It's time to lunch. | Valentina & Nathan.

La famille Peñali avait toujours eu un rapport particulier à la nourriture et surtout à la cuisine. Que ce soit sa grand mère ou sa mère, Valentina avait toujours vu quelqu’un prendre du plaisir à cuisiner pour le reste de la tribu. Très tot, les aînés avaient pris les enfants avec eux pour cuisiner et le transmettre la passion de la culture culinaire chilienne. C’était des moments de complicité et de partage que tout le monde adorait, surtout Nathan et Valentina. Dès le début, la petite dernière des Peñali était tombée sous le charme des ustensiles de cuisine, des épices, ses saveurs, des mélanges... De tout en fait, mais surtout du fait de partager un plat réalisé avec amour et passion pour les membres de sa famille. Au fur et à mesure qu’elle apprenait la cuisine, la jeune femme se rendit compte qu’il n’y avait pas qu’avec sa famille qu’elle pouvait partager ses bons petits plats, il y avait tout les gens autour ! Tout ceux qui désiraient découvrir la cuisine chilienne pourraient goûter ses plats, mieux encore pourraient payer pour ses plats ! C’est en partant de cette idée, et de ce désir, qu’elle pris la décision de tout faire pour partager cette passion avec qui le voudrait bien. A l’époque elle n’avait pas décidé ce qu’elle ferait concrètement : travailler dans un restaurant, devenir cheffe, ouvrir sa propre adresse..? Finalement, c’est bien des années après qu’elle avait trouvé son rêve, celui d’acheter un foodtruck et de vendre la nourriture chilienne qu’elle cuisinerait devant les clients, qui pourraient donc aisément se rendre compte de la qualité et la fraîcheurs des produits. C’était l’idéal !
Depuis que la jeune femme avait trouvé son objectif, elle s’entraînait sans relâche sur son temps libre pour améliorer ses recettes, reprenant celles de ses aînées ainsi que des ré-adaptations de sa propre idée. Elle passait parfois toute la nuit en cuisine tant qu’elle n’était pas parfaitement satisfaite du résultat. Ses colocataires étaient souvent les cobayes de ses test, mais heureusement pour elle c’était particulièrement rare qu’elle rate quelque chose au point que cela soit immangeable. C’était arrivé seulement une, ou peut être deux fois... Les autres s’en souvenaient encore ! Sauf que voilà, ce jour-là il n’y avait personne à part elle dans le grand et beau loft qu’elle partageait avec trois de ses meilleurs amis alors qu’elle testait une recette vraiment très importante qu’elle devait absolument maîtriser, même plus, sublimer. Alors elle avait fait ce qu’elle faisait toujours en cas d’urgence ou de problème : elle avait demandé de l’aide à Nathan, son grand frère adoré.
Plongée dans la préparation de son plat, Valentina n’avait pas fait attention à la porte qui n’était pas fermée. Elle entendit néanmoins la voix de l’aîné Peñali. « Oui Nat, tu peux entrer ! » cria-t-elle depuis la cuisine. Elle entendit ses pas dans l’entrée et il lui demanda si ses colocs n’étaient pas là. « No, están en el trabajo, creo ! *» répondit-elle en espagnol, par réflexe. Lorsque son grand frère arrive dans la cuisine, elle était penchée devant un plat qui sortait du four. « Merci d’être venu aussi vite, sientate ! **» ordonna-t-elle presque en lui désignant une chaise haute devant l’îlot centrale de la cuisine. Depuis qu’il était apparu dans la pièce, Valentina n’avait pas levé les yeux vers lui, elle était bien trop concentrée sur ce qu’elle faisait que rien ne pouvait la faire sortir de son monde. Elle posa devant lui une assiette encore fumante et, enfin, le regarda pour lui dire « Tienes que probar eso*** ». Cela faisait au moins une vingtaine de fois que la jeune femme tentait de réaliser cette recette qu’elle tenait de sa grand mère, celle du pastel de choclo et elle ne parvenait jamais à retrouver le goût exact, goût que connaissait très bien Nathan puisqu’il en avait mangé un nombre incalculable de fois ! C’était ça, l’urgence de Valentina...

La cadette – et seule fille de la fratrie d’ailleurs – Peñali avait une relation très particulière avec l’aîné, Nathan. L’homme avait été son père de substitution, tout en sachant parfois garder son rôle de grand frère cool sur lequel elle prenait exemple, il avait été un pilier pour elle depuis que leur père était décédé alors qu’elle n’était âgée que de quatre ans. Il y avait une tendresse toute particulière entre eux qui sautait aux yeux lorsqu’on les voyait ensemble, peut-être était-ce dû au côté protecteur de Nathan, ou alors à l’esprit taquin de sa sœur. C’était donc naturellement que Valentina avait demandé à son frère de venir l’aider dans ce moment si important qu’était la dégustation d’un plat. Ce n’était pas une urgence ? Bien sûr que si ! Surtout pour elle qui rêvait de faire de sa passion, la cuisine, son métier. Lorsqu’elle se permit de lui ordonner de s’asseoir, Nathan lui rappela une règle élémentaire de politesse : demander poliment. Avec un petit sourire au coin des lèvres, la jeune femme leva les yeux au ciel et dit « Por favor hermano mayor !* » alors qu’il était déjà en train de s’asseoir. Le brun regarda l’assiette arriver devant lui et ne put s’empêcher de rire. Il lui demanda si c’était ça son urgence, expliquant qu’il avait dû quitter son travail pour se rendre chez elle, ajoutant qu’elle était incorrigible. Valentina lui offrit un large sourire digne d’un ange avant de dire « Désolée pour ton travail, j’espère que tu n’auras pas de problème… ». Elle ajouta avec un petit regard taquin « Mais je sais que tu adores ce côté incorregible e impredecible** chez moi » en terminant sa phrase avec un petit clin d’œil. Les deux Peñali ne pouvaient pas s’en empêcher : se taquiner encore et encore, le tout en laissant tout de même transparaître une grande tendresse dans les mots choisis.
Le médecin légiste demanda à sa petite sœur s’asseoir avec lui, ce que Valentina fit avec plaisir. Partager des moments seul à seul avec Nathan était parfois bien trop rare au goût de la jeune femme, après tout ils avaient deux autres frères, sans oublier Joséphine, la femme de Nathan. Valentina l’adorait, cette jolie rousse d’ailleurs. L’homme assis à côté d’elle lui demanda si c’était la recette de leur grand-mère. La chilienne hocha la tête vivement avec un grand sourire. « Qui d’autre ? » dit-elle avec un petit rire. « J’aimerais retrouver le goût exact du pastel de choclo qu’elle nous faisait quand elle nous gardait… Mes deux premiers essais étaient vraiment nuls » avoua-t-elle avec une petite moue. Ce coup-ci, elle espérait bien avoir réussi à retrouver ces saveurs pleines de nostalgie, elle avait donc besoin de l’aide de son frère pour ça. Il s’en souvenait forcément aussi bien qu’elle, surtout que lui aussi aimait cuisiner.
Prenant sa fourchette en main, Nathan souhaita un bon appétit – dans la langue de leur père ! – avant de goûter ce que sa sœur avait préparé. Cette dernière guettait la moindre de ses réactions : un sourire, un haussement d’épaules ou encore une petite moue… Chaque mouvement, même infime, pouvait révéler quelque chose sur le ressenti du goûteur. « Alors ? » demanda la jeune femme avant de se pencher sur sa chaise pour attraper une fourchette sur l’ilot central de la cuisine et prendre à son tour une bouchée de son plat dans l’assiette de son frère.

Valentina n’était pas le genre de femme à appeler à l’aide ses grands frères dès qu’elle avait un problème : elle préférait généralement se débrouiller seule pour ne pas inquiéter les membres de sa famille, qui étrangement le faisaient souvent lorsqu’il s’agissait d’elle, peut-être parce que c’était la seule fille de la fratrie. Mais même lorsqu’elle ne parlait pas de ses problèmes, Nathan s’inquiétait pour elle. Il était comme ça, le plus grand des Peñali, à veiller sur ses petits frères et sœur à chaque fois qu’il le pouvait. Donc forcément, lorsqu’elle avait envoyé ce message bizarre et pouvant prêter à confusion, Valentina savait très bien que Nathan lâcherait tout pour venir, elle n’avait simplement pas conscience de l’heure et du fait qu’il devait probablement être au travail… Mais bon, pour les urgences gustatives, là elle s’autorisait à demander de l’aide à son frère ! « Tant mieux, et je note précieusement cette information pour d’autres fois où j’aurais besoin de ton palais » dit-elle avec un clin d’œil. Ils aimaient bien se taquiner, ces deux-là, et c’était presque mignon à voir, mais ça montrait surtout la tendresse qu’ils se portaient mutuellement. Si la chilienne avait pu parfois douter de l’amour de son frère – surtout lorsqu’il jouait les pères intransigeants quand elle était adolescente et qu’elle voulait vivre sa vie – elle savait maintenant qu’il l’aimait très fort et que cela causait parfois quelques excès de zèle de sa part lorsqu’il s’agissait de faire la morale à sa benjamine.
La jeune femme laissa échapper un petit rire à la remarque de son frère. « Non seulement tu n’as pas le choix, mais en plus tu devras me supporter encore très très longtemps ! » déclara-t-elle d’un air taquin.
L’apprentie cuisinière guettait le visage de Nathan lorsqu’il porta la fourchette pleine à sa bouche. Ce plat, c’était important qu’elle le réussisse, il faisait partie de tant de bons souvenirs, de moments de vie agréables, qu’elle voulait être capable de la réaliser à la perfection. Ce qui n’était visiblement pas le cas, puisque malgré le fait que c’était vraiment bon – selon Nathan – il manquait quelque chose. Peut-être du cumin. Valentina se servit une fourchette à son tour, profitant du fait que Nathan avait poussé l’assiette entre eux deux, avant de soupire. « Tu as raison, c’est le cumin. Je pensais vraiment en avoir mis assez… » affirma-t-elle avec une petite moue avant de se pencher pour attraper un carnet et y griffonner quelques mots. 2 cuillières de cumin = pas assez ! Malgré ça, son grand-frère se resservit, ce qui fit plaisir à la jeune femme. Alors qu’elle replongeait sa fourchette dans le plat, Nathan lui dit une phrase qui la fit légèrement rougir. Leur grand-mère, c’était un petit bout de femme incroyable, le genre de celle qu’on prend comme modèle pour grandir, ce que Valentina avait fait. La jeune femme secoua vivement la tête. « Estas bromeando o que * ? J’ai loupé le dosage du cumin ! ». Elle répondait à côté de la plaque, à côté du vrai sujet, du vrai compliment qu’il y avait dans la phrase de son frère. Peut-être parce qu’elle ne se sentait pas vraiment digne de la fierté de qui que ce soit, parce qu’elle avait encore tellement de chemin à parcourir, tellement de choses à réaliser…

Valentina laissa échapper un petit rire lorsque son grand frère lui demanda d’être plus claire la prochaine fois qu’elle aurait besoin de son palais afin qu’il ne se mette pas en danger sur la route. La jeune femme secoue la tête de droite à gauche en regardant Nathan. « Comme si tu avais vraiment grillé un feu » dit-elle avec un sourire en coin le tout en levant les yeux au ciel. Elle le connaissait bien, son frère, alors elle savait très bien qu’il lui fallait beaucoup plus qu’un message énigmatique de sa sœur pour simplement appuyer un peu plus que d’habitude sur l’accélérateur…
Lorsque le médecin légiste, après avoir goûté ce qui était posé devant lui, affirma que c’était le cumin qui manquait à la préparation, Valentina soupira. Trouver la dose parfaite d’épice était réellement compliqué quand on avait aucune indication concernant la recette originelle. Nathan avait raison là-dessus, leur grand-mère conservait le secret de ses plats comme s’il s’agissait d’un trésor incroyable. Ce qui, aux yeux de sa petite fille, l’était bel et bien ! La brunette admettait aisément que la cuisine était quelque chose d’assez instinctif, mais il avait bon dos, l’instinct, quand il s’agissait de protéger ses recettes ! « C’est bien la seule chose que je puisse lui reprocher… » souffla-t-elle en parlant de sa grand-mère adorée avant d’enfourner de nouveau une fourchette de son plat pour le déguster. Valentina aurait adoré que cette femme, qu’elle considérait comme un exemple depuis toute petite, partage ça avec elle, les secrets de fabrication des plats de son enfance… Mais la vieille femme était partie sans rien révéler, alors la chilienne devait tenter des recettes encore et encore jusqu’à trouver les parfaits dosages.
Lorsque le brun à ses côtés lui demanda si elle avait essayé d’autres recettes, Valentina hocha vivement la tête. « Ayer* c’était la humita, avant-hier la cazuela et pour ce week-end j’ai prévu de faire des completos ! » énuméra-t-elle avec passion en regardant son frère se resservir. C’était ça qu’elle préférait, Valentina : voir les gens pour qui elle avait cuisiné prendre du plaisir en dégustant son plat. C’était le plus beau moment de la cuisine, surtout s’il s’agissait de personnes qu’elle aimait… Un de ses ex le lui avait reproché, d’ailleurs, disant qu’elle n’arrêtait pas de cuisiner pour lui et qu’il en avait marre de pas pouvoir manger ses burgers tranquilles.
« J’ai encore tellement de recettes à maîtriser si je veux ouvrir quelque chose un jour… » soupira-t-elle légèrement en piochant à son tour dans le plat. Depuis plusieurs années déjà, la jeune femme rêvait d’ouvrir son propre espace de restauration. Valentina mettait de l’argent de côté pour acheter un foodtruck. Le camion-restaurant présentait l’avantage d’une certaine liberté, une possibilité de bouger et d’aller chercher la clientèle directement là où elle était située, contrairement à un vrai restaurant. La chilienne avait déjà pensé à tout : nom, logo, ligne graphique, carte, emplacements… Il ne manquait plus qu’une chose : l’argent. Elle mettait de côté tout ce qu’elle pouvait, mais elle se rendait bien compte que si elle continuait comme ça elle pourrait acheter son camion au moment de prendre sa retraite ! Alors elle commençait à réfléchir à l’idée de chercher des investisseurs… Tout ça était encore flou, mais Valentina savait qu’elle se donnerait les moyens de réussir et de réaliser son rêve, coûte que coûte !

La cuisine était une passion familiale dans laquelle Valentina baignait depuis la plus tendre enfance. Elle avait vu de très nombreuses fois sa grand-mère, son père, sa mère et même ses frères derrière les fourneaux, à préparer des mets, chiliens ou non, avant de les partager en famille. C’était quelque chose qui était de l’ordre de la tradition familiale, comme une institution pour les Peñali. Forcément, la jeune femme avait ça dans le sang et ne s’était jamais posé la question de ce qu’elle voudrait faire comme métier : c’est la cuisine qui l’animait, qui la passionnait et qui lui procurait autant de plaisir. Le partage était au centre de sa philosophie, puisque c’était à ça que servait la cuisine : partager des saveurs inconnues, exquises ou tout simplement réconfortantes avec qui en voulait bien ou en avait besoin. Alors oui, tout ce temps où elle avait observé son abuelita cuisiner, elle n’avait jamais vu l’ombre d’un verre doseur ou d’une balance. C’était comme ça, chez les Peñali : c’était à l’instinct, ce qui convenait très bien à la chilienne, mais elle avait besoin d’un minimum d’indications si elle voulait reproduire de la bonne façon les recettes familiales qui seraient bientôt au cœur de son projet professionnel.
Lorsque Nathan lui proposa de cuisiner avec elle pour comprendre ce qui manquait à la recette de sa sœur, le visage de cette dernière s’illumina. Il était vrai que Valentina aimait chacun de ses frères, mais l’aîné avait ce statut spécial de père de substitution qui lui donnait droit à une tendresse toute particulière de la part de la jeune femme. « Avec plaisir, tu pourrais beaucoup m’aider si tes souvenirs sont toujours là ! » dit-elle en pointant le crane du brun assis à côté d’elle. « Avec l’âge, tu sais… » ajouta-t-elle avec un sourire en coin et un haussement d’épaule.
Une fois le programme culinaire des prochains jours énuméré, le policier lui demanda s’il ne pouvait pas s’inviter, ce qui fit sourire sa petite sœur. « Evidemment que si. Et, comme je connais d’avance ta prochaine question, Chris peut venir aussi. Il y aura bien assez à manger pour tout le monde » affirma Valentina, connaissant bien sa fâcheuse habitude de faire trop de peur d’en manquer – ou, comme elle aimait à le dire, pour partager avec encore plus de personnes.
Nathan était un grand frère modèle, et il l’avait toujours été. Même adulte, il ne dérogeait pas à la règle. Il avait toujours les bons mots pour encourager et motiver sa sœur, proposant son aide dès qu’il en sentait la nécessité. Sa proposition fit d’ailleurs sourire la benjamine de la famille Peñali. « Merci… » murmura-t-elle avant de piocher de nouveau dans le plat. Ce projet-là, elle voulait essayer de le mener à bien seule. C’était son bébé et elle espérait, peut-être inconsciemment, rendre fière sa famille. Elle n’hésiterait pas à demander de l’aide à ses frères si elle en avait vraiment besoin, mais pour le moment elle se débrouillait seule. Elle réunissait les fonds grâce à des économies personnelles – il fallait dire qu’avec trois jobs elle gagnait bien sa vie – et grâce à des investisseurs privés qu’elle démarchait de temps en temps. Le projet avançait, petit à petit.
Valentina lâcha sa fourchette lorsqu’elle entendit son frère lui conseiller de demander à leur mère qui, après le décès de leur abuelita, avait récupéré un bon nombre d’affaires à elle, dans lesquelles se trouvaient peut-être les carnets de cuisine de la matriarche. « Mais oui ! » s’écria la brunette en se redressant. « Pourquoi je n’y ai pas pensé avant ?! J’envoie de suite un message à mama, peut-être que je pourrais passer demain les récupérer » déclara-t-elle en saisissant son portable et en tapotant dessus rapidement. « Heureusement que tu es là, j’avais complétement oublié les affaires d’abuelita… ».