RP Loterie Tsunami - Qui a dit que le muffin n'était pas un symbole de paix ? (ft. Spencer)

Les journées de tournage se succédaient pour Noah. Son planning se trouvait bien chargé. Le matin, il était dans les studios, devant la caméra, jusqu'au milieu de l'après-midi. Ensuite, il partait travailler en tant que serveur dans le café de sa soeur. Pour le moment, le fait d'avoir deux salaires, ça lui rendait service. Il claquait l'argent comme un pétard, sans compter... de préférence en alcool ou en sorties. Pour mener son train de vie, il fallait bien deux fiches de paie ! Ce matin, pourtant, il y avait eu un accident... Sans doute n'avait-il pas été si raisonnable que ça d'aller boire un verre avec Jude dans un bar du coin... de finir cette bouteille à eux deux... de se sauter dessus dès qu'ils avaient passé les portes de l'ascenseur... Avec un coucher à 3 heures du matin et un lever à 7 heures... non, rien ne respirait la raison dans ces décisions là !

Résultat, Noah était explosé. Il n'entendit pas son réveil, c'est en sentant le soleil sur son visage qu'il comprit qu'il était en retard. Il s'habilla à la hâte et partit sans déjeuner. Malgré les bouchons qui le mettaient dans un état d'énervement avancé d'ordinaire, il n'eut même pas la force de se mettre en colère. Il peinait pour ne pas s'endormir au volant. Il put compter sur la sirène très audible qui le fit sursauter. Ici, tout le monde savait ce que ça voulait dire... alerte au tsunami ! Noah souffla... elle commençait bien cette journée... Il sortit de sa voiture sans se presser, alors que d'autres en firent de même. Certains se mirent à courir vers les hauteurs. Pas lui... si l'alerte était donné, ça voulait dire que la vague n'arriverait pas tout de suite. Autant prendre son temps et en profiter pour faire taire son estomac affamé. Hélas, à mesure qu'il avançait, les commerces baissaient tous leurs rideaux... Foutu tsunami !

Noah pesta et suivit les autres pour se mettre à l'abri. Il commençait à en avoir mal au ventre, tellement qu'il avait la dalle ! Et puis là miracle ! Distribution de nourriture ! Le jeune homme retrouva une forme de ferveur, il bouscula deux gamins, pour leur griller la place. Sa satisfaction disparut alors quand il découvrit que la nourriture n'était rien d'autre qu'une ration militaire ! Il la prit quand même, sonné. Il détestait les militaires... tout ce qui symbolisait l'autorité et le pouvoir. Le simple fait d'avoir ça dans ses mains l'écoeurait... outre le fait que ça ne donnait pas envie de manger. Il ouvrit le sachet... en sentit l'odeur et fit une grimace de dégoût... Se pensant un peu isolé, il pesta :

- C'est dégueulasse... faut vraiment être un débile de militaire pour bouffer cette merde... qu'est-ce qu'ils y ont mis dedans, hein ? Va savoir... des stéroïdes pour avoir de bons petits soldats obéissants... c'est quand même dingue qu'il n'y ait que ça à manger... J'vais quand même pas...

Alors qu'il allait quand même goûter, de dépit... un muffin lui arriva presque sous le nez. Il cligna des yeux, surpris, se demandant s'il avait des hallucinations. Non... le gâteau était bien réel ! Il était tendu par un homme, au visage gentil et avenant. Noah le regarda de la tête aux pieds. Poliment, il demanda :

- Bonjour. Vous voulez qu'on échange ?

Comme chaque fois lorsqu’il se rendit à l’hôpital, Spencer se leva aux aurores. Avant de tomber malade, il était limite insomniaque. Ce qui l’arrangeait plutôt bien dans son ancien métier : dj. Entre animer les soirées – qu’elles étaient du mariage ou d’œuvre de charité – et les diverses réunions, préparations et organisations la journée, il ne fallait mieux pas être un gros dormeur…. Arrivée vers l’âge de trente-cinq balais, sentant la fatigue arriver, Cooper préféra se réorienter professionnellement. Il avait l’impression de ne plus être « dans le coup ». Lui qui était si perfectionniste, il ne supportait pas se sentir dépassé. L’artiste changea de corde à son arc. Passant du monde bruyant de la nuit au calme de la journée devant une simple feuille de papier. Il se sentait vieillir. Affaibli. Peu après son changement d’orientation, on lui diagnostiqua un cancer. Ceci expliqua peut-être cela. La première fois, il n’avait eu qu’un cycle de chimio. La maladie étant prise précocement, le traitement avait plutôt bien fonctionné. Rapidement. En seulement quelques mois, le patient éprouva juste une grosse fatigue. Il était en rémission.

Est-il réellement possible de guérir totalement d’une maladie aussi grave qu’un cancer ? Spencer l’espérait de tout son cœur. Il continuait à ingurgiter son traitement via des cachetons. Son suivi avec l’oncologue était simplement annuel. Au début de cette année, le trentenaire vit ses espérances partir à néant. Ill vit certains clichés de son pet-scan. Certes il ne se connaissait en rien à la médecine nucléaire et ne se prétendait encore moins médecin, mais il savait que l’apparition de grosses tâches suspectes sur une radio des poumons n’envisageait rien de bon. Son cancer était revenu. Descendant de la gorge aux voies respiratoires. Le jeune homme savait que quelque chose clochait chez lui. Qu’il ne savait plus respirait comme avant. Tousser et cracher du sang n’était pas normal non ! Dire que sa rechute arriva au moment où il revit son premier et unique amour. Pourquoi le destin s’acharnait-il à le séparer de son âme sœur ? L’amour était plus fort que tout cependant. La jeune femme resta à ses côtés et qu’ils devinrent plus forts et compliques que dans le passé.

Pour son séjour à l’hôpital, Valentina avait préparé des muffins pour son amoureux. Elle savait que ce dernier ne supportait pas son nouveau traitement. Il ne s’alimentait absolument pas de la nourriture de l’hôpital. En même temps qui aime les bouillies sans aucune saveur enfermées dans des biens tristes barquettes de plastique ? La vue ne donnait franchement pas envie. Et l’odeur était à vomir…

Alors que Spencer était dans le bus pour sa chimio, le véhicule, ainsi que tous les autres se stoppèrent à l’alerte au tsunami. Le newyorkais suivit donc les autres personnes. Il vit toutes les boutiques fermer les unes après les autres. Des personnes cherchaient en vain à se nourrir. Un jeune homme plusieurs mètres devant lui, bouscula même des enfants devant un distributeur et pesta de plus belle en voyant ce qu’il récupéra. Le beau brun s’avança de l’autre homme. « Je ne suis pas sûr mais je crois que ce sont des portions riches en protéines et déshydratées pour une conservation plus longue. » Il lui tendit un des muffins que sa copine lui a confectionné. « Tenez… Prenez le… Ce n’est pas grand-chose mais bien meilleur que ce que vous avez en mains. » Spencer lui souriait timidement. « Ce n’est pas empoisonné. Prenez-le. Ma compagne est la meilleure des cuisinières que je connaisse et c’est elle qui l’a fait. » L’inconnu lui demanda s’il voulait échanger avec sa portion. Cooper lui fit signe que mal. « Euh… Sans façon… A défaut ouvrez le paquet et laissez le par terre contre un mur afin que personne ne marche dedans. Cette ration trouvera bien un animal affamé pour être dévorée. »

Soyons clairs, Noah n'attendait jamais un quelconque geste de générosité de la part des autres, tout simplement parce que lui, il en était bien incapable. A ses yeux, l'être humain était égoïste, individualiste et il se moquait pas mal de son prochain, sauf à y mettre un intérêt derrière. Pour appuyer son propos, il se basait sur des nombreuses constatations. Il aimait bien prendre en exemple les dons aux associations, qui permettaient à certains d'économiser sur leurs impôts. Ou encore ces millionnaires qui finançaient des œuvres de charité et qui pratiquaient l'exil fiscal dès qu'ils en avaient l'opportunité. Et puis il y avait les politiques, qui clamaient leur volonté et leur attachement au bien-être populaire et qui une fois au pouvoir, s'arrangeaient pour favoriser leurs intérêts. Bref, il en avait à la pelle des histoires dans le genre ! Jusqu'à présent, à l'exception de ses sœurs, il n'avait jamais vraiment pu voir de générosité chez d'autres. A part aujourd'hui, avec ce muffin tendit par un homme et ces précisions apportées sur le sachet de bouffe infâme qu'il tenait entre les doigts. Mais mangeait encore ce genre de trucs ? Il hocha la tête, et un peu abrupt il dit :

- Heureusement qu'un tsunami arrive pour nous réhydrater tout ça et faire que l'on puisse le manger !

Il y avait des enfants tout près, mais Noah refusa catégoriquement de les empoisonner avec ce sachet. Il regarda autour d'eux, il repéra un vieux avec une canne, s'avança et lui mit la nourriture déshydratée entre les bras. Il revint auprès de Spencer en haussant les épaules.

- A son âge, il doit être habitué aux trucs déshydratés. Et puis il a bien vécu. S'il y a vraiment des protéines, ça lui donnera un coup de boost, sinon, ben ma foi, il était plus proche de la fin que du début, pas vrai ? Je vais quand même pas prendre le risque d'empoisonner un gosse ou un animal !

Du Noah tout craché... brut de décoffrage, profondément cynique et piquant. Revenant au muffins que Spencer lui avait donné, il le regarda et alors qu'ils s'étaient mis un peu à l'écart de la foule, il jugea opportun de le remercier.

- Merci... pour le muffin. Mais vous en avez pour vous ? Si ça n'est pas le cas, partageons-le. Vous avez une petite mine, je ne voudrais pas vous priver d'énergie ou que vous vous sentiez obligé de vous priver.

D'habitude, ça n'était absolument pas un critère important pour lui. Il s'en foutait même complètement des autres. Il ne pensait qu'à sa pomme. Mais là, Spencer avait été si bienveillant et si altruiste, qu'il soupçonnait soit qu'il attende quelque chose en retour à un moment donné, soit qu'il se sacrifie pour lui. Il penchait pour la deuxième option. Dans tous les cas, cela le gênait. Parce que oui, Spencer avait les traits tirés, le visage fatigué. Il refusait de contribuer davantage à son état. Curieux quand même s'en savoir plus sur cet étrange individu, il tendit sa main et se présenta :

- Je m'appelle Noah Wade, au fait.

Le connaissait-il au travers du teaser de la série que WPS ne cessait de faire diffuser ? Il y avait une certaine hype autour d'elle en tout cas. Mais c'était beaucoup trop frais pour que Noah imagine une seconde que son nom puisse être connu. Pas de doute que le jour où cela arriverait, il en apprécierait les retombées... du moins au début, parce que cela flatterait son égo démesuré.

Le jeune homme face à lui était… Comment dire ? Bon en fait le comportement de ce dernier avait plutôt tendance à laisser le malade sans voix. Spencer lui a offert un muffin afin qu’il puisse s’alimenter. L’inconnu voulut dans un premier temps lui donner le truc infame du distributeur. L’artiste le refusa et lui proposa de le poser par terre dans un coin où personne ne pourra marcher dedans et afin qu’un chien, un chat, un rat ou n’importe quel autre animal puisse s’alimenter.  L’autre eut plutôt l’idée de refiler cela à un vieillard, prétextant que ce dernier avait déjà fait sa vie. Spencer était choqué. Bouche bée, il laissa l’autre homme monologuer un peu. Il le remercia cependant pour son geste. «  Ne vous inquiétez pas pour moi. J’en ai d’autres. Vous pouvez le garder pour vous celui-là. » Il hésita un instant puis se permit de prendre la nourriture déshydratée des mains de l’autre. «  Tout compte fait j’ai une bien meilleure idée pour ça. » Il y avait une poubelle non loin d’eux. Cooper alla jeter le truc immonde dedans. Le vieillard étant juste à côté – sans aucun doute un sans-abri – Spencer en profita pour lui donner à lui aussi un muffin de Valentina. Il revint vers le jeune homme. «  C’est beaucoup mieux comme cela. » Il lui fit un bref sourire en espérant ne pas l’avoir contrarier. Sachant qu’il ne pouvait marcher vite et longtemps à cause de son état de santé, le trentenaire reprit la route à son rythme. Il suivit les autres vers le point de regroupement. Vite fatigué, il ne parcourut pas une bien grande distance. Il se stoppa et s’asseyait sur un banc pour faire une pause. Silencieusement, il observa les autres personnes partir. Certaines paniquaient et couraient. Heureusement il n’y avait pas grand monde qui faisait cela. Spencer fut surprit lorsqu’il vit une main se positionner devant lui. L’homme étrange à qui il avait offert un muffin quelques instants plus tôt lui refit face et se présenta. En toute politesse – mais aussi pour éviter de trop montrer sa faiblesse – il se leva et lui serra la main. «  Enchanté Noah. Je m’appelle Spencer Cooper. » Le malade se réinstalla sur l’assise et invita le prénommé Noah à faire de même. «  Vous pensez qu’on a encore combien de temps devant nous avant que le tsunami arrive ? » Question stupide n’est-ce pas ? Spencer le savait bien. Mais bon il n’était pas habitué à ce genre de phénomène météorologue. A New York il n’a jamais connu ça. En entamant un autre sujet de conversation, l'artiste prouva qu'il n'était pas non plus rancunier sur le comportement du plus petit vis-à-vis du vieillard. La vie était bien trop courte pour se stopper sur des bêtises pareilles après tout.

En voyant Spencer reprendre la nourriture déshydratée des mains du vieil homme pour la mettre à la poubelle et lui donner à la place un de ses muffins, Noah ne put s'empêcher de penser : "Tiens, tiens... encore un bon samaritain qui s'achète une place au paradis". Et puis, il se dit qu'il était probablement un peu rude à l'égard de cet homme. Après tout, il ne le connaissait pas. Ce qu'il voyait de lui jusqu'à présent, c'était quelqu'un de sympathique, visiblement généreux et altruiste. Et quelque chose clochait. Il ne marchait pas au même rythme que les autres. Il était plutôt lent. En lui prêtant un peu plus d'attention, Noah remarqua qu'il peinait à avoir une bonne respiration. Sous cette personnalité charmante et polie, semblait se cacher quelqu'un de malade. Il ne le lui fit pas remarquer. Rien de pire que de se voir pris en pitié ou pire, d'être traité différemment parce que l'on avait une santé plus fragile que la moyenne. Si cela lui était arrivé, Noah aurait probablement été intraitable avec toutes celles et ceux qui lui montreraient la moindre trace de sensibilité ou d'émotion. Mais, wait... en fait il était déjà comme ça ! Il détestait les trucs gnangnan et les démonstrations de compassion, surtout quand elles se faisaient en public. Il avait toujours l'impression que la personne surjouait pour montrer aux autres qu'elle possédait un coeur. Il trouvait ça condescendant et tellement faux ! Bref ! Le temps du trajet, Noah l'attendit quand il avait besoin de faire une pause. Si jamais ils avaient besoin de courir parce que la vague arrivait, ils étaient mal barrés ! Bon, Noah aurait sans doute vite fait le calcul. Lui, il pétait la forme et il savait courir. Tant pis pour Spencer, mais Darwin avait théorisé et prouvé que la sélection naturelle existait. Une pensée égoïste ? Très clairement, oui. Mais c'était Noah... l'inchangeable Noah Wade, toujours très égocentré. Cela dit, il était cynique et pragmatique. Il n'y avait que dans les films que l'on voyait des gens porter secours à des personnes à la traîne. L'espère humaine était comme avant tout animale, guidée par son instinct de survie. C'était pour ça que personne ne réagissait quand quelqu'un d'autre se faisait agresser.

- Je n'en ai aucune idée. Il y a de fortes chances pour que ça ne soit qu'une fausse alerte, une de plus. Et ce n'est pas plus mal. Ca serait quand même dommage que j'ai de l'eau dans ma coloc !

Il s'installa à côté de Spencer en tendant ses jambes vers l'avant et en croisant les bras. Il observa les gens un peu plus loin, en train de s'affairer. Certains paraissaient inquiets. Quelques militaires et policiers tâchaient d'aiguiller et d'ordonner un peu le groupe. Sur eux, il porta un regard plein de colère. Il les détestait. Il reprit la parole, sur un ton doux, alors que son regard foudroyait littéralement les gars en uniforme :

- Votre nom ne m'est pas étranger, il me rappelle quelque chose. Vous seriez pas dans le cinéma par hasard ?

Noah lâcha enfin les soldats et policiers pour jeter un œil à Spencer assis à ses côtés. Oui, il le dévisagea. Sa tête ne lui disait rien du tout. Mais Spencer Cooper, ça lui parlait. Où l'avait-il entendu déjà ? Le vieil homme à qui il avait donné le muffin passa devant eux. Comme quoi, se dit Noah, Spencer n'était pas le plus lent dans cette course. La belle affaire si le vieillard avait été emporté avec son muffin... et quelle dommage pour cette gourmandise, de se retrouvée ballottée par les flots. Sans cœur ? Mais non... disons qu'on le cherchait encore ! Il commenta :

- Il est content d'avoir son muffin. Bon, je le comprends, il était délicieux. Ca va pas être facile pour lui de mâcher sans dents. J'espère qu'il va s'en tirer.

Il eut un sourire amusé et un brin moqueur. Oui, il se moquait des vieux, parce qu'il ne comptait pas en devenir un ! Noah refusait de vivre au delà des soixante ans. Déjà parce que ça voudrait dire qu'il vivrait la douleur de perdre sa mère, et peut-être ses sœurs. Et puis, parce que passé le cap des 60 balais, pour lui, tout commençait à déconner : la prostate, le sex-appeal, la mémoire... les rides... Mourir jeune et en forme, c'était ça qu'il voulait. Et si la vie ne lui offrait pas, il comptait bien y remédier lui-même et forcer le destin. Un truc clair et net dans sa tête.