Send me an angel (+) Aela & Lou

Le cerveau encore un peu embrumé par les vapeurs du sommeil dont elle émerge toujours, Lou ouvre doucement les yeux. En tout cas, elle a bien dormi, parce qu’elle se réveille naturellement. En se retournant dans son lit, elle se heurte à un autre corps et pousse un cri aussi perçant qu’à l’accoutumée. « Merde… » Le juron s’échappe de sa bouche juste après. Elle vient de reconnaître la personne qui est allongée à côté d’elle. Pendant quelques instants, elle a cru avoir ramené chez elle un homme inconnu à qui elle aurait bêtement offert sa virginité. Mais il ne s’agit pas d’un homme. C’est Aela et, pendant quelques secondes, Lou a oublié que sa meilleure amie a frappé à sa porte la veille. La benjamine des Wade était déjà en pyjama, les cheveux décoiffés, les yeux à moitié fermés devant son bouquin, quand elle a accueilli la belle brune à la porte. En fait, Aela n’était pas tout à fait dans son état normal. De retour de soirée, elle était bien éméchée et a préféré ne pas rentrer chez elle. Bien entendu, Lou l’a accueillie à bras ouverts, sans oublier de lui préparer un cachet d’aspirine pour le lendemain. Quelle est la personne qui se sent bien le lendemain d’une cuite ? En tout cas, elle n’en connaît aucune et, s’il en existe, elle voudrait bien connaître leur secret.

« Désolée de t’avoir réveillée. » Lou souffle entre lèvres pour ne pas donner à sa meilleure amie mal à la tête. Pourtant, c’était assurément le cas avec son cri strident qui a aussi dû faire quitter à Finn les bras de Morphée. « Tes cachets sont sur la table de nuit avec un verre d’eau. » Faisant le moins de bruit possible, Lou quitte la chaleur de ses draps et enfile ses pantoufles. L’idée de faire la morale à Aela, comme une vieille aigrie qui ne sait plus s’amuser, est bien tentante. L’idée d’ouvrir bruyamment les rideaux pour faire entrer les rayons du soleil dans la chambre l’est encore plus. Mais pour ne pas embêter plus sa meilleure amie qu’elle ne l’a déjà fait, la jeune femme s’en abstient. Après un rapide passage sous la douche, elle enfile quelque chose de confortable et s’attelle à la préparation de pancakes, le meilleur remède de lendemain de cuite selon elle. Elle est d’ailleurs en train de cuire la dernière fournée quand Aela pointe le bout de son nez. « Comment va notre fêtarde ? »

Même si elle n’est pas spécialement quelqu’un de matinal, Lou est en forme quand elle a suffisamment dormi. Et c’est le cas aujourd’hui. Près de dix heures se sont écoulées depuis qu’elle a fermé les yeux, aussi a-t-elle toute l’énergie nécessaire ce matin. C’est donc en fredonnant allègrement du Bon Jovi que la jeune fille s’attelle à la préparation puis à la cuisson de pancakes. D’habitude, elle ne prend pas spécialement de petit-déjeuner. Mais c’est le week-end et surtout, elle a une invitée surprise. Or, l’une des choses que Lou aime le plus, c’est gâter quelqu’un en lui préparant quelque chose de bon à manger. Les pancakes, c’est l’idéal pour ça. D’ailleurs, la brunette envisage même la confection d’un brunch entier, avec du tofu brouillé, des pommes de terre sautées et des pains au chocolat. Pour elle, c’est un plaisir de se lancer dans ce genre d’entreprise et encore plus de le partager. Mais Aela ne lui laisse pas vraiment le temps d’explorer cette idée, puisqu’elle apparaît avant même que Lou a fini la cuisson des pancakes. « Tiens, je pensais pas te voir aussi vite, marmotte… » Tout en parlant, elle dépose trois pancakes fumants dans l’assiette déjà remplie. Les effluves sont tentantes, mais elle préfère en finir avec la pâte dès maintenant. « Ah, mes cris… On m’en fait souvent le reproche, mais en vrai, je suis sûre que ça vous manquerait si j’apprenais à me maîtriser. »

Le sourire aux lèvres, la benjamine des Wade dépose l’assiette de pancakes, une autre assiette ainsi que des couverts devant sa meilleure amie. Celle-ci connaît l’emplacement de toutes ces choses dans la cuisine, mais un lendemain de cuite, Lou préfère s’occuper d’elle. D’ailleurs, Aela la remercie pour ça. « Tu te trompes. C’est pas moi qui sens bon, c’est ce que tu as sous le nez. Mais merci quand même. » Elle rend son câlin à l’autre brune, heureuse de servir à quelque chose. « Oui eh bien, j’ai comme l’impression que tu serais bien la seule à vouloir m’épouser, alors je te conseille de réfléchir très sérieusement à ta propre proposition. » Elle hausse vaguement les épaules avant de retourner à sa dernière fournée. Elle a enfin fini de les cuire. « Bien sûr que ce sont tes préférés, pour qui tu me prends ? Je n’ai pas oublié les pépites de chocolat. » Lou s’installe à son tour, prenant place en face d’Aela avec une autre assiette. Même si elle n’a pas spécialement faim, ça donne envie, tout ça. « C’est vrai que je suis étonnée que tu ne sois pas totalement blindée, depuis le temps que tu fais la fête tous les week-ends… C’était pour quoi, cette fois-ci ? Laisse-moi deviner, rien en particulier ? » S’emparant de sa fourchette et de son couteau, elle s’attaque au petit-déjeuner sans plus de cérémonie. « Bon appétit ! Enfin, si tu pouvais quand même en laisser pour Finn, ce serait sympa qu’il fasse pas la gueule. »

Le stéréotype de l’épouse parfaite. La remarque d’Aela fait rire Lou, jusqu’à ce qu’elle poursuive sa phrase. « Comment ça, je place la barre trop haute ? Tu trouves que je suis trop exigeante ? J’en demande seulement un qui ne soit pas ivrogne ni pervers, pourtant. Enfin, il y a sûrement d’autres choses qui ne me viennent pas à l’esprit, mais tu as saisi l’idée générale, pourvu qu’il ne soit pas trop dérangé. » C’est peut-être une conversation un peu sérieuse pour une gueule de bois, mais c’est plus fort qu’elle. Après tout, elle se pose des questions à ce sujet et surtout, elle sait qu’elle peut compter sur l’honnêteté de sa meilleure amie. C’est probablement essentiel dans chaque amitié sincère. « Je dirais de toi que pour l’instant, tu n’es surtout pas prête à entrer dans ce rôle d’épouse. Toi, tu as encore envie de t’amuser et c’est très bien comme ça. » Parce qu’elles sont encore au stade de leur vie où elles peuvent passer beaucoup de temps ensemble. Avec l’âge et les responsabilités, ça devra probablement changer. Mais aujourd’hui, elles en sont encore loin, la preuve avec le récit des frasques de la Walsh. « Je sais pas comment tu fais. Avant les partiels j’étais toujours trop stressée pour faire la fête. Mais jusque-là ça a l’air de bien te réussir. J’ai quand même hâte de te voir tous les jours ou presque à la bibliothèque, ça me fera de la bonne compagnie. » Elle est censée travailler aussi, mais elle peut toujours prendre ses pauses en sa compagnie et c’est toujours plus agréable. Elle aime manger avec sa meilleure amie, comme elles se délectent actuellement de pancakes. « Ou sinon, c’est justement ton fameux corps de rêve qui fait que les garçons ne peuvent jamais rien te refuser. » Lou pose sa fourchette, au moins momentanément. Elle a déjà englouti deux pancakes et elle sait qu’elle pourrait facilement s’enfiler le triple, mais elle essaye d’être raisonnable. « Et sinon, à part tes fêtes, tu me racontes quoi de beau ? »

« Tu trouves que je me braque ? » Lou reprend les mots d’Aela parce qu’elle est un peu surprise. « Non, je suis pas sûre de comprendre… » Sa meilleure amie a plus d’expérience qu’elle en la matière, ce qui n’a rien d’un exploit, mais c’est peut-être ce qui lui permettra d’éclairer un peu sa lanterne. « Je suis prête à faire des efforts, bien sûr. Je prétends pas savoir ce qu’est la vie de couple, mais j’imagine bien que c’est nécessaire. J’ai même très envie… Euh… D’apprendre à connaître quelqu’un en particulier. C’est juste que pour l’instant, j’ai pas l’impression d’être… Bien tombée, on va dire. » Ses seuls rencards, qui se comptent sur les doigts d’une main, ont été plus ou moins foireux. Mais elle ne va pas revenir là-dessus parce que, bien évidemment, Aela en connaît tous les détails. « Sabotage ou pas, je veux juste un garçon gentil. On dit que les filles aiment les bad boys, mais c’est pas mon cas. » Enfin, elle ferait peut-être mieux de ne pas trop s’avancer en la matière parce qu’on ne sait jamais. Mais en tout cas, pour l’instant, elle sait ce qu’elle ne voudrait pas et la liste n’est pas si longue. Visiblement, celle de sa meilleure amie l’est encore moins. Pas décidée à se poser, elle l’affirme haut et fort. Lou ne peut s’empêcher de l’admirer et peut-être aussi de l’envier un peu, dans un monde où les relations amoureuses sont tellement prônées et où le célibat à long terme peut paraître bizarre. « C’est sûr qu’on se prend moins la tête. Pas de comptes à rendre. On peut faire ce qu’on veut. Comme toi qui débarque bourrée pour passer la nuit chez moi, par exemple. » Et prendre le petit-déjeuner comme ça ensemble. La vie est assurément plus simple, c’est sûr que c’est dommage d’avoir naturellement tendance à la compliquer. Mais pour l’instant, Lou ne pense pas à ce genre de choses. Elle écoute seulement l’étudiante lui parler. « Tu t’es crêpé le chignon avec un mec ? T’as raison, c’est une nouveauté, ça. Je m’étonne qu’il ne se soit pas ratatiné dans l’espoir de te conquérir. » Elle ne se souvient pas avoir déjà entendu parler de ce voisin. « Mais c’est pas une si mauvaise nouvelle si ça nous amène à passer du temps ensemble » ajoute-t-elle en plaisantant. « Tu seras toujours la bienvenue ici. Nana aussi t’aime bien. » Elle refile un morceau de pancake à la chienne qui les observe d’un air suppliant, attendant elle aussi son petit-déjeuner. « Et t’arrives à avoir un peu de boulot en ce moment ? »