Hey baby, I think I wanna marry you || Siala #1

Les embouteillages sont fous sur le retour de Wellington, j’ai rendez-vous avec Siam à 18h30 dans le centre d’Island Bay, je crois que je ne serais jamais à l’heure. Un message pour la prévenir et je monte le son de la radio pour laisser les vibes de la musique envahir l’habitacle de la voiture. Les notes et leur bonne humeur m'envahissent, ma positivité prend le dessus en un rien de temps comme d’habitude. Pourtant… ce n’est pas vraiment la joie.
“Souriez, l’été arrive, demain sortez les tenues légères, le soleil est de sortie”.
La chanson se termine et même la météo se fout de mon humeur qui devrait être maussade. J’ai reçu un message de mon fiancé hier matin. Départ pour New-York illico sans même un au revoir. Un soi-disant casting sorti de nulle-part. Je suis son agent, si des opportunités se présentaient pour lui, je serais la première au courant. Pourquoi cherche-t-il toujours à s’échapper ainsi ?

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Hey baby, I think
I wanna marry you

J’ai pourtant bien essayé de lui trouver des opportunités plus près à Auckland ou même Syndey, mais à chaque fois c’est la même rengaine, les metteurs en scène sont des cons pincés qui ne connaissent pas leur métier, et de toute façon les Néo-Zélandais sont des bouseux sans culture. Je suis néo-zélandaise… mais ça il ne semble jamais s’en rappeler. Je sais pourtant qu’il n’est pas le genre à avoir une maitresse, depuis quinze ans que nous nous connaissons, je ne l’ai jamais vu avec un regard déplacé envers une autre femme. Ou alors c’est que je suis totalement aveugle ? Des millions de questions se bousculent dans ma tête, mais je n’ai finalement pas le temps d’y penser, ma voiture se faufile entre les ruelles du centre ville et je trouve une place dans la rue que m’a indiquée Siam. Malgré moi je suis impatiente. Quelle femme n’a jamais rêvé enfant de se glisser dans une robe de mariée ? Ce jour là est enfin arrivé pour moi. La créatrice que veut me présenter Siam a l’air très prometteuse, des étoffes tout en dentelle, bohème et loin de tout cliché. J’ai prévenu la belle organisatrice de mariage, hors de question de me faire acheter une meringue, j’ai passé l’âge ! Bon en vrai, je rêve quand même d’en essayer quelques unes juste pour voir et rire ensemble toutes les deux.
— Mademoiselle Mehrtens, dis-je cérémonieusement en mimant une révérence du bout de mon talon.
Elle est devant la boutique de la créatrice comme prévu, elle m’accueille avec un sourire comme si j’étais sa cliente préférée. C’est ce qui m’a tout de suite plu avec elle, j’ai l’impression qu’on se connaît depuis des années à chaque fois qu’on se voit. Je dépose un baiser sur sa joue, mon bras qui entoure son épaule d’une chaleureuse accolade complice. Elle sent divinement bon, les notes vanillées de son parfum s’impriment dans tous mes sens, il faut vraiment que je pense à lui demander qu’est-ce qu’elle met.
— Je suis prête pour essayer des robes de princesse !
Mon ton rieur masque aussi un peu mon trouble, choisir sa robe de mariée c’est une grande étape. J’ai déjà prévenu Siam que je voulais quelque chose de spécial, loin des convenances, une robe qui me ressemble, un peu comme ma tenue d’aujourd’hui, une robe à volants aux notes fleuries rouge assortis à des talons dorés.

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Dernier rendez-vous de la journée, et pas des moindres. Aujourd’hui, ce sont les essayages de robe de mariée de Neela. Pour elle, j’ai pris rendez-vous avec la meilleure styliste d’Island Bay. J’aurais très bien pu lui trouver quelqu’un sur Wellington, tout près de l’agence, mais elle veut quelque chose de spécial. Et j’ai préféré me tourner vers celle que je considère comme la crème de la crème. Ses créations sont uniques, modernes et je suis convaincue que c’est exactement le style dont Neela a besoin. Il faut dire que je me démène toujours pour trouver le meilleur à mes clients. Mon métier, c’est ma plus grande passion. Et pour la jeune femme, je crois que c’est encore plus vrai. Notre collaboration est récente, mais pour autant, notre connexion est naturelle. C’est la première fois que je me sens aussi proche d’une cliente. En réalité, notre proximité en est même un peu troublante. Arrivée en avance chez la styliste, je m’occupe déjà de faire une présélection des robes qui pourraient plaire à Neela. Mon but de wedding planner est d’aider les clientes à gagner du temps. Et surtout de les aider à faire de leur mariage le plus jour de leur vie. Ça, c’est souvent le plus facile à faire. Un mariage de princesse, toutes les filles (ou presque) en rêvent. Moi la première. Si je me suis orientée vers ce métier, ce n’est pas pour rien. Mais personnellement je n’en suis pas encore là. J’ai déjà suffisamment à gérer avec le début de ma grossesse. D’ailleurs, ce n’était pas forcément dans cet ordre là que j’avais imaginé les choses pour mon futur. Mais la vie est imprévisible, et il n’est pas difficile de comprendre que ce n’était pas vraiment au programme. — Mademoiselle Mehrtens. Mon regard croise le sien, et un sourire naturel se dessine inconsciemment sur mes lèvres. Au-delà du rendez-vous professionnel, je suis vraiment contente de la voir. Elle me salue dans une étreinte chaleureuse et je ne peux m’empêcher de lui rendre, peut être plus que de raison. — Je suis prête pour essayer des robes de princesse ! Après avoir réussi à décaler l’heure initial du rendez-vous, on ne dira rien pour le retard, mais à ce rythme-là, Neela va me devoir plusieurs verres. « Parfait ! » Dans un geste incontrôlé, ma main vient frôler légèrement la sienne. « J’ai déjà commencé à te sélectionner quelques robes. » Mon rôle n’est pas de jouer les stylistes, ça, ce n’est pas de mon ressort. Mais c’est facile pour moi de faire l’intermédiaire entre les deux. Parce que je connais les attentes de ma cliente, et je sais exactement vers quoi il faut s’orienter. La styliste s’occupe de lui montrer les différentes robes sélectionnées. On passe de la robe classique à dentelles, à la robe de princesse jusqu’à la dernière : une robe à la fois chic et bohème, complètement dans l’air du temps. « Celle-là, c’est ma préférée. » Allez savoir pourquoi mais j’arrive très bien à l’imaginer dedans. « Mais si tu veux bien, on va commencer par la première. » Autant garder la meilleure pour la fin. Je laisse la styliste la guider jusqu’à la cabine d’essayage alors que je prends place sur le fauteuil installé juste en face. « Je suis prête pour le défilé ! » Ajoutais-je pour plaisanter derrière le rideau.

C’est comme si tous mes soucis s’évaporaient à l’instant où elle me rend mon accolade. C’est fou comme le moindre contact avec elle éveille des choses que je pensais enfouies. Ça fait bien longtemps que Nick ne me couvre plus souvent de ces regards d’admiration qui font se sentir comme unique. « Parfait ! » C’est elle qui est parfaite soupirent inconsciemment mes pensées. « J’ai déjà commencé à te sélectionner quelques robes. » Les rêves, les possibles fantasmés qui dansaient il y a quelques secondes s’évaporent pour revenir à la réalité. Je dois me marier, dans un peu plus d’un an. Ma famille est tellement heureuse que je franchisse enfin ce pas pour construire mon avenir. Je ne veux pas les décevoir. La boutique de la styliste est comme je m’y attendais, sobre et originale en même temps, un peu comme à la maison, des photos de mariages un peu partout aux murs, avec des fauteuils baroques confortables devant une estrade et une grande cabine aux rideaux crèmes tout au fond. « Celle-là, c’est ma préférée. » Siam brandit une robe comme j’en rêvais, elle a exactement cerné mes attentes, c'est fou. Je me contente de hocher la tête un peu émue… « Mais si tu veux bien, on va commencer par la première. » Mes yeux se lèvent au ciel en faisant mine d’être exaspérée.

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L'ascenseur émotionnel dans mon esprit n’en finit pas, la jovialité reprend le dessus finalement et la séance peut commencer. Les robes meringue blanches défilent devant mes yeux dans les mains de la styliste, je suis tout excitée en me prenant au jeu, comme une gosse un matin de Noël prête à déballer ses cadeaux.
— Je prends celle-ci alors ! dis-je en lui désignant la deuxième dans ses mains.
Moi ? Faire les choses dans l’ordre ? J.A.M.A.I.S. La robe la plus classique du lot en main, autrement dit celle qui est à l’opposé total de mes désirs, je me glisse dans la cabine sourire aux lèvres, laissant Siam s’installer. « Je suis prête pour le défilé ! » Sauf qu’enfiler une robe de mariée tient plus de l’exercice de gymnastique ou de la contorsion de cirque. La styliste derrière moi m’ouvre les pans, l’ajuste à ma taille avec des pinces pendant de longues minutes, mon buste est tellement comprimé que je me demande comment toutes les femmes du monde peuvent bien supporter volontairement cette torture une journée entière. Elle me tend également quelques accessoires, je boude la traîne pour préférer le diadème, quitte à avoir l’apparence d’une princesse autant le faire à fond.
— Si tu ris attention… c’est toi qui me devra un verre…
Ma main fait trembler le rideau. Puis une de mes jambes sort en premier et puis je surgis la moue rieuse de derrière en tirant un coup sec. Un pied qui grimpe sur l’estrade et je me retrouve face à mon organisatrice de mariage, qui loin d’avoir l’air amusé attendu me dévisage incrédule.
— Un jour ce sera ton tour Siam et moi aussi je te regarderai avec cet air-là. Râlais-je en dépassant comme souvent sans m’en rendre compte la simple relation future mariée / organisatrice.
Un quart de tour vers le miroir et c’est le choc. Bien loin de l’apparence ringarde des magazines, le corset de la robe affine ma taille avec des jeux de transparence et retombe sur mes hanches en un taffetas diamanté totalement incroyable. Je tourne, dans un sens, plus l’autre et le tissu léger suit mes mouvements en une danse hypnotique. Les larmes me viennent aux yeux en ne cessant de regarder mon reflet totalement bouleversée, avec cette impression étrange, douloureuse, que le mariage devient soudain beaucoup plus réel.

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Que les choses sérieuses commencent ! Il est déjà tard, autant ne pas perdre de temps pour débuter les essayages. Neela a l'air contente des robes que nous avons présélectionnées avec la styliste, et c'est déjà une bonne chose. Pour le reste, la magie d'un coup de coeur fera sans doute son travail. C'est souvent de cette façon-là que le choix final se dessine. — Je prends celle-ci alors ! Elle choisit la robe de princesse en premier lieu et s'éclipse rapidement dans la cabine. Je laisse la styliste l'aider pour les ajustements attendant sagement de voir le résultat de l'autre côté du rideau. De toute évidence, je pense que les trois robes lui iront à merveille. En même temps, dans n'importe quelle tenue, je crois que cette femme serait parfaite. Que ce soit en pyjama ou en tenue décontractée du dimanche. Elle a un vraiment un charisme fascinant. — Si tu ris attention… c’est toi qui me devra un verre… Mais je n'ai même pas le temps de répliquer quoi que ce soit que Neela fait déjà son apparition de derrière le rideau. Le temps s'arrête, et là, clairement, je n'ai plus les mots. Je ne peux m'empêcher de la suivre du regard comme hypnotisée. — Un jour ce sera ton tour Siam et moi aussi je te regarderai avec cet air-là. Alors oui, mais non. On en est clairement pas encore là avec Maddox. Loin de là même, si je veux être tout à fait honnête. Malgré le fait que nous allons tous les deux être parents... mais c'est plus compliqué que ça en a l'air. Beaucoup plus compliqué. « Tu es vraiment magnifique. » Je le pense sincèrement. Ce n'est plus l'organisatrice de mariage qui parle à ce moment-là, c'est bien plus profond que ça. Cette femme a vraiment un truc en plus, ce je-ne-sais-quoi que je suis totalement incapable d'expliquer. « Et si tu penses que c'est ce que je dis à toutes mes clientes, détrompe-toi ; tu les surpasses toutes. » Ajoutais-je dans un sourire naturel. La jeune femme se retourne alors face au miroir, admirant à son tour sa silhouette. Le moment tant attendu. Neela reste silencieuse pendant de longues minutes, complètement bouleversée. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi ses yeux commencent à briller. « C'est des larmes de joie j'espère ? » Je balance ça en rigolant, non sans imaginer un seul instant de quoi il en retourne exactement. Mais à en voir sa réaction, je crois que je viens de foutre les pieds dans le plat. Et merde. « C'est normal, les premiers essayages sont toujours un peu étranges. » J'essaye de me montrer rassurante, même s'il est difficile pour moi de me mettre réellement à sa place. Essayer des robes de mariées est une étape émouvante dans les préparatifs d'un mariage. Parce que c'est l'un des moments les plus importants. Le plus concret aussi concernant la suite des évènements. Et ce n'est pas la première de mes clientes qui se retrouvent dans cet état émotionnel pendant un rendez-vous comme celui-ci. Mais est-ce pour les mêmes raisons ? « Est-ce que tu veux faire une pause ? » D'un signe de tête, je demande à la styliste de nous laisser seules un moment.

Un voile passe sur le visage de la jeune organisatrice alors que j’évoque un éventuel mariage. Elle m’avait pourtant évoqué un petit-ami lors de nos précédentes conversations, elle est si pétillante que j’ai du mal à croire que l’homme à ses côtés ne fasse pas tout pour elle. Aller boire un verre ensemble tout à l’heure sera probablement l’occasion d'en discuter toutes les deux. J’aime savoir que les personnes que j’apprécie sont heureuses, mais là c’est elle qui d’un regard me comble et me trouble au plus haut point. « Tu es vraiment magnifique. Et si tu penses que c'est ce que je dis à toutes mes clientes, détrompe-toi ; tu les surpasses toutes. » Au ton de sa voix chaleureuse, je sais qu’elle le pense et ça rassure mon cœur. Tellement que c'est précisément à ce moment-là qu'un ruisseau de larmes se met à couler sur mon visage. « C'est des larmes de joie j'espère ? » Je hoche la tête, bien évidemment pas très convaincue de ma réponse.

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« C'est normal, les premiers essayages sont toujours un peu étranges. » Étrange est un moindre mot quand on planifie un mariage quasiment seule.
— Cette robe n’est clairement pas pour moi, mais elle est incroyable.
Tout un art d'éviter les questions gênantes et feindre de nager dans le bonheur. Après tout de quoi pourrais-je me plaindre ? Ma vie est parfaite en apparence. Quand il s’agit de me voiler la face, c’est toujours la faute d’autre chose. Ici bien sûr c’est la robe, quoi d'autre, pourtant Siam n’est pas totalement dupe. « Est-ce que tu veux faire une pause ? » Une grande respiration traverse mes poumons, sûrement dans un lourd soupir bruyant. Mes bras s’enroulent autour des épaules de la jolie blonde, son contact m'apaise de la plus douce des façons, presque à m'en retrouver anormalement étourdie. La faute à l’émotion du moment, bien sûr.
— Merci Siam, je n’imaginerais pas faire ces essayages avec une autre amie que toi.
Mon sourire s’élargit à nouveau en essuyant mon visage. C’est bel et bien ce que je ressens, depuis le tout premier de nos rendez-vous, notre complicité n’a cessé de grandir. Jamais je n’ai eu l’impression d’être dans une relation cliente/employée avec Siam, elle a le don de me mettre à l’aise.
— Allez, remettons-nous aux choses sérieuses ! Définitivement, les robes traditionnelles ne sont pas pour moi, essayons cette beauté que tu voulais que j’essaye en dernier, je ne peux plus attendre.
M’enfuir en courant. Vite. Voilà mon seul désir. Alors j'accélère les choses avant que mon humeur ne dégénère en un torrent d'émotions incontrôlables. Je n’ai qu’une envie, que cet instant passe à toute vitesse, pour me détendre enfin à une table, un cocktail à la main face à Siam. Changement de robe et pas à la vitesse de Arturo Brachetti, le manège de pinces et d’épingles recommence, je sors à nouveau de la cabine avec appréhension. Cette robe est plus légère et plus fluide, toute en soie avec une classe folle. Et mon reflet dans le miroir ne trompe pas.
— Je crois que c’est la bonne. Dis-je simplement.
Si seulement elle allait avec le bon fiancé. Cette révélation inébranlable que tous les films romantiques décrivent quand on sait tout d’un coup qu’il s’agit de la bonne robe, elle est devant moi. Le tissu épouse et met en valeur mes courbes juste là où il faut, cette sensation est tellement grisante que mes yeux pétillent dans ceux de la blonde en cherchant son approbation.

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L'ambiance devient étrange, presque morose. Je ne m'attendais pas à ce que la bonne humeur généralement communicative de la jeune femme se transforme brusquement en larmes. Depuis le début de nos rendez-vous, et donc de notre amitié naissante, c'est la première fois que je la vois comme ça. Je n'avais encore jamais aperçu son mal être jusqu'à maintenant. Et quelque chose me dit que ce n'est pas qu'à cause de l'émotion. Non, j'aperçois autre chose dans son regard. Ce dernier est étrangement... vide. Sans émotion justement. J'ai l'impression de me reconnaitre en elle. C'est une situation bizarre, comme indescriptible. C'est la même sensation, la même chose que je ressens avec mon nouveau statut de femme enceinte. Je n'arrive définitivement pas à être emballée par cet heureux évènement. Mais pour le coup, il ne s'agit pas de moi. Je dois me focaliser sur elle, et tout faire pour qu'elle se sente mieux. Je tente de la rassurer, mais son coeur semble ailleurs. Cette robe ne lui convient pas, même si elle est incroyablement belle et qu'elle lui va à la perfection. Mais ce n'est pas elle. Même sans la connaitre dans les moindres détails, j'avais facilement pu le deviner. Je lui propose de faire une petite pause, et Neela en profite pour enrouler ses bras autour de mes épaules. Une étreinte dont elle semblait réellement avoir besoin. Un contact qui me procure un sentiment troublant mais auquel j'essaye de ne pas trop réfléchir. J'ai juste envie de profiter de l'instant présent, et de lui faire du bien. — Merci Siam, je n’imaginerais pas faire ces essayages avec une autre amie que toi. C'est tout à fait normal pour moi de me donner autant de mal dans mon rôle d'organisatrice. « Tu n'as pas à me remercier, je suis contente de pouvoir être là pour toi. » Et pourtant, ce que je fais avec elle, ce que je ressens avec elle, ça n'a rien à voir avec toutes mes autres relations professionnelles. — Allez, remettons-nous aux choses sérieuses ! Définitivement, les robes traditionnelles ne sont pas pour moi, essayons cette beauté que tu voulais que j’essaye en dernier, je ne peux plus attendre. Elle balaye rapidement son mal être de tout à l'heure pour enchainer sur une autre robe : ma préférée. Celle sur laquelle j'avais eu un gros coup de coeur. Neela s'éclipse une nouvelle fois dans la cabine pour les essayages. Après quelques minutes, la jeune femme se repositionne devant le miroir, à mes côtés. — Je crois que c’est la bonne. Je hoche vivement la tête dans un sourire qui en dit long sur ce que j'en pense. « C'est définitivement la bonne ! » Il n'y a plus de doute possible. C'est cette robe, et pas une autre. « Le résultat est encore plus parfait que ce que j'aurais pu imaginer. » C'est elle qui est parfaite. Et ce n'est pas seulement maintenant que je m'en rends compte. Pour moi, Neela a toujours représenté la femme parfaite des temps modernes. Classe, naturelle et terriblement séduisante. « La styliste va prendre les mesures sur toi, et comme ça, elle l'ajustera exactement à ta taille pour la prochaine fois. A ce moment-là, on pourra en profiter pour peaufiner les détails avec les accessoires. » En tout cas, la première étape du jour concernant le choix de robe est terminée et c'est déjà une bonne chose. Je laisse la styliste faire son travail pendant de longues minutes avant qu'elle s'éclipse une nouvelle fois dans l'entrée pour enregistrer cette fois-ci les mesures sur son logiciel. Neela en profite pour retourner derrière le rideau se déshabiller. « Attends, laisse, je vais t'aider. » Je rentre alors dans la cabine avec elle, l'aidant à détacher la fermeture éclair dans son dos. Le simple contact de mes doigts frôlant la douceur de sa peau me procure alors un frisson incontrôlé.

Être éloignée de Nic ces temps-ci me pèse et je savais que faire mes premiers essais de robe de mariée allait être une vraie épreuve. Mais je ne m’attendais pas à de tels doutes. La présence de l’organisatrice à mes côtés était censée apaiser cela, pourtant j’ai l’impression que c’est tout le contraire. « Tu n'as pas à me remercier, je suis contente de pouvoir être là pour toi. » Elle est là. Tout s’embrouille. « Le résultat est encore plus parfait que ce que j'aurais pu imaginer. » Voilà, c’est ça là, dès qu’elle dit ce genre de phrase, mon cœur explose de bonheur et je n’ai plus que l’humour comme bouclier.
— Ce coup-là, c’est sûr tu me flattes Siam, tu n’es qu’une vilaine charmeuse...

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Mes joues se gonflent en un sourire approbateur. Cette robe est magnifique, elle a totalement raison, même si j’avais envie de reculer, impossible de ne pas voir cette évidence dans la glace face à moi. « La styliste va prendre les mesures sur toi, et comme ça, elle l'ajustera exactement à ta taille pour la prochaine fois. A ce moment-là, on pourra en profiter pour peaufiner les détails avec les accessoires. » La styliste me guide à tourner pour prendre mes mensurations dans tous les sens, à tel point que je me dis qu’il va falloir que je fasse attention à ma ligne comme jamais pour être sûre de rentrer dedans le jour J. Même si j’ai encore du mal à me projeter dans cette journée. Ai-je hâte ? Est-ce que je me mens à moi-même en repoussant de répondre à cette question encore et encore ? Les mesures finies, Siam me rejoint à nouveau. « Attends, laisse, je vais t'aider. » Elle dégrafe les petites attaches sur le haut du bustier, puis laisse aller ses doigts le long de la fermeture éclair, sur ma peau j’ai l’impression d’une coulée de lave en fusion. La robe glisse d’un coup le long de mes flancs pour finir sur mes talons. La pudeur n’a jamais un frein pour moi, pourtant me retourner face à elle simplement vêtue d’un ensemble bustier en dentelle crème me fait rougir de la tête aux pieds.
— Euh… merci. Je vais finir de me… m’interrompé-je minant le reste de ma phase de va et vient de mon index sur mon corps.
Le trouble que je ressens à cet instant est un enfer à masquer. Après tout je suis comédienne de formation, jouer un rôle je suis née pour ça, mais face à Siam c’est comme si le tract prenait le dessus. Quand je sors de la cabine enfin rhabillée, mon esprit flotte encore sur ce nuage de confusion et de bonheur.
— Et maintenant… La soirée est à nous… tu me dois quelques verres il me semble.
Nous remercions chaleureusement la styliste pour son accueil, ses créations fantastiques et prenons rendez-vous dans quelques mois pour les premiers essayages de la robe à mes mesures.
— J’ai réservé dans un endroit que j’adore, un rooftop avec vue sur la plage, des tapas et des cocktails d’enfer, ça te va ? On peut prendre ma voiture si tu veux, je te ramènerai ici.
C'est à mon tour de prendre les choses en main, elle est peut-être l’organisatrice, mais son boulot est fini pour ce soir. Prendre soin des gens que j’aime est une seconde nature, que ce soit dans mon travail ou pour ma famille. J’ai envie de profiter de cette soirée avec elle, de rire et de refaire le monde. Son air soudainement mystérieux est étrange alors qu’on monte dans mon SUV et je préfère m'assurer qu'elle ne s'oblige à rien.
— Tout va bien ? Tu n’avais pas d’autres projets, tu es sûre ?
Je me penche vers elle et me baisse, mes mains et mes cheveux frôlent ses jambes pour aller récupérer mon sac à main que j’avais laissé sous le siège passager, remontant ensuite vers elle pour lui sourire doucement.

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Finalement, nous n'avons pas mis très longtemps pour lui trouver la perle rare. Ou alors c'est que je n'ai pas vu le temps passer ? Peut-être un peu des deux d'ailleurs. En tout cas, Neela a fait un très bon choix. La robe qu'elle va porter pour son mariage est juste... magnifique. Elle est magnifique. Bon, ok, je crois que mon esprit est en train de s'embrouiller. Un peu. Beaucoup. Et cette sensation troublante n'est pas en bonne voie pour s'arranger. Je m'en rends compte un peu tard, lorsque mes doigts sont déjà au contact de sa peau. Elle avait juste besoin d'aide pour enlever sa robe. Oui, on va dire ça. Mais la scène qui est en train de se jouer sous mes yeux ne me laisse pas indifférente. Je crois que c'est inconscient, comme un désir sous-jacent, mais les réactions de mon corps, elles, ne trompent pas. Ce frisson qui parcoure le long de ma peau n'est pas anodin. Tout comme mon regard qui suit le mouvement de sa robe qui se dérobe au fil des secondes jusqu'à tomber à ses pieds. Merde, je... il faut que je regarde ailleurs. Je détourne le regard, par réflexe, avant de sentir comme un léger malaise. — Euh… merci. Je vais finir de me… Bah oui, pourquoi suis-je encore là ? Quelle conne. Je sors de la cabine, un peu confuse. Encore chamboulée par les sensations qui ont pu traverser mon esprit, et mon corps, en étant aussi proche d'elle. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? Je respire un grand coup, essayant tant bien que mal de reprendre mes esprits lorsque Neela refait son apparition. — Et maintenant… La soirée est à nous… tu me dois quelques verres il me semble. Un rire s'échappe d'entre mes lèvres alors que je tiens à remettre les choses dans leur contexte. « Rectification, c'est plutôt toi qui me doit un verre. Tu ne vas pas m'avoir aussi facilement ! » Et oui, elle m'en doit une pour avoir réussi à décaler le rendez-vous avec la styliste. Je n'ai pas oublié. Nous fixons le prochain rendez-vous avec la styliste avant de quitter les lieux. — J’ai réservé dans un endroit que j’adore, un rooftop avec vue sur la plage, des tapas et des cocktails d’enfer, ça te va ? On peut prendre ma voiture si tu veux, je te ramènerai ici. Je hoche la tête à la positive, non sans me demander comment vais-je bien pouvoir refuser de boire de l'alcool. Dire que je n'en bois pas est un mensonge. Et pourtant, je ne sais pas si je suis prête à lui avouer mon secret. Ce bébé qui grandit en moi, et que je touche machinalement, la main sur le ventre. — Tout va bien ? Tu n’avais pas d’autres projets, tu es sûre ? La jeune femme récupère son sac à main sous mon siège, alors que je sens ses mains et ses cheveux frôler mes jambes. Ce nouveau contact est encore un supplice à surmonter. A ce rythme-là, je n'ose même pas imaginer à quel point la soirée va être étrange. Pourquoi je me surprends à ressentir tout ça ? « Oui, oui, tout va bien. J'étais juste en train de repenser à un truc. » Ou comment noyer le poisson, à mon tour. Même s'il va bien falloir que je trouve quelque chose à dire pour me justifier une fois que nous serons arrivées. D'ailleurs, nous ne sommes plus très loin si j'en crois la voiture de Neela qui commence à ralentir. « Pas d'alcool pour moi ce soir, il faut que je sois raisonnable. » Je ne sais pas si c'est une bonne idée de ne pas lui dire la vérité... mais en même temps, c'est aussi vrai. Si je n'avais pas été enceinte, je ne suis pas sûre que j'aurais pris le risque de boire avec elle. Sait-on jamais. Il ne faudrait pas que je perde le contrôle quand même... « Je ne voudrais pas que ton estime de moi en prenne un coup quand même. » Je ris un peu, histoire de faire passer ça sous le coup de la plaisanterie. « Bah quoi ? C'est tout aussi bien les cocktails sans alcool non ? » Ok, là, j'essaye moi-même de m'en convaincre. Mais à en voir sa réaction, je ne suis pas sûre que je sois très crédible.

Ce moment a été riche en émotion et le partager avec la jolie blonde était au-delà de mes espérances. Vais-je un jour revêtir cette robe pour traverser l’allée et dire oui à Nic ? Seul l’avenir me le dira, mais ce moment-là, je suis heureuse de l’avoir vécu. « Rectification, c'est plutôt toi qui me doit un verre. Tu ne vas pas m'avoir aussi facilement ! » Avec Siam, nous oscillons entre cette complicité sans faille et une sorte de gêne que je n’arrive pas à identifier. Être dans une voiture avec elle, sans moyens de nous échapper ni l’une ni l’autre n’arrange rien.

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« Oui, oui, tout va bien. J'étais juste en train de repenser à un truc. » Quelque chose me dit qu'elle ne me dit pas tout et j’aurai toute la soirée pour lui arracher des confidences, au moins elle n’a pas l’air de se forcer à être là, même plutôt en être heureuse.
— D’accord, dis-je pour l’encourager à poursuivre avec un sourire.
C’est difficile pour moi d'être dans le brouillard émotionnellement, j'en ai déjà bien assez avec mes sentiments pour Nic. « Pas d'alcool pour moi ce soir, il faut que je sois raisonnable. Je ne voudrais pas que ton estime de moi en prenne un coup quand même. Bah quoi ? C'est tout aussi bien les cocktails sans alcool non ? » Le malaise est palpable et je ne veux pas que la soirée finisse sur cette note. Surtout qu’elle pense pouvoir me décevoir est inconcevable. Ne pas boire d’alcool dans les soirées mondaines auxquelles je dois assister pour le boulot est nécessaire pour garder la maîtrise des évènements et je comprends parfaitement que Siam ait la même attitude. Même si au fond de moi, j'aurais aimé que cette soirée soit totalement en dehors de la sphère du travail. Mais hors de question de lui montrer ma déception, je reste encore sa cliente et sa réaction est normale.
— Siam, mon estime de toi est tellement haute que même si elle prenait un coup, elle tutoierait quand même les anges.
Mon ton est tellement sérieux en disant ça… mes yeux brillants sont plongés dans les siens alors que nous nous arrêtons au feu rouge. Mon cœur cogne. Et si ce n’était simplement pas une plaisanterie ? Un jeu ? Et si quelque part ces mots je les pensais ? Mais finalement, mon rire retentit fort dans l’habitacle en voyant son air ahuri et incrédule, répliquant avec un grand sourire complice, mes yeux qui papillonne pour exagérer avec malice.
— Tu verrais ta tête ! Je suis une ancienne actrice, je ne te l’avais jamais dit ? Ne sous-estime jamais  mon pouvoir de tirer de chaque situation une envolée lyrique qu’on ne voit que dans les films…
Et là nos rires se mélangent ensemble en partant dans un fou rire qui ne s’arrête plus, redémarrant pour poursuivre vers notre destination qui n’est plus qu’à un carrefour de là.
— Pour le plaisir de te voir rire comme ça. On ne va vraiment pas avoir besoin d’alcool pour passer une bonne soirée, je t'assure.
Je gare finalement la voiture devant le restaurant et nous entrons le sourire encore aux lèvres. L’endroit est assez classe, la terrasse domine toute la baie et donne même une vue jusqu'à la magnifique plage de Princess Beach. Le patron que je connais bien nous conduit à ma table habituelle en nous mettant les cartes entre les mains.
— Tu veux qu’on partage un assortiment de tapas dans un premier temps ? Je ne sais pas toi, mais toutes ces émotions m’ont donné faim.
Moi ? Soudoyer des confidences avec un bon repas au lieu d’un verre d’alcool ? Complètement et mon sourire complice à destination de la jolie blonde ne fait aucun mystère sur mes intentions, j’ai envie de partager plus que les préparatifs de mon mariage avec elle, des choses plus profondes peut-être, qui font vaciller mon cœur par moments.
— Ça t’es déjà arrivé qu’une future mariée parte en courant pendant les essayages de robes ?
Il est bien possible que j’en ai eu l’idée, tellement mes pensées étaient confuses à ce moment-là.

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Cette femme me déstabilise plus que de raison. Et même si je ne suis pas encore capable de mettre des mots sur ce que je ressens exactement, quelque chose me dit que ce n'est pas habituel. Ces sensations sont nouvelles, intenses aussi. Profondes. Comme si le fait de passer du temps avec elle me faisait sentir totalement vivante. Et en même temps, il y a comme un malaise. Un sentiment étrange, quelque chose qui ne s'explique pas. C'est là, au plus profond de mon être. Son regard brillant dans le mien, et les mots qu'elle emploie n'arrangent rien à ma situation. — Siam, mon estime de toi est tellement haute que même si elle prenait un coup, elle tutoierait quand même les anges. J'ai l'impression de boire ses paroles, de vouloir à tout prix qu'ils soient sincères. Mais son rire vient anéantir tous mes espoirs. Comment ai-je pu imaginer un seul instant que tout ceci pouvait être réel ? — Tu verrais ta tête ! Je suis une ancienne actrice, je ne te l’avais jamais dit ? Ne sous-estime jamais mon pouvoir de tirer de chaque situation une envolée lyrique qu’on ne voit que dans les films… Je mélange mon rire au sien, essayant de me remettre de mes émotions. Cette complicité qui nous lie naturellement est un trésor que je n'ai pas envie de perdre. Parce qu'il y a qu'avec elle que je me sens aussi bien. C'est peut-être justement là le problème. On ne se connait pas, pas réellement du moins. Neela est ma cliente, tout simple. Même si à mes yeux, elle représente bien plus que ça. « Je comprends mieux comment tu as réussi à envoûter ton fiancé. » Ajoutais-je tout en riant de plus belle. A croire que son pouvoir de séduction est naturel. Et en même temps, les compliments que j'ai pu lui faire tout à l'heure pendant les essayages sont sincères. C'est une belle femme, ce n'est un scoop pour personne. Mais si en plus de ça, elle a les mots qui vont avec... ce n'est pas surprenant que tous les hommes puissent tomber sous son charme. Son futur mari en premier lieu. Si j'étais un garçon, inutile de dire que je pourrais facilement en être jaloux. Bah quoi ?  — Pour le plaisir de te voir rire comme ça. On ne va vraiment pas avoir besoin d’alcool pour passer une bonne soirée, je t'assure. Nous arrivons finalement sur les lieux, et je ne suis pas déçue : l'endroit est vraiment magnifique. Le patron nous installe sur l'une des meilleures tables, la vue éblouissante s'offrant à nous. — Tu veux qu’on partage un assortiment de tapas dans un premier temps ? Je ne sais pas toi, mais toutes ces émotions m’ont donné faim. Je hoche vivement la tête de haut en bas pour acquiescer. « J'ai pas eu le temps de manger à midi, je crois que je serai capable d'avaler un ogre. » Je ris un peu, ayant volontairement détourné l'expression à ma façon. Si elle veut m'amadouer avec de la nourriture, c'est déjà gagné. Je suis faible de ce côté-là. Encore plus depuis que je dois manger pour deux. — Ça t’es déjà arrivé qu’une future mariée parte en courant pendant les essayages de robes ? Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'elle me pose cette question, et étrangement, je ne peux m'empêcher d'imaginer qu'elle puisse faire écho avec sa réaction de tout à l'heure. Elle était émue, mais pas dans le bon sens du terme. Je suis assez bien placée pour avoir senti qu'il y avait un problème. « Une fois, oui. » Je réponds sincèrement à sa question avant d'expliquer l'anecdote. « A l'époque, j'étais encore qu'une simple stagiaire à la dolce vita. Je te jure, c'était un moment super gênant. Ma tutrice ne savait plus où se mettre et de mon côté, je crois que je n'en menais pas large. » Je me souviens que nous étions restées un peu comme des connes, impuissantes. « Finalement, le mariage a été annulé. La mariée avait des doutes sur ses sentiments. » Heureusement, ce n'est pas une généralité. La plupart du temps, les mariages se passent d'une meilleure façon. « Tu me diras, valait mieux qu'elle s'en rende compte avant de lui dire oui. » Que j'ajoute en rigolant, non sans imaginer à quel point je suis en train d'appuyer sur le sujet sensible. Un serveur nous amène notre assortiment de tapas, et je ne peux m'empêcher de remercier la jeune femme. « Merci de m'avoir amené ici, c'est vraiment un super endroit. » Le lieu est propice à ce qu'on passe une bonne soirée. Et la compagnie de Neela est la cerise sur le gâteau comme on dit. « Ça me fait du bien de passer du temps avec toi... je crois que j'en avais besoin. » En lui avouant ces derniers mots, je laisse la porte ouverte à ses éventuelles questions. Comme si j'avais envie de me confier à elle, de me libérer de mes poids. Je plonge mon regard dans le sien alors que ma main vient inconsciemment se poser sur la sienne, dans un réflexe. Un geste naturel qui a pour but de lier les actes à la parole. Pour la remercier, rien de plus. Enfin...

Mon regard ne lâche plus le sien. C’est comme si chacune de ses paroles pourtant anodines s’imprimait dans mon esprit. Je respire à fond, profiter de la soirée, oublier le monde extérieur, c’est le seul objectif. « Je comprends mieux comment tu as réussi à envoûter ton fiancé. » Silence, sourire gêné que je tente de masquer. Pas sûre que Nick soit de cet avis. Sujet suivant… pitié… Je parcours la carte en lui proposant de commander et je la laisse poursuivre. « J'ai pas eu le temps de manger à midi, je crois que je serai capable d'avaler un ogre. » Et ça tombe bien moi aussi, j’ai enchaîné les rendez-vous professionnels et ma boite sushi que j’avais commandé à midi est rentrée dans le frigo sans que je puisse en avaler une bouchée.

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J’ai envie de mieux connaître Siam aussi et commencer par des questions sur son travail est naturel. « Une fois, oui. A l'époque, j'étais encore qu'une simple stagiaire à la dolce vita. Je te jure, c'était un moment super gênant. Ma tutrice ne savait plus où se mettre et de mon côté, je crois que je n'en menais pas large. Finalement, le mariage a été annulé. La mariée avait des doutes sur ses sentiments. Tu me diras, valait mieux qu'elle s'en rende compte avant de lui dire oui. » Et ces paroles résonnent en moi plus que de raison… Le serveur arrive enfin pour prendre la commande et interrompt ce flot de questions. Pour le moment. Nous commandons donc un double assortiment de tapas et des cocktails, sans alcool pour elle donc, et le même pour moi avec un léger trait de rhum précisais-je au serveur. Pas besoin de faire d'excès, je dois malgré tout nous ramener après. « Merci de m'avoir amené ici, c'est vraiment un super endroit. » Pourquoi je sens de la fragilité dans sa voix ? Pourquoi ai-je cette envie de la protéger et de lui assurer que tout ira bien ? Les questions recommencent…
— Pas de merci, dis-je en secouant ma tête. C’est moi qui devrait te remercier en plus, j’appréhendais de ne pas trouver de robe à mon gout, c’était idiot, et grâce à toi c’était d’une facilité déconcertante.
Si l'on écarte l'épisode où la peur panique s'est emparée de mon esprit, c'était vraiment un bon moment, avec elle. « Ça me fait du bien de passer du temps avec toi... je crois que j'en avais besoin. » Nos doigts s’entrelacent en un geste tendre, qui se prolonge, mon pouce glisse sur sa paume, il s’emporte sans qu’aucune de nous ne recule. Le geste est réconfortant, doux et va bien au-delà de ce que je partagerai avec une simple amie habituellement. Mais on va mettre ça sur le compte de cette journée hein… bien sûr…
— Moi aussi, après toutes ces émotions, je ne voulais passer ma soirée qu’avec toi. Tu as l’air dans tes pensées depuis qu’on est parties de la boutique, tu es sûre que tout va bien ?
Peut-être que ma question l’a mise mal à l’aise après tout, je suis aussi sa cliente et perdre un contrat la mettrait en mauvaise posture auprès de sa patronne, alors j’essaie de la rassurer.
— Il ne faut pas t’en faire tu sais, ma question était anodine. Enfin, je suppose que toutes les futures mariées ont ce genre d'interrogations, je ne dois pas être la première.
Un sourire sur les lèvres, je poursuis en mesurant mes mots.
— C’est juste que parfois j’ai l’impression de ne plus savoir comment mener ma vie privée, ma carrière tout roule. Mais quand je rentre à la maison, je me sens terriblement seule, Nick est très souvent absent. Il est  rarement là et parfois, comme tout à l’heure dans cette robe, je me demande si c’est bien lui, pour toute la vie. On se connait depuis tellement longtemps, il me comprend, il me connait par cœur. Mais... Je sais pas. C'est ridicule.
Tous les mots sortent en désordre et finalement la sincérité l’emporte face à la jolie blonde. Je voulais rassurer Siam et j’ai l’impression de faire tout le contraire.
— Désolée, je parle beaucoup trop. Tu m’avais dit que tu avais un petit ami l’autre fois, vous êtes ensemble depuis combien de temps ?
Cette conversation devenait trop glissante, il vaut mieux qu’on parle d’elle, sa vie doit probablement être beaucoup plus calme que la mienne, à exercer ce métier d’organisatrice de mariage, qui au fond apporte tellement de bonheur aux gens.

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Est-ce que les hormones sont déjà en train de chambouler mon esprit ? Je ne sais pas pourquoi, mais avec elle, je me sens toute bizarre. A la fois pleinement vivante, heureuse et épanouie mais d'un autre côté, complètement perdue. Et étrangement émue. Comme si elle avait un espèce de pouvoir incontrôlable sur moi. Mais ça me fait du bien de passer ce moment avec elle. Avec tout ce qui arrive en ce moment dans ma vie, c'est agréable d'avoir une amie à mes côtés sur laquelle je peux compter. C'est inattendu que ce soit Neela, puisqu'elle est d'abord ma cliente, mais finalement, le feeling entre nous a été immédiat. Et naturel. Je ne voudrais partager cet instant avec personne d'autre. Apparemment, c'est réciproque. La jeune femme s'inquiète de me voir dans mes pensées, et il serait peut-être temps que je me confie un peu plus à elle. Plus en profondeur, en dehors du contexte professionnel. C'est d'ailleurs ce qu'elle fait en faisant référence à sa question "anodine". Quelque chose me dit que sa question n'était pas si anodine qu'elle en a l'air d'ailleurs. Et je crois que je ne me suis pas trompée. — C’est juste que parfois j’ai l’impression de ne plus savoir comment mener ma vie privée, ma carrière tout roule. Mais quand je rentre à la maison, je me sens terriblement seule, Nick est très souvent absent. Il est rarement là et parfois, comme tout à l’heure dans cette robe, je me demande si c’est bien lui, pour toute la vie. On se connait depuis tellement longtemps, il me comprend, il me connait par cœur. Mais... Je sais pas. C'est ridicule. Elle se confie à moi, et ça me fait chaud au cœur. Dans ses propos, je me reconnais un peu aussi. Même si je n'ai rien à reprocher à Maddox, et qu'il est le petit ami parfait que toutes les femmes rêveraient d'avoir, je sais pas, je sais plus, mais je crois qu'il manque un truc. Ce petit quelque chose qui pourrait faire toute la différence. Et qui m'aurait permis de ne pas le tromper avec un autre, qui sait ? C'est peut-être un signe, finalement. « Je crois que je comprends ce que tu veux dire. » Nous n'avons certainement pas la même histoire, mais dans le fond, la sensation de solitude, les doutes et les interrogations, c'est le même combat. — Désolée, je parle beaucoup trop. Tu m’avais dit que tu avais un petit ami l’autre fois, vous êtes ensemble depuis combien de temps ? Si on dérive sur moi, je ne suis pas certaine que la conversation soit beaucoup plus joyeuse. Mais après tout, je ne veux pas lui mentir. Elle a fait un premier pas vers moi en me parlant de ses doutes, et je ne peux qu'en faire de même. « Pour être honnête avec toi, c'est compliqué. Ça fait plus de deux ans maintenant que nous sommes ensemble... » Une légère grimace se dessine inconsciemment sur mon visage alors que je continue sur ma lancée. « Je ne t'en ai pas encore parlé mais... je suis enceinte. » La bombe est lâchée. « Je n'ai pas refusé ton verre d'alcool tout à l'heure juste pour être raisonnable. » Ajoutais-je dans un petit rire nerveux pour me justifier. « Tu vas me dire que c'est une bonne nouvelle, et franchement, j'aimerais aussi que ça le soit... Mais voilà, c'est compliqué. » Ce que je m'apprête à lui avouer ne fait pas de moi quelqu'un de bien, et en réalité, je n'en suis pas fière. Je ne suis pas une bonne personne et n'importe qui pourrait me juger pour ça. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien si je ne l'ai pas encore avoué à qui que ce soit... « J'ai couché avec un autre homme il n'y a pas si longtemps. » L'un de ses meilleurs amis, pour couronner le tout. Et je ne sais même pas qui est le père de mon enfant. Bon ok, on va peut-être pas tout lui dire d'un coup si je ne veux pas qu'elle me prenne pour un monstre... j'ai tellement honte.

Les confidences sont naturelles avec Siam. Je suis sa cliente et pourtant j’ai déjà l’impression qu’elle est beaucoup plus. Comme si nous étions amies depuis des années et que nous pouvions tout nous dire. « Je crois que je comprends ce que tu veux dire. Pour être honnête avec toi, c'est compliqué. Ça fait plus de deux ans maintenant que nous sommes ensemble... Je ne t'en ai pas encore parlé mais... je suis enceinte. Je n'ai pas refusé ton verre d'alcool tout à l'heure juste pour être raisonnable. » Soulagement ? Peur ? Tout se mélange…

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— Félicitations. C’est merveilleux.
Un sourire légèrement figé sur les lèvres, elle poursuit sans que j’ai besoin de lui poser plus de questions pour le moment. « Tu vas me dire que c'est une bonne nouvelle, et franchement, j'aimerais aussi que ça le soit... Mais voilà, c'est compliqué. »
— Comment ça… dis-je avec une hésitation dans la voix.
A chaque fois qu’une amie m’annonce qu’elle est enceinte, c’est plus fort que moi. Je suis propulsée 25 ans en arrière. J’étais jeune, trop naïve, mais il n’y a pas un instant où je ne ressens pas ce vide dans ma vie. Est-ce que mon fils a une belle vie ? Est-ce qu’il a une famille aimante ? Quelle serait ma vie si j’avais eu le courage de le garder près de moi ? Tant de questions beaucoup trop refoulées au plus profond de moi pour que j’arrive à y répondre. Pourtant, au ton de Siam, son histoire n'a pas l’air d’être simple non plus. « J'ai couché avec un autre homme il n'y a pas si longtemps. » Même si la situation n’a rien de réjouissant, je suis heureuse. Siam se confie à moi sans barrière et être là pour elle, c’est tout ce que je désire. Bien loin de la juger, tenter de lui faire dédramatiser la situation est ma meilleure arme.
— Moi qui pensais que ma vie était compliquée. Tu me bats aisément Siam. Tu sais j’ai un petit dicton. “Qui hésite entre deux personnes, part avec une troisième.” Tentais-je de faire de l’humour pour la détendre.
Est-ce qu'inconsciemment je prie pour avoir raison ? Ca, je ne me l’avouerai probablement jamais…
— Plus sérieusement. Si tu as besoin de quoi que ce soit. Je veux dire, vraiment, en tant qu’amie, je serai toujours là.
Sa main à nouveau dans ma mienne, je la serre fort pour lui faire sentir qu’elle n’est pas seule pour affronter tout cela. Elle va avoir beaucoup à affronter prochainement, probablement un test de paternité qui n’aura peut-être pas l’issue qu’elle espère, alors pouvoir en parler à quelqu’un de totalement extérieur dès qu’elle a besoin sera probablement le meilleur réconfort pour elle.
—  C’est prévu pour quand ?
C’est à ce moment-là que le serveur arrive avec son plateau. Nos tapas et nos cocktails déposés en face de nous, la soirée peut enfin commencer. Mon verre se tend vers elle, mon sourire aussi, on a peut-être ni l’une ni l’autre pas de raison évidente de trinquer, mais être soudées dans l’adversité c’est peut-être la meilleure des raisons.

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Neela est la première personne à qui je me confie sur le sujet. Etonnamment, ce n'est pas le genre de choses que je peux crier sur tous les toits. Que ce soit par envie ou simplement par respect. Ce que j'ai fait à Maddox n'est pas une fierté, loin de là. Au contraire même, je crois que je m'en voudrais de lui avoir fait du mal tout le reste de ma vie. Parce qu'au delà de notre couple, c'est à notre amitié que je tiens plus que tout le reste. Après ça, je ne sais pas réellement s'il sera encore question d'une quelconque amitié. Seul l'avenir nous le dire. En attendant, ça me fait du bien de me confier à quelqu'un. Que ce soit Neela est un plus. Parce qu'avec elle, je me sens bien. J'ai l'impression que d'une manière ou d'une autre, nous arrivons toutes les deux à nous comprendre. Un simple regard suffit pour que nous soyons sur la même longueur d'onde. Et en réalité, me confier à elle est presque naturel. Je n'ai pas peur de me sentir jugée, même si ce que je viens de lui dire n'est pas à mon avantage. Son premier réflexe est de me féliciter pour ma grossesse avant que je l'informe des complications. Et dans la situation actuelle, c'est le moins que l'on puisse dire. — Moi qui pensais que ma vie était compliquée. Tu me bats aisément Siam. Tu sais j’ai un petit dicton. “Qui hésite entre deux personnes, part avec une troisième.” Elle tente de me faire rire, et ça fonctionne. Ce dicton en soit n'est peut-être pas si bête. Si ma vie est aussi compliquée en ce moment, peut-être que c'est simplement parce que je n'ai pas encore trouvé la personne qui me fera véritablement vibrer ? Celle avec qui je ne me poserai plus aucune question, justement. Et si cette personne était juste devant moi ? Allez savoir pourquoi, mais en pensant à ça, un petit sourire en coin se dessine inconsciemment sur mes lèvres. « Qui sait ? » Je hausse un peu les épaules avant de rire. — Plus sérieusement. Si tu as besoin de quoi que ce soit. Je veux dire, vraiment, en tant qu’amie, je serai toujours là. Sa présence dans ma vie est vraiment appréciable. « C'est fou, tu arrives toujours à trouver les mots justes avec moi. A croire que tu lis en moi comme dans un livre ouvert. » Je n'ai jamais ressenti ça avec personne d'autre. Elle est unique à mes yeux, unique dans mon coeur. Et je crois que je commence doucement à en prendre conscience. —  C’est prévu pour quand ? Le serveur arrive à ce moment là avec notre commande. « Pour avril, si je ne dis pas de bêtises. J'ai ma première échographie très prochainement. » C'est à ce moment là où j'en saurais plus, j'imagine. Que ce soit sur la date d'accouchement que sur la date exacte de conception. Détail très important pour savoir si le père de cet enfant pourrait être le meilleur ami de Maddox. « A nous ! » J'en profite pour lever mon verre vers le sien. Après les émotions passées, nous pouvons finalement profiter de notre soirée en tête à tête et de notre complicité si particulière.