need you (maxyne)

Courbaturée, Max déverrouilla la porte de son appartement. La saison des plongées reprenait tout doucement avec le retour du beau temps et des touristes. Elle rentrait d’une grosse matinée dans l’eau. Tant qu’elle était encore motivée, la blonde se glissa sous la douche pour détendre ses muscles, puis elle s’habilla confortablement et se posa ensuite devant une série Netflix, une assiette avec un reste de pâtes de la veille dans la main. Elle profitait que Chance ne soit pas à l’appartement pour monopoliser le salon et se détendre. Terminant son assiette, elle se releva à la fin de son épisode et partit la déposer dans le lave-vaisselle, quand soudain, quelqu’un frappa à la porte. Etonnée, la nageuse n’attendait pas de visite. A moins que Jay n’ait enfin trouvé le second service qu’il devait lui demander après les cours de danse qu’ils avaient partagé. Le plombier était le plus à même de passer à l’improviste en pleine journée, entre deux rendez-vous chez des clients. Sans attendre, Maxyne se dirigea vers l’entrée et ouvrit. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir Piotr sur le seuil ! Il ne semblait pas aller bien, il paraissait même dévasté. Le ventre de la nageuse se contracta douloureusement à la vue du russe. Jamais depuis qu’elle l’avait rencontré, il ne lui avait paru aussi ébranlé, pas même le jour de l’accident. Brusquement, ses vingt printemps lui sautèrent à la gorge, jeune adulte totalement perdu. Sa peau si pâle semblait presque se fondre avec les murs blancs du couloir, ses cheveux en bataille n’avaient d’égal que le désordre émotionnel qui se lisait sur son visage. Soudain, Piotr redressa la tête, dans cette posture qu’ont les hommes habitués à suivre leur instinct de survie. Le regard de Max fut aussitôt happé par ses prunelles. Dans ce moment étrange, ils n’étaient plus que deux. Prisonnière de ses iris, elle n’y vit que de la tristesse et un vide profond. Le cœur de Maxyne manqua plusieurs battements. L’air manquait dans cette pièce. Démunie devant lui, l’inquiétude l’envahit. Que s’était-il donc passé ? La crainte lui noua le ventre. Venait-il de vivre quelque chose de grave ? Le jeune russe s’effondra, il se précipita vers elle et ses doigts glacés s’agrippèrent aux siens avec l’énergie du désespoir. Il trouva ensuite refuge dans les bras de la nageuse, Maxyne le soutint et le serra doucement contre elle. Elle ne le connaissait que depuis quelques mois, et pourtant sa douleur la toucha. La souffrance de ceux auxquels on tenait était une force inexplicable, comme un moteur qui la forçait à réagir quand elle savait un être apprécié pris au piège dans un flot d’émotions destructrices. Maxyne n’ignorait pas à quel point laisser tomber le masque était difficile pour Piotr, laisser libre court à ses sentiments était synonyme de faiblesse pour lui. Mais alors qu’elle voyait face à elle sa carapace se fissurer, la jeune femme se demanda ce qui avait bien pu provoquer un tel choc. Tandis qu’elle sentait les soubresauts qui s’emparaient du corps du russe, alors qu’il était contre elle, Maxyne resserra son étreinte et lui donna tout le temps dont il avait besoin. Jamais encore, elle ne l’avait vu si vulnérable. Toujours dans l’interrogation, elle se demandait si un événement précis l’avait amené à craquer ou si c’était la vie en elle-même. Parce que la vie qu’on menait n’était pas une aventure dont on sortait indemne, peu importait le temps du voyage ou la destination, on se retrouvait tous perdus à un moment ou un autre. Après un long moment, Maxyne l’entraina jusqu’au canapé où elle l’invita à s’asseoir. Elle revint avec un paquet de mouchoirs qu’elle déposa sur la table et un verre de rhum sec. Elle glissa la boisson au liquide pourpre entre les mains de Piotr. « Tiens, bois un coup, ça te fera du bien. » Un petit remontant ne serait pas de trop, peut-être un truc qui deviendrait une habitude entre eux. Elle se pencha vers lui, sa main glissa sur sa joue, soulignant de son pouce une perle salée qui tourmentait encore son beau visage. S’installant en face de lui, elle rétablit ensuite la connexion entre leurs mains et se lança enfin. « Tu veux me dire ce qui s’est passé ? »

Lorsque Piotr retrouva un peu ses esprits, Maxyne lui demanda finalement ce qui s’était passé. Dans tous ses états, le jeune russe frôlait la crise d’angoisse. La monitrice de plongée identifiait facilement les signes, elle qui y était souvent confrontée quand des touristes avaient peur de se jeter à l’eau, à l’instar de Piotr qui avait du mal à retrouver sa respiration et à aligner deux phrases d’affiliée entre deux hoquets. « Doucement, inspire et expire lentement. » Souffla-t-elle d’une voix posée. Malgré son inquiétude, Maxyne lui donna le temps nécessaire pour qu’il se calme. Petit à petit, il récupéra une respiration normale et reprit la parole. Il lui rappela un bout de leur conversation qui remontait au jour de leur rencontre. A ce moment-là, Piotr lui avait expliqué qu’il était parti voir le monde comme d’autres membres de sa famille avant lui. Il avait voulu savoir ce qui avait attiré ses proches à l’étranger et les avait poussés à ne pas revenir en Russie. « Oui, je me souviens. » Le jeune russe évoqua alors sa sœur, partie depuis sept longues années. Il affirma qu’elle l’avait abandonné, comme s’il était désormais certain de la réponse. Du jour au lendemain, elle n’avait plus donné de nouvelles à sa famille. « Tu es sûr qu’il ne lui est rien arrivé ou qu’il ne s’est rien passé de particulier ? » Maxyne ne connaissait pas beaucoup l’histoire de famille de Piotr. Malgré quelques détails qu’il avait lâchés ici et là, il restait très secret. Un rapide calcul dans sa tête lui indiqua qu’il n’était qu’un jeune adolescent quand sa sœur était partie. Peut-être qu’il n’était pas au courant de tout. Il lâcha alors une petite bombe, celle qui expliquait l’état émotionnel dans lequel elle l’avait trouvé sur le pas de sa porte : il venait de croiser son aînée, qui allait bien et qui – selon lui – avait préféré l’oublier. Maintenant que le jeune homme avait retrouvé l’usage de la parole, il déballait un flot d’informations en prenant des raccourcis énormes. Et même si le choix de ses mots donnait des indications à la nageuse, Maxyne n’arrivait pas à tout comprendre. « Oh wow ! Mais c’est… inattendu ! Normal que tu sois secoué… » Maxyne n’avait pas revu son frère depuis près de deux ans – et encore ils avaient gardé contact – et elle n’imaginait même pas sa réaction si elle le découvrait au pas de sa porte, alors dans le cas de Piotr…. Il venait de vivre une montagne russe émotionnelle. « Attends. Tu me dis que tu viens de tomber sur elle. Ça veut dire que tu es venu en Nouvelle-Zélande parce que tu avais retrouvé sa trace ou c’est le fruit du hasard ? » La coïncidence lui paraissait énorme : retrouver sa sœur à l’autre bout du monde juste par chance. Parfois, le destin aimait se jouer de la fatalité des blessures humaines. Elle releva ensuite la deuxième remarque de Piotr. « N’est-ce pas une bonne chose qu’elle aille bien ? » Maxyne se mordit la lèvre inférieure, elle manquait parfois de finesse mais elle n’avait pas encore tout saisi. Bien sûr que si, mais Piotr n’arrivait pas à accepter qu’elle se porte bien sans lui. La blonde se releva et ramena la bouteille de rhum près d’eux, resservant son invité imprévu et se prenant un verre elle aussi. Elle reprit ensuite sa place et essaya de reconstituer le puzzle. « Vous avez pris le temps de parler ? Que t’a-t-elle dit pour justifier son départ et son silence radio ? » De la façon dont Piotr réagissait, Maxyne devinait que le frère et la sœur avaient été très proches un jour et que ces retrouvailles avaient été douloureuses.

Les prunelles de Piotr luisaient d’un éclat que Maxyne ne connaissait que trop. L’espoir était une petite flamme fragile. Elle brillait dans l’obscurité troublante d’un ventre noué ou d’un cœur serré d’angoisse, à travers les attentes que l’on avait et l’amour que l’on portait aux autres, dans cet écheveau d’émotions qui constituait la sensibilité de tout être humain. Pendant longtemps, Piotr avait espéré retrouver sa sœur, avoir des réponses sur ce qui lui était arrivé. Du jour au lendemain, elle n’avait plus donné signe de vie au point que ses proches la pensaient disparue ou morte. Et voilà que par un curieux coup du destin, il la croisait par hasard au gré de ses voyages en Nouvelle-Zélande. « C’est quand même incroyable que tu l’aies retrouvé comme ça à l’autre bout du monde… sur un coup de chance. » Rien que cette partie de l’histoire était aberrante. Piotr, lui, était toujours en état de choc. Cette rencontre avait éteint la flamme d’espoir qui brûlait en lui. La chute était douloureuse. Pourtant, sa sœur était en vie. Et il avait une occasion en or d’avoir des réponses à ses questions. Maxyne voyait bien danser une lueur familière dans ses yeux, un mélange étrange de colère et d’adoration déchue pour celle qu’il avait aimée. Elle connaissait ce sentiment pour l’avoir ressenti à l’égard de Chance quand il était parti pendant plus de dix ans et qu’il n’avait pas donné signe de vie, ni à elle ni à sa famille d’ailleurs. Elle aussi avait cru celui qu’elle considérait comme un frère disparu ou mort. La sensation était désagréable, un manque avait troué son cœur et rien n’avait réussi à le remplacer. Le vide avait été rempli par de l’incompréhension, de l’amertume et de la colère. Sa famille avait essayé de le contacter via l’armée mais ça n’avait plus été possible. Aujourd’hui, Max comprenait donc – en partie – ce que Piotr ressentait. Il lui en raconta alors un peu plus, notamment par rapport aux démarches que son père avait entreprises pour retrouver sa sœur qui s’était volatilisée depuis sept longues années. Et voilà qu’il l’avait retrouvée derrière le comptoir d’un café. « Il y a peut-être une explication, elle a peut-être eu des ennuis ? Un accident ? » Demanda Maxyne, qui ne voyait pas quelqu’un partir ainsi sans raison. Quoique… La femme de son frère Trey ne s’était pas gênée pour se casser et les abandonner lui et leur jeune fils. Sans réelle explication non plus. Tout pouvait arriver. La blonde essayait juste de se dire que si la sœur de Piotr avait au moins une bonne raison, cela aiderait sans doute à atténuer la peine et la colère du jeune russe. Avaient-ils parlé ? Piotr hocha la tête mais il n’avait pas réussi à rester jusqu’au bout. C’était trop pour lui. Il avait cessé d’écouter sa sœur, préférant la fuir que d’écouter ses révélations. Chaque fibre de son corps s’était crispée, refusant d’y croire. Souvent, la vérité n’était pas belle à voir, elle revêtait son costume le plus affreux, tel un poison qui s’infiltrait dans le système nerveux, elle semait le doute et attendait patiemment de grignoter chacune des défenses inutilement érigées. Elle faisait mal, elle dévorait de l’intérieur, et parfois elle était même capable de tuer à petits feux. Il fallait bien l’admettre, si la notion de vérité s’était déguisée en une femme de chair et de sang, elle aurait été sans conteste la pire garce que cette terre ait portée. Car repoussée ou haïe, elle ne disparaissait jamais. Rejeter la réalité et s’enfermer dans le déni, c’était sans conteste moins douloureux mais ce n’était que repousser l’inévitable. « Je comprends, ça a été un choc pour toi après toutes ces années, ça fait beaucoup à encaisser. On a l’impression de voir… un fantôme. » La blonde se mordit à nouveau la lèvre puis continua sur sa lancée. « Vous aviez l’air très proches. Elle s’entendait bien aussi avec votre père ? » Maxyne essaya alors de comprendre un peu le schéma familial puisqu’elle s’intéressait à Piotr. Le sujet était sensible, clairement, mais ils étaient en plein dedans. « Et votre mère dans tout ça ? » Après tout, la blonde ignorait que son aînée et lui n’avaient pas la même. « Elle est en vie, ça c’est une chose, et elle est ici. Peut-être que tu pourras la revoir ? Quand tu auras digéré tout ça. Pour avoir des réponses, mettre les choses à plat... Si tu en as envie. C'est difficile de vivre dans l'ignorance. » Adressant un sourire au jeune russe, la nageuse essayait de trouver un point positif à toute cette situation. « J’ai envie de croire que ça devait se passer comme ça, que quelque chose t’a attiré en Nouvelle-Zélande pour croiser sa route. »

Oui c'était pleinement incroyable ce qu'il venait de se produire. Le petit russe ne s'en remettait toujours pas. Il était dans tous ses états. Il ne parvenait que trop irrégulièrement à se calmer, laissant alors ses mains devenir moites et trembler sous le coup de cette dose d'adrénaline qui ne semblait pas vouloir se séparer de lui. La voix de Maxyne se voulait rassurante, cherchant une explication un peu plus logique pour raisonner la rencontre qu'il avait pu faire un peu plus tôt dans la journée. Cela paraissait si incroyable que ça, que l'on cherchait à en comprendre l’inextricable. L'accident, Reira l'avait eu avant son départ justement. Elle s'était blessé lourdement et cet accident avait eu raison de sa carrière, ainsi que de sa passion. Mais pour l'heure, Piotr n'était pas à même de comprendre, ni de réaliser les paroles de sa sœur. A ce stade, tout ce qu'il entendait, c'était qu'elle l'avait abandonné à cause de la danse et que finalement, elle avait réussi à renouer avec celle-ci quelques années après son départ, mais pas avec lui. La danse était donc sa priorité, bien qu'elle ait eu le temps de prétendre le contraire tout à l'heure. Maxyne ne minimisait pas la douleur du petit jeune homme de vingt ans qui se trouvait près d'elle. Piotr saisi son verre pour en boire une gorgée, avant que finalement, il n'hoche simplement la tête en guise de réponse à la remarque de la jeune femme. Ouais, un fantôme, bien plus terrifiant que ceux que l'on peut voir dans les films d'horreur cela dit, du moins, à ses yeux. Quand à la question de la jolie blonde, très peu de temps après, Piotr fit une petite grimace, indiquant que non, la relation que Reira entretient avec son père est compliqué. Il se rend compte alors qu'il sépare l'homme en deux, comme si Reira avait son père et lui, le sien et qu'il s'agissait de deux personnes bien distinctes. Non, il n'y avait qu'une seule et unique personne, pourtant, ils avaient tellement des relations différentes tous les deux avec lui, qu'il pourrait presque être normal de penser qu'ils sont deux dans l'histoire. « Pas vraiment non » répondit-il simplement, accusant encore le coup. Sa main vint se frotter le visage, essayant de remuer les souvenirs dans le bon ordre. Le passé semblait se mélanger à son présent, ne faire qu'un, tout embrouiller dans un même et unique univers. Etouffant. A la question suivante de Maxyne, Piotr souffla un coup, essayant d'extérioriser ce qu'il avait sur le cœur. « On n'a pas la même mère » commença t-il alors, croisant le regard sûrement non impartial de Maxyne. « Je suis... l'autre famille si tu veux » expliqua t-il en remuant sur le canapé. Ouais, il était le fils de l'autre femme, le batard, le gosse qu'on a par erreur ou non. Sauf que leur père avait quitté sa première famille pour lui, et ça, Reira ne le lui pardonnait pas. Les paroles de la jeune femme apaisèrent sa colère, son incompréhension et sa surprise. Et clairement, ça lui faisait du bien. Du bien d'avoir une oreille attentive, une présence à ses côtés pour vivre ce moment compliqué. Parce que lui, il avait toujours tout supporté et vécu tout seul et que juste là, c'était différent et c'était bien. Le petit russe fini par attraper la main de la jolie blonde pour la serrer dans la sienne. Enfonçant ses yeux dans les siens, il lui était reconnaissant d'être là, d'avoir accepté d'être là en ce moment. Ca le touchait, sincèrement. Alors tout bas, tout en lui agitant la main dans la sienne, il lui murmura « Merci Maxyne » et dans sa tête, il n'espérait qu'un calin. Le genre de calin rassurant, réconfortant dont on a parfois besoin. Que lui, s'interdisait de vivre avec quiconque. Sauf que là, c'était différent. Il ressentait pour Maxyne, ce qu'il savait qu'il devrait ressentir pour sa sœur. Une sorte d'amitié fraternelle simple et pure, presque naturelle.

Au travers des réponses succinctes de Piotr aux questions de Maxyne, son impression se confirmait. L’histoire de famille des Tsvetkov paraissait compliquée. La relation entre le père et la sœur était tendue et les deux enfants n’avaient pas la même mère. Histoire de famille recomposée. « Je vois. » Mal à l’aise, Piotr frétillait sur le canapé comme un poisson hors de l’eau. Parler de ses proches l’agitait tout autant que d’avoir retrouvé sa sœur alors la nageuse ne creusa pas davantage, elle avait une petite idée du tableau. La blonde avait mal vécu la séparation de ses parents à l’époque de son adolescence mais la situation s’était radoucie depuis lors. Ils avaient refait leur vie mais aucun d’eux n’avaient eu d’autres enfants. Elle ne sait pas comment elle l’aurait vécu, ça aurait probablement été difficile. Chaque famille avait ses hauts et ses bas. A la place, Maxyne adressa des paroles réconfortantes à Piotr. L’essentiel était que sa sœur était en vie et qu’il avait enfin une chance de pouvoir s’expliquer avec elle quand il aurait digéré leurs retrouvailles. Pour l’avoir vécu avec Chance, la monitrice de plongée trouvait encore pire de vivre dans l’ignorance et de ne pas savoir ce qui était arrivé à l’être disparu, peu importe à quel point la vérité faisait mal. Par la suite, Piotr lui attrapa la main et la remercia. Un peu distante en règle générale, Max avait du mal à montrer des signes d’affection aussi spontanés mais depuis que le jeune russe était entré dans l’appartement, elle n’y avait pas fait attention. Pour elle, c’était normal de l’aider et c’était même devenu très naturel entre eux. C’est pourquoi, la nageuse réagit à ce contact. « Viens-là » Souffla-t-elle. Elle ouvrit ses bras et le serra contre elle dans une longue étreinte. Un nouveau silence s’installa entre eux, mais il n’était pas désagréable. La nageuse profita de cette accalmie, qui donnait l’illusion que le monde tournait au ralenti, que plus rien ne les atteignait. Il était étrange qu’elle soit fermée à montrer ses sentiments en temps normal mais qu’elle sache quand même donner de l’affection dans de tels moments. Après un instant, ils finirent par se séparer et Maxyne proposa alors un programme destiné à lui changer les idées. « Et si on se mettait la tête à l’envers devant un jeu, ça te dit ? Par contre, j'te préviens, j'suis mauvaise perdante. » En bon russe, Piotr avait une bonne descente. La bouteille de rhum était déjà posée sur la table, leurs verres aussi. Il ne restait qu’à s’installer et à prendre ses aises. Et bien que Max l'ait dit sur le ton de l'humour, elle avait effectivement un sacré caractère quand elle perdait. Les deux amis pouvaient essayer de trouver un jeu où ils formeraient une équipe contre d'autres gens. « J’sais pas si t’as faim mais j’ai fait des pâtes si jamais. Sinon y’a quoi faire un apéro dinatoire. » Peut-être qu’il était juste passé en catastrophe chez elle mais au cas où, elle était présente cette après-midi et la porte était grande ouverte pour qu’il reste et passe un peu de temps ici. Maxyne n’avait pas envie de le laisser seul.

Comme si elle avait lu dans ses pensées, la blonde lui offrit tout ce dont le petit russe avait besoin en cet instant. Une présence, rassurante, apaisante, qui était réellement là. Et sans aucun intérêt personnel d'ailleurs. Juste par bonté, gentillesse, bienveillance ou peut-être même tendresse ? Piotr ne savait pas quel place il occupait dans la vie de Maxyne, mais pour lui, cette dernière avait prit une place importante. Ici, elle était son référant, comme sa maison, ou la figure d'autorité qu'il suivait. Elle l'aidait depuis leur rencontre, depuis ce premier jour. Elle veillait sur lui, elle était là dès qu'il le fallait, elle lui faisait du bien. Grâce à Maxyne, Piotr comprenait que parfois, les relations vraiment importantes, c'est juste ça. On ne peut pas les nommer, ni les décrire, ni même les vivre à l'infini. Mais n'offre t-elle pas plus à Piotr que sa propre relation avec Reira ? Ou avec sa maman ? Alors quand elle lui proposa ses bras, le petit russe ne se priva pas. Tel un enfant qui aurait besoin de tendresse, il venait de la trouver contre Maxyne. Les yeux fermés, il pouvait sentir sa chaleur, sa douceur et puis aussi, son calme. Elle semblait apaisée et désireuse qu'il le soit lui aussi. Alors quand ce calin se termina, Piotr n'avait plus de larmes qui perlaient sur ses joues. Ses tremblements s'étaient calmés et il avait cessé de perdre sa respiration dans ses sanglots. Il s'était apaisé, petit à petit. La jeune femme lui proposa alors une chose à laquelle il n'aurait pas pensé. Boire de l'alcool tout en jouant à un jeu. Après tout, qu'avait-il de prévu ? Qu'allait-il faire sinon ? Rien, il n'avait absolument pas pensé à tout ça. Alors quand la jeune femme lui proposa de manger un morceau, il hocha la tête et répondit enfin « alors je vais commencer par tes pâtes déjà » dit-il en levant le doigt, comme pour se préparer à se lever de son canapé. Il frotta ses mains sur son visage, soufflant un coup une fois levé et lança « en tous cas, je crois que c'est une très bonne idée ce que tu viens de me proposer » avoua t-il dans un sourire. Ce soir, il ne serait pas seul, ce soir, il n'allait pas angoisser ni pleurer toute la nuit. Non, ce soir il était là, et il était content d'être là.