Still in love with you - Jan

✵ Fidèle à ses habitudes, plusieurs fois semaine Jan quittait tôt le matin le confort de son lit afin de prendre la route pour la campagne. À un peu plus d'une heure de chez elle, à Martinborough, ce trouvait son petit havre de paix. Un vignoble s'étendant sur plusieurs hectares constituait sa plus belle réussite. Douze ans auparavant, elle en avait fait l'acquisition après le décès de l'ancien propriétaire. Ce dernier n'avait malheureusement pas vu l'importance d'entretenir les lieux, laissant finalement à l'abandon les multiples bâtiments ainsi que le matériel. Déterminée et l'argent plein les poches, Jan y avait vu là un réellement défi. Elle avait pu renouer avec son envie d'ambition et d'aventure. Puis l'envie de s'échapper de l'Australie l'avait également bien motivé à faire le grand saut vers la Nouvelle-Zélande. Bien qu'au départ, Jan avait tenu à mettre la main à la pâte, il était désormais bien rare de la voir à la récolte des raisins. Il fallait tout de même reconnaître que ses champs de compétences étaient fort mieux utiles derrière un bureau, avec le chapeau de gestionnaire. Et avec les années, elle avait su s’entourer du personnel le plus compétent du milieu. Un vieux maraîcher italien avait su croiser son chemin quelques années auparavant, lui qui devint le meilleur allié de l'Italienne d'adoption. Cet homme avait su s'assurer qu'un personnel qualifié seulement allait se trouver à travailler pour elle. Puis finalement, tout ce beau monde avait fini par devenir à ce qui ressemble le plus à une famille aux yeux de Jan. Des gens qui avaient su l'aider à réaliser les plans exacts de ce à quoi elle aspirait pour cet endroit. Des employés fidèles, après toutes ces années. Alors cette après-midi là, l'Australienne se trouvait à son bureau, dans l'annexe principale que formaient les trois grands bâtiments du domaine. Plongé dans les livres de comptabilité, Jan assurait l'exportation de son vin à l'étranger. En moins de dix ans, son Sauvignon Blanc avait su se faire une réputation à l’international. Tout comme plusieurs autres vins reconnus de la Nouvelle-Zélande, ce succès amenait en contrepartie une charge de travail énorme. Mais malgré cela, elle avait tout de même une chance énorme de jouir d'un endroit pareil. Les travaux de reconstructions avaient directement mené les infrastructures champêtres à se marier parfaitement avec un style moderne, doté d'un luxe que peu de vignobles pouvaient se vanter. Évidemment, lorsqu'on avait un parcours égal à celui de Jan, on pouvait aisément se le permettre. Ainsi pouvoir offrir un lieu visuellement agréable aux visiteurs, et un lieu de travail unique pour elle. Alors ce matin là, l'Australienne s'attardait à la pile de papiers qui se trouvaient face à elle, lorsqu'au même moment, on toqua à la porte de son bureau. Nicolo, celui qui avait su exporter son savoir-faire d'Italie jusqu'ici venait faire requête à son attention. Désormais engagé dans une grande discussion afin de pouvoir régler les différents problèmes, la grande brune se leva de sa chaise, venant s'installer bras croisés, contre le coin de son bureau. Les sourcils froncés face aux inquiétudes que l'Italien lui amenait, Jan tentait tout de même d'un ton calme et strict de gérer la situation. Rien de grave certes, mais c'était une chose de plus à ajouter à sa pile de travail. « J'y veillerai personnellement à ce que ce soit réglé, ça devrait être fait d'ici la semaine prochaine. Grazie mille Nicolo. » Du côté de son angle mort, Jan arrivait à discerner une silhouette qui venait d’apparaître dans le cadrage de la porte qui avait été laissée ouverte quelques minutes plutôt. Concentrée dans sa discussion, la brune n’y avait pas porté une réelle attention. Jusqu'à ce que le son d'une voix familière retentit jusqu'à ses oreilles. Son visage s'orienta alors vers ce qu'elle aurait cru être un fantôme. Un fantôme d'un passé qu'elle avait tenté d’oublier. « Alycia ? » C'était impossible. « Potresti scusarci per un momento? Grazie. » Elle s'excusa rapidement auprès de son collègue, puis lui demanda de prendre congé. La brune avait surtout besoin de comprendre ce qui se passait à l'instant. Est-ce qu'elle était en train de rêver ? Ce moment qu'elle attendait depuis tant d'années. Les mots peinaient à sortir de sa bouche. Lorsque l'Italien quitta la pièce, Jan ferma la porte derrière la blonde d'un pas presser. Elles se tenaient alors l'une en face de l'autre, la brune avec le regard incrédule. « Mais qu'est ce que tu fais ici ? » Elle connaissait déjà la réponse à cette question, mais Jan avait besoin de l'entendre de vive voix. « Comment est-ce que tu as pu entrer d'abord ? » Douze ans séparaient les derniers échanges qu'elle avait pu avoir avec Alycia, alors c'était dans une totale incompréhension qu'elle se tenait face à celle qui fut autrefois son amante.  

✵ Jan n'en revenait tout simplement pas. Comment était-il possible qu'après douze longues années; sans un mot, sans aucun signe de vie, Alycia se retrouvait enfin là. Elle avait envie de se pincer, est-ce qu'elle allait ce réveiller d'un rêve ? Depuis douze ans, Jan fermait les yeux simplement pour voir son visage à nouveau. Ses yeux d'un vert noisette et de magnifiques cheveux blonds, une image qu'elle portait dans son coeur depuis le premier jour. Et Jan avait toujours détestée ce retrouver en position de faiblesse devant la beauté de son amante, pour rien au monde elle lui aurait refusé quelque chose. Il fallait l'admettre, la Jan au coeur de pierre arrivait à s'adoucir devant la photographe. Elle se retrouvait entièrement vulnérable. Une proie face à ses propres sentiments. Puis ce moment-ci n'en faisait pas l'exception, la grande brune était complètement désemparée face au retour d'Alycia dans sa vie. Depuis tant d'années, ses pensées avaient fait une croix sur elle, mais les vieilles blessures de son coeur n'en avaient évidemment rien oublié. Toutes ses pensées s’affolaient dans sa tête; l'Australienne avait envie de la prendre là, sur le coin de son bureau et de rattraper toutes ces années gâchées loin l'une et de l'autre. Puis elle avait envie de l'engueuler, pourquoi maintenant ? Pourquoi Alycia l'avait laissée le coeur meurtrit, retourner seule en Nouvelle-Zélande, alors que maintenant elle était là ? Trop de questions, alors que Jan en perdait tous ses moyens. La blonde avait bien sûr toujours eu cet effet sur elle, et même douze ans après. « Je ne comprends pas Alycia... » La brune faisait les cent pas dans son bureau, alors que la voix d'Alycia résonnait en écho à ses oreilles. Jan tentait de réfléchir à la tournure des événements, elle en perdait son sang-froid. Ça bouillait de l'intérieur, parce qu'évidemment la brune mentirait de dire qu'elle n'était pas heureuse à cet instant. La revoir c'était un rêve qu'elle n'osait même plus concevoir tellement il était inaccessible. Son coeur avait envie de se donner entièrement à ses retrouvailles, se laisser être heureuse. Mais fidèle à ses habitudes, le sang chaud de Jan emportait ce même bonheur en tentant de dissimuler ses sentiments. C'est le coeur meurtri par les années de silence qui parlait. « Soudaine ? Tu veux rire ? » La froideur de Jan faisait évidemment bien contraste avec la joie qu'Alycia éprouvait devant elle. Mais la brune devait d'abord comprendre à quoi ça rimait. Elle n'allait pas se laisser prendre au jeu encore une fois. Si son ancienne amante n'était que de passage, elle n'irait pas emporter son coeur une seconde fois. « Douze ans Aly... Pourquoi maintenant ? Tu ne m'as jamais laissé savoir que tu étais en Nouvelle-Zélande, alors ne tente surtout pas de me faire la conversation comme si de rien n'était. » L'Australienne se tenait fermement, devant celle qu'elle croyait avoir oubliée. Du haut de ses bottes à talons, sont ensemble deux pièces au prix exorbitant et les bras croisés; Jan donnait un air qui aurait probablement fait fuir quiconque. À l’exception d'elle.

✵ C'était le moins qu'on puisse dire, Jan ne s'était pas levée de son lit ce matin en pensant la revoir. En fait, elle était certaine depuis tant d'années, que jamais elle ne verrait le visage d'Alycia de nouveau. Bien que les réseaux sociaux d'aujourd'hui lui avaient permis de garder un oeil distant sur la blonde, il n'en restait pas moins que l'Australienne avait renoncé à tout contact. Puis à vrai dire, les réseaux sociaux c'était loin d'être sa tasse de thé; son âge venait directement la rattraper. Et parfois encore, ça lui arrivait de s’imaginer ce que la photographe avait pu devenir avec les années. Jan comptait le décalage horaire dans sa tête, les quelques heures d'écart qui séparait son lever et son coucher du soleil au sien. Davantage les premières années, elle y pensait beaucoup. Cette idée, qui hantait ses journées, une vie où elle n'était pas le quotidien de cette blonde qu'elle aimait tant. Une vie dans laquelle Jan n'y ferait jamais pas partit. L'adaptation avait été difficile au départ; des crises d’angoisses en se demandant si elle avait fait le bon choix. Puis les années avaient fini par atténuer le sentiment d’abandon et de solitude. Jan s'était retrouvé dans le lit de quelques-unes aussi, pour essayer de noyer le mal qui l’habitait. Mais toujours sans succès, jamais elle ne pourrait en aimer une autre aussi passionnément que sa Néo-Zélandaise à elle. Alors Jan avait également fait une croix là-dessus; elle finirait seule aux côtés de son vignoble. Puis aussi dur que cette nouvelle avait été à avaler, la brune avait trouvé un certain confort dans cette idée.

Mais elle se trouvait là, contre toute attente. Dans l'incompréhension la plus totale, Jan restait là à l'observer. Est-ce que c'était le destin qui lui jouait un mauvais tour ? Elle avait gâché la vie d'un couple sans rancune, maintenant c'était le karma qui était venu par vengence ? Est-ce qu'Alycia était réellement de retour dans sa vie, pour de bon ? Trop tôt pour le dire et trop tôt pour se faire des attentes. Tellement de questions traversaient son esprit, l'Australienne avait envie d'exploser. Mais la belle blonde était réellement là, devant elle, en chair et en os. Indéniable. « Effectivement, c'est vraiment la dernière chose à laquelle j’espérais ce matin. » Ce faire prendre au dépourvu faisait parti des certaines choses que Jan détestait le plus au monde, mais lorsqu'il s'agissait de la blonde, c'était une tout autre affaire. Alors l'Australienne descendit alors d'un cran; son air hautain laissa place à quelque chose de plus invitant. La brune n'assimilait toujours pas ce qui était en train de se produire, mais son coeur de glace fissurait de plus en plus. Comme chaque fois qu'elle était en présence d'Alycia; impossible de rester froide indéfiniment. Puis les mots de cette dernière lui firent l'effet d'un coup de couteau en pleine poitrine. Malgré toute la haine qu'elle avait pu éprouver envers les choix d'Alycia, jamais elle ne l'avait détesté pour autant. Pas un jour ne s'était écoulé sans que ses pensées la dirigent vers elle, inconsciemment. Jan lui avait autrefois donné son coeur pour ne plus jamais le donner à une autre. Il appartenait à son exception à elle. « Je sais... » Deux petits mots simples; parce qu'elle savait bien évidemment pourquoi elle était là. Après douze ans, dans son vignoble à elle, Alycia l'avait cherchée pour en être arrivée jusque là. Impossible qu'il en soit autrement. « Viens là, toi » Un regard auquel Jan ne savait nullement dire non. Elle avança doucement vers la blonde, puis du bout de ses doigts elle s’empara de quelques mèches de ses cheveux.  Graduellement, sa main vint rejoindre le creux de sa joue. Un visage que la brune connaissait si bien. Des traits familiers, bien que quelques peu vieillit par les années. Toujours aussi belle, bordel. Puis son regard finit par retrouver les yeux de son ancienne amante. Finalement, Jan s'autorisait un regard plus tendre; celui d'un coeur amoureux. Elle passa alors ses bras atour d'Alycia, l’entraînant dans une longue et forte étreinte. Jamais elle ne l'aurait avoué à voix haute, mais ça lui avait terriblement manqué. « Je ne pensais jamais te revoir... » Souffla-t-elle dans un moment d'aveux.

✵Depuis toute jeune, Jan avait rapidement saisi l'importance de choisir les personnes qu'elle s'autorisait à laisser entrer dans sa vie. Puisque ses parents n'avaient pas été d'exceptionnelle figure parentale, cela lui avait néanmoins appris à faire confiance aux bonnes personnes. Puis en grandissant, elle avait été plus sélective que certaines autres personnes. C'était sans vraiment s'en rendre compte que ses problèmes d’attachement étaient la raison pour laquelle personne ne restait jamais dans sa vie bien longtemps. L'Australienne était pourtant fortement douée pour les relations sociales; c'était le genre de personne qu'on avait tout de suite envie d’impressionner et d'admirer. Mais pour ce qui en était des relations humaines; elle en perdait tous ses moyens. Dû sans nul doute dû à une partie de son éducation ratée, Jan restait de marbre chaque fois qu'on lui parlait d'émotion. Autant pour ceux des autres que les siennes, jamais elle n'était arrivée à expliquer le résultat de certaines actions. Alors pour éviter le problème, l'Australienne avait trouvé comme moyen logique d'éviter toute situation qui lui demandait de s'investir émotionnellement, en s’appuyant la plus grande majorité du temps, sur son masque d'air froid. Ainsi, lorsqu'elle avait posé pour la toute première fois ses yeux sur la jeune photographe, Jan avait été très loin de se douter les sentiments seraient également de la partie. Au départ, ça avait été limpide, rien de plus qu'un petit jeu de séduction divertissant. Mais le regard d'Alycia n'avait pas su la garder indifférente éternellement. Peu à peu, la blonde avait frayé son chemin, sans le savoir, entre les fissures de son coeur de marbre. Et sans le voir venir, Jan s'y était abandonnée complètement. Et lorsqu'elle c'était rendu compte de l’ampleur de la chose, il avait été déjà bien trop tard. Déjà jalouse de la relation que Alycia entretenait toujours avec Joshua. Désemparée par la peur de perdre sa belle blonde. En colère d'être tombée aussi facilement. Des sentiments auxquels elle n'avait pas su échapper. Alors il n'avait rien de nouveau pour la grande brune de se voir céder encore face à se sourire qui la faisait fondre chaque fois. Ça aurait pu être les sept autres milliards d'habitants de ce monde, Jan les aurait tous envoyés se faire voir après douze années de silence radio. Mais Alycia c'était l’exception à la règle; ça l'avait toujours été et ce n'était définitivement pas près de changer non plus.

Le silence régnait dans tout l'énorme bâtiment, alors il n'avait pas été très difficile d'entendre l'écho de leur respiration. L'Australienne qui retrouvait enfin le contact de sa douce, il y avait également ce sentiment d’apaisement profond. Le monde aurait pu s’écrouler autour d'elle et Jan n'aurait pas bougé un seul doigt. Puis l'iris de ses yeux ne tardèrent plus à défiler chacun des traits de la blonde qui se tenait devant elle. Un visage, des mains, un corps, tout ce qui lui rappelait pourquoi elle en était tombée amoureuse. Ses pensées soulignées par ses actes, les doigts de Jan continuèrent cette analyse le long de son cou jusqu'à la hauteur de son sternum qui se soulevait aux mouvements de ses respirations. Puis les battements du coeur d'Alycia; de pouvoir enfin les sentir aussi forts que les siens. Une sensation familière et rassurante. Jan avait finalement compris; elle était là, pour vrai. Personne n'allait la lui enlever, rien de mal n'allait leur arriver. Puis à ce moment, la brune expira lorsqu'Alycia répondît à son étreinte. Rien n'avait changé, elle venait comme de prendre dix années en moins. La douce voix de la blonde vint finalement rompre le silence qui s'était imposé dans la pièce et au creux de son cou, Jan entendit le son tremblant des mots qui venaient de retentirent. Les yeux mis clos, l'Australienne sentit également ses propres joues s’empourprer puis ses pupilles se noyer dans des larmes qu'elles tentaient fort bien que mal de retenir. D'une voix à peine plus confiante, la brune lui répondit alors que leurs deux corps s’éloignèrent tranquillement l'un de l'autre. « Tu ne peux même pas savoir comment je suis heureuse de te voir ici. N'en doute même pas une seule seconde. » Du bout de son pouce, Jan effleura les pommettes de la blonde, balayant les petites larmes qui y perlaient encore. Puis un léger sourire s'était installé sur les lèvres de l'Australienne, en signe de réponses aux mots d'Alycia. Elle n'avait jamais réellement eu besoin des mots pour lui faire comprendre quoi que ce soit. « Et toi tu n'as pas changé d'un poil. C'est à peine si les années t'ont fait des rides. Toujours aussi magnifique, comme lors de cette soirée d’hiver lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois. » Au grand bonheur de Jan, ça lui avait passé par la tête de se dire que certaines personnes vieillissaient aussi bien que les meilleures bouteilles de vin. Une expression qu'elle était ravie d’appliquer à la situation. Et bien qu'elle aurait voulu passer le reste de la journée dans cette même position, ses pensées la ramenèrent à la raison en enchaînant. « As-tu le reste de ta journée de libre par tout hasard ? Aucune chance que je reste enfermée entre ses quatre murs avec la magnifique température qu'il fait dehors, puis toi. »  

✵Elles auraient probablement pu passer le reste de la journée à s'admirer, comme ça, avec une passion dévorante. Des retrouvailles tellement inattendues, que Jan en avait presque perdu tous ses moyens. C'était toujours cet effet que la belle blonde lui procurait, ce depuis des années et étonnamment, douze ans encore après. Elle devenait une personne presque entièrement différente; beaucoup plus souple, tendre, souriante, rayonnante, puis amoureuse. Des adjectifs dont elle en avait perdu la signification depuis tant longtemps. Son air terne et son coeur de glace l'avaient emporté sur tout le reste. Bien qu'elle n'avait jamais atteint la méchanceté pure et dure, les années avaient su la rendre inaccessible aux yeux de certains. Fatiguée de devoir plaire, l'Australienne avait fini par accepter ce qu'elle était devenue. À l'âge que Jan avait aujourd'hui, il n'était plus question de se bâtir une réputation de toute façon, fallait juste la conserver sans que ça se dégrade. Mais lorsqu'Alycia était à ses côtés, s'en était une tout autre affaire. Cette dernière qui la connaissait si bien, elle arrivait à en tirer le meilleur, enfoui profond chez la brune. Et même à travers ce que certains auraient qualifié d'une relation malsaine, Alycia restait son bonheur à elle.

« Shut... Ne dis pas de telle chose. » Hochant négativement de la tête, la simple idée de concevoir qu'Alycia aurait pu avoir raison mettait Jan dans tous ses états. « Je sais que par le passé j'ai pu me montrer... Rancunière. Ça n'a pas été facile les premières années, je dois l’admettre. Mais aujourd'hui tout est différent. Tu es là Aly et c'est ce qui compte. » Un sourire venait d'étirer les traits sur le visage de l'Australienne, venant également souligner ses propos. Bien sûr, ça aurait été de mentir de dire qu'elle ne lui en avait jamais voulu. Mais comme toute chose, Jan avait vécu son deuil en plusieurs étapes. Le jour où elle avait mis le pied dans l'avion, sur le vol de retour vers la Nouvelle-Zélande, elle avait maudite la photographe tout le trajet de ne pas avoir choisi la place à ses côtés. Les quelques jours qui en avaient suivi, le déni surplombait ses pensées, comme si Alycia n'avait jamais existé. Puis finalement, elle avait su se confier auprès d'un ami. Rafael qui avait su lui faire comprendre qu'il était humain d'avoir des émotions de la sorte. Alors durant quelques jours, elle s'était isolée du reste du monde, pleurant chaque larme de la peine profonde qu'elle éprouvait. Et tel le phoenix qui renait de ses cendres, Jan avait décidé d'investir toute son âme dans les rénovations de son vignoble. La sauvant probablement ainsi d'une dépression, mais également du deuil qu'elle avait eu à faire. Trouvant finalement un triste réconfort dans l'idée qu'Alycia était heureuse à Melbourne, aux côtés de l'homme qui devaient partager le reste de sa vie. Alors il était évident que cette dernière idée avait été quelque peu saccagée par l'arrivée de la photographe, maintenant douze ans plus tard. Mais Jan ne pouvait négliger son envie de renouer avec le bonheur que la blonde lui apportait. « Toujours aussi humble à ce que je vois... » Les mots d'Alycia lui avaient arraché un petit rire amusé. « Je me souviens surtout d'une jolie blonde aux cheveux toujours soyeux et au bonheur toujours aussi contagieux le matin. Mais tu as raison, certaines personnes ont vraiment un don que j'ignore. » Puis suite à sa question, la photographe avait enchaîné avec une réponse bien satisfaisante aux oreilles de Jan. Rien ne la rendrait plus heureuse au monde que de lui faire visiter les lieux. « Alors une petite visite s'impose. Et comme tu as bien choisi ta journée, le vignoble n'est pas ouvert au public le dimanche. On aura l'endroit uniquement pour nous. » Évidemment, les derniers mots de la blonde avaient su dessiné un large sourire sur les lèvres de Jan. Alors que cette dernière venait de saisir la main d'Alycia, elle l'entraînait alors vers l'extérieur, à travers le labyrinthe des différentes pièces du bâtiment d'inspiration italienne. Une fois toutes deux arrivées devant l'immense étendue des vignes, l'Australienne s'arrêtât un moment afin d'admirer une vue dont jamais elle ne s'était lassée. « La vue est bien différente lorsque c'est la saison des vendanges bien sûr, mais même après toutes ses années, je trouve ça toujours unique de voir les vignes surplombées des montages au loin. » Jan savait que la photographe possédait avec elle, la majorité du temps, son appareil photo. Alors il était bien évidemment inutile de lui demander si elle souhaitait faire un petit arrêt pour prendre quelques clichés du paysage qui se détaillait devant elles.

✵« C’est tout ce qui compte, Love. C’est si étrange et merveilleux de te voir là, je pense juste que ma tête tente encore de s’adapter. Mais mon cœur, tu le sais bien, il est tout à toi. » Alors que les deux femmes c’étaient désormais dirigées à l’extérieur, venant y retrouver la beauté des vignes, Jan respirait l’air avec un bonheur qu’elle avait rarement connu dans les dernières années. Menant la marche telle une guide, elle mena sa douce blonde à travers les longues allées où y poussait le raisin. S’arrêtant par-ci et par-là, afin de laisser la chance à la photographe de parfaire sa passion, l’Australienne admirait le paysage avec un air de satisfaction. Évidemment, elle ne regardait pas ses vignes du même œil que le reste du monde. C’était le résultat d’un travail acharné, d’ardeur et de passion. Un rêve qui s’était réalisé; celui d’une jeune femme déportée en Italie, celle qui c’était épris pour leur fierté nationale. Rien n’arrivait à la cheville des nobles vignobles de la Toscane, mais la chance unique d’une similitude aussi belle avait été possible en Nouvelle-Zélande. Une fierté bien à elle, Jan ne chérissait rien de plus au monde. Façonné de ses propres mains, c’était comme l’enfant qu’elle n’avait jamais eu.

Aux côtés d’Alycia, les deux femmes divaguèrent entre les bouts de vignes. Se laissant porter aux sons du vent et des oiseaux qui s’y trouvaient. Les mots n’étaient plus nécessaires, la vue l’emportait sur tout le reste. Au regard admiratif de la blonde, Jan laissa paraitre un large sourire aux traits de son visage. La voir sourire cette femme, ça valait n’importe quelle vue du monde. Le poids des douze dernières années s’évaporait graduellement, au même titre que sa rancune. « Merci, j’en suis remarquablement fière, comme tu t’en doutes bien. Beaucoup de choses ont changé depuis les dernières années ici, mais c’est un résultat qui me satisfait énormément. Puis je ne prends pas le mérite seul, ça n’a été possible que grâce à tout un tas de monde plus compétent les uns que les autres. » Bien qu’elle eût abandonné sa blonde dans le passé pour cette nouvelle réalité, Jan y avait trouvé beaucoup de similitudes au final. Cet endroit, la seule chose arrivait à vraiment la rendre heureuse. La seule chose qui méritait toute sa dévotion, son affection et sa tendresse. Puis Alycia était à ce jour, la seule personne pour qui elle aurait retranché toute son âme. Et son vignoble, ça avait été la seule chose pour laquelle Jan avait tout sacrifié. Alors avec la plus grande des évidences, le bonheur était immense de la retrouver en ses lieux sacrés à ses yeux. Un idéal qu’elle n’aurait jamais cru possible. Et pourtant. Lorsque l’Australienne se retourna, elle capta directement le clic provenant de l’appareil photo. Puis elle se contenta de sourire, simplement. Le cliché qui venait d’immortaliser ce moment, une scène que Jan allait chérir dans ses pensées encore longtemps. Elle s’approcha alors d’un pas décidé vers la photographe, étouffant les mètres qui les séparaient. Ce jusqu’à ce que ses lèvres, retrouvent celles qu’elles avaient si longtemps désirées. L’envie de ne pas précipiter les choses était bien présente, mais Dieu seul savait comme jamais Jan ne résistait bien longtemps à ce précieux visage.

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