. Par chance, elle la retrouver consciente mais par terre. Vesper vient donc la rejoindre sur le sol et entreprend de désinfecter la plaie. C’est qu’à force de se blesser, on apprend à se réparer et, à fortiori, à réparer les autres aussi. Pendant ce temps-là, son amie lui fait la causette. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la question lui fait esquisser un sourire ; c’est assez rare qu’on la lui pose.

« Non, j’ai quitté le Texas dès que j’en ai eu l’occasion ou presque. Ça fait des années que je vis seule. Ici ou à Los Angeles, c’est la même chose. Bien sûr ma famille me manque parfois, mes nièces surtout mais quand le manque se fait un peu trop ressentir, je vais passer quelques jours là-bas. »

Il ne fallait juste pas que ça soit trop fréquent, dans le doute. Vesper a beau avoir certaines rancœurs vis-à-vis de sa famille, la dernière chose qu’elle souhaite, c’est de les mettre en danger. Et puis elle n’est plus si seule que ça, elle a trouvé quelqu’un sur qui se reposer, maintenant. Quelqu’un capable de lui changer les idées lorsqu’elle a le mal du pays. Quoi qu’il en soit, la réflexion de son amie ne fait qu’étirer son sourire davantage.

« C’est gentil de dire ça. Et je peux facilement te retourner le compliment. »

Max a peut-être une piètre descente en ce qui la concerne, mais ça n’en est pas moins vrai, du reste, parce qu’elle se soucie des autres. Une qualité qui fait cruellement défaut à bien des gens et qu’elle a l’air de rechercher dans son entourage. Peut-être parce que ce n’est pas spécialement son fort non plus, après tout. La dernière remarque de la blonde la fait carrément rire.

« Ah, ça c’est le Texas : l’héritage des cow-boys. »

Voilà qui ferait un super titre pour un film. Même si le sujet n’est pas des plus passionnants en revanche. La texane se relève une fois qu’elle a terminé et aide son amie à en faire autant avant de la soutenir jusqu’au canapé ; elle voit bien que Max est crevée, qu’elle lutte mais qu’elle a besoin de repos. Elle attend sagement qu’elle prenne place pour la recouvrir d’un plaid histoire qu’elle ne prenne pas froid et qu’elle se sente suffisamment à l’aise.
« Repose-toi bien, si jamais t’as besoin de quoi que ce soit, n’hésites pas. »
Puis elle éteint la lumière et monte se coucher à son tour.