Leçon de pâtisserie [Feat. Valentina Peñali]

Depuis que Tani avait commencé à travailler au café, elle se sentait épanouie, elle en avait presque oublié le reste, les démarches administratives qu'elle allait devoir faire pour proclamer officiellement la rupture de ses fiançailles ainsi que le procès qui se rapprochait un peu plus chaque jour. Avec les employés de l'établissement elle s'était liée d'amitié avec la plupart, elle se sentait intégrée tout simplement. Et en plus de ça, elle avait plus de responsabilités, on lui faisait un peu plus confiance qu'à ses débuts, et c'était normal.

La jeune femme avait pas mal échange avec Valentina, une des serveuses qui travaillait du côté café. Le courant était rapidement passé entre elles, à tel point qu'il arrivait parfois qu'elles se voient en dehors du travail. Comme ce soir par exemple, lors d'une précédente conversation, Valentina avait émis l'envie d'apprendre quelques recettes de pâtisserie, Tani en tant que bonne employée mais surtout en tant que gourmande et relativement douée dans ce domaine s'était proposé de l'aider en lui montrant deux trois trucs.

Valentina et la blonde avait prévu de se retrouver dans le loft de la serveuse. Il faut dire qu'au motel où la française dormait, il n'y avait pas vraiment le matériel, ni même l'espace pour pratiquer ce genre d'activité manuelle. Évidemment, Tani s'était bien caché de le lui dire, elle savait que si elle révélait qu'elle passait ses nuits dans un motel, cela attirait certaines questions auxquelles elle n'avait ni l'envie ni le droit d'y répondre, pour sa simple sécurité. Donc elle évitait d'aborder les sujets qui fâchent.

Tani avait acheté quelques ingrédients pour les recettes qu'elle avait prévu de montrer à la jeune femme. C'est donc avec un sac de courses qu'elle se pointa en sonnant à l'adresse qu'elle lui avait communiqué, le sourire aux lèvres.

Valentina était une jeune femme très sociable, son sourire lumineux pouvant briser n’importe quelle barrière, que ce soit celle de la langue ou simplement une carapace personnelle. A son travail, et bien qu’elle avait un comportement tout à fait professionnel, elle se faisait beaucoup d’amis. Après tout, le lieu de travail était une sorte de seconde maison vu le temps que les gens y passaient, alors autant faire de cet endroit quelque chose de chaleureux en compagnie de personnes avec lesquelles nous avons un minimum de lien. Depuis quelques semaines, il y avait une nouvelle côté cuisine, une apprentie en pâtisserie et boulangerie plus précisément. La jeune femme, une blonde pétillante, était française et son petit accent ravissait Valentina, qui n’était plus la seule à avoir ce petit quelque chose en plus dans la voix. Le courant était rapidement passé, entre Tani et elle, à tel point que, lorsqu’elles avaient le temps, il leur arrivait de se voir en dehors du travail.
Ce jour-là, elles avaient prévu de se retrouver directement chez la brune pour un atelier pâtisserie. La chilienne, ayant toujours en tête d’ouvrir un foodtruck, se disait qu’apprendre quelques recettes basiques lui permettrait d’avoir plusieurs cordes à son arc lorsqu’elle ouvrirait enfin son restaurant sur roulettes. Elle avait donc demandé à la mangeuse de grenouille – cette façon de désigner les Français l’avait toujours fait beaucoup rire – si elle ne pouvait pas lui apprendre deux ou trois recettes, ce que Tani avec accepté avec un certain entrain.
La chilienne avait bien rangé et organisé sa cuisine de façon à être efficace. Ses colocataires vaquaient à leurs occupations respectives et ne risquaient pas de venir traîner dans leurs pattes, sauf probablement lorsqu’ils entendront le ding du four, annonçant l’heure de goûter les mets préparés… Valentina sursauta légèrement en entendant la sonnette. Déjà habillée de son tablier, elle sautilla presque jusque sa porte et ouvrit à son invitée. « Holà Tani, entre je t’en prie ! » dit-elle avec un grand sourire en se poussant pour la laisse entrer. « Tu as un porte manteau juste ici et tu peux enlever ou garder tes chaussures, comme tu préfères ! Tu veux que j’aille mettre des choses au frais ? » demanda la chilienne en désignant le sac de course de la blondinette.

La demoiselle s'était rendue en direction de chez son amie avec les fournitures nécessaires pour la recette qu'elle avait préparé en amont. Il ne resterait plus qu'à mettre les ingrédients ensemble et avec un peu de magie, admirer le résultat qu'elles auront préparé ensemble. Parce que Tani ne comptait pas tout faire toute seule, bien sûr qu'elle allait assister Valentina, mais l'idée c'était de lui laisser la main pour qu'elle puisse reproduire cette recette plus tard, lorsqu'elle sera seule au volant de son foodtruck.

" - Coucou, tu vas bien ?" fit-elle en passant le seuil de la porte.

Elle retira ses chaussures qu'elle laissa derrière la porte pour éviter que quelqu'un se prenne les pieds dedans puis se dirigea vers la cuisine afin de poser son sac de courses.

" - Oui, je veux bien que tu mettes le beurre s'il te plaît."

Tandis que son interlocutrice s'en occupait, Tani sortit les ingrédients : sucre, chocolat, œufs, farine, cacao. Pour le sel, elle espérait que la jeune femme en ai à disposition, mais normalement il ne devrait pas avoir de problèmes. Sa recette marquée dans un petit carnet, tout était prêt sur le plan de travail pour pouvoir débuter la recette.

" - Bon c'est pas super original comme recette, mais normalement cette recette a un bon public et elle est relativement simple, donc j'ai préféré commencer par-là. Si tu veux voir autre chose, n'hésite pas à me le dire, je préparai pour la prochaine fois !"

Si prochaine fois il y avait évidemment !

« Très bien ! » s’exclama Valentina lorsque la française lui demanda si elle allait bien. En effet, elle était particulièrement enjouée à l’idée de passer ce moment avec son amie pour apprendre la pâtisserie avec elle. Se retrouver autour de la cuisine était toujours quelque chose qui plaisait beaucoup à la brunette. Pendant que Tani se mettait à l’aise, l’hôte transporta le sac rempli de denrée dans la grande cuisine et, sous les indications de la cuisinière du jour, plaça le bloc de beurre au frais. Tani sorti ensuite les ingrédients un à un, les déposant sur l’îlot central, là où tout se passait. Valentina les passa rapidement en revue avant de dire « J’avais à peu près tout finalement, tu n’étais pas obligée de tout apporter… Tu me diras combien je te dois ».
La chilienne saisit deux tabliers – l’un rouge à pois blanc, l’autre blanc à pois rouges, cadeau de Noël de sa mère il y a quelques années auparavant – et en tandis un à son invitée. « La farine et moi, ça termine toujours mal » dit Valentina avec un petit clin d’œil. Il était vrai que dès qu’elle devait cuisiner quelque chose avec de la farine, la cuisine finissait toujours comme sous poudrée de poudre blanche. Elle ne savait pas comment elle faisait, c’était si volatile, la farine !
Tani sorti un petit carnet sur lequel était inscrite la recette, avant de dire qu’elle n’était pas très originale mais qu’elle marchait toujours et qu’elle était simple. Parfait pour apprendre donc. « ça me convient parfaitement, vu mon niveau en pâtisserie il vaut mieux y aller pas à pas » confirma la brunette avec un sourire. « On fera le level supérieur la prochaine fois ! » ajouta-t-elle avec un clin d’œil. Evidemment, si Tani acceptait de revenir lui apprendre des recettes. La perspective de passer du temps avec sa collègue et amie était loin de déplaire à la chilienne. Elle n’avait jamais assez de temps pour sortir faire la fête comme les adultes de son âge, c’était donc plus pratique pour elle quand ses amis venaient chez elle. Et puis, ça lui faisait toujours plaisir !
« Alors, chef, quelle est la première étape ? » demanda-t-elle une fois son tablier et ses cheveux noués.

Tani était du genre prévoyante, dans le doute, elle avait préféré acheter les ingrédients dont elle avait besoin pour préparer la recette. Elle aurait pu demander à Valentina si elle avait tout ça chez elle, mais ne souhaitant pas abuser de sa générosité, la blonde avait les achats elle-même.

" - Tu rigoles ? Tu ne me dois rien du tout. Tu m'offres un endroit où cuisiner alors acheter les ingrédients nécessaires c'est la moindre des choses que je pouvais faire ! "

Même si Valentina l'ignorait, le fait qu'elle lui propose de venir cuisiner chez elle, bien que ça l'arrange sans doute aussi de son côté, ça lui évitait de devoir trouver une excuse pour ne pas la faire venir "chez elle". Elle avait préparé une liste pour se justifier si besoin était, mais elle préférait éviter autant que possible. Elle faisait une bien piètre menteuse.

Elle se saisit du tablier que lui tendait la jeune femme et l'attacha autour de son cou avant de rigoler en entendant les propos de Valentina.

" - Avec grand plaisir !"

Elles étaient au moins sur la même longueur d'ondes, ce qui ravie la française.

" - Alors on va commencer par faire préchauffer le four à 180°, je te laisse faire, tu le connais mieux que moi."

Elle écarta son carnet pour éviter de le salir et sortit le chocolat ainsi que trois œufs.

" - Je veux bien que tu me sortes aussi une casserole ainsi qu'un petit bol. On va faire fondre le chocolat,  casser les œufs et les mélanger avec la sucre et le beurre." fit-elle en expliquant chacun de ses gestes pour ne pas que Valentina se sente dépassée. " - Après on passera à ton étape favori, à savoir la farine !" dit-elle en esquissant un sourire.

Tani n’avait visiblement aucun moyen de cuisiner chez elle, elle devait attendre d’aller travailler au café pour assouvir sa passion, ce qui devait probablement beaucoup la frustrer. En tout cas, cela frustrerait énormément Valentina de n’avoir aucun endroit à part le travail pour cuisiner, ça lui manquerait beaucoup trop ! La serveuse se demanda si Tani avait des soucis avec son logement, mais ce n’était pas vraiment le moment de poser la question. La brunette se promit de lui demander plus tard, dans la conversation, l’air de rien. Forcément donc, quand la blondinette affirma que son hôte ne lui devait rien puisqu’elle lui permettait d’avoir un endroit pour préparer à manger, la chilienne comprit parfaitement et répondit par un sourire. « Vale, de acuerdo*, mais la prochaine fois c’est moi qui fait les courses ! » déclara-t-elle.
Une fois les tabliers enfilés, la spécialiste donna ses indications. « Si, señora » dit Valentina en se baissant pour régler le four. Il n’était pas très vieux, puisque le loft avait été remis à neuf ainsi que ses équipements avant que la joyeuse bande d’amis ne s’y installent. Précis et rapide à chauffer, il était même particulier bien noté sur les sites de ventes. Valentina avait la chance d’avoir du bon matériel pour préparer les repas, ce qui la changer beaucoup du vieux four que ses parents – enfin, sa mère – avaient chez eux. Une fois redressée, la brunette entendit son amie énumérer ce qu’il lui fallait. Après s’être retournée pour faire face au placard et avoir sorti ce qu’il fallait, la chilienne commença à casser le chocolat en morceau et à le mettre dans le bol. « Au bain marie je suppose ? » demanda-t-elle tout en continuant sa tâche. Elle leva exagérément les yeux au ciel lorsque Tani affirma qu’après cette étape viendrait celle – tant redoutée – de la farine. « Je n’ai pas prévenu mes colocs qu’ils allaient trouvés la cuisine blanche comme neige en rentrant » affirma-t-elle avec un clin d’œil. Elle ne savait pas par quelle magie – ou sorcellerie – Valentina finissait toujours par mettre de la farine partout. C’était une règle universelle, avec elle…
Une fois le chocolat fondu et mélangé aux autres ingrédients indiqués par la pâtissière, la benjamine Peñali rapprocha le paquet de poudre blanche en grimaçant légérement. Elle se tourna ensuite vers sa collègue et lui demande, comme une confidence, « Ne me dis pas qu’il n’y a que moi qui ai des problèmes avec ce truc ! ».

Tani ne roulait pas sur l'or, mais elle avait tout de même de quoi vivre sans devoir se restreindre. De plus, elle était plutôt de nature économe, alors ça aidait forcément. La blonde se contenta alors de sourire à la réponse de son amie sans avoir le cœur de la contredire. En regardant autour d'elle, la jeune femme était forcée de constater que le matériel dont disposait Valentina chez elle était presque aussi élaboré que celui dont elle se servait au café. Pour le coup, elle aurait pu être jalouse si seulement elle avait de quoi comparer par rapport à ce qu'elle possédait. Hormis ce qu'elle avait dans sa chambre au motel pour faire des plats succincts, qui lui convenait pour le quotidien, elle n'était pas aussi bien équipé. Pour peu, elle pourrait presque s'habituer à venir ici pour peaufiner certaines idées de recettes ou même parfaire les techniques qu'elle apprenait au café.

Tani lista les ingrédients dont elle avait besoin afin que tout puisse être prêt pour passer à l'étape suivante. Quand Valentina la questionna, elle hocha la tête tout en répondant en français.

" - Tout juste !"

Ça lui arrivait parfois de parler en français, notamment quand elle était stressée ou en colère. Son accent n'était plus aussi prononcé qu'à une époque, ça fait des années qu'elle n'est plus retourné dans son pays natal. Elle se fit la promesse que lorsque tout sera terminé, elle pourra s'octroyer un petit voyage sur la terre qui la vu naître.

La jeune femme ne put s'empêcher de rire en entendant les propos de son amie. Elle semblait avoir en horreur la farine et leur combat finissait toujours mal. Elle voyait défiler dans sa tête les scènes de film où les acteurs se lancent dans une bataille effrénée avec la farine et finissent aussi blancs qu'un bonhomme de neige, mais en moins froid !

" - D'aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais eu de combat contre cette poudre, c'est sans doute parce que tu ne lui parles pas assez." dit-elle en lui adressant un clin d'œil. " - Non en vérité je dirai que c'est une question d'habitude, au début on en met un peu à côté, puis avec le temps et les gestes plus rodés, il n'y a quasiment plus aucune preuve du crime, sauf l'odeur qui émane du four !"

Tani était une sacrée gourmande, et c'est aussi pour cette raison qu'elle était ravie d'avoir décroché cet emploi, elle joint l'utile à l'agréable comme on dit !

" - Je peux m'occuper de la farine pendant que tu me sors la prépare la levure et le cacao, ça évitera à tes colocataires de râler en voyant l'état de la cuisine." fit-elle sur le ton de la plaisanterie.

Valentina adorait s’entourait de personnes avec des profils différents, ainsi que des cultures différentes. Elle qui basculait souvent à l’espagnol appréciait toujours d’entendre Tani en faire de même avec sa langue maternelle, le français. La blondinette n’avait pas un accent aussi prononcé qu’elle, qu’on savait latino dès qu’elle ouvrait la bouche, mais il émanait d’elle une sorte d’élégance à la française qui l’identifiait rapidement. C’était agréable de la fréquenter, déjà parce qu’elle était une personne très sympathique, mais aussi parce qu’elle avait parfois un point de vue différent de celui de la chilienne.
Tani ne semblait connaître aucun problème particulier avec cette substance volatile blanchâtre sortie tout droit des enfers qu’était la farine. Cela la faisait d’ailleurs beaucoup rire de savoir que son amie et collègue, elle, en avait, et de gros en plus ! Forcément, Valentina travaillait souvent ça, la farine, mais c’était quelque chose qu’elle évitait le plus possible. Elle faisait bien sûr des pates – feuilletée, brisée, etc – maison, mais c’était toujours un calvaire. « Lui parler ?! » s’étonna la brunette avant de réaliser que Tani faisait d’humour. Elle laissa échapper alors un grand rire franc et se pencha vers la farine. « Il faut qu’on discute sérieusement, toi et moi ! » lâcha-t-elle entre deux rires. Tani répondit ensuite plus sérieusement, mais cela ne rassura pas son amie. Elle pratiquait la farine pour beaucoup de ses recettes, mais jamais elle n’avait pris l’habitude au point de ne pas en mettre partout… Peut-être était-ce inné, de savoir s’y prendre avec cet ingrédient ! « Je vais essayer de m'entraîner alors... »
« Parfait, on va faire ça, c’est mieux en effet ! » opina Valentina avec un sourire. En vérité, ses colocataires ne diraient surement rien même si la cuisine était saccagée. Premièrement, parce qu’ils n’y mettaient pas vraiment les pieds, deuxièmement parce que cela leur ferait dire qu’un repas excellent les attendrait, puisque Valentina aurait cuisiné. Mais la serveuse n’avait vraiment pas envie de devoir passer l’aspirateur après cette séance culinaire, surtout que la farine se glissait partout… Elle se chargea donc de la levure et du cacao avec soulagement avant de demander, d’une voix douce « ça ne te manque pas, la France ? Leur boulangerie, leur plats en sauce, tout ça...».

Tani n'avait jamais eu de réel problème à se faire des amis, elle allait spontanément vers les autres, et même si elle était plutôt timide, sa bonne humeur faisait que les conversations étaient rapidement agréables. Valentina était une collègue de travail, donc ne pas échanger avec elle était compliqué, bien que ça aurait pu être possible leur relation professionnelle aurait été sacrément casse-tête dans ce cas-là. Heureusement, les deux femmes s'entendaient très bien, que ce soit au travail ou en dehors. La française était heureuse d'avoir une amie comme elle dans son entourage. C'était plus agréable de partager des activités comme celle de cuisiner, avec des gens que l'on apprécie, ça rendait l'instant encore plus intéressant à vivre.

Tani donne quelques conseils pour éviter que la farine ne se rebelle contre son amie. Bien évidemment, tout cela est ironique, chose que Valentina ne comprend qu'après avoir relevé le regard vers la blonde. Elle ne put s'empêcher de rire en voyant que la jeune femme a plongé les deux pieds dedans. Ah, ces moments d'insouciance où rien n'a d'importance, ça faisait longtemps que Tani n'en avait plus connu, c'était tellement reposant. Un éclat de rire franc franchit ses lèvres lorsqu'elle se mit réellement à parler avec la farine. Elle avait hésité à décliner l'invitation de sa collègue mais elle était heureuse d'être ici avec elle.

L'apprentie s'attaqua à la poudre pour préparer la suite de la recette tandis que Valentina avait pour mission de s'occuper de la prochaine étape. Cette dernière questionna Tani sur son pays natal.

" - Si je voulais être complètement honnête avec toi, si.. Avant d'arriver ici j'avais encore l'occasion de pouvoir vivre par procuration mon pays si on peut dire ça comme ça, j'étais professeure de français, alors j'étais en France un peu tous les jours." fit-elle la mine un peu déconfite, tout ça lui manquait, non pas que son travail actuel ne lui plaisait pas mais c'était un tout autre domaine. " - C'est aussi pour ça que je cuisine pas mal de plats français, parce que déjà j'aime ça et puis, ça me rappelle l'endroit."

La jeune femme n'était plus retournée en France depuis de nombreuses années maintenant, c'était dans sa liste de choses à faire, peut-être qu'après le procès elle trouverait le temps de faire ce voyage.

" - Et toi, ça fait longtemps que tu as quitté ton pays natal ?"

Tout en la questionnant, elle poursuivit sa recette en mettant les doses nécessaires avant de fouetter les œufs et le mélange avec le beurre et le sucre. Restait plus que le chocolat à incorporer et après c'était l'étape la moins intéressante, celle de mettre au four et d'attendre le temps requis.

" - On va bientôt savoir si on a bien travaillé !"

La chilienne était une jeune femme assez naïve. Non pas qu’elle croyait tout ce qu’on lui disait – le mystère de Père Noël avait très vite été résolu par la petite fille qu’elle avait été – mais elle avait souvent une confiance aveugle en ses amis, et surtout prenait ce qu’on lui disait bien trop souvent au pied de la lettre. Tani avait fait une blague, et Valentina avait eu du mal à la comprendre au départ, bien que maintenant qu’elles se regardaient en éclatant de rire elle avait saisi ! La brunette avait pas mal de stress à gérer en ce moment, entre sa nouvelle relation avec Spencer, la maladie de celui-ci, leur difficulté à se rapprocher physiquement et sa famille qui connaissait quelques turbulences… Ce moment sympathique entre filles, avec son lot de cuisine et de rires, lui faisait tellement de bien.
Les deux jeunes femmes, chacune à sa tâche, étaient d’abord restées silencieuses. Et puis, finalement, la propriétaire des ustensiles se dit que c’était le bon moment pour se connaître davantage, parler de sujet sérieux, et posa donc une question plus personnelle à son amie Tani. Celle-ci se confia alors à elle : oui, la France lui manquait, et ce d’autant plus maintenant alors qu’elle n’était plus professeure de français. A cette époque au moins, elle avait un bout de son pays dans son travail, ce qui n’était plus vraiment le cas aujourd’hui même si elle régalait souvent les clients du restaurant avec des spécialités françaises, sucrées et salées ! Valentina la regarda avec douceur en hochant la tête. Elle comprenait que ça devait être difficile pour elle, même si elle n’avait pas conscience de tous les problèmes que pouvait avoir sa blond d’amie, notamment cette question de procès dont elle n’avait jamais eu vent.  « Et tu les cuisines bien ! Les clients en raffolent, et moi je prie chaque jours pour qu'il y ait des restes que je puisse emporter chez moi » dit-elle avec un sourire.
La famille de Valentina ne ratait jamais une occasion de parler du Chili, de sa culture, de ses traditions et surtout de sa cuisine ! La brunette avait grandi avec ce pays, même si elle n’y avait jamais factuellement grandi. Elle secoua alors la tête lorsque Tina lui demanda si elle avait quitté son pays natal depuis longtemps. « En vérité, je suis née ici, en Nouvelle-Zélande. Mon père était chilien, ainsi que mon plus grand frère. Mais, avec les problèmes politiques, un bébé sur les bras et un autre en route, mes parents ont fui ce pays… » expliqua-t-elle avec une petite moue. « ça a été très compliqué pour eux, surtout pour mon père, de renoncer au Chili. Pour ma mère aussi, mais comme elle est d’Island Bay c’était tout de suite plus simple, familier… ». Elle haussa les épaules et retrouva un petit sourire. « Mais j’ai été élevée dans la culture chilienne, et dès que nous avons pu nous sommes retournés voir notre famille là-bas, alors c’est un peu mon pays aussi ! »
Les étapes arrivaient à leur terme, et les deux jeunes femmes allaient bientôt pouvoir voir le fruit de leur labeur, et surtout goûter celui-ci. « J’espère que ce sera bon » chuchota Valentina en regardant la préparation qui reposait devant elles.

Tani n'avait pas souvent l'occasion de profiter d'un moment entre filles en dehors du travail, bien sûr elle échangeait avec Valentina comme avec ses autres collègues au café, mais en dehors de celui-ci, elle n'avait pas vraiment d'amis avec qui faire des sorties. Elle avait rencontré plusieurs personnes avec qui elle avait échangé et partagé un petit instant en leur compagnie, mais c'était tout. Son cercle de connaissances féminines se résumait à Valentina ainsi que ses deux patronnes, autrement dit, ses collègues de travail. Alors ça faisait du bien de partager ce moment de complicité et de partage de sa culture avec Valentina.

" - C'est gentil, merci !" répondit-elle en rougissant.

La blonde avait toujours eu du mal avec les compliments, ça la mettait souvent mal à l'aise parce qu'elle estimait que pour elle, elle ne faisait que son travail. Par chance, peu de temps après son arrivée, elle avait suggeré à Celeste et Marley d'ajouter des pâtisseries de chez elles, ce que ses deux supérieures avaient finalement acceptées, pour le plus grand bonheur des clients d'après les dires de Valentina.

Elles échangeaient ensuite sur leur vie dans leur pays natal, jusqu'à ce que Tani apprenne qu'en vérité, Valentina était né ici, ça l'a surpris mais elle écouta avec attention son récit.

" - En fait c'est un peu comme si tu avais deux maisons, une ici et une autre au Chili." dit-elle en lui souriant.

A force de discuter, la frnaçaise en oubliait presque leur préparation. Pour pouvoir la déguster il fallait attendre un peu que celle-ci refroidisse. Le moment était donc venu de faire le test du couteau. Pour savoir si ça avait suffisamment reposé, Tani avait pour habitude de planter son couteau dedans et si le couteau ressortait sans être sale, alors c'est que l'on pouvait couper en carré le brownie et déguster. La pâtisserie s'attêla à cette tâche, qui s'avéra être concluante, elle se mit à couper les carrés et en tendra un à son amie.

" - A toi l'honneur, je te laisse goûter et me dire si on a bien travaillé !" dit-elle impatiente d'avoir son verdict.