Les rumeurs courent.... Ollie , Tara & Emily

Ce projet de clinique privée dans lequel je me suis lancée avec ma collègue Ollie avance plutôt bien. C’est beaucoup de démarches administratives et des rendez-vous interminables avec la banque, mais le jeu en vaut la chandelle j’en suis sûre ! En fait je suis vraiment très enthousiaste vis à vis de cette nouvelle aventure, j’ai toujours eu le goût du défi et là s’en est un nouveau que je me lance. Je ne suis pas de nature à laisser quoi que ce soit au hasard et je suis contente d’avoir trouvé dans Ollie une personne fonctionnant de la même manière que moi. De toute façon pour un tel projet une bonne entente entre les associés est primordiale, c’est le ciment même de tout ça et nous sommes parfaitement accordées sur la vision que nous avons du résultat auquel nous souhaitons arriver. Mais tout ça prend du temps, en plus de notre travail à l’hôpital qui n’est déjà pas de tout repos. Heureusement nous savons aménager les moments de temps libre pour faire avancer les choses. Le plus difficile c’est de trouver des professionnels compétents qui pourraient être intéressés pour nous rejoindre et travailler dans notre établissement. Que ce soient des médecins spécialistes comme nous ou même les secrétaires médicales, l’entreprise qui sera en charge de l’entretien des locaux… bref la route est encore longue mais tout prend progressivement forme. Je suis plutôt optimiste, et puis nous n’avons pas le couteau sous la gorge. Un appel sur le portable d’Ollie nous coupe dans notre échange, à en croire sa réaction je devine que ça concerne le projet et j’ai vu juste. C’est la banque, encore, qui souhaite encore nous voir pour finaliser le prêt, vérifier certaines modalités. Bref encore de la paperasse et du blabla. « Ok. Je m’organiserai pour pouvoir y être. » confirmais-je avec un haussement d’épaule.
Plutôt que dilapider tout notre temps libre à travailler sur notre projet, Ollie propose que nous fassions une pause. Je ne suis pas contre un petit truc à grignoter et un café, j’accepte sans hésiter et nous quittons son bureau pour rejoindre une salle de pause. Je pique deux cookies que j’avais repéré en arrivant puis prend un café à la machine. Maintenant il ne manque plus que de trouver un endroit calme et ça Ollie et moi savons que c’est dans un couloir que nous le trouverons. Certains sont peu fréquentés et offre une tranquillité bien mérité. J’aperçois le docteur Montgomery installé un peu plus loin sur un brancard en train de manger. Nous marchons dans sa direction et je lui adresse un sourire. Ollie ne l’apprécie pas particulièrement et j’ai parfois joué les médiatrices entre elles… c’est dire. Le docteur Marks est de temps à autre plus dur que je ne peux l’être, disons qu’elle attache de l’importance à d’autres détails que les miens et si je respecte ça, j’essaye autant que possible que les relations entres collègues restent bonnes. C’est pour moi la garantie d’un travail bien fait, nous sommes au service des patients, pas là pour nous crêper le chignon en gaspillant de l’énergie inutilement. Je croque dans un cookie quand Ollie lâche d’un coup que des rumeurs courent sur moi. Je la regarde, interloquée « Des rumeurs ? » j’ai un léger rire « Sur qui il n’en courent pas ? » dis-je avec désinvolture. Néanmoins je suis curieuse « Mais soit. Quelles genre de rumeurs ? » a vrai dire j’en ai déjà une vague idée parce que des choses me sont revenues aux oreilles, mais j’attends d’avoir une autre version histoire de me faire une idée plus précise de ce qui se trame.

Les rumeurs… j’ai une vague idée de ce que le Docteur Marks va dire, parce que je traverse moi aussi ces couloirs tous les jours et quelques ragots sont remontés jusqu’à mes oreilles. Des rumeurs qui n’en sont pas vraiment mais qui ne doivent absolument pas être vérifiées. Comme le souligne si bien Ollie, tout ça ne doit pas aller trop loin, rester sous contrôle. Ce n’est pas toujours facile parce que comme tout microcosme, l’hôpital est un vrai vivier pour des histoires en tout genre. Les relations entre collègues sont déconseillés, mais inévitable, en revanche qu’une titulaire s’envoie en l’air avec un interne est répréhensible. Une nuance que je n’ai jamais vraiment comprise, mais elle existe et je fais avec. A vrai dire le côté interdit de la chose est très excitant, ça je dois bien l’avouer, cependant je ne peux pas me permettre de mettre la future carrière de Kylian en danger. La mienne j’y tiens plus que tout également, mais je serais bientôt installé dans mon cabinet privé avec comme associée la brune qui marche à mes côtés. Rapidement mon intuition est confirmée, c’est bien de mes petits extras avec le bel interne dont il est question. Je me mets à rire « Ah mais oui j’ai entendu parler de ça. » je lève les yeux « Si tu veux mon avis ils n’ont tellement plus de vies qu’ils se racontent des histoires pour vivre par procuration… » je secoue la tête en gardant mon air amusé, on m’a déjà dit que je suis très bonne comédienne. « Ils ont un petit truc pathétique tu ne trouves pas ? » je hausse les épaules « J’ai pas le souvenir d’avoir été comme ça. ».
Elle me déconseille tout rapprochement avec Kylian en mettant en avant une histoire de vol de gâteau, prenant comme témoin le Docteur Montgomery. J’arque un sourcil, ne comprenant pas bien ce qu’est cette histoire. L’air faussement suspicieux Ollie me demande ce que j’ai à dire pour ma défense. Je fixe mon regard sur elle et sourit « Evidemment que je suis coupable… » je me remets à rire « … de persécuter cet interne. Peut-être même un peu plus que les autres je l’accorde. Les minets en blouse j’ai toujours pris beaucoup de plaisir à les ramener sur terre. Ils se croient bons, deviennent trop confiants et c’est la cata. ». Je bois une gorgée de café « Ce n’est pas toi qui va me contredire là dessus, non ? » dis-je à l’intention du Docteur Marks dont je sais qu’elle partage cette tendance que j’ai à mener la vie dure aux internes. Enfin la concernant elle étend aussi son champ d’action à ses collègues, comme l’obstétricienne qui se tient non loin de nous. « Et donc cette histoire de gâteau j’ai le droit d’en savoir plus ? » demandais-je malgré tout assez curieuse d’entendre ce récit et savoir ce qui avait bien pu se passer qui ai impliqué Kylian. La multiplication des bruits de couloir ne joue pas en notre faveur, nous allons devoir être deux fois plus prudents. Je trouve que depuis six mois on s’en tire plutôt pas mal quand même.

L’hôpital est un vrai microcosme. Comme tout lieu de travail, en fait dès que des gens sont réunis et forment une sorte de société à échelle réduite on retrouve toujours des dynamiques similaires. Ajoutez à ça des particularités propres à la culture du domaine dans lequel vous évoluez et ça donne des tonnes d’histoires de vie qui s’entrecroisent. J’aime l’ambiance de cet établissement, c’est à la fois similaire en quelques points à celui de New York mais aussi très différent. La culture Néo-zélandaise n’est pas du tout la même que celle des américains. Je crois que certains ici me trouve un peu trop new-yorkaise, enfin c’était vrai à mon arrivée et moins ici. Ça peut paraître étrange mais vivre sur une île ça vous change, les mentalités sont différentes. Un truc qui ne change jamais en revanche, se sont les rumeurs. Elles réunissent autant qu’elles peuvent diviser ou apporter leur lot de problèmes. C’est un peu ce qui me pend au nez si celle qui circule à mon sujet concernant ma relation avec Kylian, venait à être confirmée. Je crois que j’arrive assez bien à noyer le poisson en utilisant l’humour et en mettant en avant mon attitude envers les internes. Et si je suis dure et exigeant je crois que le Dr Marks est parfois pire que moi. Disons qu’elle peut-être bien plus blessante que je ne le suis. Ma façon d’être est un moyen pour les pousser à se dépasser, qu’ils prouvent être réellement passionnés par leur futur métier et pas seulement là parce que c’est valorisant d’être médecin. Et nous sommes bien en phase sur le fait que les faire redescendre de leur petit nuage quand ils se montrent un peu trop sûr d’eux est une de nos activités favorites. Pour autant lorsque je donne un compliment c’est qu’il est mérité et je sais que ça a de la valeur à leurs yeux. « Oh j’ai eu cette interne avec moi une matinée… elle n’a pas pleuré mais je crois qu’elle se met une pression monstre et ça fini par la faire craquer. » je hausse les épaules « Ça ne sera pas la première ni la dernière. » dis-je avec détachement.
Réorienter la discussion sur autre chose que ces bruits de couloir me concernant est un bon moyen de laisser le sujet être enterré sous les autres. Je réclame une explication sur cette histoire de gâteau au chocolat volé et ris face au récit fait par le Dr Montgomery. J’imagine assez bien la scène, avec néanmoins une négociation entre mes deux collègues peut-être un peu vive. Je sais qu’elles ne s’entendent pas à merveille, mais tant que ça ne les empêche pas de travailler ensemble lorsque c’est nécessaire ce n’est qu’une broutille. Viens alors le sujet de l’infirmière chef. Je n’ai jamais trop eu de problème avec elle, nos relations sont cordiales, un peu froides peut-être mais je ne crois pas qu’elle se montre chaleureuse avec qui que ce soit. Je pense qu’elle commence à être lasse de son boulot ici, mais il me semble que l’heure de la retraite n’est plus très loin, la dernière ligne droite.« Ah le T-Rex… » dis-je avec un air amusé « Il aboie beaucoup plus qu’il ne mord. » j’ai la chance d’avoir eu un statut un peu spécial à mon arrivée, je ne m’en vante pas mais le chef de service m’a bien accepté et si je n’use d’aucun passe droit, je sais qu’il est plutôt conciliant à mon égard. Il faut dire que j’évite de l’emmerder pour un oui ou pour un non et que mon domaine est quand même très ciblé, ça aide. « C’est normal qu’ils soient tous sous tension avec cette histoire. Y’a quand même des choses en jeu…. Ça c’est pas un petit truc de rumeurs. » je fais une moue. Et j’ai l’impression que Ollie a lu dans mes pensées lorsqu’elle déclare que nous allons peut-être bien partir au bon moment. Je hoche la tête « Il pourrait s’avérer que notre timing soit en effet assez bon. Cela dit j’espère que les choses ne vont pas être trop houleuses pour l’hôpital. » il y a bons nombres de gens qui travaillent ici, dont certains que j’apprécie et je ne voudrais pas que leur emploi ou leurs conditions de travail en pâtissent.
Et parlant de travail il semblerait qu’il soit temps pour moi de retourner faire le mien à en croire l’alarme de mon téléphone qui m’indique que j’ai un rendez-vous dans cinq minutes avec un patient. Je termine mon café « J’aurais bien continué de discuter avec vous les filles mais le devoir n’attend pas. Et vous savez comme moi que les patients ne le sont pas toujours. » je leur souris à toutes les deux puis me tourne plus spécialement vers le Dr Marks « On se voit demain pour la banque. ». Je prends le chemin menant vers mon bureau, je pense que j’ai désamorcer pour le moment cette histoire de rumeur mais je vais devoir être d’autant plus vigilante à ne pas éveiller de nouveaux soupçons. La routine.