moral of the story ((b&a))

TW : avortement sur tous les postes.

Assise sur le plan de travail, la cuillère en bois en bouche, mes doigts glissent sur mon cellulaire. Je passe d’une application à une autre. Facebook, Instagram, Twitter. Les jambes qui battent dans le vide, l’odeur des gâteaux qui émane du four me colle un sourire sur le visage. Le sucre, ma thérapie à moi, mon moyen d’être bien et heureuse à moi. Jusqu’à ce que je tombe sur une photo de James. Il est là, souriant, heureux, le regard plongé dans celui de sa femme et… La cuillère en bois tombe au sol et si j’avais été debout, je me serais écroulée. Je déglutis difficilement et regarde l’écran comme si cela allait changer quoi que ce soit à ma vie. Si je cligne des yeux cinq fois, ça va tout faire disparaître, non ? Ça ne marche pas comme ça ? Ah. Mes yeux s’adaptent à nouveau sur les visages de James et de sa compagne et puis, le regard qui descend sur ce ventre rond et la photo de l’échographie posée dessus. Je regarde la date et me demande si c’est une blague - absolument pas drôle, par ailleurs - ou juste le karma qui décide de frapper dix ans pile après la date qui aurait dû être le terme de ma grossesse. Notre enfant aurait dû avoir dix ans aujourd’hui. Un mini James- Alice. Je descends du plan de travail, laissant le bordel en plan dans ma cuisine - personne ne dira rien, l'avantage de vivre seule - et éteint rapidement le four, ne faisant pas attention à la cuisson des gâteaux. Je m’en fiche comme de l’an quarante, pour ne pas être méchante. Mes pieds froids sur le carrelage, j’enfile une paire de baskets et glisse mon téléphone dans mon sac à dos qui m’attend dans l’entrée. Veste sur le dos, casque sur la tête, je quitte mon appartement et monte sur mon vélo en direction de l’appartement de mon frère. Il n’y a que lui que j’ai envie de voir à ce moment précis. Lui et personne d’autres. Je pédale jusqu’à son logis et quand j’arrive, mon poing s’écrase contre la lourde porte. Moi, pendant ce temps, j’ai ressorti mon téléphone et regarde à nouveau la photo de James. Pourquoi est-ce que je suis là au juste ? Basilton ne connaît rien des réelles raisons de ma rupture avec James il y a plus de dix ans de cela. Basilton ne va pas pouvoir enlever l’immense douleur sur ma poitrine à ce moment précis. Il ne va pas pouvoir faire grand chose et pourtant, comme depuis trente six ans, c’est vers lui que je me tourne. Et quand il ouvre la porte, mon visage - presque  vide - passe de mon cellulaire au visage de mon frère. Je tourne mon téléphone et le laisse observer ce cliché qui vient de me bouleverser plus que n’importe quoi aurait pu le faire.

@Basilton Pankhurst

La paperasse, ce n’était pas vraiment le fort de Basilton pour le coup. Il n’aimait pas trop ça et puis souvent, il ne comprenait pas tout. Pourtant, il devait bien s’y mettre, c’était pour le boulot. Il n’en voyait pas vraiment le bout mais il devait vérifier les factures et tout ça. Il pousse un soupir et décide de se faire un café, histoire de l’aider un bon coup. Il jette un œil sur sa guitare posée dans son rangement. Son carnet se trouve à l’intérieur aussi. Il ne parle jamais de musique avec qui que ce soit, ni de chansons. Il n’en a jamais parlé à sa sœur, parce qu’il ne se sent pas vraiment à l’aise là-dedans. Ou plutôt, il n’avait pas vraiment confiance en lui, comme toujours. Il faisait surtout cela en privé, pour lui-même. Il participait à quelques concerts parfois mais il ne le faisait jamais dans le même bar. On ne le reconnaissait pas vraiment alors tant mieux. Il n’avait pas forcément envie qu’on le voit. Il écrivait ses propres chansons mais ça aussi, il les gardait pour lui. Il se levait pour se faire un café puis se posait sur le canapé pour jouer quelques accords. Cela ne dura pas longtemps puisqu’on sonnait à sa porte alors il rangea tout ça.

Basilton ouvrit la porte avant de voir sa sœur devant celle-ci. Il fronçait les sourcils alors qu’il n’eut pas besoin de plus longtemps pour comprendre que sa sœur ne va pas bien. Il la connait par cœur maintenant, depuis trente six ans. Ils ont toujours été présents l’un pour l’autre. « Luana. » Il souffle alors qu’il l’attire contre lui tout en refermant la porte de chez lui. Avec elle, il n’était pas cet homme froid, insensible. Avec sa sœur il était une autre personne mais elle était la personne la plus importante de sa vie. Elle était la seule personne en qui il avait confiance Basilton. Il l’emmène jusqu’à son salon, où sa tasse de café repose sur la table. Il la garde toujours contre elle. « Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui ne va pas ? » Il s’inquiète pour elle, bien sûr. Il s’inquiéterait toujours pour elle. Tous les jours de sa vie.

Mon frère. J’ai besoin de mon frère. J’ai besoin de ma boussole lorsque je me perds, j’ai besoin de mon pillier pour tenter de maintenir les fondations de ma vie. Et je ne pense à rien lorsque je pédale jusqu’à son appartement. Nous n’habitons pas trop loin l’un de l’autre mais je sais que si je prends les transports en commun ou que je marche jusqu’à chez lui, ce sont les yeux rivés sur mon écran de téléphone que je passerai le trajet. Et dès que je suis arrivée à destination, c’est vers ce dernier que je me tourne, mon téléphone. Peut-être que la photo aura disparu, peut-être que j’ai halluciné ou rêvé ? Je n’ai rien consommé d’illégal et pourtant, j’ai l’impression que si. Je me dis que ce n’est pas possible, que ça ne peut qu’être un coup de mon cerveau et j’en viens presque à me demander si je n’ai pas une tumeur au cerveau, une masse qui appuie sur la partie de mon cerveau qui distingue le réel de l’irréel. C’est forcément cela. Et voilà que je me mets presque à espérer que ce soit cela, ce qui est clairement ridicule. Basilton ouvre la porte de l’appartement et je me retrouve rapidement dans ses bras. Je devrais me sentir bien, être heureuse d’être là mais les conditions de ma venue sont bien moins glorieuses que ce que j’espérais. Je me laisse guider jusqu’au salon et laisse mon corps tomber sur le canapé, toujours contre mon frère. James… Il vient d’annoncer qu’il allait être papa. Que je souffle tout doucement en lui montrant mon écran de téléphone, toujours bloquée sur la page de mon ancien petit ami. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi mon cerveau a buggé sur cette information ni pourquoi ça me fait si mal. Dix ans… Dix ans pile après... Et les mots ne sortent pas plus parce que mon cerveau - aussi sadique soit-il - sait que mon frère n’est au courant de rien et ne veut pas lâcher le morceau tout de suite. Face à ce constat, mes barrières craquent, mes écluses craquent et les larmes coulent le long de mon visage. Et quelques larmes se transforment rapidement en torrents au point où lorsque mon visage se colle au tshirt de mon frère, je ne donne pas longtemps à ce dernier avant d’être trempé.

Basilton serait toujours présent pour sa sœur, cela ne faisait aucun doute. Elle pouvait venir sonner chez lui à n’importe quelle heure de la journée, il lui ouvrirait. Alors, lorsqu’il la voit ainsi devant sa porte, il le sait. Il sait que quelque chose ne va pas. Il suffit de regarder sa sœur pour le savoir. Elle semble triste, comme si quelque chose ou quelqu’un l’avait blessé. Il serait capable de pourrir ces personnes si on faisait du mal à sa sœur. Est-ce qu’il serait capable de se battre pour autant, il ne sait pas. Il aurait peur de ne pas savoir s’arrêter. Il aurait peur de ressembler à son paternel et ça, il ne voulait même pas y penser. Il l’accueille chez lui jusqu’à son salon et la garde contre elle. Il fronce les sourcils avant de comprendre, regardant la page Instagram de son ex. Il ne comprenait pas Basilton, il ne comprenait rien en l’amour de toute façon. Il ne comprenait pas pourquoi sa sœur restait attaché à cet homme. « Je suis désolée.. » Il souffle alors, déposant un baiser sur sa tête et la tenant encore plus près de lui. « Tu ne devrais pas regarder ces choses-là tu sais.. » Parce que ça lui fait plus de mal que du bien. Elle doit bien se douter que ce n’est pas bien mais elle ne peut sûrement pas s’en empêcher qu’il se dit. Il fronce les sourcils parce qu’il ne voit pas où elle veut en venir. Dix ans ? Dix ans après quoi ? Il ne sait pas. Il a l’impression qu’il ne sait pas toute l’histoire visiblement. Est-ce que sa sœur lui aurait caché des choses ? « Dix ans après quoi Alice ? » Leur rupture ? Il ne croit pas non. Il pose ses mains sur ses épaules, la forçant à le regarder. « Qu’est-ce qui se passe, dis moi. » Elle le sait qu’elle peut se confier à lui. Il sera toujours là.

Le monde autour de moi s’écroule et j’essaye de ne pas m’écrouler avec lui. Je ne sais pas pourquoi je me sens si mal, pourquoi ça me fait si mal mais force est de constater que ce que je pensais être mort et enterré est encore bien vivant. Ce n’est pas mon amour pour James qui est bien vivant mais la douleur que je ressens en le voyant, ne serait-ce qu’en photo. C’est difficile à imaginer puisque c’est moi qui l'ai quitté mais cet enfant, je n’en voulais pas et il ne l’aurait jamais accepté. Mettre des mots et des réactions dans la tête des gens n’est pas ma spécialité, loin de là même, mais je préfère me bercer de ces illusions que de prendre la réalité en plein visage : j’ai foutu la plus belle histoire de ma vie en l’air pour des clopinettes. Mon corps, mes règles et je ne regrette pas la décision prise - pas vraiment du moins - mais bien plus tout ce qui en a découlé. Et même dans les bras de mon frère, la douleur ne disparaît pas, rien n’apaise les plaies béantes de mon cœur que je viens de rouvrir. Je sais. Que je souffle, défaitiste et prête à repartir dans une crise de larmes quand il me dit que je ne devrais pas regarder ces choses. Je ne devrais vraiment pas mais pourtant, j’aime savoir que tout va bien dans sa vie, qu’il est heureux, qu’il a réussi à avancer et que je ne lui ai peut-être pas fait tant de mal que ça. Des années sont passées et il va bien, c’est tout ce qui devrait compter. Et je suis sûre que si j’avais vu cette photo dans quelques semaines, je l’aurais bien mieux vécu que là. Après tout, je ne suis pas au bout du rouleau de voir Céleste enceinte jusqu’au cou, prête à accoucher d’une deuxième merveilleuse. Je pourrais l’envier, mais avorter était mon choix et ça, je ne peux le faire payer à personne, absolument personne. Et quand mes yeux croisent ceux de Basil et que ses mains sont sur mes épaules, je sais que je ne peux plus fuir. Et je n’en ai pas envie. Si je suis venue ici, il y a bien une raison. Il  y a un peu plus de dix ans, je suis tombée enceinte. Que je souffle à mon frère en le regardant dans mes yeux, mes mains sur ses avant-bras, comme si j’avais besoin de me raccrocher à quelque chose. Ou plutôt à quelqu’un. J’ai rien dit à James et j’ai avorté. Je voulais pas d’enfants à vingt six ans, je voulais pas gâcher ma jeunesse et ma carrière. Je n’aurais pas pu faire la moitié de ce que j’ai fait si j’avais eu un enfant si jeune. Je l’aurais probablement laissé ramener l’argent à la maison. Et peut-être que ça m’aurait convenu, je ne saurais jamais. Et je me sentais si coupable que j’ai rompu avec James, lui disant que je ne l’aimais plus… Et aujourd’hui, c’était les dix ans du supposé terme. Le bébé aurait dû avoir dix ans aujourd’hui. Son neveu ou sa nièce aurait dû avoir ce grand âge, cette première décennie dépassée. Je sais que Basilton ne m’en voudra pas de n’avoir rien dit… Mais de l’avoir privé de cette chance d’être tonton ? Je ne sais pas…

Basilton ne sait pas ce qui se passe pour sa sœur mais il compte bien le savoir. Il déteste la voir ainsi et puis surtout, il a toujours veillé à ce qu’elle soit heureuse. Il veille toujours à lui apporter ce dont elle a besoin. C’est important parce que c’est sa sœur et depuis petit il a essayé de la protéger. Il essayait de le faire contre les coups de son père. Il continuerait toujours d’être présent. Il ne supporte pas de la voir triste, devant sa porte. Il sait que quelque chose ne tourne pas rond. Il la connait par cœur alors il lui ouvre la porte, ses bras aussi. Il la laisse rentrer et puis il apprend que cela vient de James, son ex. Visiblement, il avait une nouvelle femme dans sa vie et celle-ci était enceinte. Basilton ne comprenait pas grand-chose en l’amour. Il ne comprenait pas pourquoi sa sœur était autant attachée à cet homme. Elle ne devait pas regarder ce qu’il postait mais c’était sûrement plus facile à dire qu’à faire. Il ne rajoute rien à ce sujet, elle le savait mais est-ce qu’elle arrêterait ? Il ne sait pas. Il ne peut pas l’en empêcher.

Près de sa sœur, il a la sensation qu’il y a quelque chose. Une chose qu’elle ne lui a pas dite. Il ne semble pas se tromper alors il fronce les sourcils et la laisse parler. Il comprend visiblement qu’il avait raison. Elle lui avoue avoir été enceinte et il est surprit. Il ne s’était rendu compte de rien. Elle ne lui avait pas dit en même temps et elle avait bien réussi à lui cacher. Il s’en veut quelque part même s’il n’aurait rien pu faire. Il n’était pas devin. « Pourquoi est-ce que tu ne m’as rien dit ? » Ce n’était pas un reproche ni quoique ce soit, il voulait simplement comprendre. Il aurait pu être là pour elle, peu importe sa décision. Il ne voulait pas d’enfants de son côté alors bon.. même s’il savait que sa sœur en voulait elle. Il aurait pu être tonton déjà. Il n’aurait pas été doué, le pire des tontons mais il allait s’abstenir de le dire. « Je comprends.. tu regrettes ce choix ? » Il lui demande, celui d’avoir avorter, pas tant de l’avoir dit à James même si c’était le père et il méritait de savoir. Peut-être que les choses auraient été différentes. « Ecoutes.. je sais que personne ne te rendra ce bébé.. ni James mais.. tu ne dois pas t’en vouloir pour cela. Tu n’étais pas prête et si tu l’aurais abandonné après tu t’en serai voulu aussi. » Il prend le visage de sa sœur entre ses mains. « Tu auras un bébé un jour, un merveilleux bébé et tu seras prête. Tu seras une maman formidable, je n’en doute pas. Ca n’effacera pas celui-ci mais.. tu seras la meilleure des maman. Tu rencontreras sûrement quelqu’un qui te rendra heureuse. » Elle le méritait.

Il y a des choses que je n’ai jamais voulu partager avec qui que ce soit, même Basilton. J’espère qu’il ne sera pas vexé ou déçu d’apprendre tout cela avec dix ans de retard. Mais à l’époque, j’avais peur qu’il ne comprenne pas ma décision et qu’il tente de me dissuader d’aller au bout. Alors, j’ai préféré gérer tout cela toute seule, essayant d’oublier les quelques dates qui me ramènent à cet événement de ma vie. Il y a des choses dont je veux me rappeler toute ma vie et d’autres que j’aimerais oublier. Et rapidement, je me confie à mon frère, la mine triste, les larmes qui coulent toujours sur mes joues. Les mots sortent petit à petit entre mes larmes et mes sanglots. J’avais peur que tu tentes de me dissuader d’avorter… Que je souffle doucement. Je ne connais pas vraiment la position de mon frère sur le sujet - ce n’est pas vraiment le genre de choses dont on parle en repas de famille - mais j’avais préféré me protéger et n’en parler à personne. Moins de personnes au courant, moins de chance que ça se sache. Celui de mettre fin à la grossesse ? Non. Je lui réponds du tac au tac parce que je sais que j’ai fait le bon choix au moment où je l’ai fait. Par contre, ce qui en a découlé, c’est bien différent. Aujourd’hui, quand je vois ce qu’aurait pu être ma vie, bien entendu que je le vis un peu moins bien. C’est peut-être parce qu’après James, je n’ai connu personne. Enfin personne ne m’a donné envie de recommencer réellement, de fonder quelque chose. Mes yeux dans ceux de mon frère, je l’écoute, tentant de calmer les flots de larmes qui roulent sur mes joues. Je le regarde et ses mots me font du bien. Je n’aurais jamais pu abandonner cet enfant si j’avais mené la grossesse à terme mais je comprends ce qu’il veut dire. Un petit soupir se glisse entre mes lèvres et mon regard vitreux ne lâche pas le sien. J’espère que je serai une merveilleuse maman... Que je souffle doucement. J’espère que je serai aussi forte que la nôtre, plus forte même. Parce qu’il y a des points où j’ai bien des reproches à lui faire. Mais je ne suis pas là pour ça. J’essaye de pas y penser tu sais… Mais c’est dur. Surtout avec cette photo… C’est comme si le karma me disait “tiens, ça fait longtemps que t’as pas pensé à ça et là, tu y penseras chaque jour de ta vie”. Je baisse les yeux et joue avec mes mains. Je pince la fine peau entre mes doigts et ne bouge pas pendant quelques secondes. Comme si j’avais mis ma vie sur pause ou peut-être même sur stop. J’ai l’impression que je n’y arriverai jamais... Un soupir fort se fait entendre. Jamais à quoi ? Je ne sais même plus. J’aime ma vie mais je crois que je suis prête pour une nouvelle étape qui n’arrive pas. Dieu quelle tristesse.

Basilton n’était pas très bien placé pour parler avec sa sœur d’enfants. En revanche, elle ne devait pas douter de son frère. Elle pouvait lui faire confiance et il pensait qu’elle le savait depuis le temps. Il ne l’aurait jamais forcé à faire quelque chose dont elle ne voulait pas, ni prendre une décision qui ne lui convenait pas. Cela remonte pourtant à dix ans et elle était jeune à ce moment. Elle devait probablement douter de tout ça. « Alice.. je suis ton frère, non ? » Il lui souffle. « Tu sais.. moi et les enfants.. ça ne m’intéresse pas. Bien sûr que j’aurais fait en sorte de veiller à ce que tu ne regrettes pas ton choix. » C’était une décision importante à prendre et malheureusement, même si elle aurait regretté, elle n’aurait pas pu revenir en arrière. « C’était ta décision et j’aurais été là pour toi, peu importe ton choix. Tu peux toujours me faire confiance, tu le sais ça ? »  Il ne veut pas qu’elle hésite le concernant. Il ne veut pas qu’elle s’empêche de lui parler alors qu’elle peut tout lui dire. Il hoche la tête lorsqu’elle lui dit ne pas le regretter. Tant mieux, car il n’y avait rien de pire que d’avoir des regrets.

Il sait pourtant que ça la touche quand même aujourd’hui. Il sait que cela la blesse plus qu’elle ne le laisse voir. Il caresse la joue de sa sœur. « Bien entendu que tu le seras, je t’en fais la promesse. Moi en revanche, je serai le pire des tontons mais ce qui compte c’est que tu seras une merveilleuse maman. » Parce que elle, elle ne sera pas comme leur père. Parce que c’était lui, Basilton qui le décevait tout le temps. Lui qui était un incapable et non l’inverse. « Tu y penseras toujours à ce bébé, mais je te promets qu’au fil du temps ça va s’atténuer. Tu vas rencontrer quelqu’un d’autre avec qui tu seras heureuse. Tu le mérites. » Beaucoup plus que lui, mais ce n’était pas comme s’il y accordait beaucoup d’importance à cela. Il prend de nouveau sa sœur dans les bras. « Bien sûr que tu, tu es plus forte que tu ne crois Alice. » Plus que lui-même, il en était sûr. « Est-ce que.. tu lui en a déjà parlé ? Je veux dire, est-ce que ça te ferait du bien ? » Il demande alors.

Je sais bien qu’il est mon frère, qu’il est celui qui me console depuis mon plus jeune âge, qu’il est presque le seul homme en qui j’ai confiance mais ça ne change pas le fait que l’avortement, je ne savais pas comment lui en parler. À l’époque, je me suis sentie seule, seule avec mon corps, seule avec mes pensées, juste complètement seule. Et puisque j’avais pris la décision unilatérale de ne pas garder le bébé, je n’ai rien demandé à personne. J’ai été égoïste, j’ai préféré aller à la clinique toute seule, prendre rendez-vous avec un des ‘anges’ du planning familial qui m’a ramené chez moi en essayant de me faire rire, ce qui n’a pas marché. J’ai mis tout mon entourage entre parenthèses, les protégeant de ce que je venais de faire. Je ne voulais pas qu’ils me voient comme un monstre alors que je ne me voyais même pas comme tel. Et c’est ça le pire, je crois. Je me suis isolée pour éviter le jugement d’autrui alors que j’étais en paix avec mon choix. Je le sais Basil… Je sais que je peux te faire confiance mais je sais pas. À l’époque, j’avais peur, tu vois ? Les enfants, ça ne t’intéresse pas mais si ta future conquête venait à tomber enceinte, tu lui demanderais d’avorter ? Et s’il me répond que oui, je ne serais même pas choquée ni même offusquée. Chacun a les idées qu’il veut, chacun croit en ce qu’il veut. Et puis, c’est sa vie, son futur et moi, je n’ai rien à dire là dedans. Mon corps faisant face à celui de Basil, je le regarde et roule doucement des yeux quand il me dit qu’il sera le pire des tontons. Tu seras là pour elle ou lui alors, rien que pour ça, t’auras le titre de meilleur tonton de l’univers. Que je souffle doucement, un très léger sourire sur le visage, tentant tant bien que mal de calmer les larmes sur mes joues. J’espère Baz’, j’espère... Que je rencontrerai quelqu’un, que je tomberai à nouveau amoureuse, que la vie me semblera parfaite. Elle est déjà vraiment pas mal, je suis où j’ai envie, avec qui j’ai envie de vivre. J’ai des amis en or, des relations aussi dur que l’acier. Mais j’ai aussi des envies et des rêves qu’il me reste à accomplir. Mais c’est le but de la vie en général non ? D’accomplir ses rêves ? Je ne lui en est jamais parlé. Que je souffle dans ses bras, mon menton sur son épaule, les yeux fermés. Et je ne sais pas si ça me ferait du bien. Je lui ai dis des choses horribles pour qu’on se sépare et qu’il n’essaye pas de me rattraper... Ça, par contre, je regrette. Parce que je n’en pensais pas un seul mot. Mais de quel droit est-ce que j’irai foutre la merde dans sa vie pour me sentir mieux ? C’est de l’égoïsme pur et je l’ai trop aimé pour lui faire ça. Enfin, je crois. Je ne suis plus sûre de rien ces derniers temps.

Il aurait été là pur elle Basilton, c’était sa sœur après tout. Il ne se voyait donc pas l’abandonner. Non, les enfants ça ne l’intéressait pas vraiment et il n’avait pas prévu d’en avoir. Il se demandait même pourquoi certaines personnes étaient tant intéressées par cela mais bon il acceptait. Ce n’était pas parce que lui n’en avait pas envie que les autres ne pouvaient pas avoir d’enfants. Il comprend que sa sœur n’ait pas osée en parler avec lui. Elle ne pouvait pas deviner comment il aurait réagi. Il fronce les sourcils alors qu’il ne sait pas vraiment comment il réagirait. La seule chose qu’il savait c’était qu’il ne voudrait pas de ce bébé. Est-ce qu’il pouvait demander ce genre de choses pour autant ? « Peut-être pas non mais je ne voudrais pas de cet enfant tu sais alors.. je n’aurais aucun droit sur lui. » Il pousse un soupir parce qu’il se dit que c’était peut être car ce n’était pas arrivé. Il ne sait pas vraiment comment il réagirait si ce genre de choses arrivaient. Il se protégeait tout le temps même s’il savait que ce n’était pas fiable totalement. Malheureusement. Pour autant il n’avait jamais eu de femme venue lui dire qu’elle était enceinte et il espérait bien que ça n’arriverait pas.

Il tente de rassurer sa sœur et de se montrer présent. Il a envie de l’aider mais cela fait dix ans alors il ne sait pas trop s’il pourrait parvenir à quelque chose. Il ne sait pas si ça servira mais il était là si elle voulait juste être prise dans les bras. Il ne sait même pas s’il a les bons conseils parce que Basilton et l’amour, ça faisait dix. Il ne connaissait pas. Il n’était pas amoureux et ne le serait jamais alors il n’était personne pour prétendre être de bon conseil. « Oui.. je comprends et je ne sais pas comment il vit cela. Je me dis qu’il avait le droit de savoir et les choses que tu lui a dite tu les pensait ? » Cependant, sa sœur avait raison, elle ne pouvait pas revenir comme cela dix ans après alors qu’il allait fonder une famille. Ce n’était pas correct. « Dis-moi ce que je peux faire ? » Il était un peu perdu pour une fois. « Comment je pourrais te redonner le sourire ou te faire aller mieux ? » Elle saurait lui dire au moins.

Si tout cela m’arrivait aujourd’hui, ma réaction serait bien différente, très différente même. Parce qu’aujourd’hui, avec dix ans de plus, je sais ce que je veux réellement dans la vie et, surtout, je suis dans une bonne position pour avoir un enfant. Un emploi stable, une vie épanouie et tout ce qui va avec. Je sais bien que Basilton m’aurait soutenu à l’époque et que James aussi, bien entendu mais à ce moment précis de ma vie, du haut de mes vingt six ans, ça ne m’a pas semblé être l’idée de l’année. Alors tu serais prêt à vivre en sachant que ton gamin va à la maternelle du coin ? Que je dis à Basilton, complètement attentive et fascinée par la réponse qu’il va me donner. C’est quelque chose que je ne me sentirais jamais capable de faire. Je pense que je serais du genre à toujours vouloir voir le petit, voir comment il s’en sort, s’il est bien traité. C’est bien pour cela que je sais pertinemment que je ne pourrais jamais faire adopter mon enfant et n’aurais pas pu prendre cette option à l’époque. En tout cas, quoi qu’il en soit, j’ai vraiment du mal à m’en remettre et à accepter l’idée que James va être papa dans quelques mois. Depuis notre rupture, j’ai eu quelques relations mais jamais rien d’aussi fort que ce que j’avais eu avec le jeune homme. Il me manque, souvent, mais je n’ai aucunement le droit de débarquer dans sa vie pour tout lui dire. Ce serait égoïste de ma part et je ne veux pas briser ce qu’il a avec sa petite amie - fiancée - femme. Non, j’en pensais pas un mot. J’étais vraiment amoureuse de lui, il m’a toujours soutenu, poussé à réaliser mes rêves… C’était un homme parfait et j’ai tout foutu en l’air... Que je soupire doucement, retenant la nouvelle vague de larmes que je sens arriver. Tu peux me faire un chocolat chaud... Que je souffle doucement en me redressant et essuyant mes larmes. Ça te dirait d’aller te balader sur la plage ? Que je demande rapidement en le regardant. Et je veux que tu me racontes ce qu’il se passe dans ta vie aussi... Rien que ça. Sur ce point, je sens que je vais galérer mais je préfère me concentrer sur lui, c’est ainsi.

Il ne sait pas trop s’il en serait capable Basilton. Il ne sait pas vraiment. Peut-être que non, il n’était pas comme son père. Il n’était pas si insensible mais en même temps, il ne voulait pas avoir d’enfants. Il ne voulait pas en avoir à la charge alors peut-être qu’il ne voudrait rien avoir à faire avec. Tant que ça n’arrivait pas, il ne pouvait pas se projeter. « Je ne sais pas.. je ne suis pas comme papa alors.. peut-être que j’y penserai. » Il hausse les épaules. Ce n’était pas comme si cela allait arriver, qu’il allait être papa ou quelque chose comme ça. Il n’était pas prêt à l’être et il faisait toujours attention même si les accidents arrivaient, c’était bel et bien connu.

Il aimerait réussir à aider sa sœur, à faire qu’elle se sente mieux. Il ne sait pas s’il s’y prend correctement pour cela. Il ne sait pas ce qu’il pourrait faire, si ce n’est être là pour elle. Rien ne lui rendrait son bébé, ni même James. Il pouvait comprendre que ce soit difficile de le voir heureux dans les bras d’une autre femme. « Ne dit pas ça, tu n’étais pas prête alors ça n’aurait pas été bien pour lui. Tu ne dois plus t’en vouloir pour cela. » Il avait l’impression que c’était le cas, elle s’en voulait. « Tu ne le sais pas encore mais tu trouveras quelqu’un que tu aimeras, et qui t’aimeras aussi. Vous serez heureux et il est possible que je lui en veuille un peu de prendre ma petite sœur. » Il lui souffle avec un petit sourire, voulant l’aider. « Oui bien sûr, je dois avoir cela. » Il avait toujours du thé ou du chocolat pour elle. Il ne buvait que du café de son côté. Il se lève pour aller dans la cuisine lui préparer ça. « Tu veux d’abords boire ton chocolat ici et on y va ? » Il lui demande alors. « Tu veux surfer avec moi ? » Il aimait bien y aller surfer de temps en temps. Il le faisait avec sa cousine d’ailleurs, c’était devenu leur rituel mais il pouvait partager ça avec Alice également. « Tu sais.. il se passe pas grand-chose. Je travaille et il y a rien de passionnant. » Il ne l’était pas non. Il chantait, il écrivait, oui mais c’était quelque chose qu’il n’avait jamais dit à sa sœur. Il appréhendait quelque part et pourtant, ce serait celle qui le comprenait le mieux.. « Tu veux rester dormir ce soir ? » Un moment tous les deux, comme quand ils étaient petits.

J’espère bien qu’il n’est pas comme notre père sinon je serai bien capable de prendre la poudre d’escampette et de ne jamais revenir. Je ne sais vraiment pas comment je survivrais s’il changeait complètement. Et je ne préfère pas y penser parce que je risquerais de faire une crise d’angoisse et c’est bien quelque chose que je refuse. Tout va bien, nous allons bien et même si je lui avoue des secrets que je garde enterrée depuis des années, tout va bien aller. J’ai confiance en mon frère et en ce lien qui nous unit depuis. L’action qui nous séparera n’est pas prête d’arriver, je l’espère. S’il y a une chose que les épreuves de ces derniers temps nous a fait, c’est bien nous rapprocher alors, tout cela va continuer, aucun doute là dessus. Je l’écoute et acquiesce doucement. Il n’aurait pas été heureux ou peut-être que sa bonne humeur m’aurait déteint dessus, pour ce que j’en sais. Je ne suis pas sûre que je trouverai quelqu’un mais… On va y croire. Que je finis par soupirer doucement. Je ne peux pas dire que ce sera le cas ou non. La seule chose que je peux avancer c’est que la solitude commence à me peser mais que je ne sais pas si je suis prête - et ait envie - de reprendre une relation. Je suis passée par-dessus ma précédente relation mais je n’en reste pas moins touchée. Faisons ça... Que je souffle en essuyant mes yeux et les larmes qui ont coulé. Je parlais du chocolat chaud, pas du surf. Je ris doucement en me sortant difficilement du canapé. Je risque de me tuer si je tente de surfer… Mais je veux bien au moins mettre mes fesses sur la planche. Que je souffle doucement. Je n’ai pas vraiment d’équilibre alors me tenir debout risque d’être vraiment très compliquée mais bon, c’est un détail. Et personne dans ta vie ? Que je demande rapidement en le suivant dans la cuisine et enroulant mes bras autour de lui pour lui faire un câlin. Je veux bien oui… Et je ferai à manger comme ça, on pourra se régaler. Non pas qu’il ne sache pas faire à manger mais je doute qu’il cuisine souvent de bons petits plats faits maison. Merci d’être là... Que je souffle, restant dans les pattes de mon grand frère, à deux doigts de faire comme lorsque nous étions enfants, mes pieds sur les siens pour qu’il marche pour moi. Je t’aime Basilton, tu le sais ça ? J’espère réellement qu’il n’en doute pas et n’en doutera jamais… Parce que mon frère, c’est mon tout. Et j'espère aussi qu'il sait que personne ne se mettra entre lui et moi. Les Pankhurst avant tout.

rp terminé.