dive into the cosmos ft. imrân

La porte s'ouvrit, son cœur se mit à frapper fort contre sa poitrine. Le trac s'emparait de lui, mais cette fois-ci, il ne jouerait pas de rôle, hormis son propre rôle. Piotr s'était promis de ne plus jamais mentir, de ne plus jamais prétendre être un autre. Parce que l'essentiel est là, et qu'il vient tout juste de s'en rendre compte. Il ne parle bien évidemment pas que de la présence d'Imrân dans sa vie. Alors quand peu à peu le visage de l'homme qu'il aime se présente à lui, Piotr sent son cœur défaillir. C'était comme une explosion de vérité, d'amour, de pureté. Au fil des dernières années, s'il y avait bien une chose sur laquelle Piotr n'avait jamais émis le moindre doute, c'était l'amour qu'il portait pour Imrân. Ce mec le rendait fou, complètement dingue, il aurait pu mener une vie secrète pour lui s'il le lui avait demandé. Il aurait pu se fondre sous la masse de mensonge que cela aurait pu être. Imrân avait ce truc magique, en lui, à travers sa voix, son éducation, son histoire, ses goûts, ses expériences, qui agissait sur Piotr de façon bienveillante, douce, patiente et toujours positive. Parce que lui, tout ce qu'il n'a toujours retenu de son amant, c'était ce qu'il avait de bon. A ses yeux, le russe était de loin l'être le plus pur et le plus parfait qu'il puisse exister sur cette terre. Et au diable ceux qui prétendent qu'ils n'ont pas leur place en ce monde. A travers son amour pour Maximoff, Piotr comprend qu'alors, c'est bien le reste du monde qui est en tord de ne vouloir partager notre planète avec lui. Mais alors que Piotr se prend une vague d'amour en plein visage, qui vient camoufler sa peur, il se rend compte que pour son petit ami, il en est tout autrement. A la fois la surprise, l'amour bien sûr, mais aussi la délivrance et la colère. Piotr s'en veut, parce qu'il lui a fait du mal. Et de voir les traits tirés de son amant sur son visage, le jeune russe comprend qu'il lui a fait vivre un enfer par son absence. Le plus jeune ne dit rien, les excuses viendront, mais là, c'est d'abord physique ce qu'il ressent. Max lui a manqué, depuis son arrivée, c'est la première fois qu'une telle séparation arrive. Et puis l'année dernière, ils continuaient de s'écrire alors c'était encore différent. Là, ils avaient coupé les ponts. Et bien que cela eut été essentiel et bénéfique pour le plus jeune, ça n'en restait pas moins une torture de ne pas être avec Imrân. Mais il pensait sincèrement à ce moment-là qu'il ne méritait pas Imrân. Et puis ensuite, il avait beaucoup trop honte et peur de se confronté à lui pour rentrer ou même lui écire. Finalement, c'est Max qui réduisit la distance, faisant esquisser un léger sourire aux lèvres de Piotr. Quand Imrân se colla à lui, Piotr ne perdit pas une seconde pour l'entourer de ses bras, une main derrière son crâne, se mêlant à ses cheveux épais. Il caressa la joue de son amant de la sienne, laissant ses lèvres venir effleurer la peau de sa nuque, là où résidait l'odeur de son amant dans son creux le plus précieux. Ses mains s'agrippaient à ses vêtements, tandis que le corps de Piotr vint émettre une légère pression contre celui de Max. Cela faisait tellement de bien de pouvoir sentir son odeur, ses mains, la présence et la force de son corps, et en même temps, la tendresse de ses gestes, les soupirs de soulagement qu'il pouvait sentir jouer sur sa peau. Il frémit. Avant que Max ne s'éloigne, trop rapidement, trop sèchement. Sa voix résonna, Piotr marqua une grimace, passant sa main sur son crâne, gêné. Il avait le regard fuyant, alors c'était maintenant ? Comme ça ? Là ? Max s'éloignait pour rejoindre son lit, le plus jeune se retourna pour fermer la porte et chercha ses mots tout en s'approchant de son petit ami. Ce dernier commençait à l'engueuler et il en avait totalement le droit, Piotr avait merdé. Il avait commis une erreur qui lui avait fait de la peine et surtout, très peur. Et durant une seconde, il eu l'impression de se voir il n'y a pas si longtemps avec sa sœur. Après tout, n'était-ce pas un peu ça ? Partir en pensant que c'était la solution, faire le mort, se perdre dans le néant et puis ne plus avoir assez de courage pour revenir ? Ouais. Sauf que lui, il était revenu.
Les yeux de son petit ami commencèrent à briller, l'émotion dans sa voix, la frustration dans ses gestes, Piotr le capta tout de suite, alors à peine eut-il fini de l'engueuler, que le plus jeune venait de réduire totalement la distance entre eux. Posant une main sur chacune des deux joues de son petit ami, il fini par capter son regard et l'interrompre tout de suite « hey mon amour, j'pourrai jamais t'dégager d'ma vie » en russe. « J'te d'mande pardon, c'était une erreur, j'ai merdé » il fallait que maintenant, il affronte les démons qui l'avaient entraînés dans une danse macabre il y a de cela bien longtemps déjà. C'était le moment, ce fameux moment où tout allait enfin trouver une issue, une solution, une fin ou plutôt, un commencement. « J'avais trop honte, et j'ai toujours honte d'avoir menti, d'avoir joué c'rôle avec Aela, de jamais avoir pu te parler de l'agression, d'être parti, j'm'en voulais trop et... » il marqua une pause « j'pensais qu'tu voudrais plus d'moi » avoua t-il. Ses pouces glissaient sur les joues de Max, tandis que ses mains essayaient de garder précieusement son visage entre leurs doigts. Piotr s'en voulait terriblement, il n'avait jamais voulu tout ça, et il devait subir les conséquences c'était sa sentence. « J'ai jamais voulu t'faire du mal » l'une de ses mains se glissa dans sa nuque, qu'il serra assez fort pour amener le visage de son petit ami contre le sien. « J't'aime comme un fou putain » grogna t-il presque « et j'laisserai plus rien venir gâcher notre histoire » que ça soit lui, un autre, un parent, un travail, des soucis de santé ou d'argent. Non. A partir de maintenant, il serait prêt à tout affronter, il en avait le courage, il en avait l'envie, il en avait la rage.

Lorsque son petit ami répéta ce qu'il aurait toujours du se souvenir, à savoir que jamais il ne se séparerait de lui ; son cœur sembla trouver un nouvel élan. Un sourire franc et furtif vint redresser ses lèvres, ça faisait du bien. Parce que Piotr n'avait pas été habitué aux démonstrations d'amour, quelque genre que ça soit. Il découvrait à quel point Imrân avait eu raison : parler était bénéfique et oui, c'était la chose à faire. Non pas parce que certaines choses doivent être dîtes, mais plutôt parce que certaines doivent être entendues. Etait là toute la nuance. Ses mains autour du visage de son petit ami, ses doigts s'attachaient à ce visage comme s'il était question de le soutenir. Voir les larmes de tristesse d'Imrân brisait le cœur du plus jeune. S'il y avait bien une seule personne sur cette Terre qui doive être préservé, c'était bien Imrân. C'était la personne la plus merveilleuse du monde, il ne méritait pas cela. Alors que son petit ami s'expliquait, Piotr se confondait en excuses, essuyant les dernières larmes de Max de ses pouces. Leurs fronts se touchèrent, leurs mains semblaient désireuses d'agripper l'autre, de sentir sa présence et sa stabilité. Et il est vrai qu'à deux, ils étaient beaucoup plus stable, car même si l'un des deux flanchait, l'autre restait là. Piotr ferma les yeux, se nourrissant des paroles de sa moitié, qui lui faisait tant de bien. C'était comme trouver le médicament aux maux qui le rongeait. Il lui avait fallu du temps, le chemin ne s'était pas tout à fait fait naturellement, mais il s'était fait. Il avait acquis des choses, il était prêt à avancer désormais. « Pour toujours » répéta t-il en russe à son tour. Fusionnels, Piotr saisi presque Imrân et son visage contre lui, au même moment que ce dernier ne se jette contre lui. Sentir la pression de ses lèvres, l'envie de son amant pour lui, la force de leur attachement l'un à l'autre était nécessaire. Ses lèvres avaient ce petit goût de salé, submergées par les larmes de Max. Leurs langues se trouvèrent alors et il serait atrocement faux que de prétendre que le plus jeune n'avait pas envie de son petit ami. L'envie était bien là, présente, très intensément même, mais trop violemment, Max se détacha de Piotr pour lui affirmer qu'ils ne pouvaient pas baiser là comme ça, ils devaient parler. « Ouais ok... » répondit Piotr un peu pris au dépourvu. Ouais, ils avaient besoin de parler, mais là c'était aussi brutal de se séparer de la sorte. Mais Max avait bien le droit de lui faire un peu mal, clairement, il n'était pas en position de négocier. Il senti l'émotion dans la vie de Max, alors qu'il faisait référence à l'agression. Ouais, ce chapitre là, ils devaient en parler. Il fallait qu'ils le fassent. Mais Piotr ne s'attendait pas à ce que ça soit un poids si imposant dans la vie de son petit ami. Il ne lui avait jamais posé la question, ils avaient traversé ça seul, chacun de leur côté. Piotr ne s'était jamais rendu compte à quel point sa position devait être aussi compliquée que la sienne : ne pas se souvenir. C'est laisser la liberté à chacun de raconter ce qu'il veut, s'est ne plus être maître de son corps et de son esprit, c'est une position infâme en soi. Piotr le comprit en voyant le visage de son petit ami se décomposer, malgré la dignité dont Max voulait faire preuve. Piotr s'approcha, tendrement. Sa main glissa sur la joue de son petit ami, venant rapidement l'attirer contre lui pour le prendre à nouveau dans ses bras. Tenant sa nuque dans sa paume, le coude presque contre l'épaule de Max, il le retenait aussi de son autre main. « D'accord... » répondit-il un peu surprit par tout ça. Il ne s'était pas attendu à ce que Max souffre autant, il n'avait vu que sa propre souffrance dans cette histoire. Et puis cette histoire de psy... il fallait qu'il accuse le coup. Imrân était soutenu par sa famille et là, il réclamait de l'aide extérieure, sérieuse, parce qu'il ne semblait plus être capable de vivre avec tout ça. Piotr lui, était tout juste en train d'entamer son chemin personnel dans sa construction -reconstruction. Il n'en était pas encore là, mais par contre, il était vraiment là pour son homme. Alors il recula son corps, assez pour pouvoir croiser le regard d'Imrân. Il sourit doucement, tandis que sa main derrière caressait sa nuque et l'arrière de ses cheveux « on va faire c'qui faut pour que ça aille et j'te laisserai pas tout seul bébé » il chercha son approbation et fini par ajouter « on est plus forts » dit-il avec rage, envie et surtout, détermination et confiance. Désormais, il y croyait véritablement quand il disait cela. Sa main avait émit une pression supplémentaire sur la nuque de Maximoff, comme pour appuyer ses propos. Il ramena Max contre lui, déposant un baiser sur sa tempe. Son petit ami avait besoin de lui, et il serait là. Il n'y avait jamais eu d'autre option que celle-ci et uniquement celle-ci. Ils restèrent un instant comme ça, le temps sans doute de se calmer un petit peu pour se préparer à la suite. Piotr savait que Max avait besoin d'entendre la vérité, qu'il avait besoin de réponses à ses questions, que cette année passée sans en discuter avait été terrible. Il savait que ce moment était arrivé, qu'il allait devoir faire preuve de courage, qu'il allait devoir faire confiance à Max pour porter ce poids qu'il allait lui céder un peu plus sur les épaules. C'était difficile, il doutait, il avait peur de faire une erreur en lui racontant tout, mais Max le lui demandait, et il n'était plus possible de penser à vivre avec ça, seul. Il embrassa à nouveau les cheveux de son petit ami, à plusieurs reprises, le gardant contre lui, avant de s'éloigner d'un pas, une main toujours sur sa joue. Il était terrifié, mais il devait se montrer fort pour Imrân. Cette fois-ci c'était à lui de l'aider et de porter leur couple. Il esquissa un sourire plein d'encouragement, sans avoir besoin de le dire à voix haute, leurs yeux parlaient pour eux : remplis d'amour et surtout, comprenant parfaitement le moment qui allait suivre. « J'crois que... » il s'arrêta, baissa les yeux, brutalement. Il reposa son regard dans celui d'Imrân, plus doucement. Il se recula encore, brisant le contact avec lui, passant une main sur son crâne. Il était mal à l'aise, il avait peur, mais il savait qu'il devait le faire. Il regarda la suite, s'approchant du canapé et finalement, lança « j'crois que c'est le moment où » il marqua une pause, chercha le regard de Max et termina « où tu m'poses les questions dont tu veux connaître la réponse... » en soupirant, très peu confiant.

Son petit ami ne tarda pas à l rejoindre sur le canapé de cette suite. Piotr sentait son cœur battre fort dans sa poitrine, il sentait l'appréhension s'emparer de tout son corps. Il avait peur de se replonger dans ces souvenirs là, il avait peur de les partager avec Max et que celui-ci n'arrive pas à encaisser le coup. Il avait peur des répercutions, il avait peur des conséquences, il avait tout simplement peur d'empirer les choses plutôt que de les arranger. Mais Imrân voulait savoir ce qu'il s'était passé ce soir-là, il voulait les détails, il voulait retrouver sa mémoire et ça, Piotr pouvait le plus apporter. Il se pencha en avant, sur ce canapé, les coudes posés sur les genoux, permettant à ses mains de se rejoindre dans le vide de ses jambes. Sa tête était penchée, observant le sol, ne voyant pas la larme couler sur la joue de son petit ami. Pourtant, il entendit au son de sa voix que non, ce n'était pas aussi simple pour lui, pour quelqu'un qui ne se souvenait pas. Au contraire. Piotr hochait la tête aux premières paroles de son petit ami, qui lui racontait ce dont il se souvenait. Puis, il se tourna un peu vers Imrân, assez pour pouvoir prendre sa main dans la sienne, mêlant ses doigts aux siens. Son petit ami lui posa une question, tandis que les flash revenaient sur la scène de l'esprit du Tsvetkov. Il ferma les yeux, essayant de prendre une respiration calme et profonde. Mais c'était dur de réussir à se contrôler. C'était vraiment dur de se plonger à nouveau dans cette terrible nuit, de se retrouvé submergé par tous ses souvenirs dérangeants et douloureux, c'était vraiment très dur de ne pas sombrer dans l'angoisse et l'inquiétude de ce traumatisme. Il respira, profondément, prenant son temps pour répondre à Max, pour choisir les mots qu'il devait utiliser pour parler de cette nuit là. Imrân voulait savoir lequel des deux avait été attaqué en premier. La main de Piotr glissa sur son visage, laissant ses doigts appuyer sur les comissures de ses lèvres ouvertes, avant de répondre presque la voix cassée « c'est toi. »
Sa tête se tourna, il releva les yeux pour croiser le regard un peu perdu de Max, qui cherchait sûrement à se souvenir du premier coup. « On les a entendu de loin, ils étaient dans l'ombre et quand on les a vraiment vu c'était déjà trop tard » se souvint le plus jeune. Dans ses souvenirs, il y avait des mecs partout autour d'eux, à la fois devant et derrière, les empêchant de fuir d'un bout à l'autre. Il se pinça le nez, prenant à nouveau une respiration bruyante. « Ils ont commencé par nous pousser, et ils n'ont pas aimé mon regard, du coup ils t'ont cogné en premier pour ça » avoua t-il. Imrân s'était prit un coup de poing, alors que Piotr lui, se faisait bousculer, puis retenir par un gars pour bien observer ce que Imrân devait supporter. « Ils me poussaient un peu, ils m'ont envoyé deux ou trois coups, mais j't'avoue que je te regardais toi surtout, tu as eu très mal dès le premier coup qu'ils t'ont envoyé » continua t-il alors, le regard baissé, incapable de regarder trop longtemps Max dans les yeux. « Y'en a un qui t'a attrapé par le cou et qui t'a... » il serra les dents, dévoilant sa machoire au travers de sa peau « il t'a envoyé son genoux dans la gueule et dans le bide » il se pinça le nez de ses doigts, avant de retomber dans le fond du canapé, brisant le contact avec la main d'Imrân. « J'leur ai demandé d'arrêter, ils m'ont envoyé plusieurs coups dans le ventre aussi » raconta t-il. « Et puis ils ont commencé à se frapper au visage » il leva la main pour mimer les prochains mouvements d'Imrân, dans ses souvenirs « ton corps passait de l'un à l'autre, t'étais à peine conscient » il se souvient alors de ce sentiment d'impuissance qu'il avait pu ressentir, de ce sentiment d'être enchaîné, incapable de bouger, incapable de le sortir de là. Il entend dans sa tête leurs rires, leurs blagues, leurs idées pour la suite de la soirée. « Puis t'es tombé » et c'était bien ce moment-là qui avait fait angoisser le plus jeune « t'es tombé d'un coup, ta tête à... » il sa racla la gorge « t'es tombé la tête sur le trottoir » il chercha les yeux de son petit ami. « J'entendais ton corps se briser, j'ai entendu craquer, j'ai entendu tes gémissements tout faibles » il avait la rage en disant cela. Il passa alors sa main sur son visage en soufflant, pour essayer de se contenir. « J'ai cru... qu'ils étaient en train de te tuer devant moi, juste là » il regardant devant lui, essayant de visualiser la scène sous ses yeux. C'était comme si tout se jouait à nouveau devant lui, c'était horrible. Son corps tout entier se souvenait de tout. « Ils ont continué de te frapper, au début on entendait encore un tout petit râle venant de toi » tandis que lui aussi, durant ce temps là, se faisait frapper. Il devait supporter les coups de pieds dans le ventre, dans les jambes et vers la tête. Il se souvient du froid, de la douleur, de cette immense douleur qui était née à l'intérieur de lui et qui se répandait dans son corps tout entier. « Et puis après on entendait plus rien, juste le bruit de ton corps par terre » et ce silence là, il avait été terrible. Il se souvient d'avoir hurlé, d'avoir crié pour le réveiller, pour le maintenir conscient, pour les arrêter eux, les supplier d'arrêter. Mais ils avaient continué. « Tu bougeais comme une poupée de chiffon, t'étais inerte, t'étais... mort » avoua t-il en croisant le regard de Max. « J'ai cru que t'étais... » il senti la peur qu'il avait pu ressentir à ce moment-là, de son monde qui s'écroulait, de la perte de la personne qu'il aimait le plus, de cet abandon, de ce sentiment d'impuissance. Il fit glisser sa main sur son visage, soupirant alors, tandis qu'il avait à nouveau envie de pleurer. « Ils ont continué de nous frapper, puis ils ont commencé à s'en prendre à moi » et là dessus, il passerait les détails. Il ne voulait pas qu'Imrân connaisse tous les détails, il avait bien trop honte, il avait bien trop peur qu'il ne le voit plus jamais comme avant, alors que dans le fond, il n'y avait rien de plus grave que ce qu'il avait déjà raconté. « J'sais pas combien de temps ça a duré mais j'me souviens que des gens nous ont vu de loin, y'a eu des bruits, des cris et puis des gens sont venu nous aider » et la suite, ils la connaissaient tous les deux, ou presque, non ?

Quand Piotr termina le récit de leur agression, Max quitta le canapé pour s'approcher de la fenêtre. Ce départ, Piotr le suivi des yeux, et ça lui faisait mal. Parce qu'en quelques secondes, il venait de revivre l'agression qui le terrorisait depuis un an et qui lui avait gâché la vie ; et puis parce que sa moitié s'en allait loin de lui. Est-ce qu'Imrân lui en voulait de lui avoir raconté ? Est-ce que désormais il comprenait pourquoi Piotr avait cherché à l'épargner ? A le protéger de sa propre histoire ? Parce que non, Piotr ne l'avait pas rêvé, il avait vraiment vu des scènes choquantes. Il avait vu son petit ami se faire frapper presque à mort sous ses yeux impuissants, est-ce que vous vous mettez à sa place une seconde ? Vous aimez une personne plus que de raison, toute cette personne représente ce qu'il y a de plus beau dans votre vie, dans votre univers, elle est ce qui est le plus pur, le meilleur, le positif et surtout, ce qui vous rend heureux au quotidien. Cette personne est à elle seule une raison de se lever le matin, de se battre, de croquer la vie, d'être ambitieux, d'aimer l'avenir. Et cette personne là, elle se fait manquer de respect en tant qu'être. En tant qu'être vivant, elle est bafouée, humiliée, torturée, et tuée aussi simplement que ça. Parce que Piotr l'avait sincèrement et vraiment vécu comme tel, à un moment donné, il avait vécu dans un monde où il pensait réellement qu'Imrân n'était plus. Personne ne peut imaginer la douleur, les ténèbres, la souffrance que cela peut engendrer chez l'être aimé. Personne ne peut imaginer le traumatisme incrusté dans sa mémoire, dans ses réflexes, dans ses comportements et ses attitudes. Ainsi que ses habitudes. Mais très vite, Imrân revint vers lui, arrivant à genoux devant lui, prenant son visage entre ses mains. Piotr venait d'enfoncer son regard rempli de tristesse, de souvenirs extrêmement douloureux et aussi de culpabilité dans le regard de son petit ami, où il pouvait y lire sa profonde tristesse et sa culpabilité aussi. Son petit ami s'excusait, mais Piotr ne comprit pas. Il s'excusait pour leurs agresseurs ? Il s'excusait de lui avoir demandé de se replonger dans tout ça ? Il s'excusait pour ne pas l'avoir cru quand il lui disait qu'il était mieux à ne rien savoir ? Le plus jeune était confus, mais alors que son petit ami cherchait réellement son pardon, le bruit atroce, gravé dans sa mémoire, surgit de ses souvenirs. Très peu de gens l'ont déjà entendu, pourtant quand il résonne, tout le monde le reconnaît. Comme si ce bruit avait son identité propre, son histoire universelle. Ce bruit que son esprit avait enregistré dans sa mémoire et dont il ne parvenait plus à se défaire, c'était le bruit des os d'Imrân qui se brise. C'était un bruit étouffé, sourd, lourd et en même temps, intense. C'était comme s'il résonnait sur tout ce qu'il y avait autour, encore et encore. Et ça, Piotr le savait, il ne pourrait jamais l'oublier. Il se souviendrait toujours de son visage douloureux retenu contre la ruelle par une semelle puant la merde de chien, son arcade contre un pavé froid, avec une vue constante sur le corps totalement inerte de l'homme qu'il aimait. Et pour quelle raison ? Pour rien. Au nom de son amour pour lui ? Un amour pourtant discret et retenu. Mais non, sa simple existence l'avait mené à cette ruelle et à cette destinée là. Et puis finalement, alors que malgré les mains de Max sur son visage, Piotr avait tout de même baissé les yeux ; son petit ami lui révéla enfin comprendre son absence à l'hôpital. Et à ces mots là, Piotr fondit en larmes. C'était quelque chose qui lui faisait du bien. Enfin. Lui qui se sentait si seul dans son souvenir, seul avec lui même, seul. C'était terrible comme sentiment, d'avoir vécu la pire choses à deux mais d'être le seul à devoir vivre avec. Il n'avait pu en parler à personne, absolument personne. Pendant plus de 365 jours. Pendant des heures, entières, en boucle. A devoir se construire un mensonge, un bouclier, une carapace, ne rien laisser paraître, faire semblant... rien n'avait été simple. Et ça avait été très dur pour le plus jeune, il n'avait que vingt ans. Et ce bruit, cette peur, ce sentiment d'avoir été abandonné par Max dans cette ruelle, ça faisait tellement mal. Alors oui, entendre de la bouche de son petit ami qu'il comprenait enfin ses réactions, ça lui faisait du bien. Ca le déculpabilisait, ça l'aidait à se pardonner d'avoir agit comme ça pendant un an. « Je suis désolé » arriva t-il à dire dans sa langue maternelle, rongé cependant par les sanglots terribles qui s'emparaient de lui. Sa main vint essuyer grossièrement ses larmes avant qu'il ne reprenne difficilement « mais je suis venu te voir à l'hôpital » en croisant le regard de Max. Il renifla avant d'avouer « j'étais conscient tout le temps, j'suis resté avec toi jusqu'à ce que tu te réveilles mais tu t'en souviens pas » et ça semblait avoir été très mal vécu par Max, puisqu'il avait utilisé le mot abandon qui était lourd et riche de sens pour Piotr. « Mais j'pouvais pas... » les larmes coulèrent à nouveau « ils arrivaient pas à te réveiller » avoua t-il comme un enfant. Les médecins avaient fait ce qu'il fallait pour Max, la preuve. Mais à ce moment là, à l'hôpital, tout ce que Piotr avait retenu, c'était que Max ne se réveillait pas. Il avait mis extrêmement longtemps à se réveiller et c'était bien ce qui avait fait le plus peur à tout le monde. Ses parents étaient arrivés avant qu'il ne se réveille et Piotr avait du sortir une explication à la va vite, ne sachant même pas s'il mentait ou non, trop sous le choc de ce qu'il se passait encore pour lui. Il était resté près de lui, simplement de ne pas le voir se réveiller... c'était pas possible. Parce que les médecins lui disaient que ça allait aller, mais Max lui, il n'était plus là. Il ne faisait plus partie de son monde à lui, et ça n'était pas possible. Piotr ne pouvait pas le voir dans ce lit, parce que ça le renvoyait sans cesse dans cette rue. De jour comme de nuit, pour n'importe quelle tâche à faire dans sa journée, tout le ramenait à cette ruelle. A ce sentiment d'avoir été abandonné par Max, qu'il soit resté à jamais dans cette ruelle et surtout, de ne pas pouvoir parler de cela avec qui que ce soit, jamais. C'était ce contexte si particulier qui avait poussé le plus jeune à agir comme il l'avait fait. Son immaturité, son peu d'expérience, son manque d'expérience de la vie et des liens humains aussi. Quand les parents de Max l'avaient appelé pour lui dire qu'il s'était réveillé, Piotr n'avait pas vraiment réalisé. Pour lui, c'était devenu presque normal qu'il ne se réveille pas. Piotr avait espéré pouvoir parler avec lui, mais quand Imrân lui avait dit se souvenir de rien, Piotr avait comprit. Il avait comprit qu'il valait mieux pour lui ne rien savoir, qu'il allait se remettre, qu'il allait reprendre ses études et sa vie d'avant. Et quand à lui, ne se sentant plus en sécurité dans son propre pays, ayant peur d'exister et de sortir dehors, et surtout, la peur de mettre en danger Imrân rien que par sa présence à ses côtés... l'avaient poussé à fuir, à partir, à ne pas attendre Imrân. « J'ai du vivre pendant des jours avec l'idée que tu r'viendrais jamais » avoua t-il alors, en séchant ses larmes. « Même quand tes parents m'ont appelé... j'ai pas tilté » expliqua t-il en le regardant dans les yeux, tout en cherchant ses mains pour les serrer dans les siennes « j'te d'mande pardon d'être parti comme ça » et là, il ne s'agissait pas de trois pauvres semaines, mais bien de presque toute une année. Il était parti sans laisser le choix à qui que ce soit, ça avait été très égoïste de sa part. Mais plus le temps passait et plus Piotr se dit qu'en fait, il n'y avait sans doute pas d'autre solution pour lui, à l'époque, à ce moment là.

Puis vînt le sentiment de soulagement.
Aux paroles de son petit ami, Piotr senti son cœur devenir plus léger. Il le comprenait, il ne semblait désormais plus si cruel, méchant, égoïste comme il l'avait si souvent pensé depuis son départ le jour de noël. Imrân comprenait sa douleur, son raisonnement, ses limites, son traumatisme. Parce qu'Imrân savait ce qu'il s'était passé ce soir-là mais surtout, parce qu'il l'aimait aussi fort qu'il pouvait lui-même l'aimer. Ainsi il devait en être. C'était bien leur amour qui avait fait qu'ils en étaient là aujourd'hui, mais désormais, c'était également lui qui les sauvait. Piotr avait comprit au travers de toutes les épreuves endurées depuis cinq ans, que son amour pour Imrân n'était pas du tout ordinaire. Il n'était ni semblable à un amour de jeunesse, ni au premier amour, ni à tout ces trucs là. L'amour qu'il portait pour Imrân était grand, immense, incommensurable, essentiel et surtout, totalement salvateur. C'est l'amour pour lequel on est prêt à se battre, qu'on est prêt à se cacher, à mentir à tous, à garder secret à n'importe quel prix. C'est celui pour lequel il existe des sacrifices, des douleurs, des absences, pour lequel on part vivre à l'autre bout du monde pour finalement, aller l'y retrouver. Imrân avait raison, ici, la vie leur offrait la possibilité de recommencer autre chose. Continuant leur histoire sans aucun mensonge et dans une liberté nouvelle mais réparatrice. Piotr avait comprit qu'il ne pourrait pas vivre caché éternellement et qu'il n'en avait pas envie. Il voulait simplement vivre sans qu'on vienne l'emmerder, l'insulter, le menacer et désormais, quiconque serait contre leur amour, ira se faire foutre. Royalement. Brutalement. Plus jamais il ne voudrait repasser ce par quoi ils étaient passés. Plus jamais.
Alors quand son petit ami lui parla d'avenir, de ce qu'ils allaient pouvoir réaliser ensemble, Piotr fondit en larmes. Serrant les mains de son copain dans les siennes, laissant son front impacter celui d'Imrân, il explosa en sanglots. Parce que les paroles de son petit ami, il y avait pensé, rêvé, espéré et s'était torturé de les entendre auparavant. Désormais, Piotr comprenait. Il comprenait que le garçon qu'il avait été depuis un an n'était pas lui et que désormais, il allait oeuvré à se découvrir. Avec cette sécurité, cet amour infaillible à ces côtés. Tous les jours. Parce que non, il ne pouvait pas vivre sans Imrân, il n'en avait aucune envie, il ne supporterait plus de ne pas être en sa compagnie, du moins pour le moment. Il avait faim de lui, il avait besoin de son aura, de cette façon qu'il avait de comprendre, d'analyser, d'être doux, d'être sage, d'être réfléchi. Il avait ce truc qui agissait sur Piotr, à chaque fois. Peu importe ce qu'il se passait, que ça soit ces éclats de colère au lycée, en Russie, que ça soit les mauvais effets de la drogue, les mauvais souvenirs, ou l'euphorie excessive qui pouvait s'emparer du gamin, Imrân était là, toujours bon pour lui. Il avait une chance incroyable de l'avoir rencontré, et surtout, qu'il soit tombé amoureux de lui. Alors toujours en pleurant, toujours en serrant les mains le plus fort possible, jusqu'à les amener à ses lèvres pour les embrasser, Piotr souffla « j't'aime tellement » en russe. Il renifla, pas forcément ce qu'il y a de plus glamour, et puis continua « j'ai tellement de chance de t'avoir dans ma vie » avant de trouver les yeux du brun pour les mêler aux siens « t'es ma famille Imrân. » Et c'était réellement ce qu'il pensait. Imrân était une partie de lui, la meilleure qui n'existerait jamais dans cet univers, et personne ; absolument personne, ne lui arriverait jamais à la cheville. Il ne lui avait jamais fait de mal, il ne l'avait jamais abandonné, il ne l'avait jamais trahi. Imrân était ce que le monde faisait de plus beau. Idolâtrant son amant comme un croyant qui aurait foi en son Dieu, Piotr était tout bonnement rempli d'amour pour lui. « J'veux qu'on s'installe ici, qu'on s'prenne un appart ou une maison » lâcha t-il alors, parce qu'ils en avaient déjà parlé oui, mais désormais il était temps de rendre concret certaine chose essentielle.