There through the highs and the lows (+) Max & Liam

Les sourcils légèrement froncés, Liam relit le texto de Maxyne. Il n’est pas sûr d’avoir bien compris ce qui se passe, mais ce qu’il devine, c’est qu’elle est bouleversée. Il l’a côtoyée pendant suffisamment longtemps pour s’en rendre compte, même à travers l’écran d’un téléphone et même s’il est loin d’être le plus doué avec les sentiments d’autrui. Mais Maxyne ne s’explique pas spécialement, demandant seulement à le voir, en urgence s’il a bien compris. Alors il lui répond par texto en lui donnant rendez-vous après ses horaires de travail. Il finit à dix-sept heures aujourd’hui. C’est sûr que ça lui change de son habituel programme au restaurant dans lequel il a travaillé à Wellington quasiment depuis son retour au pays. Maintenant, il bosse pour Luana, à la pâtisserie. Même si c’est lié, Liam le ressent plus ou moins comme une sorte de reconversion ou, en tout cas, de changement de direction professionnel. Il n’a jamais travaillé exclusivement sur le sucré. Bien sûr, à l’école, il a appris les bases de la pâtisserie et il sait faire beaucoup de desserts. Il en rate parfois quand il s’amuse à créer des recettes, mais s’il en suit une en particulier sur Internet, il est très rare que ce ne soit pas une réussite. Néanmoins, ce n’est pas son domaine de spécialisation et, s’il a eu l’occasion de travailler ça en Europe, c’est la première fois qu’il se lance entièrement dans la pâtisserie. Pour lui, il y a une différence entre bien savoir faire des pâtisseries et être un excellent professionnel. Alors pour l’instant, il est l’apprenti de Luana. Et jusque-là, ça lui plaît. Il apprend beaucoup de choses : comme pour le reste, c’est tout un art.

Surtout, le jeune homme est content de commencer enfin à travailler en accord avec ses principes. Pour lui, c’est définitivement une chose importante, quelque chose qui l’aide à se sentir encore mieux dans sa tête et cohérent avec lui-même. Il n’a que trop tardé à le faire, pour des raisons plus financières qu’autre chose. Maintenant que le mariage est passé, Liam peut se concentrer sur des projets plus personnels et il est ravi d’être avec Luana. Il l’aide à développer une gamme végétalienne pour sa pâtisserie et c’est ce qui l’enthousiasme le plus dans son nouveau travail. Il y met beaucoup de coeur et, même si les essais ne sont pas toujours concluants du premier coup, il croit dur comme fer aux retours positifs des clients concernés. C’est donc un plaisir pour lui de travailler. Néanmoins, il est quand même content quand sa journée se termine et, après avoir lancé une dernière plaisanterie à l’adresse de Luana, il se dirige vers la boutique. C’est là qu’il a donné rendez-vous à Maxyne, qui est déjà là. « Salut Blondie. » Il s’approche pour l’étreindre brièvement. « Qu’est-ce qui te ferait plaisir dans la vitrine ? Je te l’offre. » Il attend qu’elle le lui dise pour la servir. « Je suis désolé de pas t’accompagner, mais je me suis plus ou moins goinfré toute la journée. » Il s’assoit en face d’elle. « Tu vas bien ? »

Le choc avait été plus rude qu’elle ne l’avait pensé. Maxyne avait besoin d’en parler à la seule personne susceptible de comprendre ce qui se passait. Elle avait donc envoyé un message à Liam pour le voir. Intrigué, il l’invita à le rejoindre à la fin de sa journée de travail. De son côté, la nageuse se rendit au centre nautique pour bosser à l’accueil. Depuis qu’elle s’était blessée à l’épaule, elle ne partait plus en excursion de plongée, une nouvelle routine qui durerait les prochains mois. Heureusement, Max avait réussi à terminer son déménagement avec l’aide de Teddy juste avant cette blessure. A moins que ce déménagement, ajouté à ses plongées et à la fatigue accumulée par son corps, l’ait achevée. L’esprit ailleurs, Max rencontra des difficultés à se concentrer. Chargée, la journée passa pourtant à une vitesse folle. Malgré l’approche de la basse saison, le centre recevait de nombreux appels pour des réservations ou des annulations de dernière minute.

A la fin de la journée, Max prit le chemin de la pâtisserie pour retrouver Liam. Les deux amis se connaissaient depuis leur enfance, ils avaient fait partie de la même bande. Le départ du cuisinier en Europe avait inévitablement instauré une distance entre eux pendant ces années-là mais ils avaient tout de même réussi à garder contact. Quand Liam était revenu à Island Bay, leur amitié avait repris où elle s’était arrêtée. Max ne pouvait pas en dire autant pour tout le monde. Arrivant dans la pâtisserie, le regard de la jeune femme s’attarda un instant sur les délicieuses gourmandises en vitrine. Tout un art. Liam et Luana avaient de l’or entre les mains. Elle entra à l’intérieur et attendit l’arrivée de son ami. Lorsqu’elle le vit, Max le salua de ce petit surnom affectueux dont elle l’affublait tout le temps. « Salut mon petit chaaat ! » La jeune femme lui rendit son étreinte et observa ensuite les pâtisseries. Vu la boule qu’elle avait dans le ventre, Max n’était pas certaine d’y faire honneur mais elle n’avait rien avalé aujourd’hui alors ce n’était peut-être pas une mauvaise idée pour éviter une chute de tension. Elle choisit une part de Lamington, ce petit gâteau typique de Nouvelle-Zélande, enrobé de framboise et de noix de coco râpée. « Merci. »

Les deux amis s’installèrent ensuite à une des tables de la boutique. « Oh, je comprends. Tu dois passer ta journée à goûter toutes les bonnes choses que tu fais. Quelle torture ! » Le taquina-t-elle gentiment. Liam lui demanda ensuite si elle allait bien. « Ça va, j’ai enfin déménagé de l’ancien appart’ et je n’ai plus mon gros lourd de propriétaire sur le dos. » Expliqua-t-elle en riant. « Même si j’ai connu mieux… Je me suis blessée à l’épaule l’autre jour, donc je ne peux plus nager pour le moment. Enfin, le gérant du centre a été cool, on m’a mise à l’accueil. » Résuma-t-elle, les dernières nouvelles. « Et toi alors, tout se passe bien avec Luana ? » Maxyne lui retournait la question tout en goûtant à la pâtisserie. Elle avala la bouchée difficilement mais apprécia tout de même le goût de la délicieuse pâtisserie. « Mmm, c’est une tuerie ! Pas trop dur de reprendre après ton beau voyage ? » Le fameux voyage de noces. Bien sûr, Liam lui avait envoyé des photos durant son séjour mais Max espérait qu’il lui partagerait quelques anecdotes avant de rentrer dans le vif du sujet qui l’avait poussée à le voir dès que possible.

Entendre le surnom dont il était déjà affublé quand il était adolescent fait sourire Liam. « Dis, est-ce que quand j’aurai quarante ans et des enfants, tu m’appelleras toujours petit chat ? » Il ne serait pas tellement étonnée qu’elle lui dise oui. Après tout, c’est affectueux. Dans la bande d’amis qu’ils formaient à l’époque, il était le plus jeune, ça s’accompagne forcément de ce genre de privilèges. Mais bizarrement, il était aussi le contrepoids, le plus diplomate au milieu des crises traversées ensemble. Aujourd’hui, cette époque remonte à environ dix ans. Pourtant, Liam s’en souvient plutôt bien, même si de l’eau a coulé sous les ponts depuis, même s’ils ne se sont pas vus pendant longtemps, même si certains ont totalement rompu le contact. Il y a sûrement des choses qui ne s’oublient pas, peu importe à quel point on avance dans la vie. Lui, en tout cas, a fait du chemin dans le sens où il a suivi des formations en Europe, a appris beaucoup de choses de la vie au cours de ses péripéties, a perdu des êtres chers, s’est marié et s’est reconverti professionnellement… Mais en présence de Maxyne, Liam a un peu l’impression de redevenir l’adolescent qu’il a été. Les choses n’ont pas tellement changé entre eux, comme s’ils se sont quitté la veille alors que huit ans se sont écoulés. La preuve, c’est qu’ils continuent à rire ensemble comme quand ils étaient plus jeunes. « Mais arrête, la torture, c’est quand je vais à la salle de sport après m’être enfilé tout ce sucre. Sinon, on va croire que c’est le mariage qui me fait grossir alors qu’en fait, c’est juste tombé en même temps que ma reconversion. »

Pour l’instant, la blonde n’aborde pas encore le sujet évoqué plus tôt par textos, ils échangent plutôt des nouvelles. « Oh, c’est cool que tu aies déménagé. Tu es où, du coup ? » Malheureusement, il n’y a pas que de bonnes nouvelles. « Tu dois t’ennuyer un peu à l’accueil… Surtout que ça doit être la torture pour toi de ne pas nager, même si l’hiver approche. Jusqu’à quand le médecin t’a donné pour reprendre tes activités normales ? » Il connaît suffisamment son amie pour savoir qu’elle est une véritable pile électrique et que sa passion tient une place importante dans sa vie. Ils ont tous les deux de la chance d’avoir pu en faire leur métier. « Oui, mon ancien boss était un peu un tyran, alors Lulu est un ange à côté. Elle voudrait développer une gamme vegan alors en ce moment, je suis beaucoup en phase d’expérimentations. Même si j’en ai fait à l’école et en Europe, la pâtisserie n’est pas ma formation principale, c’est pour ça que je parle de reconversion. C’est très différent de la cuisine classique, je trouve que les dosages sont encore plus précis et pour trouver la recette idéale, il faut souvent plusieurs essais. » Oui, lui aussi est très impliqué. « Non, je dirais pas que c’est trop dur. Bon, comme chaque retour à la réalité, c’est pas le plus agréable, mais… J’ai déjà les trajets jusqu’à Wellington en moins à faire, ça me fait gagner du temps. Et ici, je travaille plus en accord avec mes principes. Mais c’est sûr que si je pouvais retourner en voyage bientôt, je le ferai. Avoue que je te manquerais quand même un peu. »

« Toujours, tu sais bien. » Pour rien au monde, Maxyne ne changerait de surnom. Liam était l’ami le plus adorable de leur bande, celui qui n’avait jamais créé d’histoires et qui traçait sa route le plus sereinement. Quand elle l’avait retrouvé plusieurs mois auparavant, il était redevenu un des piliers de sa vie. Les deux amis ne s’étaient jamais complètement perdus de vue mais la distance avait rendu les contacts plus difficiles à maintenir durant des années. Aujourd’hui, Liam avait récupéré une place stable dans la vie de Max. Et elle en avait bien besoin alors que son frère vivait à l’autre bout du monde et qu’elle ne réussissait plus à le joindre tout le temps en raison du décalage horaire important. Avant de rentrer dans le vif du sujet qu’elle voulait aborder, la blonde taquina Liam sur son pêché mignon : la gourmandise. Il se plaignait surtout des longues séances de sport qu’il devait se taper ensuite à la salle. « Tu as peur de devenir ce mari bedonnant avant l’heure ? » Pouffa-t-elle de plus belle. Depuis qu’elle n’était plus une sportive de haut-niveau, Max s’autorisait plus de libertés alimentaires. En tant que nageuse professionnelle, elle avait longtemps suivi un régime strict mais l’arrêt de sa carrière avait aussi été un adieu aux restrictions en tout genre par rapport à la nourriture, à l’alcool ou à d’autres choses. Même si elle mangeait davantage, Max ne prenait pas un gramme car elle restait très active grâce aux plongées ou aux séances de sport diverses. Pour elle, ce n’était pas de la torture, juste son travail au quotidien. Le sport était pratiquement une addiction pour elle. « Tant que tu gardes ces petites joues potelées... » Celles qui lui donnaient ses expressions joueuses et espiègles qu’il arborait à l’adolescence. Max pinça affectueusement la joue de Liam, elle le taquinait encore et toujours. « On peut retourner courir ensemble à l’occasion. » Par le passé, ils se motivaient l’un et l’autre. La nageuse pourrait soutenir Liam moralement dans ses ‘‘tortures’’. « Parce que ce sera difficile pour toi de résister à toutes ces tentations. » La blonde indiqua d’un signe de tête les pâtisseries de la vitrine, tout en dégustant la sienne.

Max lui parla ensuite de son déménagement récent. « A West Bay. J’ai déjà rencontré des voisins, on parle d’instaurer une forme de comité de quartier pour organiser des activités. C’est plutôt cool comme ambiance. » En revanche, tout n’était pas rose pour le moment, à l’image de sa blessure à l’épaule. « C’est sûr… Mais bon, je fais contre mauvaise fortune bon cœur, en me disant que c’est tombé au moins pire moment de l’année avec l’arrivée de l’hiver oui. Je pourrai reprendre dans deux mois, en attendant je dois faire de la rééducation. » Max s’enquit ensuite des dernières nouvelles concernant Liam. Il était heureux d’avoir quitté son ancien patron tyrannique et d’avoir trouvé la douceur auprès de Luana. Elle projetait de sortir une gamme de desserts vegan, un projet sur lequel Liam expérimentait. A la base, il était cuisinier mais ce nouveau travail lui changeait d’avant car la pâtisserie représentait une branche à part dans le milieu de la restauration. « Oui, Luana a l’air plutôt cool, j’étais déjà venue acheter des pâtisseries ici. Et c’est sûr que c’est tout un art ce que vous faites. C’est une aventure aussi d’élaborer des desserts vegan, il faut trouver des alternatives aux composants traditionnels. Quelle est ta spécialité à toi ? » Tous les cuisiniers ou chefs pâtissiers avaient un dessert qu’ils maitrisaient bien ou qu’ils prenaient particulièrement plaisir à réaliser. En travaillant chez Luana, Liam avait aussi gagné sur les trajets et il prestait des horaires moins décalés qu’en horeca en plus de bosser dans un endroit plus en accord avec ses valeurs. « En même temps, j’ai rarement rencontré des gens qui préféraient travailler plutôt que voyager… Avoue que toi tu essaies de me le faire dire. » Certes, il lui manquerait mais le cuisinier était parti vivre des années en Europe alors elle survivrait s’il s’absentait deux ou trois semaines pour un voyage. « Si je voulais absolument te voir, c’est parce que je devais te parler d’autre chose aussi. » Après avoir pris des nouvelles, Max en venait enfin au fait. Heureusement, Liam était bien assis sur sa chaise. « Je ne sais pas si tu es déjà au courant mais si tu l’étais, tu me l’aurais déjà dit, je pense… » Elle s’apprêtait à lâcher une petite bombe, sachant l’importance que cette nouvelle signifiait pour eux… et surtout que le principal concerné n’avait daigné prévenir aucun de ses proches de son retour. « Chance est rentré, Liam. L’armée, c’est fini. Il est revenu à Island Bay. » Chance qui ne leur avait plus donné de nouvelles depuis dix ans, qui avait lui aussi fait partie de leur bande, avait été un pilier pour elle, un grand frère pour le Millstone. Avant de parler des circonstances de leurs retrouvailles, Max guettait la réaction du cuisinier.

Comme il est le plus jeune de la bande qu’ils formaient tous ensemble auparavant, Liam a parfois eu l’impression d’être traité un peu comme un gamin. Mais ce n’était pas dans le mauvais sens du terme, plutôt un sentiment d’être chouchouté notamment par Maxyne - exactement comme à la maison parce qu’il est le benjamin de la famille. Et c’est un peu ça que Liam retrouve aujourd’hui, parce que malgré les années écoulées et les événements qui se sont produits entre-temps, la blonde n’a pas tellement changé de comportement à son égard. D’ailleurs, lui aussi est plus ou moins pareil avec elle. Et ça lui donne pleinement l’occasion d’expérimenter le fait qu’en effet, le temps n’a pas vraiment de prise sur certaines amitiés. On ne peut pas se revoir pendant des années et, quand c’est finalement le cas, on dirait que tout est exactement comme avant, comme si on s’est quitté la veille. Ceci dit, il y a quand même des choses qui ne sont plus pareilles, par exemple Liam est obligé de faire plus de sport alors qu’il a beaucoup moins de temps à sa disposition qu’à l’adolescence. « Le cliché de l’homme qui se laisse aller après son mariage me fait un peu peur, j’avoue. Maintenant, si on peut laisser de côté mes joues potelées et passer à autre chose… » Il fait semblant d’être vexé. En réalité, son poids est loin d’être une obsession chez lui, comme c’est le cas de la plupart des femmes. Mais il aime s’entraîner, même si c’est plus difficile quand il ne se nourrit pas avec de bons aliments. « Ce serait avec plaisir pour le jogging avec toi. Enfin, plaisir, tu as compris ce que je voulais dire… C’est toujours mieux après, bien sûr. »

Le jeune homme prend des nouvelles de son amie, qui évoque son déménagement. « Ah oui, carrément ? Quel genre d’activités alors ? » Il n’a aucune idée si un tel comité existe dans son propre quartier. Lily, elle, doit être au courant. « J’espère que tu te feras des amis dans le voisinage immédiat. Ce serait bien que tu puisses compter sur quelqu’un de physiquement proche en cas de pépin. » Parce que oui, à l’heure du féminisme, on continue de s’inquiéter pour celles qui vivent toutes seules comme des grandes. Mais Maxyne, elle, s’intéresse surtout à lui et à son nouveau travail. Elle a toujours été comme ça, faisant passer les besoins des autres avant les siens, s’intéressant à ses proches en leur montrant à quel point ils sont importants à ses yeux. « Les cookies ! Avant de travailler ici, je pense pas exagérer en disant que j’avais déjà testé une trentaine de recettes à la maison. Un peu de tout, les classiques aux pépites de chocolat, les breakfast cookies aux flocons d’avoine et à la banane, ou façon banana bread, triple chocolat décadent, plutôt healthy avec du beurre d’amandes et de la poudre d’amandes… Enfin bon, si tu fais un tour à la maison, tu pourras toujours passer commande. » Mais si la trentenaire est ici, ce n’est bien évidemment pas pour parler de cookies. Elle finit par aborder le sujet dont elle voulait lui parler et, quand l’annonce tombe, Liam regarde ses mains  sur la table pendant un moment. « Très bien, très bien… » Il joue avec ses pouces, tentant d’assimiler ce qu’il vient d’entendre. « Tu l’as vu ? Est-ce que… Est-ce qu’il a pris contact avec toi ? » Parce qu’avec lui, non. La surprise est totale. Ça fait une éternité qu’il n’a plus entendu ce prénom. « Tu sais s’il est rentré pour de bon ? »

Le mariage. Voilà bien une chose à laquelle Maxyne ne songeait pas du tout présentement. Par contre, Liam n’avait pas hésité à sauter le pas en demandant la main de son amoureuse. Il était sûr et certain de vouloir passer sa vie aux côtés de la même femme, ce qui démontrait une maturité de la part du plus jeune de leur bande d’amis. Il n’avait pas redouté d’affronter ses sentiments. Encore fallait-il trouver la bonne personne pour oser se jeter dans le vide. Lorsqu’il évoqua le dur labeur des séances de sport dans le but de perdre les kilos superflus, Max lui proposa d’aller courir ensemble. Elle n’était pas coach sportive mais elle pourrait le soutenir moralement. « Oui, c’est à peu près la seule chose que je peux faire comme activité physique en ce moment. » En faisant du jogging prudemment, elle éviterait sans peine les mauvais mouvements de l’épaule. Liam s’enquit ensuite de ses nouvelles et la blonde l’informa de son déménagement. Parmi les animations à West Bay, elle mentionna l’éclosion d’un potentiel comité de quartiers. « Des fêtes entre voisins, des événements de quartier ou pourquoi pas des soirées à thème. » Max n’aborda pas dans le détail toutes les idées qui avaient été évoquées mais l’une d’elle avait particulièrement séduit le voisinage. « Oh, tous les quartiers sont proches l’un de l’autre à Island Bay. Mais oui, tu me connais, je n’ai aucun mal à m’intégrer en général. » La nageuse avait rencontré des ennuis avec son voisin du dessous mais chaque problème trouvait sa solution. De plus, Max était une personne sociable et amusante, alors du moment que ses voisins n’étaient pas des personnes âgées qui dormaient tôt ou des rabat-joie qui détestaient les fêtes, elle ne se mettrait personne à dos pour tapage nocturne. De toute façon, elle s’était montrée plus calme qu’à l’accoutumée dernièrement.

La conversation dévia ensuite sur la nouvelle activité de Liam. Il prenait sa formation très à cœur et s’investissait à fond dans le projet. Il l’informa de sa spécialité : les cookies. Il lui énuméra d’ailleurs une liste complète de toutes les formes sous lesquelles il les détournait. « Les breakfast cookies doivent être trooooop bons ! » Max se forçait parfois à prendre un petit-déjeuner quand elle partait une journée complète en excursion de plongée sinon elle sautait généralement le premier repas du matin. Face à son enthousiasme, Liam lui proposa de passer commande à l’occasion. « Je n’y manquerai pas. » Après avoir pris des nouvelles, elle rentra enfin dans le vif du sujet, autrement dit la raison de sa visite. Chance était rentré. Ce retour l’avait ébranlée. Visiblement, Liam non plus n’était pas au courant. Il lui fallut aussi un temps pour digérer l’information. « Oui, je l'ai revu. Et non, il ne m’avait pas prévenue non plus. C’est sa sœur qui m’a appelée pour me le dire. Elle était dans tous ses états. Je ne comptais pas reprendre contact ou le revoir tant qu’il ne se manifestait pas mais ses parents m’ont un peu piégée… Ils m’ont invité chez eux pour que je tombe sur lui. Lui non plus ne le savait pas. » Expliqua-t-elle brièvement. « Il m’a dit que l’armée, c’était fini pour lui… Mais je ne sais pas ce qu'il attend de nous. D’un côté, il a dit qu'il voulait qu'on se retrouve et d’un autre, je me demande ce qu’il aurait fait si ses parents n’avaient pas provoqué les choses. Il a l’air… différent. Je suppose que c’est ce qui arrive quand on est confronté à des choses horribles. » Max ne donnerait pas tous les détails de leur discussion, cependant ces retrouvailles s’étaient terminées mi-figue, mi-raisin pour elle. « Je suis contente qu'il soit rentré, soulagée qu’il soit en vie surtout. Mais il est resté si longtemps sans donner de nouvelles... Ce n’est pas possible que tout redevienne comme avant en un claquement de doigts. Pas après tout ce qui s’est passé de notre côté aussi. » Elle pensait notamment à l'histoire entre Hans et elle. « Qu'est-ce que tu en penses ? »



« Lily fait régulièrement du jogging, elle aussi serait sûrement contente d’avoir un peu de compagnie. » Liam ne dirait pas qu’il aime courir, il préfère aller en salle surtout que les températures chutent, mais c’est une option. Ce serait aussi une occasion de voir Maxyne parce que, entre leurs emplois du temps respectifs chargés, ce n’est pas si souvent que ça arrive. Toutefois, même si elle ne voit plus ses vieux amis comme avant, le jeune homme ne doute pas du fait que la nageuse a beaucoup d’autres relations. En effet, selon ses propres dires, elle n’a aucun mal à s’intégrer. Liam hoche la tête en signe d’assentiment. « Et ça se comprend, tu es abordable, souriante et gentille. C’est normal que tout le monde ait envie d’être ton ami. » En tout cas, c’est sincèrement ce qu’il pense. La blonde a beaucoup de qualités qui rendent sa personnalité attirante et c’est peut-être une des raisons pour lesquelles il a été si facile de renouer avec elle. Ils parlent avec légèreté de sujets aussi variés que le sport et la nourriture. « Oui, mais je t’avoue que j’ai un penchant pour les cookies américains classiques. Ceux réservés au petit-déjeuner sont généralement plus sains… Et donc parfaits avant une séance de sport ou une journée de travail justement. » Il ne faut pas le lancer sur ce genre de sujet parce qu’il devient vite intarissable quand il s’agit de parler de ce qui est comestible.

Néanmoins, leur sujet central de conversation n’a absolument rien à voir avec la nourriture. Maxyne vient d’apprendre à Liam que Chance, un de leurs vieux meilleurs amis, est de retour en ville. Passant à travers différents stades d’émotions, Liam tente de se concentrer sur ce que son amie lui dit. Et il ne sait pas très bien quoi dire, peut-être précisément parce que ça le prend de court. Alors il pose la première question qui lui vient à l’esprit. « Comment va Lorelei ? » La nouvelle a dû énorme pour elle comme pour leurs parents. « Ils ont bien fait de t’appeler… J’imagine. » Tout en écoutant Max, le Millstone esquisse une légère grimace. « Oui… Probablement. Je n’ai jamais vraiment fréquenté d’anciens militaires, mais ce qu’on dit à leur sujet doit être vrai. Les horreurs de la guerre marquent forcément quelqu’un à vie. » Et quand il y pense, il sent une émotion différente grandir en lui et il comprend que c’est de la compassion. Mais est-ce que ça s’arrête là ? « Moi aussi, je suis content qu’il soit rentré sain et sauf. Mais si tu ne sais pas… Si on ne sait pas ce qu’il attend de nous, peut-être qu’on devrait juste lui laisser du temps ? J’en sais rien, on s’est pas causé pendant dix ans alors ça peut sûrement attendre encore un peu. » Du moins, c’est son point de vue, mais il pense que son amie ne le partage pas. « C’est une bonne question… Je t’ai pas non plus donné beaucoup de nouvelles, même si je n’ai pas totalement disparu de la circulation en laissant les gens s’inquiéter pour moi dans un contexte dangereux… Mais ce que je veux dire, c’est qu’on ne s’est pas vus pendant longtemps, toi et moi… Pourtant c’est vite redevenu comme avant entre nous, non ? » Il hausse légèrement les épaules, un peu désabusé. « Peut-être que ça peut redevenir comme avant, peut-être pas. Mais qu’est-ce que toi tu veux ? Est-ce que tu veux qu’il continue à mener sa vie de son côté, ou est-ce que tu veux renouer avec lui ? » Il baisse un peu la voix, comme s’il appréhendait ce qu’elle a à dire. « Est-ce qu’il s’est genre… Excusé ? »

« Oui bien sûr, j’adorerai aussi. » Répondit Maxyne lorsque Liam lui confia que Lily aimerait sûrement avoir de la compagnie pour courir. La nageuse ne la connaissait pas énormément, hormis qu’elle était la femme de son ami d’enfance mais les fois où elles s’étaient croisées, le courant était bien passé. Max parla ensuite de son emménagement récent dans un nouveau quartier d’Island Bay et de la façon dont elle avait déjà réussi à nouer des relations avec des voisins. Pas toujours très bonnes cependant mais elle se garda bien de le préciser à Liam. « Merci. Tu vas me faire rougir avec tous ces compliments. » Le cuistot dressait d’elle un portrait flatteur, peut-être un poil idéalisé car la jeune femme avait son petit caractère et se prenait souvent la tête avec des gens aussi. Elle s’intéressa ensuite aux progrès de Liam auprès de Luana et à sa spécialité à lui : les cookies. « Eh bien voilà un programme pour notre prochaine journée ensemble. Cookies le matin, séance de sport ou jogging et détente ensuite. » Lança-t-elle en souriant. Toutefois, son sourire disparut lorsqu’elle aborda enfin le sujet qui la préoccupait : le retour de Chance.

Max essaya de déchiffrer les émotions qui traversèrent Liam mais il resta relativement réservé alors qu’un tumulte devait le traverser à cet instant précis. Elle venait de lui annoncer une petite bombe, celle que leur meilleur ami, qui ne leur avait plus donné signe de vie depuis des années, était bel et bien rentré. D’une part, ce retour représentait un soulagement et surtout la certitude qu’il était sain et sauf même si l’armée n’aurait pas manqué d’avertir sa famille en cas de mauvaise nouvelle. D’un autre, Maxyne ne savait pas trop comment réagir après leurs retrouvailles en demi-teinte. Ils s’étaient toujours beaucoup aimés mais il lui faudrait clairement du temps pour que tout redevienne comme avant. Après un long silence, les pensées de Liam se tournèrent d’abord vers la sœur de Chance. « Pas très bien. Elle est secouée. » Elle voulut retourner la question à son ami mais il avait déjà repris la parole et considérait que les parents avaient bien fait d’organiser ces retrouvailles à leur insu. Il supposait lui aussi que Chance était revenu marqué par son temps passé dans l’armée. « Oui, je pense qu’il a traversé des moments difficiles. » Cependant, Maxyne ne donna pas d’autres détails sur ce que son ancien meilleur ami lui avait confié, respectant la promesse qu’elle lui avait donnée. Liam lui partagea finalement son ressenti. Il était content aussi que Chance soit rentré et lui conseilla de donner le temps au militaire de se poser ou de revenir vers eux. Max s’était en effet laissée submerger par des émotions contradictoires, lui balançant ses quatre vérités sous le coup de la colère dès qu’elle l’avait vu sans attendre d’explication. Mais l’incompréhension et la tristesse n’étaient pas des sentiments si faciles à contrôler, d’autant plus pour une personne qui avait autant compté. « Je suppose que tu as raison, oui. » Ils auraient tous besoin de temps, Chance en particulier. Comme Max l’avait dit au militaire, ils verraient comment la situation évoluerait entre eux lors de leurs prochaines rencontres. Ils avaient prévu d’essayer de renouer petit à petit.

Liam comprenait plus facilement la situation de leur ami dans le sens où lui aussi était parti longtemps et n’avait pas donné beaucoup de nouvelles non plus. Mais comme il le résuma très bien, il n’avait pas soudainement arrêté de donner signe de vie à son entourage en les laissant mourir d’inquiétude et surtout sans un mot d’explication. Sept longues années de silence. « La situation est totalement différente. Comme tu le dis, les contacts n’ont pas complètement cessés et nous nous sommes revus entretemps aussi. Je n'avais aucune raison de t'en vouloir non plus. » Maxyne n’arrivait pas à s’exprimer facilement sur le sujet mais le lien qui a liait à Chance était particulièrement complexe et à part. Dans la bande, elle avait toujours été très proche de lui. Ils avaient partagé des choses qui leur étaient propres. Et aussi Liam et elle n’avaient pas cessé de se parler malgré la distance. Tout était revenu rapidement à la normale entre eux parce qu’elle n’était pas fâchée contre lui et qu’il avait un caractère très facile à vivre. Entre Chance et Max, ça faisait parfois des étincelles. Toujours celui qui était le plus optimiste de la bande, Liam abordait l’avenir positivement par rapport aux retrouvailles de ses deux amis. « On s'est un peu embrouillés... Puis, je lui ai dit que j’étais d’accord d’essayer. De retrouver ce qu’on avait avant. Et oui, il s’est confondu en excuses et a exprimé le besoin de nous avoir dans sa vie… Malgré qu’il soit longtemps resté en dehors de la nôtre. Il aimerait laisser le passé derrière et aller de l’avant. » Max ne savait pas pourquoi Chance n’avait pas encore recontacté Liam après l’avoir vue mais il avait peut-être besoin de plus de temps. Leur rencontre à eux avait été provoquée par les parents O’Brien, ce qui était différent aussi.

« Tu les mérites. » Ces compliments sont adressés à Maxyne de bon coeur. Elle a toujours été une femme importante dans la vie de Liam, même s’il ne l’a pas suffisamment montré quand ils étaient physiquement éloignés. Mais maintenant qu’ils se retrouvent à nouveau dans leur petite bourgade, ils peuvent faire des plans ensemble, qu’il s’agisse de sport ou de nourriture - parfois les deux en même temps. « Ce n’est pas un programme très classique, mais tu n’es pas quelqu’un de banal alors c’est sûrement normal. » Néanmoins, s’ils ont tous les deux renoué depuis plusieurs mois déjà, il n’en est pas le cas de tous les membres de leur ancienne bande - et pour cause. L’un d’entre eux vient tout juste de revenir et, inévitablement, ce sera leur sujet de conversation et éventuellement de préoccupation pendant encore un petit moment et c’est bien normal. Si le jeune homme se sent déboussolé à l’instant précis, il se doute bien que c’est encore pire pour d’autres et c’est pour ça qu’il demande des nouvelles de la soeur de Chance. Quand la blonde expliqua que Lorelei était secouée, Liam hocha la tête en signe d’assentiment. « J’imagine… Et toi, comment tu vas ? » Parce que oui, il se soucie d’elle, forcément. Il n’a pas été tant surpris que ça par leur facilité à reprendre contact, parce que c’était un peu évident. Mais il peut aussi comprendre qu’il n’en soit pas tout à fait de même pour leur ancien acolyte. « Oui, je vois ce que tu veux dire. Je donnais quand même des nouvelles, même si c’était rare. Et surtout, tu ne craignais pas pour ma vie et ma sécurité… » Cependant, le cuisinier se doute qu’il y a aussi autre chose, même si Maxyne ne le lui dira pas forcément à haute voix. « Et puis il y a sûrement aussi le fait que tu étais encore plus proche de Chance que le reste d’entre nous… Je veux dire, tes sentiments sont encore plus impliqués, c’est normal. » Tout comme il peut être normal que dans un groupe de six personnes, certaines affinités se développent plus avec certains qu’avec d’autres. Alors forcément, si on se sent délaissé ou trahi, c’est encore pire. Liam n’est donc pas tellement étonné d’entendre que Maxyne et Chance se sont un peu embrouillés au début. Ils ont chacun leur caractère et, avec un pincement de nostalgie, le Millstone se souvient qu’il a toujours été le contrepoids de la bande à l’époque où elle existait. Mais au final, ils étaient tous trop attachés l’un à l’autre pour se faire la tête bien longtemps. Est-ce que ce sera encore le cas aujourd’hui, quand les sujets des prises de bec sont plus grave que ceux de leur adolescence ? Quelque part, il l’espère. Et ce que dit la nageuse va tout à fait dans ce sens, la fin est porteuse d’un beau message. « Je pense que tu y arriveras. Tes qualités t’y aideront et… Enfin, vous êtes tous les deux de belles personnes. » C’est un soulagement pour Liam de savoir que l’ancien militaire s’est excusé et voudrait faire à nouveau partie de leur vie. Que l’envie soit présente, c’est déjà ça, non ? « Mais est-ce qu’il a seulement parlé pour toi ou… Est-ce que c’est valable pour moi aussi ? Je veux dire… Tu crois que s’il ne cherche pas à me contacter pour l’instant, ça veut quand même dire qu’il veut qu’on retrouve notre amitié ? » Alors qu’il réalise ce qu’il vient de demander, il secoue la tête en signe de dénégation, avant de lui faire un sourire d’excuses. « Je suis désolé, je devrais pas ramener ça à moi. C’est juste que… Je suis un peu perturbé, tu vois. »

Passé le moment de rigolade, Max annonça la nouvelle du retour de Chance à Liam. Il accusa le coup puis demanda comment Lorelei avait pris la nouvelle et s’enquit ensuite de l’état de la nageuse. Le retour surprise du militaire l’avait profondément bouleversée, ce qui expliquait les tensions qui en avaient découlé entre eux. Les tensions et le début de réconciliation. « Oui ça va… Je crois. Et toi alors ? C’est moi qui te l’apprends. » Elle se rendait compte qu’elle lui avait balancé la nouvelle sans filtre et qu’elle avait directement enchaîné en racontant leurs retrouvailles sans s’être inquiétée de l’impact de ce retour sur le ressenti de Liam. Max avait eu besoin d’en parler à la personne dans cette ville qui connaissait bien Chance en dehors de sa famille. Adorable, le pâtissier l’avait patiemment écoutée parce qu’il se souciait toujours des autres. D’ailleurs, Max se rendit compte de la maladresse de ses mots quand il lui expliqua qu’il comprenait sa réaction vis-à-vis du militaire à cause de ses craintes pour lui ou des sentiments fusionnels qui les avaient liés. Elle voulait éclaircir un point important. « Tu as raison quand tu dis que je ne ressentais pas la même inquiétude mais parce que je pouvais t’appeler quand je voulais, tu répondais ou tu me recontactais dès que tu avais deux minutes. Tu étais joignable et tu n’as pas disparu. Je savais où tu étais, ce que tu faisais. Ce qui ne m’empêchait pas de me demander si tout allait bien pour toi. » Par contre, elle n’était pas une menteuse non plus. Oui, elle avait toujours été plus proche et fusionnelle de Chance, parce qu’ils s’étaient aussi connus avant de former toute une bande mais elle n’aimait pas moins Liam pour la cause. « J’étais plus proche de lui mais je n’ai pas moins d’affection pour toi. La façon dont tu le dis le laisserait penser et c’est faux. » Le seul de la bande qu’elle détestait aujourd’hui était son ex pour des raisons bien précises mais elle était restée attachée à tous les autres. Dans la bande, Liam était le pilier médiateur et rassembleur, celui qui les réunissait quand ils se déchiraient. Aujourd’hui encore, il espérait que les deux meilleurs amis parviendraient à s’entendre. Max lui avait résumé les retrouvailles avec Chance, en demi-teinte, mais qui s’étaient finalement terminées sur un début de réconciliation. Malgré tout, la nageuse gardait encore des réticences. C’était encore trop frais. Quand Liam lui lâcha qu’ils étaient tous les deux de belles personnes, Max en fut sincèrement touchée. « C’est toi le meilleur d'entre nous. Et de loin. » Elle ne le disait pas juste pour lui faire plaisir. Il était le plus compréhensif et le plus arrangeant de tous. Le plus optimiste aussi. Celui qui avait le mieux réussi à prendre sa vie en main. Le plus stable. Max pourrait continuer longtemps sur ses qualités. Pour la première fois depuis le début de la discussion, Liam se demanda – légitimement – si les paroles de Chance s’appliquait à lui aussi. Disposant d’informations que le cuisinier n’avait pas entendu, la blonde était persuadée que le militaire le recontacterait quand il serait prêt. « Je pense oui. Ce n’est pas facile de revenir après dix ans. Il a bien vu comment ça s’est passé avec sa famille, avec moi… Mais il voulait tous nous retrouver, peut-être qu’il a besoin d’un peu plus de temps ? » Max n’osait pas trop s’avancer et parler à la place du militaire alors elle répétait juste ce qu’il lui avait dit et supposait le reste. « Tu n’as pas à l’être, voyons ! C’est normal. Je me suis posé les mêmes questions et je comprends tout à fait. Il compte beaucoup pour toi aussi. » La nageuse posa ses mains dans celles de Liam et les serra. Il s’était trompé sur une chose. A l’heure actuelle, c’est en lui qu’elle avait le plus confiance dans leur groupe, en lui qu’elle avait le plus foi. Et elle était convaincue que Chance reviendrait vers lui à un moment ou un autre. Si pas, elle lui en parlerait.

Un peu hésitant, Liam se contente de hausser vaguement les épaules. Comme beaucoup de gens, c’est ce qu’il fait à chaque fois qu’il ne sait pas très bien quoi dire. Et la réalité, c’est qu’il ne sait pas très bien ce qu’il ressent non plus, même si le fait d’en parler à quelqu’un de proche aide assurément à mettre des mots là-dessus. « Oui… J’imagine que ça va aussi. Je suis soulagé qu’il soit rentré sain et sauf. Content de savoir qu’il est dans les parages. Un peu déçu de l’apprendre par quelqu’un d’autre que lui. Et je dirais pas que j’appréhende nos retrouvailles, mais… Disons que c’est un moment à passer. » Oui, tout ça en même temps. Mais Maxyne est probablement la mieux placée pour le comprendre. Et elle ressent sûrement encore plus d’émotions contradictoires que lui. Elle avait développé un lien particulier avec Chance et le pâtissier le reconnaît à haute voix sans problème. Mais il se rend compte qu’il aurait mieux fait de s’exprimer différemment, parce qu’il a l’impression qu’à cause de ce qu’il a dit, la nageuse se sent obligée en quelque sorte de se justifier, ou au moins de la rassurer. Pour tenter d’aller dans ce sens-là aussi, Liam lui adresse un sourire à la fois compréhensif et désolé. « Tu me connais, encore aujourd’hui je ne suis pas doué avec les mots, excuse-moi. Mais ne t’inquiète pas. Je n’ai jamais douté de ton affection, ni même de ton niveau d’affection si on peut dire, pour moi, quand j’étais ici, quand j’étais ailleurs. Ça se voyait que tu pensais à moi. Et moi aussi je pensais à toi, mais je l’ai bien moins montré et maintenant que j’y repense, je trouve que c’est dommage. J’espère que toi, tu n’as jamais douté de mon affection pour toi. Tu étais celle que je venais voir quand j’avais honte de dire ou de demander quelque chose à mes grandes soeurs. Aujourd’hui, je pense que ce serait encore le cas si la situation s’y prêtait. D’ailleurs, j’ai toujours pensé que c’était toi notre leader, celle qui faisait que le groupe restait soudé. » Et quand elle lui fait à son tour un des plus beaux compliments, il est à deux doigts de rougir de plaisir comme l’adolescent de l’époque.

Pourtant, malgré ses déclarations d’amitié sincères, le jeune homme ignore de quoi l’avenir sera fait. Ce qu’il sait, en revanche, c’est qu’il a envie d’y croire. Mais il ne peut pas s’empêcher de poser la question à Maxyne à son sujet. « Oui… Oui, c’est sa famille d’abord et pour le reste, il a sûrement besoin de temps. Je peux comprendre aussi. » Lui-même est capable d’être une véritable autruche, alors est-il possible de reprocher à Chance de vouloir se poser un peu avant de se lancer dans d’éventuelles confrontations ? Non, sûrement pas. Liam s’en rend parfaitement compte, même s’il se pose beaucoup de questions. Il s’estime heureux de pouvoir encore s’ouvrir de ce genre de soucis à quelqu’un qui est à même de le comprendre. La blonde excuse même sans hésiter son accès d’égoïsme. « Oui, il compte beaucoup, peu importe le nombre d’années écoulées. Et j’espère que plus tard, tout ça sera derrière nous. » Il serre à son tour les mains de Maxyne contre les siennes. Il a l’impression qu’elle a un don inné pour ce qui est de manifester de la compassion, surtout envers ceux qu’elle aime. Sa seule présence est quelque chose de rassérénant. « Si un jour, tous les trois, on retrouve une relation aussi naturelle que sereine… Ça me plairait beaucoup qu’on fasse quelque chose dont on avait l’habitude quand on était plus jeunes, ne serait-ce que traîner dans le quartier de Lambton Quay. Tu te souviens, on aimait aller à Wellington parce que c’est plus animé et donc plus intéressant qu’ici pour des adolescents… Ce serait à la fois notre moment de nostalgie et notre moment de retrouvailles. »

Liam ressentait les même émotions qui avaient traversé Maxyne lorsqu’elle avait appris le retour de Chance. Le soulagement qu’il soit revenu sain et sauf, la déception de ne pas l’apprendre par le principal intéressé quand il était rentré. La seule différence était que la nageuse avait aussi éprouvé une colère liée à de l’incompréhension pour toutes les années où il était resté sans leur donner de nouvelles mais ces émotions tumultueuses s’étaient calmées lorsque le militaire lui avait globalement expliqué ses raisons, notamment quand elle avait compris les horreurs qu’il avait traversées et le nombre de fois où il avait failli perdre la vie. Face à la gravité de la situation, le ressentiment de Max avait fondu comme neige au soleil. Même si elle lui en voulait toujours un peu, la nageuse n’était pas un être insensible au point de rester fermée lorsque son ancien meilleur ami lui avait annoncé avoir affronté la faucheuse à maintes reprises et que les traces de ces confrontations se lisaient encore dans la prunelle de ses yeux. Marqué, Chance était revenu changé et meurtri de l’armée. Cependant, Max n’expliquait pas tout ceci à Liam parce que le militaire lui avait demandé de ne pas en parler. Bien qu’il lui était difficile de tenir sa langue face au désarroi du cuisinier, elle ne lui racontait que l’essentiel. De toute façon, il ne paraissait pas en tenir rigueur à Chance, il s’inquiétait surtout de retrouver leur amitié comme avant. Et puis, Liam n’était pas idiot, il devinait que leur ami avait traversé des moments difficiles. Il le comprenait d’autant plus que la vie n’avait pas non plus fait de cadeaux à sa famille, ce qui lui permettait peut-être d’avoir ce recul qui faisait défaut à la blonde. « Oui, ce sera un moment d’émotions à passer. » Maxyne ne lui cachait pas que leurs retrouvailles risquaient d’être particulières tout comme elles l’avaient été pour eux, ne fut-ce que parce qu’ils se reverraient pour la première fois en une dizaine d’années. Même si la force du lien qui unissait Max et Chance n’était un secret pour personne dans la bande, la nageuse ne voulait pas que Liam pense qu’elle était moins attachée à lui pour la cause. Elle pensait que c’est ce qu’il croyait après l’avoir entendu parler mais heureusement il la détrompa rapidement. Liam lui confirma qu’il n’avait jamais douté de son affection pour lui et il espérait que la réciproque soit vraie aussi. Il lui rappela qu’elle était celle qu’il venait toujours voir quand il ne trouvait pas les mots auprès de ses sœurs ou qu’il redoutait de leur raconter une histoire. Il l’avait d’ailleurs toujours vue comme la « meneuse » du groupe, celle qui soudait les troupes. Peut-être que c’était vrai en partie. Max avait probablement un des caractères les plus forts du club des cinq et le fait qu’elle entretienne des contacts réguliers avec tous avaient peut-être aidé à maintenir partiellement les liens. Mais c’était un tout à vrai dire. Chacun tenait sa place particulière, jusqu’à ce que le château de cartes s’écroule. « Ce que tu me dis me va droit au coeur. Je n’ai jamais douté de ton affection non plus. Avec toi, c’est plus facile, parce que je sais que ça ne changera jamais. Je n’ai plus cette certitude absolue vis-à-vis des autres. Je suis toujours restée attachée à Chance, à Dany… Et on pourra sûrement ressouder certains de nos liens. Mais tu sais, comme moi, que nous ne pourrons jamais tous nous retrouver, ce n’est plus possible. L’amitié telle que nous l’avons partagée adolescent n’existe plus. Sauf avec toi. » Son affection pour Chance ne changerait pas non plus mais il lui avait montré qu’il était capable de passer près de dix ans sans lui parler alors… qui sait ce que l’avenir leur réserverait encore. Quant au reste du groupe ; les relations amoureuses meurtries, Hans, l’accident, les rancoeurs. Non. C’était déjà bien que Chance soit revenu et essaie de rattraper le temps perdu. Mais la nageuse ne pourrait pas pardonner tout ce qui s’était passé, en particulier vis-à-vis de son ex. Max entreprit ensuite de rassurer Liam par rapport au militaire, convaincue qu’il finirait par le recontacter et priant comme lui que tout ceci serait un jour derrière eux. « Je l’espère aussi. » Ils se serrèrent les mains comme pour se promettre tacitement de se soutenir dans ce qui les attendait. A nouveau, Liam jetait un regard optimiste vers l’avenir, imaginant leurs retrouvailles à trois avec un brin de nostalgie. « Oui, bien sûr que je m’en souviens, et ça me plairait beaucoup. » Max avait l’impression d’être projetée dans un autre monde, une autre vie. C’était loin…



Comme il est d’accord avec son amie, Liam hoche la tête en signe d’approbation. C’est certain que le mélange de sentiments et d’émotions paradoxales frappera à nouveau quand il reverra Chance pour la première fois en dix ans. Mais c’est dans sa nature d’être optimiste alors il s’efforce de rester sur une note positive, même si des doutes sur des sujets variés subsistent. Maxyne, elle, est plus réaliste. Quand elle lui rappelle qu’ils ne pourront plus former un groupe comme dans le passé, ça lui fait tout drôle. Pourtant, il sait que c’est vrai. Et quand il est parti en Europe alors que leur bande s’était déjà plus que fissurée, il en avait bien conscience. Il n’empêche que l’entendre dire, c’est différent. Cette époque a beau être révolue depuis longtemps, Liam y pense parfois avec nostalgie, quand bien même il a beaucoup de belles choses aujourd’hui. Alors il se contente de hocher à nouveau la tête en signe d’assentiment. « Sauf avec moi. Je te remercie pour la précision, ça me fait chaud au coeur. » C’est vrai qu’avec elle, tout est revenu assez naturellement. D’ailleurs, il est heureux qu’elle ait pu participer au plus beau jour de sa vie, en février.

Ça fait beaucoup de choses d’un coup, alors après s’être exprimé, le jeune homme devient pensif. Il y a certains souvenirs qui lui reviennent en mémoire par bribes et qu’il espère bien pouvoir projeter à nouveau dans l’avenir. C’est tout naturellement qu’il partage ça avec la nageuse et, visiblement, elle est du même avis que lui. Cette pensée apporte à Liam un peu de réconfort parce qu’il se dit que tout n’est pas perdu et qu’il y a de l’espoir. Il retrouve donc le sourire. « Au pire, on pourra toujours se faire une virée à Wellington ensemble. A défaut de retrouver les traces de notre adolescence, j’y vais assez régulièrement puisque Lily travaille là-bas et ne conduit pas. D’ailleurs, je dois aller la chercher en fin d’après-midi. » Maintenant que le Millstone connaît la fameuse nouvelle que Maxyne tenait à lui annoncer en privé, il est un peu soulagé. Quant au reste, il se dit qu’on verra bien. « Merci d’être venue m’en parler. Je préfère l’apprendre par toi que par hasard. Et puis ça me fait toujours plaisir de passer du temps en ta compagnie. » Ils continuent à discuter un peu ensemble, mais de choses et d’autres. Puis finalement vient le moment de prendre congé et, après s’être promis de se fixer un rendez-vous à la fois sportif et gourmand, Liam prend brièvement la blonde dans ses bras pour lui dire au revoir.