Act as if what you do makes a difference because it does (+) Natalie & Mia

Un peu nerveuse, Mia triture ses mains. Elle appréhende un peu le rendez-vous qui l’attend, parce qu’elle sait que son avenir dépend de l’action qu’elle s’apprête à entreprendre. Oui, c’est le premier rendez-vous important depuis celui avec le vétérinaire désormais retraité d’Island Bay qui a accepté de lui vendre son cabinet. Alors forcément, elle n’est pas très rassurée. Pourtant, comme souvent ces derniers temps, elle n’est pas toute seule. Oui, elle a beaucoup de chance d’être bien entourée, par différentes personnes. Aujourd’hui, c’est Nick qui est avec elle. Il a gentiment accepté de la conduire à Wellington et, même s’il n’assistera pas au rendez-vous, elle est rassurée par sa présence avant et après. Et puis, avec son caractère bien moins angoissé que celui de Mia, il est facile pour lui de dédramatiser les situations pour qu’elle relativise un peu. Ça a un effet apaisant sur elle et, perspective non négligeable, il lui promet qu’ensuite ils iront manger. La nourriture a assurément un côté requinquant, même d’avance, en tout cas en ce qui concerne la blonde. Alors elle arrive à sourire quand il la dépose devant un bâtiment de bureaux et à marcher d’un pas à peu près assuré pour rejoindre un cabinet d’avocats. Et à l’instant précis, elle se déteste pour sa faiblesse. Parce qu’avant de se marier, elle était une jeune fille relativement sûre d’elle. Nathan avait réussi à détruire sa confiance en elle et son assurance et, maintenant, elle peine à les retrouver.

Mais c’est justement pour tenter de remédier au désastre qu’a été ce mariage que Mia se retrouve dans le cabinet de Natalie McGrath, une avocate qui lui a été recommandée par Nick. « Bonjour Maître. » Elle est un peu empruntée, parce qu’elle ne se sent pas très à l’aise, ne serait-ce que par principe. Ceci dit, Natalie est plus jeune que ce qu’elle pensait, donc ce sera sûrement plus facile pour elle de se confier. « Merci de me recevoir. » Elle se force à ne pas se triturer à nouveau les doigts et à regarder l’avocate dans les yeux. Parce que même si ça ne se voit pas forcément, sa détermination est bel et bien réelle, plus forte que jamais. « Je ne sais pas si Nick Wilson vous a exposé la situation, mais voilà, je voudrais divorcer. Mon… Mon mari est lui-même avocat, à Sydney. Et il est relativement connu là-bas. De base, je sais qu’il ne veut pas m’accorder le divorce, ne serait-ce que pour m’embêter, mais… J’ai des éléments à charge contre lui, avec un témoin pour au moins une fois. Il est… Il a été… Très violent. En paroles, en actes. Je ne pense pas avoir grand-chose à perdre même si le divorce n’était pas prononcé à ses torts, mais… Enfin, je suis désolée, je m’embrouille. Vous avez sûrement des questions à me poser pour clarifier tout ça ? »


Rassurée de pouvoir appeler l’avocate par son prénom, Mia esquisse un sourire. Son appréhension commence déjà à diminuer, parce qu’elle sent que Natalie essaye de la mettre à l’aise. C’est rassurant. « Je veux bien un thé, s’il vous plaît. Peu importe ce que vous avez, ça fera très bien l’affaire, merci. » Son sac sur les genoux, elle essaye de se détendre un peu sur son siège. Elle se rend compte assez vite que, dans son stress, elle a oublié de se présenter. Heureusement, Nick a fait ce qu’il fallait et Natalie a aussi fait ses devoirs avant de la recevoir. Il n’empêche qu’il faut quand même qu’elle s’exprime… Alors elle se lance, sans entrer dans les détails pour l’instant. Mais comme Natalie ne lui a encore rien demandé, alors Mia ne sait pas très bien à quel point elle doit raconter ce qui lui est arrivé. Comme ses propos commencent à devenir un peu confus à ses propres yeux, alors elle préfère s’arrêter et laisser la parole à l’avocate, qui relève les yeux de ses notes. Ses premiers mots sont pour continuer à la rassurer et la vétérinaire hoche la tête en signe d’assentiment. « Oui, c’est mon grand frère qui a été témoin de la pire des scènes. » Elle n’a pas encore parlé de ça justement, mais ça viendra, c’est sûr. « Le fait qu’il est avocat, ça… Je veux dire, il a aussi des relations avec la police, à Sydney. Les Donovan sont une famille fortunée qui a le bras long, c’est entre autres pour ça que je ne l’ai jamais dénoncé là-bas. J’avais l’impression que quoi que je puisse faire, l’affaire serait toujours étouffée et ce serait encore plus cauchemardesque pour moi. » En réalité, il est difficile d’imaginer plus cauchemardesque encore que ce qu’elle traverse depuis quelques semaines… Mais à l’époque, elle pensait vraiment que ce serait le pire qui puisse arriver. « Alors merci pour votre détermination. Ça me fait chaud au coeur. » Natalie n’a pas l’air d’être impressionnable pour deux sous. Au contraire, elle paraît sûre d’elle, ce qui contraste nettement avec l’attitude un peu tassée de Mia. Et c’est franchement une excellente chose. Elle prend les choses en main directement et c’est exactement ce dont Mia a besoin. « Une ordonnance de protection, oui oui, c’est très bien. » Et elle s’exécute, répondant aux questions de Natalie. Elle donne le plus d’informations possible sur celui qui est toujours son mari, déclinant son identité complète, indiquant le nom de son cabinet ainsi que son lieu de travail, revenant sur des détails concernant sa famille… Et au final, elle revient sur ce qui est le plus douloureux, donc sur les détails de leur relation et surtout ce qui l’a poussée à demander enfin le divorce. C’est toujours difficile d’en parler, mais la blonde sait qu’elle ne pourra pas y échapper. « Il avait bien caché son jeu. Ça a commencé juste après qu’on rentre de lune de miel. Dès que j’adressais la parole à un autre homme, j’étais une… Enfin, vous voyez quoi. Il en est quasiment venu à m’enfermer, je ne travaillais plus, je ne sortais que lorsque c’était lui qui le décidait et aux soirées qu’il choisissait. Et même en privé, je n’étais jamais assez respectueuse, jamais assez conciliante, jamais assez raisonnable. Je salais trop la nourriture, je ne me maquillais pas assez, je ne prenais pas assez soin de ma ligne, je ne savais pas nettoyer correctement la maison. Bref, je faisais ou disais toujours quelque chose de travers. Tout était prétexte à m’humilier, en paroles ou physiquement. C’était un vrai cauchemar. Mais je suis restée, pas par amour, mais par crainte. Puis au bout de trois ans, j’ai découverte que… Que j’étais enceinte. C’est ça qui a produit le déclic. J’ai pris mes affaires sans rien lui dire et je suis revenue chez moi, à Island Bay. Mais il a fini par venir aussi. Et il a vraiment pété les plombs. Il m’a traitée de tous les noms, il m’a tabassée et… Et j’ai perdu le bébé. Mon frère est arrivé à temps pour littéralement me sauver, je crois, mais c’était trop tard pour mon petit garçon. Alors en ce qui concerne les termes du divorce, vous comprendrez que je ne veux plus rien avoir à faire avec lui. Je ne sais pas s’il peut réclamer quoi que ce soit de ma part en termes financiers, mais je ne veux rien de lui, seulement m’en débarrasser à vie. »


« Cette fois-là, oui. Avant, non… Enfin, une fois en Australie, mais j’avais inventé une histoire à dormir debout qui n’avait pas tout à fait convaincu le personnel médical. L’une des infirmières m’avait glissé une carte pour association spécialisée, mais Nathan est tombé dessus et c’était encore pire. » Mia s’efforce de ne pas laisser ses mains trembler à l’évocation de ce souvenir difficile, surtout que c’est loin d’être le plus douloureux. « Mais du coup, la scène dont je vous parle et dont mon frère a été témoin… Je suis allée à l’hôpital ici, à Wellington. Et… J’étais enceinte. J’ai perdu mon bébé à cause de ça, à cause de lui. Je sais que le médecin qui m’a pris en charge pourra témoigner aussi que ma fausse couche a été provoquée par des coups très violents. S’il veut bien. » Et elle espère qu’il voudra bien. Elle a besoin de tous les témoins potentiels pour faire tomber Nathan. De toute l’aide nécessaire. De tous les soutiens possibles. Bien entendu, Natalie en fait partie, du moins l’espère-t-elle. Mais en tout cas, ça semble bien parti. L’avocate n’évoque pas seulement la possibilité de prendre en charge son affaire, elle en parle comme si c’était déjà une certitude. Elle affirme aussi qu’elle est déterminée et convaincue. Deux mots merveilleux à l’oreille d’une femme aussi désespérée que la blonde. Deux mots magiques, quand pendant trois ans elle était persuadée que personne ne la croirait parce que oui, Nathan est tout à fait charmant en public. Des mots qui la réconfortent un peu. Elle esquisse un sourire un peu timide. Celle qui lui fait face est visiblement une femme forte, une de celles qui impressionnent Mia. Et c’est une bonne chose, parce qu’elle espère que Natalie impressionnera aussi beaucoup d’autres personnes, qu’il s’agisse de son mari ou de l’avocat de ce dernier. « Je suis déterminée. » Et c’est la vérité. En fait, elle n’a jamais été aussi motivée à divorcer et à faire payer Nathan. En mémoire de Joshua. La justice n’existe pas dans le sens où elle ne donnera jamais la vie à son enfant, mais elle aura au moins fait le maximum pour que celui qui avait pris la sienne soit puni. C’est tout ce qu’elle veut. C’est peut-être un peu une motivation de vengeance et la vétérinaire ne sait pas du tout si elle sera soulagée une fois qu’elle aura obtenu ce qu’elle veut, mais il faut absolument qu’elle le fasse. Pour Joshua, encore une fois. Elle n’est pas sûre de vouloir autre chose, alors elle hausse légèrement les épaules. « C’est sûrement de la fierté mal placée parce que j’en aurais bien besoin en ce moment, mais… J’aurais l’impression de me salir si j’acceptais quelque chose de sa part. »

Depuis la tragédie de sa vie, Mia a l’habitude d’entendre les gens dire à quel point ils sont désolés. Pourtant, à chaque fois, ça lui fait quelque chose, à chaque fois, elle y est sensible. C’est comme si sa source de larmes ne se tarit jamais et, une fois de plus, sa gorge se serre et elle sent ses yeux s’humidifier. Mais elle ne va pas pleurer. Pas maintenant, pas devant cette dame qui est prête à l’aider. Elle ne veut pas passer pour plus faible qu’elle ne l’est déjà. Alors elle hoche simplement la tête en signe d’assentiment, comme pour dire merci. Pour l’instant, elle se concentre sur ce qu’elle peut faire. Elle a exposé son cas, elle a répondu aux questions, maintenant, elle écoute les propos plutôt rassurants de l’avocate. La déposition du médecin, le témoignage de son frère, tout ça peut beaucoup les aider et, malgré son malheur, Mia se sent reconnaissante. Parce qu’elle tient peut-être quelque chose, la possibilité de faire un pas, de franchir une étape qui lui permettrait d’avancer ne serait-ce qu’un peu. Oui, ça a quelque chose de rassérénant, non seulement de pouvoir faire quelque chose, mais aussi et surtout avec quelqu’un de compétent à ses côtés. « Nick a eu raison de me diriger vers vous. Je comprends son choix. Vous êtes… Celle dont j’ai besoin. » Tout simplement. C’est difficile à exprimer. Non seulement Natalie a l’air redoutable à la barre, mais elle est aussi humaine, compatissante envers elle. Et ce sont exactement les deux facettes dont Mia a besoin pour l’instant. Alors quand elle lui dit que la requête sera déposée dès le lendemain, la blonde se sent soulagée. Elle hoche à nouveau la tête en signe d’assentiment, fermant brièvement les yeux. Elle comprend que l’entretien est terminé et elle a entendu tout ce qu’elle avait besoin d’entendre. Alors elle se lève à son tour, précédant la brune vers la sortie. Elle se tourne vers elle juste avant d’atteindre la porte. « Merci… Natalie. Merci pour tout. » Elle a du mal à exprimer ce qu’elle ressent précisément, mais globalement ce mot décrit l’ensemble. Alors après une poignée de main amicale, le coeur un peu apaisé, Mia sort dans la rue. Et elle dégaine son téléphone portable pour appeler Nick, envers qui elle se sent aussi très reconnaissante. Comme ils vont se retrouver maintenant, elle pourra aussi la lui exprimer. Finalement, malgré tout, il y a peut-être un tout petit peu d’espoir pour l’avenir.