(( brother & sister )) chance & loreleï

Quatre mois. Quatre mois depuis ton retour. T'avais retrouvé beaucoup de ce que tu avais perdu, ces dix dernières années. Maxyne. Tes parents. Jude. Liam, aussi. T'avais retrouvé presque tout ce qui faisait battre ton cœur. Il ne manquait que Loreleï. Loreleï et son sourire. Ses grands yeux bleus. Ses cheveux blonds que tu aimais brosser, quand elle n'avait qu'une dizaine d'années. La maison de vos parents étaient truffées de photos d'elle et Jude. Leur remise de diplômes, leurs derniers anniversaires, les vacances qu'ils ont passé avec vos parents alors que tu t'étais déjà engagé. La dernière photo de toi qui était affichée dans le salon, c'était ta remise de diplômes. Parce qu'après t'es parti, pendant dix ans. Ça te fait presque mal aujourd'hui, alors que tu te rend compte de c'que t'as manqué. T'aurais pu être sur les photos avec eux. Être là à la remise des diplômes de Jude et Loreleï. T'aurais pu, mais ça a pas été le cas. Et ça faisait quatre mois que t'étais de retour en ville. Quatre mois que ta soeur n'avait pas voulu te voir, te parler, ne serait-ce que répondre à tes messages. T'avais abandonné. t'avais finis par arrêter de chercher à la joindre. Maxyne te disait de lui laisser du temps; alors tu l'as fais. T'avais quand même finit par obtenir son adresse, par votre frère. Alors de temps en temps, tu faisais en sortes de passer devant. T'espérais la voir sortir pour aller en cours, ou justement, en rentrer. Mais tu l'as jamais croisée. Tu passais ton chemin, et tu revenais, la semaine d'après, un autre jour. Tu t'y étais pas encore rendu cette semaine. Tu commençais à penser que Jude avait avoué à Loreleï qu'il t'avait vendu la mèche, et qu'elle guettait ton passage dès qu'elle était près de chez elle. Tu ris jaune quand tu repenses à ce que tu dois faire pour espérer revoir ta sœur. Tu ris jaune parce que tu pensais pas devoir faire ça, un jour. Tu rentrais de faire les courses pour l'appartement, le frigo était vide. Toujours à pieds, tant que tu trouvais pas la bonne opportunité pour t'acheter une voiture. On te taquinait avec ça; au final, si tu te bougeais pas, c'est parce que t'étais bien sans voiture. C'est vrai qu'au sein même d'Island Bay, c'était pas gênant. Mais quand tu voulais te rendre à Wellington ou dans une autre ville, c'était plus compliqué. Et être dépendant des autres, ça te plaisait pas. Ton chemin pour rejoindre l'appartement de Maxyne, dans lequel tu avais finit par emménager il y a quelques jours te faisait passer par le parc du centre-ville. Tu devais le traverser, c'était plus simple que de faire le tour. La tête plongée dans ton téléphone, les écouteurs sur les oreilles, tu sais pas vraiment ce qui t'a fait lever la tête à cet instant précis. T'aurais pu regarder devant toi avant, ou après. Mais appelons ça un pressentiment. Une voix dans ta tête qui t'a sommé de regarder autours de toi, et particulièrement à cet endroit. Elle avait changé. Tu le savais, t'avais vu les photos. Mais tu ne pensais pas à ce point. Ses cheveux s'étaient éclaircis, son visage avait mûrit. Mais il y a une chose qui n'avait pas changé, c'est ses livres. Une grande histoire d'amour, parce que tu la trouvait toujours au fond du jardin, le regard plongé dans les lignes de ses bouquins "vieillots", comme tu aimais les appeler, juste pour la taquiner. Tu t'arrête au milieu du chemin. Tu la regarde tendrement. Parce qu'elle a toujours cette même expression concentrée sur son visage, même après dix ans. Parce que quand elle lit, tu peux être sûr qu'elle ne fait presque pas attention à ce qui l'entoure. Parce qu'elle est possédée, imprégnée par sa lecture. Elle la vit. T'avais toujours admiré cette passion, toi qu'à jamais été passionné par rien. Ou alors, peut-être que ta passion c'était de la regarder lire. Parce que tu pouvais y passer des heures. T'étais toujours là, près d'elle. Tu jouais avec ses longs cheveux, Jude jamais loin. Vous discutiez comme si vous étiez qu'entre vous, qu'entre mecs. Mais Loreleï était toujours là, à lire. Et vos discussions semblaient ne jamais l'empêcher de lire. « C'est comme si t'avais pas changé, toujours le nez dans tes vieux bouquins. » Tu finis par lancer en t'avançant vers elle, le pas hésitant. parce que tu savais qu'elle allait t'entendre. Elle entendait toujours tout. Parce que t'avais l'impression d'entrer dans son jardin secret, chose qui ne t'aurait pas dérangé, il y a dix ans. Mais aujourd'hui, tu ne la connaissais plus. T'avais raté trop de moments. Elle lève la tête presque instantanément. Ton cœur se serre, il rate un battement quand elle plonge ses yeux dans les tiens. Sa voix a changée, elle aussi. Normal, elle avait treize ans, quand t'es parti. Elle avait pas finit de grandir, d'se former. Sa voix est froide. Tu t'y attendais. T'aurais pu passer ton chemin et la laisser seule. Revenir une autre fois, et ne pas tomber sur elle, encore. T'avais décidé d'aller vers elle, parce que t'avais peur que l'opportunité se représente pas avant longtemps. « Je faisais des courses, je passais juste, et je suis tombé sur toi. » tu réponds en levant ton sac cabas pour lui montrer. « Mais je suis content d'enfin te voir. »

Quelles chances avais-tu de retrouver ta sœur aujourd'hui alors que ça faisait plusieurs semaines qu'elle t'évitait ? Elle allait jusqu'à refuser d'assister aux repas que tes parents faisaient seulement parce que tu étais présent. En y repensant, parfois, tu te disais qu'elle allait peut-être trop loin dans sa démarche. Oui, elle t'en voulait, et elle avait toutes les raisons pour ça. Mais à ce point ? Elle allait t'ignorer et ignorer votre famille encore plusieurs années ? T'étais rentré, et pour de bon. Les anniversaires, les Noël; tu seras présent. Et tu n'accepterais pas que tes parents perdent leur fille, alors qu'ils venaient de retrouver leur fils aîné. Et votre frère, dans tout ça ? il était entre vous deux, complètement désemparé. Il ne voulait pas prendre partie, mais il t'avait bien dit que Loreleï lui en voulait pour "avoir pardonné si facilement". Alors oui, vu comment la blonde semblait t'en vouloir et au vu de la peine qu'elle se donnait pour t'éviter depuis mars... La retrouver dans ce parc était presque surréaliste. T'avais le sourire au lèvre, même s'il était hésitant. T'aurais aimé qu'elle aussi, son visage soit éclairé d'un large sourire, qualificatif de votre famille. Mais c'était loin d'être le cas. Au lieu de ça, elle t'offrait son plus beau regard noir. Chose qui la qualifiait aussi très bien, car même si tu l'avais toujours connue comme une gamine souriante et joviale, énervée, elle faisait des dégâts la fille O'Brien. T'avais jamais penser en faire les frais un jour, et pourtant... Tu lui dis être heureux de la retrouver, chose à laquelle est répond très vite, sans réfléchir. Comme si ça coulait de source. T'avales lentement ta salive alors qu'elle te fait comprendre que le sentiment n'est pas partagé. T'aurais au moins pensé le contraire, car même si elle était en colère, te retrouver, te savoir vivant, de retour... N'était-ce pas une bonne chose ? C'était comme si ton cœur se décomposait, que quelques morceaux s'échappaient, ici et là pour se perdre parmi tes autres organes. Cette douleur dans la poitrine. C'était la première, qui n'était pas "heureuse" de te retrouver. Et sans aucun doutes celle dont tu languissais le plus de retrouver, depuis ces quelques mois où ton retour était amorcé... Tu tombais de haut. Pourtant, tu n'allais pas t'arrêter là. T'étais devant elle, et tu comptais bien obtenir cette discussion qu'il vous fallait tant avoir. Tu t'approches un peu alors qu'elle rajoute, toujours aussi froide, que tu semblais n'avoir pas comprit ce qu'il se passait. Tu baisses les yeux et continues sur ta lancée pour aller t'asseoir près d'elle, qu'elle le veuille ou non. « Écoutes Lo'. Bien sûr que j'ai comprit que tu n'avais aucune envie de me voir, que tu m'en voulais encore à mort. Mais tu aurais voulu que je te croise, là, sur ce banc et que je ne fasse rien ? T'aurais voulu que je passe mon chemin et qu'on passe encore des semaines, voir des mois pour attendre de se parler ? » T'étais fatigué. Fatigué que tes erreurs continuent de te tomber dessus. T'en bavais, avec tout le monde. Ils t'en voulaient, tous, et te le rappelaient bien. Maxyne la première, bien que tu vives avec elle en ce moment même. Tes parents ne cessaient de ressasser le passé que tu n'avais pas connu avec eux. "si tu avais été là...", "tu aurais dû être là...". Tu souffrais de ton absence ces dix dernières années, probablement autant qu'eux, même si c'était d'une manière différente... « En tout cas, moi j'avais aucune envie de passer mon chemin comme si je t'avais pas remarquée sur ce banc. J'attends de te revoir depuis mon retour Lo' ! J'ai accepté que tu ne cherches pas à me voir. J'ai accepté que tu ne me répondes pas. Ouais, j'ai continue à t'appeler quand même, parce que j'suis toujours le même forceur. J'ai râté dix ans de ta vie, j'veux pas louper une minute de plus. » T'avais posé ton sac entre tes jambes et tu t'occupais de triturer tes doigts et tes ongles pendant que tu lui parlais, en regardant tes pieds. T'étais plus que sincère, et ta petite sœur devrait le savoir. Il n'empêche que t'avais du mal à la regarder dans les yeux, à l'affronter. Comme t'as du mal à affronter les autres, quand on te reproche ton absence. T'as merdé, t'es au courant. Quand est-ce qu'on te lâchera, avec ça ?