La journée avait été... particulièrement longue.
Et pas forcément des plus agréables à supporter, n'ayant été pour Lorcan qu'une longue succession de petites choses qui, assemblées les unes aux autres, n'aidaient pas franchement à améliorer son humeur : son réveil avait sonné avec deux heures d'avance ce matin, il avait fait brûlé la moitié du petit-déjeuner en le préparant, était arrivé en retard à l'école pour y déposer sa fille... S'y l'on ajoutait à cela les multiples messages emplis d'insultes que son ex-femme avait pris le soin de lui envoyer tout au long de la journée sur sa boîte mail professionnelle (adresse qu'il ne pouvait même pas remplacer par une autre, celle-ci devant
obligatoirement figurer sur son site internet pour permettre à d'éventuels clients de le contacter et messages qu'il devait bien conserver dans un coin "au cas où") et le fait que l'un de ses clients l'avait rappelé pour annuler une commande
quasiment terminée... Non, cette journée n'était clairement pas l'une des meilleures qu'il ai vécu jusqu'ici. Et sa fille qui n'était même pas là, actuellement chez l'une de ces amies pour une soirée pyjama.
Voilà que même cette dernière avait une bien meilleure vie sociale que lui, la chose en serait presque pathétique à en pleurer. Et Lorcan ne pouvait pas le supporter. Pas ce soir, tout comme il ne pouvait supporter de rester seul dans une maison bien trop silencieuse à son goût, lui qui d'ordinaire chérissait le calme. Aussi rejoignit-il Wellington, et plus précisément un bar irlandais où il était déjà venu quelques fois. Pour lui qui ne buvait jamais la moindre goutte d'alcool, choisir un tel lieu pour y passer sa soirée n'était pas d'une logique folle mais un bar alliait deux avantages : celui d'être entouré d'autres personnes sans pour autant être obligé d'engager la conversation avec qui que ce soit si l'envie de le faire n'y était pas. L'envie de faire ses valises pour rejoindre, ne serait-ce que quelques jours, l'Irlande où vivait une bonne partie de sa famille n'étant qu'un agréable bonus dont il ne songerait guère à se plaindre.
- Une bière sans alcool s'il vous plaît. Merci.Une fois cette dernière en main, Lorcan étouffa un sourire avec une première gorgée, imaginant ce qu'il adviendrait s'il buvait cette même bière dans le cottage de ses grands-parents où toute sa famille se réunissait à chaque séjour : son grand-père tenterait de lui coller une "vraie" bière dans les mains en le menaçant de le déshériter s'il n'obéissait pas, une menace bien vide pour qui connaissait le vieil homme, sa grand-mère détournerait l'attention de son mari avec une part de Forêt Noire - gâteau que Lorcan était bien le seul à savoir préparer aux goûts de son grand-père - avant d'entamer avec ses parents une longue série de bataille aux cartes. Internet n'avait pas vraiment ses entrées chez ses grands-parents, ce qui constituait une raison supplémentaire pour le jeune homme d'aimer se retrouver chez eux.
- Qui joue contre qui ?Tout bar n'ayant pas de télé accrochée au-dessus du comptoir et ne diffusant pas une quelconque chaîne de sport ne méritait pas d'être appelé "bar". Et s'il avait posé cette question, c'était bien pour se contraindre à engager un minimum de conversation avec le barman que par intérêt réel, Lorcan n'étant pas un très grand fan de sport : alors de là à reconnaître une équipe d'une autre...
- Je peux avoir une autre bière s'il vous plaît ?Si regarder du sport à la télé n'était pas l'activité la plus passionnante qui soit, celle-ci avait au moins le mérite de passer le temps et de lui donner de quoi focaliser son attention. Toujours mieux que rien.
« Salut Lorcan, ça fait un moment, je peux me joindre à toi ? »Reconnaissant Peter O'Connor, Lorcan accepta la requête de ce dernier d'un sourire. Sans arriver à se considérer comme Irlandais "pur souche", il ne pouvait qu'apprécier la présence d'un compatriote.
- Bien sûr, assieds-toi. Quoi de nouveau à l'hôpital ?Il y avait de fortes chances que la journée du nouveau-venu soit nettement plus intéressante que la sienne.