Time not our friends ¤ Noomi

Le Montana. Ses montagnes majestueuses, ses rivières indolentes, ses fermes et surtout les rednecks qui les habitent… Il n’y a pas à dire, pour les autres américains, il s’agit d’un état qui ne vendait du rêve que sur le papier. Beaucoup moins dans les faits. Pourtant, cet été-là, Noomi et quelques-uns de ses copains avaient décidé d’y passer quelques jours pendant les vacances, avant de reprendre les cours. Depuis que ses parents avaient divorcé il y a de ça un peu moins de trois ans, la blonde passait son année scolaire en Nouvelle-Zélande et ses vacances sur le sol américain. Car évidemment, ses parents n’auraient pas pu se contenter de se séparer tout en restant dans le même pays qui était déjà bien grand. Non, il avait carrément fallu qu’ils changent de continent. Go big or go home devait être la devise favorite de son père. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Noomi n’avait pas été ravie de ce dépaysement, elle qui tenait tant à sa Louisiane alors qu’à Wellington, il n’y avait rien de bien amusant à faire. Mais la Nouvelle-Zélande avait finalement réussi à gagner son cœur, par le biais d’une seule personne : Frankie. Personne n’en savait encore rien mais ils allaient bientôt se marier ! Tout ce qu’ils attendaient, c’était son dix-huitième anniversaire. Il s’agissait donc également de ses dernières vacances en tant que célibataire. Raison pour laquelle elle avait traîné toute sa bande de potes dans le Montana. Et elle avait bien essayé de les faire camper mais ils étaient visiblement trop attachés à leur petit confort puisqu’ils logeaient tous dans un motel miteux – mais avec piscine et « air conditionné » bien que celui de la chambre qu’elle partageait semblait être tombé en rade il y a une éternité - et pas cher en bord de route.

En revanche, ce que la grecque était parvenue à leur faire faire, c’était de la randonnée. Et pas juste par eux-mêmes, non, ils avaient trouvé un groupe, une sorte de randonnée organisée. Et c’était tant mieux puisque c’était leur première fois à tous dans cet état. Ça devait se voir, étant donné qu’ils avaient quand même réussi à se perdre. Et même pas tous ensemble, qui plus est. Noomi se retrouvait maintenant avec un type qu’elle ne connaissait pas le moins du monde et qui semblait croire que s’ils en étaient là, c’était de leur faute. A eux tous, pas qu’à elle. La blonde roula effrontément des yeux.

« Qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse ? On n’est même pas majeurs. »

Ou plutôt si, la plupart de ses potes étaient majeurs, dont certains, comme Jimmy, l’étaient déjà depuis plusieurs années. Et puis bien sûr, la jeunesse et l’insouciance n’étaient pas vraiment des excuses valables mais ça, elle l’apprendrait plus tard. Elle réajusta sa queue de cheval et sa casquette de baseball, sortit une clope et son briquet de la poche arrière de son short en jean et se le grilla tout en continuant à marcher.

« Vous en voulez une ? »

Puisqu’elle était amenée à passer du temps avec cette personne, alors autant ne pas se montrer trop rancunière.

« Cela dit, vous auriez pu tomber plus mal, la plupart de mes potes ne savent même pas se servir d’une boussole. Moi oui, mon père m’a appris quand on était en Grèce. »

Peut-être bien que Noomi avait commis une erreur en lançant qu’ils n’étaient de toute façon même pas majeurs puisque son tout nouveau binôme semblait se poser des questions bizarres. Comme celle qu’il formula, à savoir s’ils n’avaient pas fugué. Les sourcils de la grecque se froncèrent un peu. Pas par énervement mais parce qu’elle se demandait si ce n’était effectivement pas le cas de l’un ou l’autre de ses potes. Avant de finalement répliquer avec un sourire ravageur :

« Non m’sieur, n’vous inquiétez pas, on a tous l’autorisation parentale pour être là. »

Elle n’en avait aucune idée mais autant prétendre que c’était le cas, des fois que l’idée lui vienne d’appeler la police pour s’en assurer. Noomi se chargea donc un peu de détourner l’attention en lui proposant une clope. Peut-être que ça allait le détendre et elle aussi et puis tout se passerait bien. Il accepta et puis se mit à parler de repentir. Repentir. Curieuse manière de causer ; ça faisait un peu mafieux à la retraite, dit comme ça. Perspective qui aurait pu faire flipper la blonde mais ça serait mal la connaître, la vérité c’est qu’elle trouverait ça trop cool. Elle lui tendit donc son paquet pour qu’il en prenne une et lui prêta ensuite son briquet.

« Pas de quoi ! »

A croire qu’elle avait vu juste en songeant que ça le détendrait un brin puisqu’il eut tout de suite l’air moins suspicieux et remonté contre elle, aussi. Il s’enquit même de s’ils étaient venus faire de la randonnée, ce qui l’amusa un peu parce qu’en effet, ils n’étaient pas là pour la cueillette des champignons. Encore que, si ça se trouve, c’est vraiment un truc qui se fait dans le coin. Sûrement, même. Bref, quoi qu’il en soit, elle hocha la tête en tirant sur sa cigarette.

« C’est ça, dernière virée avant la reprise des cours. Et vous ? Vous êtes du coin ou en vacances ? »

Puis il se présenta sans grand enthousiasme en mode « bon ben, puisque on a amené à faire un bout de chemin ensemble… » ce qui l’amuse pas mal encore une fois. Il est peut-être grognon le Sigmund mais il la fait rire, ce n’est déjà pas si mal.

« Noomi. »

Elle se retint tout juste de lui demander s’il était allemand finalement, parce que dans son esprit, Sigmund, ça sonnait quand même un peu allemand sur les bords mais elle estima qu’il pourrait mal le prendre et préféra ne pas s’y risquer, une fois n’est pas coutume.