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caserne de pompiers -- Alarme à peine retentie et adresse du prochain lieu d'intervention énoncée, il n'y avait plus aucun pompier assis sur le canapé de la salle de garde ou à flâner dans les cuisines pour trouver un encas mais bien un groupe de professionnels en alerte, prêt à en découdre pour venir en aide aux habitants de la ville. Et comme eux, malgré son simple statut d'ambulancière, Mara n'avait pas attendu une seule seconde avant de grimper dans le camion et prendre le volant direction le centre ville. Sa collègue installée sur le siège passager garda le silence pour ne pas la déconcentrer parce qu'avoir un accident en se rendant justement sur le lieu d'un autre accident de voiture n'était pas vraiment conseillée. Elle qui avait longtemps eu peur de conduire, s'était nettement améliorée depuis son entrée ici et ce, même si les premiers mois n'avaient pas été faciles. Pour de nombreuses raisons d'ailleurs. Arrivée sur place en même temps que ses collègues, la belle les regarda œuvrer sans sourciller, admirative, toujours, des risques qu'ils prenaient au service des autres non sans offrir son aide si besoin il y avait. Les deux jeunes femmes restaient plus souvent dehors pour accueillir les victimes mais il était parfois arrivé qu'elles doivent enfiler une combinaison elles aussi et courir dans les flammes pour évacuer. Elle avait pensé acquérir la formation nécessaire pour devenir pompier seulement, son métier principal restait la médecine et les soins. C'était ce qu'elle aimait faire. Elle se sentait utile ici et à l'aise avec cette équipe qui avait tout d'une famille sans les liens du sang. Une deuxième famille. Plus fonctionnelle que celle dans laquelle elle était née. Moins compliquée. Parfois plus joyeuse aussi quand on faisait abstraction du travail et des situations difficiles auxquelles ils devaient faire face au quotidien. Mais c'était ça aussi leur force. Et la raison qui faisait qu'ils revenaient chaque fois, à chaque garde, pour donner le meilleur d'eux-même. Encore et encore sans s'arrêter. Et elle ne manquait pas de courage ici, Mara. Une chose que malheureusement, elle ne pouvait pas affirmer en dehors de ses murs... Sourire crispé mais sourire quand même en attrapant son brancard après avoir déposé les patients à l'hôpital, il y avait le soulagement d'être arrivé à temps et la promesse que chacune des personnes amenées allaient s'en sortir et ça lui suffisait. Retour dans l'ambulance et surtout retour à la caserne, elle avait le coeur plus léger, Mara, jusqu'à apercevoir cette silhouette qu'elle connaissait bien. Plus que bien. Celui qui avait partagé presque chacun des moments de sa vie - y compris sa naissance - pendant plus de vingt ans. Celui qu'elle évitait soigneusement depuis son retour alors qu'elle avait attendu pendant quatre ans. Son frère. Son jumeau. Cette partie d'elle - sans doute la meilleure. L'inquiétude se lisant aisément sur le visage de l'ambulancière, elle hocha la tête en direction de ses collègues qui rentraient et s'approcha de son frère, anxieuse. « Arlo ? Qu'est-ce que tu fais là, tout va bien ? » Questions légitimes puisque jusqu'à maintenant, Arlo n'avait jamais mis les pieds ici - du moins pas à sa connaissance. Et il était toujours en convalescence alors elle avait le droit de s'inquiéter..

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Les mots de Laya résonnent en boucle dans ma tête. Depuis le gala et plus récemment, depuis notre rendez-vous sur la plage. Même si je me doutais bien que j'avais raté des choses lors de ces dernières années, je ne pensais pas que c'était aussi gros. Un mariage, ça se dit à quelqu'un qui a perdu la mémoire, non ? Visiblement, pas pour ma famille, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi. Me le cacher quelques jours après mon réveil pour me préserver du choc c'est une chose, mais me le cacher encore des semaines après s'en est une autre. Surtout que maintenant, les choses ont changé. Il n'y a plus que Laya et moi : la jeune femme est enceinte. Avant que ces changements n'impactent ma vie, je dois éclaircir certains points, pour Laya, pour moi et pour cette famille que nous allons former, ou du moins ce qui va s'en rapprocher. Et pour ça, qui de mieux que Mara pour me répondre ? Loin de la maison, loin de nos parents, je profite d'une balade pour me rendre directement sur son lieu de travail pour la voir. D'après ce que j'ai pu comprendre, elle travaille ici depuis plusieurs années maintenant, mais impossible pour moi de savoir si je suis déjà venu ici dans le passé. Lors de mon arrivée, la caserne est vide et j'en profite pour faire un rapide tour, espérant secrètement que des souvenirs me reviennent, mais rien. Après plusieurs minutes, l'endroit retrouve un peu de son activité. Les camions reprennent place dans le grand garage, puis c'est au tour de l'ambulance. La jeune femme que je suis venue voir en descend et ne tarde pas à remarquer ma présence. « Arlo ? Qu'est-ce que tu fais là, tout va bien ? » Les mains glissées au fond de mes poches, je hoche la tête comme simple réponse, avant de finir par lui expliquer ma présence ici. « Oui, ne t'en fais pas. Je passais juste dans le coin. » J'ai passé une bonne partie de ma vie ici et pourtant, lorsque je me balade, j'ai l'impression de découvrir à nouveau cette ville. Au début, je me cantonnais au sud d'Island Bay, avec la plage et notre maison familiale, mais plus les semaines passent et plus je vais loin. Je crois que je commence doucement à suffoquer et j'ai besoin de ça pour respirer. « Je n'ai pas souvenir d'être déjà venu ici, je me suis dit que c'était l'occasion parfaite. Mais je me trompe peut-être. » Sur le fait de n'être jamais venu ici. Cependant, cela pourrait aussi fonctionner pour l'occasion parfaite. Depuis mon réveil et mes années oubliées, ce n'est plus pareil entre nous. Mara me fuit comme la peste et quand nous arrivons enfin à être dans la même pièce, elle se cache derrière mon père. Il y a quelque chose derrière cela, j'en suis intimement convaincu. Surtout après les discussions que j'ai eues avec Laya. « Je peux repartir si tu préfères, tu es peut-être occupée. On se verra une autre fois. » Venir sur son lieu de travail, ce n'était peut-être pas la meilleure des idées. Mais au moins, ici, j'étais sûr de la trouver. Je dois lui parler, je dois savoir ce qui se trame. J'ai besoin de comprendre pourquoi elle se comporte comme cela. J'ai besoin de lui laisser une chance de s'expliquer.

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caserne de pompiers -- Elle se sentait bien dans cet endroit, Mara, malgré les horreurs auxquelles ils assistaient parfois et il n'y avait à son avis, aucun endroit plus rassurant sur Terre que les quelques pièces de cette caserne où elle passait la moitié de sa vie. Le départ d'Arlo plusieurs années auparavant avait bousculé son quotidien plus qu'elle ne le montrait - notamment à ses parents qui faisaient les sourds et aveugles face à la mélancolie évidente de leur benjamine - et cela avait eu un impact sur l'étudiante en médecine trop dispersée psychologiquement pour réussir sa première année d'internat. Ce qu'elle estimait être un mal pour un bien aujourd'hui, sa carrière ayant connu un tournant inattendu des plus plaisants. Elle avait atterrit ici un peu par hasard pourtant, elle avait eu l'impression de revivre. De retrouver courage et motivation pour faire quelque chose de bien et se sentir utile en permanence n'avait pas de prix à ses yeux. La satisfaction du travail bien réalisé et plus que ça, la joie d'avoir aider son prochain. Difficile donc de croire qu'à côté de ça, Mara se comportait comme la pire des jumelles avec celui qu'elle estimait pourtant plus que n'importe qui sur cette planète. Père lui souffla une voix intérieure comme pour lui rappelait que lui aussi était là, jamais très loin, tout comme ses nombreuses paroles à propos d'Arlo, de Laya, et de toute cette situation improbable. Soupir de soulagement lorsqu'il lui confirma aller bien, elle lui offrit un léger sourire qui se voulait rassurant. « Dans mes souvenirs non, tu n'es jamais venu ici. Ou alors, je ne suis pas au courant » Et c'était tout à fait possible après tout. S'ils partageaient de nombreuses choses depuis leur naissance, les jumeaux avaient aussi leur petit jardin secret. C'était normal. Frustrant aussi d'une certaine manière pour celle qui avait toujours aimé tout savoir sur son frère. Et qui n'avait pas cessé de le faire après son départ grâce à Josh notamment qui lui avait sans le vouloir donner plus de nouvelles qu'elle n'espérait. « Non, non, tu peux rester » Réalisant qu'elle n'était pas très convaincante parce que fuyant son regard comme elle avait pris l'habitude de le faire depuis son accident, elle s'accrocha à celui-ci pour la première depuis longtemps, ajoutant un « Reste » presque suppliant. « Je peux même te faire visiter un peu l'intérieur si tu veux. Ca ne dérangera personne » En attendant que l'alarme ne retentisse à nouveau, elle était libre. « Je dois aller chercher du matériel pour remplacer celui qu'on a utilisé pendant la dernière intervention de toute façon » C'était l'occasion de lui montrer son lieu de vie, du moins, quand elle n'était pas chez elle. Mais aussi et surtout de passer du temps avec son frère convalescent... Il lui avait beaucoup trop manqué.

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J’ai déjà dû passer un bon nombre de fois devant la caserne et pourtant, je ne connais rien de ce lieu. Est-ce lié à ma perte de mémoire ? Peut-être. Je l’ignore. Avec une sœur qui travaille ici, je me dis que j’ai bien dû déjà venir, au moins pour la voir, pour lui parler. « Dans mes souvenirs non, tu n'es jamais venu ici. Ou alors, je ne suis pas au courant » Bon.. je n’étais peut-être pas le frère attentionné que j’imaginais. Mais il n’est jamais trop tard pour se rattraper. Je n’habitais plus ici, c’est sûrement pour cette raison. Cependant, Porirua ne se trouve pas à l’autre bout de la planète et j’aurais facilement pu trouver un peu de temps pour venir la voir. Il faut aussi tenir compte du fait qu’elle est sur son lieu de travail. Elle peut être appelée à tout moment, peut-être qu’à un moment, elle nous a simplement demandé de ne pas venir la déranger. C’est d’ailleurs pour cette raison que je suggère de revenir autre fois, ou plutôt de la voir plus tard, ailleurs. « Non, non, tu peux rester. Reste » Mon impression de déranger s’évapore soudainement. « Je peux même te faire visiter un peu l'intérieur si tu veux. Ca ne dérangera personne » Toutes les personnes qui travaillent ici ont forcément le sens du contact, il serait sinon sûrement difficile voire impossible de bien faire leur boulot. Alors une personne de plus ou de moins ici, est-ce que ça va vraiment changer quelque chose pour eux ? « Je dois aller chercher du matériel pour remplacer celui qu'on a utilisé pendant la dernière intervention de toute façon » Je ne voudrais pas la freiner, alors si en même temps que passer du temps avec moi, elle peut continuer son activité, c’est gagnant-gagnant. « Comment refuser la visite d’une caserne de pompier ? C’est le rêve de chaque enfant. » Si ça peut la rassurer, je n’irais pas jusqu’à lui demander de monter dans un camion et de mettre la sirène en marche. « Je suis peut-être un peu grand maintenant, mais ce sera avec plaisir. » Un sourire se dessine naturellement sur mes lèvres. Je suis venu ici dans l’optique de lui parler et l’occasion semble se présenter. En espérant que nous ne nous ferons pas interrompre par la sirène. « C’est assez fou que je ne sois jamais venu ici avant. » Dis-je, tout en laissant mes mains retrouver la lumière du jour. L’endroit est propre et plein de vie, quand tous les camions sont là au moins. « Tu as l’air si bien. Tu es dans ton élément. J’aurais dû le voir et te montrer mon soutien. » C’est une femme dans un monde plutôt masculin et pourtant, elle semble avoir trouvé sa place ici. Connaissant notre père, il aurait sûrement préféré la voir médecin ou chirurgienne, mais elle lui a visiblement tenu tête pour être encore là aujourd’hui. J’aurais dû venir la voir plus souvent, j’aurais dû lui montrer que sa famille était derrière elle.

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caserne de pompiers -- C'était un enfer de cacher à Arlo les dernières années qu'il avait oublié, un enfer de le regarder peiner à essayer de retrouver la mémoire quand Mara aurait pu tout lui raconter et lui expliquer dans les moindres détails. Ce n'était pas bon pour lui et le processus de guérison - elle le savait très bien, première intéressée en matière de médecine - cependant, elle doutait fortement qu'omettre lui dire qu'il était marié et en conflit avec la moitié de sa famille était la bonne chose à faire... Pourtant, le sentiment d'avoir retrouvé son jumeau suffisait à apaiser sa culpabilité et ce, même si c'était contre toute morale. Elle n'était pas comme ça. Mara n'était pas une mauvaise personne mais influencée par cette figure paternelle qu'elle admirait plus que de raison, elle se comportait différemment. Et très mal. Son coeur et sa raison étaient partagés, bien trop pour qu'elle puisse faire un choix. Le bien et bonheur de cette moitié d'elle aurait du être primordial sur le reste et si elle en avait conscience, elle était bien trop heureuse d'avoir à nouveau son frère à ses côtés pour réagir et changer le cours des choses. Il y avait aussi cette histoire avec son père et la manière dont il la gardait silencieuse même si là encore, une bonne dose de courage aurait suffit à Mara pour s'en libérer. Ce dont elle manquait cruellement. L'envie de passer un peu de temps avec Arlo plus forte que celle de l'éviter pour ne pas faire de gaffe et craquer sous le regard insistant de celui qui - avant - la connaissait par coeur, elle lui proposa assez logiquement de visiter la caserne. Les dernières années loin dans son cerveau, totalement disparues, elle ne voulait pas lui mentir un peu plus en lui affirmant qu'il était déjà venu ici alors que c'était la première fois. Lui inventer de nouveaux souvenirs semblait plutôt être la spécialité des parents Merhtens. Pas la sienne. « Super, tu vas adorer ! » s'enthousiasme t'elle rapidement alors que sa prochaine question lui fit hausser les épaules. Et le fait qu'il ne la regardait pas à ce moment là lui permit de dissimuler la perte du sourire encore accroché à son visage il y a quelques secondes. « Je ne sais pas. J'imagine que tu n'as jamais eu trop le temps... et on amène rarement des visiteurs dans le coin. Tu es un privilégié » Elle avait ponctué ce dernier mot d'un clin d'oeil, joueuse, essayant sans doute de lui faire penser à autre chose que son manque de mémoire. L'emmenant à l'intérieur, ils passèrent par un premier couloir menant à la grande salle de repos où certains pompiers étaient déjà installés. « J'ai toujours su que je l'avais, ton soutien. Tu es mon frère après tout » s'amusa t'elle doucement en lui donnant un coup d'épaule. Peut-être n'étaient-ils plus aussi démonstratifs qu'étant petits mais c'était normal. « Et tu as raison, je suis bien ici. J'ai trouvé ma voie. Un peu comme toi avec les sciences de l'océan » Il avait fait de l'une de ses passions son métier, il n'y avait rien de plus beau. « Alors je ne suis pas avocate ou médecin mais ça me convient parfaitement » Les rêves de son père pas les siens. « Regarde, mes collègues sont déjà en train de manger. Tu savais que les pompiers mangeaient dix fois plus que n'importe quel humain ? » C'était en tout cas l'impression qu'elle avait eu en arrivant ici - et qu'elle avait toujours aujourd'hui. Lui expliquant qu'il s'agissait de la salle de repos, elle lui montra les douches et vestiaires d'un geste de main et l'emmena vers les dortoirs. « C'est comme une grande maison ici. On mange ensemble, on dort ensemble et quand l'alarme retentit, c'est aussi ensemble qu'on intervient » Le travail d'équipe et la cohésion étaient important. « Comment ça se passe avec maman et papa ? » Elle en savait un peu, du moins elle avait la version de ses parents mais maintenant, Mara voulait connaître celle de son jumeau.

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« Super, tu vas adorer ! » Bien qu’un peu distance au départ, la jeune femme a l’air d’avoir changé d’avis et se retrouve maintenant enthousiaste à l’idée de me faire visiter cet endroit. Hormis ce que j’ai pu voir à la télévision que ce soit avant mon accident, il y a maintenant cinq ans, ou plus récemment, j’ignore comment fonctionne une caserne : c’est l’occasion ou jamais d’en apprendre un peu plus. Néanmoins, je m’interroge sur le fait que je ne sois jamais venu ici. Même si c’est son lieu de travail, cela reste aussi un endroit ouvert au public en cas de problème. Et puis, même sans entrer à l’intérieur, il semblerait que je ne sois même jamais venu la chercher pour aller faire quelque chose ensemble. À croire qu’une fois à Porirua, j’ai mis toute ma vie ici de côté. Ça ne me ressemble pourtant pas. « J'ai toujours su que je l'avais, ton soutien. Tu es mon frère après tout » Un fin sourire se dessine sur mes lèvres à l’écoute de cette phrase. Elle a raison et c’est important pour moi qu’elle le sache. Peu importe les choix qu’elle a pu faire ou qu’elle fera dans les années à venir, je serais toujours derrière elle à la soutenir. « Et tu as raison, je suis bien ici. J'ai trouvé ma voie. Un peu comme toi avec les sciences de l'océan » L’océan a toujours eu une saveur particulière pour moi, mais aujourd’hui, je ne suis plus sûr de rien. Ce que j’ai appris à l’école finira peut-être par revenir un jour, cependant, il n’est peut-être pas très judicieux d’attendre que tout me revienne, si ça me revient un jour, sinon je vais continuer de vivre aux dépends de ma famille encore longtemps. « Alors je ne suis pas avocate ou médecin mais ça me convient parfaitement » Que ce soit Mara ou moi, nous n’avons certainement pas suivi ce que notre espérait pour nous. Je sais que dans mes souvenirs, il me poussait beaucoup pour que je réussisse dans le sport. Mais après ça, plus rien. Et visiblement, je n’ai pas été plus loin, car si j’en pratique aujourd’hui, c’est simplement pour le plaisir. Qu’a-t-il bien pu se passer ? « Regarde, mes collègues sont déjà en train de manger. Tu savais que les pompiers mangeaient dix fois plus que n'importe quel humain ? » Je rigole, amusé par les propos de ma sœur. Mais est-ce que je suis vraiment surpris ? Non. Ils ont un boulot qui demande de l’énergie et où ils bougent beaucoup, ça serait quand même dommage d’avoir une fringale en plein milieu d’une intervention. « C'est comme une grande maison ici. On mange ensemble, on dort ensemble et quand l'alarme retentit, c'est aussi ensemble qu'on intervient » Dit-elle, alors que nous nous approchons de l’endroit où elle dort. « Tu passes donc une grande partie de ton temps ici ? » Je me rapproche légèrement de la décoration un peu plus personnelle qu’elle a pu apporter. « Comment ça se passe avec maman et papa ? » Du bout des doigts, je viens frôler une photographie de nous, avant de faire demi tour pour m'asseoir sur son lit. « Ça va. » Même si petit à petit, un fossé est en train de se creuser entre nous. « C'est un peu bizarre en réalité. J'ai l'impression qu'ils parlent moins fort quand je suis dans le coin, qu'ils me cachent quelque chose. » Je n'ai plus besoin de ça pour savoir que c'est vrai, j'en ai plus ou moins eu la confirmation avec mes discussions avec Laya. Mais je voudrais savoir ce que Mara a à me dire là-dessus, alors du coin de l'oeil, je reste attentif à sa réaction suite à mes mots. « Je pense que je vais commencer à regarder pour trouver un appartement. J'ai vingt-cinq ans, j'ai besoin de retrouver un peu d'autonomie. » Même si bien sûr, je ne les remercierais jamais assez de m'avoir aidé suite à mon accident. J'étais complètement perdu et me retrouver dans la maison où j'ai grandi m'a permis de faire le plein de force. « J'ai croisé une femme sur la plage l'autre jour. Laya. Je ne sais pas si ça te dit quelque chose. » Finis-je par dire après un court instant de silence.

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caserne de pompiers -- Elle en avait assez d'éviter ce frère dont elle avait attendu le retour chaque jour ces dernières années. Mara savait pourtant ce qui le retenait loin - bien que pas tellement - d'Island Bay tout comme elle était consciente qu'il avait maintenant une vie à Wellington avec sa femme mais le désir de voir leur famille à nouveau réunie primait sur tout le reste. Elle aurait aussi aimé que leur grande soeur les rejoigne et ce, même si d'elle, la jeune femme se sentait moins proche. Elle avait toujours pris exemple sur ses aînés, des modèles de vie à bien des égards et si elle s'en était plutôt bien sortie jusque là, elle avouait facilement qu'ils lui manquaient. Qu'Arlo lui manquait et ce lien particulier qu'ils avaient toujours eu. Celui que personne ne pouvait comprendre - à part peut-être ceux ayant la chance d'avoir un jumeau comme elle. Conduisant le jeune homme à l'intérieur où elle lui présenta rapidement la salle de repos occupée par les pompiers, non sans glisser une petite plaisanterie que sans doute, ses collègues lui feraient payer plus tard, elle l'emmena ensuite dans les dortoirs et précisément dans son coin à elle. Lit, table de chevet, petit mur séparant les différentes positions pour laisser croire à une once d'intimité, elle hocha la tête à sa question. « Quasiment oui, du moins quand on est pas en intervention » Il y avait des gardes plus calmes que d'autre, ça dépendait. « Une garde dure trois jours et ensuite, c'est l'autre qui prend la relève. Avec Josh, tu te souviens de lui ? » demanda t'elle doucement, n'ayant pas envie de le brusquer dans ses souvenirs. Elle avait des notions de médecine - en plus d'embêter constamment Sofia pour savoir où il en était dans le processus de guérison. Et pas uniquement parce que le voir retrouver la mémoire leur ferait défaut à elle et ses parents. Elle tenait à Arlo, sa santé était importante. La question sur eux était naturellement sortie mais à la réponse de son frère, elle regretta presque de l'avoir posé. « Pourquoi est-ce qu'ils feraient ça ? » Elle espérait être convaincante dans ce mensonge, elle qui n'avait jamais été une très grande comédienne. « Tu sais qu'il faut y aller progressivement. Te donner trop d'information d'un coup ne serait pas bon pour toi » C'était mal et moche de leur trouver des excuses quand tout ce qu'elle désirait, c'était lui dire la vérité. Arrêter de mentir et reprendre une vie à peu près normale. C'était ce qu'elle aurait du faire et ce, même si ça signifiait voir Arlo repartir. Et retrouver Laya. Laya. Le prénom sorti de la bouche de son jumeau, Mara crut pendant un instant qu'il était sorti involontairement de la sienne et qu'elle avait fait une gaffe. Les yeux accrochant la photo qu'il avait touché il y a quelques secondes, elle prit soin de la remettre en place alors qu'il ne l'avait même pas effleuré. Il lui fallait une issue, quelque chose, pour ne pas paraître plus coupable qu'elle ne l'était. « Déménager ? Je comprends » Elle-même se sentait étouffée quand elle leur rendait visite à la maison familiale mais surement pas pour les mêmes raisons. « Laya, tu dis ? » Mara secoua la tête pour ne pas avoir à parler, dire une bêtise. Mais réalisant rapidement, en croisant le regard blessé de son frère, qu'il en savait plus qu'il ne le devait, l'ambulancière se laissa tomber sur le lit d'à côté, les mains tremblantes. « Qu'est-ce que... qu'est-ce qu'elle t'a dit ? » demanda t'elle cette fois d'une petite voix, ne sachant plus où se mettre. Voilà, c'était fini. Il ne lui pardonnerait jamais.

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Je ne suis jamais venu dans une caserne de pompiers, ce qui n’est pas si mal finalement, mais je me rends compte que je n’ai aucune connaissance des métiers qui s’y trouvent. L’un des métiers que pratique ma sœur et que je ne connais pas. Afin de pouvoir être efficaces le plus vite et le plus tôt possible, ils doivent être ici et d’après ce que Mara m’explique, ils le sont à tour de rôle. C’est la moindre des choses, sans ça, il serait difficile pour eux d’avoir une vie à côté. Et puis, s’échapper un peu de la caserne, avec ce qu’ils peuvent voir, ce n’est sûrement pas une si mauvaise chose. Elle me parle rapidement de quelqu’un, d’un Josh, mais malheureusement, ce prénom ne me dit rien. Peut-être que c’est quelqu’un que je connais ou plutôt que je connaissais et qui a disparu avec mes différents souvenirs. Arrivés dans son coin personnel de la caserne, je ne peux m’empêcher de regarder ce qui m’entoure, alors qu’elle me questionne sur la cohabitation avec nos parents. Je ne sais pas trop quoi dire, comment l’aborder, mais c’est devenu bizarre. Je suis peut-être un peu plus suspicieux qu’avant, c’est vrai, ou peut-être que je suis simplement en train de me monter la tête pour rien. Enfin non, ce n’est pas pour rien, puisque maintenant, je suis sûr qu’il y a quelque chose qui cloche, mais je ne sais simplement pas quoi. « Pourquoi est-ce qu'ils feraient ça ? » Je hausse machinalement les épaules, comme simple réponse à sa question. « Tu sais qu'il faut y aller progressivement. Te donner trop d'information d'un coup ne serait pas bon pour toi » C’est peut-être ce qu’on dit les médecins, mais il y a différents types d’informations. Il y a les recettes secrètes de famille et les relations que j’avais. L’un des deux ne peut pas être caché indéfiniment. D’ailleurs, pour éviter de trop tourner autour du pot et pour la confronter un peu, je lui parle de Laya. « Laya, tu dis ? » Je tourne la tête vers elle et reste attentif à ce que son visage peut laisser paraître. J’ai volontairement mentionné son prénom, pour qu’elle sache assez rapidement que j’ai déjà des informations en ma possession et qu’il serait bête de me mentir encore. « Qu'est-ce que... qu'est-ce qu'elle t'a dit ? » Je suis presque surpris de voir qu’elle baisse les armes aussi vite. Autant de mensonges pour en finir comme ça ? Mais c’est là la meilleure chose qu’elle pouvait faire. Continuer, c’était s’enfoncer encore plus et prendre le risque de perdre totalement ma confiance. « Que j’étais marié. À elle. » Mais ça, vu son inquiétude, elle le sait déjà. D’après ce que Laya a pu me dire, notre mariage ne date pas des derniers mois et même s’ils n’étaient pas présents, ma famille était au courant. Ce qui m’échappe maintenant, c’est pourquoi. Pourquoi ils m’ont caché mon mariage ? Mais aussi, pourquoi ils n’y étaient pas. C’est sûrement lié, l’inverse serait étonnant. « Et qu’elle était enceinte. » Ça, par contre, c’est nouveau et ça change la donne. Il n’est plus question que de Laya ou de moi. Il y a maintenant des personnes innocentes et il est important que les choses redeviennent comme avant, ou au moins qu’elles s’en rapprochent le plus possible. « Pourquoi m’avoir caché son existence ? » Si je suis venu ici, c’est bien pour ça. À défaut d’avoir été honnête avec moi à mon réveil, elle a l’occasion de l’être maintenant.

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