What's up, boss ? ft Sasha

Depuis quelques semaines déjà, Ashley avait trouvé un travail. Le temps des doutes et de l’angoisse quant à sa reconversion professionnelle lui semblait alors bien loin, la jeune femme s’épanouissant parfaitement au sein de la concession automobile Lazzio, tenue par Sasha, un ancien militaire et donc nouveau chef. Depuis une conversation entre eux pendant laquelle Ash s’était confiée à lui sur le fait qu’elle était assez perdue et que l’italien lui avait tendu la main en lui proposant un poste, la relation entre les deux était au beau fixe. Ils s’entendaient particulièrement bien – notamment grâce au passif de l’armée qu’ils avaient en commun – et même s’ils devaient avoir une relation de chef à subordonnées, ils étaient en passe de devenirs très amis, ce qui ravissait la brunette. Son travail d’assistante consistait à prendre les appels, organiser les agendas des uns et des autres, programmer les rendez-vous, gérer les réclamations quand il y en avait, mais surtout assister administrativement parlant le gérant, Sasha. Il fallait de l’organisation et de la rigueur, ce qu’Ashley maîtrisait parfaitement. Parfois même, quand les mécaniciens étaient trop chargés et qu’il fallait faire quelque chose de très simple sur une voiture, elle n’hésitait pas à se salir les mains pour aider. Bref, Ashley se sentait particulièrement bien dans ce nouveau job et était très reconnaissante envers son patron.
Ce soir-là, Ash était restée tard au bureau pour gérer un problème de facturation assez important qu’il fallait régler au plus vite, tenant à en finir rapidement et à partir avec l’esprit tranquille, quitte à venir plus tard le lendemain pour rattraper les heures. Sasha avait été en rendez-vous à l’extérieur toute la journée et la jeune femme ne pensait pas le voir revenir au bureau à une heure pareil, pensant qu’elle aller fermer toute seule. Pourtant, après avoir rentré une énième ligne sur un document Excel, elle tomba sur Sasha en relevant la tête. « Oh, bonsoir Sasha ! Je ne pensais pas que tu repasserais par le bureau avant de rentrer » dit-elle en se levant et en s’étirant le dos. « Tes rendez-vous se sont bien passés ? » demanda-t-elle avant de se pencher vers le mini frigo pour en sortir des glaçons. « Il est trop tard pour se prendre un whisky tu crois ? Ou c’est clairement indécent de demander ça à son patron ? » s’exclama Ash pour rigoler, sachant pertinemment que leur relation était assez amicale pour qu’ils s’octroient une pause, surtout à cette heure-ci, même si elle comprenait de l’alcool. Après tout, la concession était fermée et il était toujours plus agréable de faire un point sur la journée autour d’un verre, en se détendant. Elle prit alors son bloc-notes qu’elle glissa sous son bras, avant de se saisir de deux verres. « Si je ne m’éloigne pas de ce tableau Excel, je risque de me jeter sur l’écran » déclara-t-elle avec un clin d’œil.

Après la discussion qu'ils avaient eu à l'association des anciens combattants, Sasha avait proposé à Ashley un poste le temps qu'elle puisse retomber sur ses pieds. Ça lui faisait de la main d'œuvre supplémentaire et pour elle, ça lui permettait d'avoir un salaire. Tout le monde était gagnant. Sasha c'est le genre de gars à donner sa chance à toit le monde, même si la personne n'a pas forcément les diplômes associés à tel ou tel poste, il estime que la motivation et la détermination priment sur le reste.

Ashley avait officiellement un poste d'assistante. Prendre les appels, gérer l'agenda de Sasha, toutes les choses pas forcément très intéressantes à faire, pourtant elle ne rechignait jamais à faire ces tâches en question. Elle avait également déjà mis les mains dans le cambouis, au sens strict du terme. Un manque de personnel avait fait qu'elle s'était retrouvé à devoir faire un peu de mécanique pour que les délais puissent être tenus. L'italien le voyait épanouie à ce poste là et il était heureux d'avoir pu lui offrir cette sérénité l'instant qu'elle puisse trouver quelque chose d'autre. Et si toutefois, elle décide de rester parmi eux, l'italien n'en sera que plus heureux. Son travail se ressent clairement dans le quotidien du patron, il est heureux de pouvoir compter sur quelqu'un qui lui rappelle ses rendez-vous, parce qu'avec ses pertes de mémoire, parfois il lui arrive de zapper certaines choses.

Aujourd'hui avait été une journée bien remplie. Des journées comme il ne les appréciait pas véritablement. Il avait passé tout son temps en rendez-vous extérieur avec des fournisseurs. Le genre de missions d'un patron mais qui ne sont pas forcément les plus drôles à faire, mais il faut le faire quand même. Négociation, arrangement, contrat. La journée avait été longue et l'italien aurait pu rentrer directement chez lui. Mais dans tous les cas, son trajet retour passait par la concession, alors il décida de s'y arrêter. Après tout, personne ne l'attendait chez lui, alors il pouvait bien prendre un peu plus de temps en faisant cette halte là. Il ne s'attendait pas à ce que quelqu'un soit encore présent à cette heure-ci, pourtant la porte n'était pas verrouillée et une lumière était encore allumée.

" - Tu sais que ce n'est plus une heure pour travailler ?" fit-il les bras croisés sur le pas de la porte, avec un léger sourire.

Ashley était une employée certes, mais c'était aussi son amie. Même si Sasha était le genre de patron plutôt cool et relax, il y avait quand même certaines remarques qu'il ne se permettrait pas avec ses salariés.

" - Oui, j'ai signé deux nouveaux contrats, donc on va dire que c'était une journée fructueuse. Et toi, tout s'est bien passé ici ?"

Lorsqu'elle lui proposa un verre, l'italien sourit.

" - Vous savez que c'est mal d'essayer de corrompre son patron ?" fit-il sur le ton de la plaisanterie.

Elle le connaissait parfaitement, l'alcool c'était son point faible. Il buvait de plus en plus ces derniers temps. Depuis son retour à Island Bay en fait...

" - A cette heure-ci, tu ne devrais plus être avec un fichier Excel, mais plutôt au chaud chez toi à profiter d'un bon film !"

La séparation vie privée vie professionnelle c'était quelque chose auquel il tenait. Faire des heures et des heures supplémentaires, il ne trouvait pas ça productif. Il préférait éventuellement que la personne arrive plus tôt le matin, au lieu de rester jusqu'à pas d'heure.

Ashley était une bosseuse, elle ne rechignait jamais à la tâche et se donnait toujours à fond dans son travail, que ce soit des missions agréables ou non. C’était normal de montrer à ses collègues et supérieurs qu’elle était capable de gérer, surtout s’il s’agissait d’une chance qu’on lui avait donné, comme c’était le cas pour ce travail au sein de la concession Lazzio. Sasha avait eu l’extrême gentillesse et la bonté de lui offrir un poste dans cette période compliquée pour elle, alors elle mettait les bouchées doubles pour ne pas le décevoir. Il fallait aussi admettre que cela lui faisait beaucoup de bien de travailler de nouveau, d’avoir des horaires, des choses à faire, une vie sociale avec les collègues… C’était simple : Ashley revivait grâce à cet emploi ! Elle n’avait pas imaginé se plaire autant dans cette entreprise et à ce poste, pourtant c’était le cas.
La jeune femme sursauta légèrement lorsque son patron, qui repassait bien tard au travail, lui indiqua que ce n’était pas une heure pour travailler. Elle lui sourit avant de répondre « Dit l’homme qui revient au bureau à une heure aussi tardive ». Elle s’étira légèrement les bras et le cou, avant d’expliquer « J’aimerais finir ça avant de rentrer, sinon la facturation va venir hanter mes rêves et ça ne me dit pas trop » affirma-t-elle avec un petit sourire. « Je ferai une grasse matinée demain, histoire de compenser » promit-elle. Elle lui demanda ensuite si ça journée s’était bien passée. Elle avait cru comprendre que les rendez-vous en extérieur qui s’enchaînaient, ce n’était pas vraiment son truc. Le patron affirma que ça c’était bien passé, l’informant qu’il avait signé deux contrats. « Super, félicitations ! Ici ça a été plutôt calme, à part le bug dans la facturation que je suis en train de gérer. J’ai plusieurs points à voir avec toi, quand tu seras disponible » expliqua-t-elle avant finalement de luis proposer un verre. Après tout, à cette heure-ci, il était bien plus agréable de faire un point professionnel avec une boisson alcoolisée. Il était tard, il fallait bien avoir de quoi tenir…  
Lorsque Sasha parla de corruption, son assistante laissa échapper un petit rire. « C’est tout à fait mon style, en plus. C’est la technique parfaite pour demander plus de congés » dit-elle à son tour sur le ton de la plaisanterie. C’est à ce moment-là qu’elle se leva pour prendre deux verres et, d’un signe de tête, demander à Sasha de continuer dans son bureau, puisque c’était là qu’il y avait sa bouteille ainsi que des fauteuils.
Elle balaya d’un geste de la main sa remarque sur ce qu’elle aurait dû faire à cette heure plutôt que d’avoir un tête à tête avec Excel. « Crois-moi, si tu ne veux pas me voir avec des valises sous les yeux demain, il vaut mieux que je termine ce soir. C’est le genre de trucs qui me tournent en tête si ça reste en suspens » expliqua-t-elle en posant les deux verres sur la table basse. Elle posa, juste à côté, son carnet de notes, et commença à lire : « Monsieur Smith, le client avec la Bentley, a appelé pour demander si on avait bien reçu sa pièce unique, je lui ai rappelé qu’en ayant commandé hier à 18h, on ne l’aurait pas avant la semaine prochaine ». Elle leva les yeux au ciel avec un petit rire avant d’ajouter plus bas « Ah, les clients… ». Elle développa ensuite quelques autres points : l’inventaire du stock qui arrivait, les contrôles techniques en court, les soucis trouvés sur une voiture de collection… Rien de bien étrange dans une concession de luxe. « Ah oui, et une femme est passée, elle voulait te voir, toi et personne d’autre » lâcha-t-elle en haussant les épaules, terminant ainsi la liste des points dont elle avait à lui faire part.

Sasha avait toujours tout donné dans son travail, que ce soit lorsqu'il était militaire ou maintenant, au sein de sa propre concession. Il était plutôt du genre acharné et comptait rarement les heures qu'il faisait, ce qui lui importait le plus, c'était que le travail soit fait en temps et en heure. Il n'était jamais contre laisser du mou à ses subordonnées si derrière, il voyait que c'était bénéfique pour eux. Alors le fait qu'Ashley s'archarne autant sur ce fameux problème qu'elle avait rencontré, ça ne pouvait qu'être bien vu par l'italien qui appréciait particulièrement cette conscience profesionnelle qui n'était pas donné à tout le monde.

" - Tu as intérêt à faire une grasse matinée oui, parce que j'ai besoin d'avoir une tête supplémentaire pour ne pas oublier mes rendez-vous !" fit-il pour prouver aussi à la jeune femme qu'elle était importante dans la gestion de son quotidien. " - On peut voir ça maintenant si tu veux, ce n'est pas comme si j'avais mieux à faire." dit-il en gloussant.

Hormis rentrer chez lui, faire un peu de sport et probablement glander devant la télévision, il n'avait pas un programme des plus attrayants. Un point avec son assistante ne serait pas de trop pour être au fait des dernières nouvelles de la journée. Il lui fit signe de le suivre jusqu'à son bureau. Il avait fait en sorte d'arranger ce dernier de telle sorte à s'y sentir un minimum à l'aise. En revanche, rien de personnel, pas de photos de vacances accrochées au mur, ni même de photos avec une femme et encore moins avec un enfant. Sasha était relativement secret sur sa vie privée, il aimait compartimenter le tout.

" - Vous savez que la corruption est punie par la loi mademoiselle Wilder ? Il ne faut pas jouer avec le feu si on ne veut pas se brûler." fit-il d'un ton faussement autoritaire.

Le quadragénaire appréciait travailler avec elle, tout paraissait si simple. Et puis le fait qu'ils partageaient la même rigueur, le même état d'esprit militaire y était sans doute pour quelque chose.

" - Je comprends et j'apprécie grandement ta conscience professionnelle. En réalité, je ne pense pas retrouver une assistante avec tes qualités."

Cette phrase sortie de son contexte aurait pu faire penser que l'italien tentait une technique de drague assez bateau, mais il était sincère. Ashley lui était d'un grand soutien à la concession et s'il avait pu, il l'aurait gardé auprès de lui. Mais il savait que cette situation n'était que temporaire, à son plus grand regret. Une fois installés dans son bureau, le patron de la concession trempa ses lèvres dans son verre pour se délecter de la première gorgée, puis il vida son verre d'une traite. Il écouta avec attention le résumé de la journée que lui faisait Ashley, et esquissa un sourire lorsqu'il entendit parler de monsieur Smith. C'était le genre de clients que Sasha n'appréciait pas des masses, impatient, toujours à leur téléphoner pour savoir comment ça avance, ce n'était pas la manière de travailler du brun. Mais il fallait bien avoir ce type de clients, comme on dit "il faut de tout pour faire un monde", Smith en faisait partie. En revanche, la suite le fit tiquer. Une femme ?

" - Une femme ? Elle a donné son nom ? Elle ressemblait à quoi ?" demanda-t-il en fronçant les sourcils tout en frottant sa barbe grisonnante.

Sa mémoire n'était pas très active et le fait de chercher de qui il pouvait s'agir commença à lui donner mal à la tête. Ou bien était-ce l'alcool qui commençait à faire effet ? Qu'une personne demande à voir le patron n'avait rien d'étonnant, mais maintenant qu'il avait une assistante, c'était elle qui prenait le relai quand Sasha ne pouvait pas être à la concession, c'était un peu son bras droit en quelque sorte.

Le patron semblait largement approuver l’idée de la grasse matinée, indiquant qu’il avait besoin d’Ashley pour ne pas oublier ses rendez-vous, ce qui fit sourire légèrement la jeune femme. Ce n’était peut-être pas grand-chose, mais cela montrait qu’elle n’était pas inutile, que Sasha ne lui avait pas trouvé un poste bateau juste pour l’aider, qu’elle n’était pas un poids qu’on portant avant qu’il puisse se porter soi-même. C’était gratifiant. « Faisons ça alors ! » répondit-elle quand il lui proposa de faire le point à ce moment-même. Après tout, elle n’avait rien de prévu ce soir, et vu l’heure qu’il était de toute façon elle ne ferait rien de particulier chez elle. Ils se déplacèrent donc jusqu’au bureau de l’italien, qu’Ashley aimait bien. C’était classe et sobre à la fois, un vrai bureau de chef d’entreprise. Par contre, et ça elle l’avait observé dès le premier jour, il n’y avait absolument rien de Sasha dans cet espace. Pas de photographies, pas d’objet personnel, même pas une veste qui traîne. Cela ne lui paraissait pas étrange, elle avait l’habitude des espaces neutres à l’Armée, cela ne lui changeait donc pas beaucoup. Ça se sentait, que lui aussi avait été militaire.
Ashley laissa échapper un petit rire et répondit, avec un clin d’œil « Ne vous en faites pas pour moi, monsieur Lazzio, j’ai des amis hauts placés, des gens de haut rang ». Il y avait dans cette phrase une petite référence à une comédie française qu’elle aimait beaucoup et qu’elle avait vu un jour au cinéma, il y avait longtemps.
La brunette expliqua ensuite à son patron qu’il valait mieux pour tout le monde qu’elle se dépatouille de ce tableau Excel et de ces soucis de facturation le plus vite possible, si elle voulait pouvoir dormir la nuit et être efficace la journée. Sasha lui répondit alors qu’il appréciait beaucoup sa conscience professionnelle et qu’il ne pensait pas pouvoir retrouver une assistante avec ses qualités. Les joues d’Ash durent rosirent un peu, peu habituée aux compliments de la hiérarchie. Cela lui faisait plaisir de savoir qu’elle était vraiment utile à l’entreprise, qu’elle aidait Sasha. « Peut-être que tu n’auras pas besoin d’en retrouver » dit-elle en haussant les épaules. Après tout, elle se plaisait à ce poste, dans cette entreprise. Elle n’avait pas besoin d’avoir une passion dans laquelle travailler, ce n’était pas grave si son métier ne la transportait pas comme l’art pouvait le faire pour Gabriel. Elle, ce qu’il lui fallait, c’était un job qu’elle apprécie et une ambiance agréable : tout ce qu’était son travail à la concession Lazzio ! Pourquoi alors ne pas y rester ? C’était une possibilité qu’elle envisageait sérieusement, il fallait simplement voir si cette idée plaisait à son boss ou si ce poste était voué à disparaître, puisqu’au départ cela devait être temporaire…
La conversation dévia ensuite sur les différents sujets qu’Ashley avait à aborder avec son patron, puisque là il était purement question de discussion professionnelle. Elle s’adressait à Monsieur Lazzio, directeur de la concession, et non Sasha, l’homme qui était devenu son ami. Elle fut factuelle et brève, comme un militaire peut l’être, avant d’enfin tremper ses lèvres dans le liquide ambré qui ondulait dans son verre. L’italien demanda alors des précisions sur la femme qui l’avait demandé : son nom et son apparence. La brunette se remémora alors la scène. « Elle n’a pas donné son nom » dit-elle pour commencer. Ensuite, à quoi elle ressemblait… « Une blonde, environ 1 mètre 75, des yeux clairs, bleus ou verts je n’ai pas su déterminer, avec un beau sourire. C’est une belle femme, selon la norme. Elle avait l’air un peu stressée, elle n’arrêtait pas de triturer un anneau à sa chaîne de cou » tenta-t-elle de décrire le plus précisément possible. Elle se permit, pour finir, une observation personnelle et totalement subjective « Le genre de femme qui te plairait je pense ».

Sasha n'avait pas de poste fait sur mesure avec telles ou telles compétences, il préférait s'adapter aux personnes qu'il avait en face de lui, moduler l'offre pour que ça puisse correspondre au mieux à son interlocuteur. C'est ce qu'il avait fait pour Ashley. Il n'y avait pas à proprement parlé un poste d'assistante, mais il ne regrettait pas pour autant d'avoir proposé une telle opportunité à la jeune femme. Et même, s'il avait su, il aurait proposé ce poste plus tôt, ça lui dégageait plus de temps pour se concentrer sur des sujets plus importants. Mais ça n'aurait ttut de même pas été pareil qu'avec Ashley. Elle était véritablement impliquée dans les missions qui lui étaient confiées.

Une fois dans son bureau, les deux amis se taquinaient mutuellement à propos d'une potentielle corruption. Cette complicité qu'il y avait entre eux rendaient les choses plus simples, enfin pour le moment en tout cas. Parce qu'au final, Ashley restait quand même l'employée de Sasha, même si la hiérarchie ne se ressentait pas au sein de la concession, encore un point sur lequel l'italien avait insisté lorsqu'il avait monté tout ça. Tout le monde était traité traité même niveau, ça n'empêchait que si Sasha devait intervenir pour une raison quelconque, il n'hésitait pas à faire preuve d'autorité si le besoin s'en faisait sentir. Il était cool comme patron mais avait des limites qu'il ne fallait pas non plus dépasser.

" - Tu es sérieuse ? Je veux dire, tu envisages vraiment de rester ici ?"

L'italien serait ravi de la compter parmi son personnel de manière définitive, mais il ne pouvait pas la forcer non plus, ce serait contre-productif aussi bien pour l'un comme pour l'autre.

Le brief de la brune se termina par cette visite qu'il avait reçu pendant son absence. Une femme. Blonde, plutôt jolie d'après la description que lui faisait Ashley. Son cœur rata un battement, il commença à blémir à la fin de la description, son souffle se fit plus court.

" - Les cheveux assez long.. Une allure plutôt svelte et sportive.. ?" questionna-t-il en bégaillant de peur d'entendre la répondre.

La description pouvait correspondre à plusieurs femmes, mais dans l'esprit de Sasha, elle ne collait qu'avec une seule femme. Celle qui avait partagé sa vie durant quelques temps. Cette blessure qu'il pensait colmater était sur le point de lui exploser à la figure. Anna..

La vie professionnelle d’Ash n’avait jamais ressemblé à ce qu’elle vivait actuellement : elle avait maintenant un job pour lequel son patron la laissait gérer beaucoup de choses, ledit patron étant presque maintenant plus un ami qu’un chef. Dans son passé militaire, la jeune femme avait plutôt de bonnes relations avec sa hiérarchie, mais il y avait toujours cette barrière du grade – et aussi un peu du genre il fallait l’admettre – qui créait une séparation franche. Malgré le fait que la hiérarchie ne se fasse pas trop sentir au sein de la concession Lazzio et que le propriétaire était des plus sympathiques, Ashley savait très bien où était sa place et à qui elle devait obéir, si cela pouvait se dire de cette façon. Surement un reste de ses années de militaires : elle savait écouter les ordres sans discuter. Sasha n’aurait donc jamais besoin de s’en faire à ce propos, ils avaient beau avoir une relation des plus amicales, au travail c’était le patron et la jeune femme en avait parfaitement conscience. C’était aussi grâce à cette bonne ambiance et à cet environnement de travail agréable que la brune avait envie de rester. Elle aimait vraiment son poste ainsi que ses collègues et l’entreprise, ce qui l’amenait sérieusement à songer à son avenir au sein de cette concession. Et si, finalement, elle restait ? Il était vrai que Sasha lui avait proposé ce travail en attendant qu’elle trouve quoi faire de sa vie, mais elle se sentait réellement bien ici. Elle émit donc cette idée lors d’une conversation avec son chef, ce qui sembla le surprendre tout autant que lui faire plaisir. Elle hocha la tête, simplement, avant de dire « Oui, vraiment. Je me sens bien ici, dans ce poste et dans ton entreprise. Ça me fait du bien ». Elle ne pourrait jamais assez le remercier pour ce qu’il lui avait offert : une chance de sortir la tête de l’eau, de retrouver goût à quelque chose, mais surtout d’imaginer de nouveau un avenir stable et solide sans le regret perpétuel de l’Armée. « Si tu acceptes, bien sûr » ajouta-t-elle, ne voulant pas non plus s’imposer alors que cela devait être provisoire au départ.
La conversation dévia ensuite sur un sujet bien différent : la visite d’une femme cherchant à voir Sasha. La description de celle-ci faite par Ashley sembla beaucoup perturber l’homme assis en face d’elle, son visage devenant blême et sa respiration s’accélérant. Il lui demanda alors quelques détails – en bégayant – qui firent immédiatement échos aux souvenirs de la brune. Elle fronça les sourcils avant d’hocher machinalement la tête. « Oui, ça lui ressemble bien… » affirma-t-elle avant de se pencher vers Sasha et d’observer son comportement. Visiblement, cette description était loin de la revir, bien au contraire même. « Quelqu’un qui tu n’as pas envie de voir ? » demanda-t-elle alors, trouvant le visage de son ami assez différent, presque inquiétant. S’il le fallait, Ash pouvait tout à fait jouer les intermédiaires et renvoyer la jeune femme chez elle la prochaine fois qu’elle viendrait. Il suffirait de dire que le patron était en réunion… C’était tout à fait possible, si besoin ! Elle posa la main sur le bras de l’ancien militaire dans un geste rempli de douceur. « Ça ne va pas Sasha ? ».

Même si pour certains, Sasha paraissait froid au premier regard, il suffisait de creuser un peu pour se rendre compte qu'il était tout sauf ça. Alors oui, il n'était pas des plus émotifs qui soit mais cela n'empêchait pas l'italien d'avoir un cœur comme tout le monde. Quand il avait rencontré Ashley à l'association, le courant était rapidement passé entre eux. Ancien militaire tous les deux, ils se comprenaient même sans avoir forcément besoin de parler. Mais plus que tout, ils savaient que l'armée pouvait laisser des traces que tous les engagés préféreraient oublier une fois leur carrière terminée. Était-ce pour cette raison qu'il lui avait proposé le poste de secrétaire ? Peut-être bien. Il savait que ça matcherait entre eux, même si le quadragénaire ne pouvait en être totalement sûr. Le résultat est qu'il est plus que satisfait de lui avoir fait part de cette opportunité, et au vu de ses propos, elle aussi semble satisfaite d'être dans les locaux de la concession.

" - J'ai donc le plaisir de vous annoncer mademoiselle Wilder que vous êtes embauchée aussi longtemps que vous voudrez rester ici !"

Il était heureux de pouvoir la garder auprès de lui, non seulement ça lui faisait de la compagnie, il était sûr de ne pas être déçu de son travail et puis, ça lui faisait quelqu'un pour s'appuyer en cas de besoin. Sasha pouvait lui faire confiance, il le savait. Et en même temps, c'est elle qui organisait l'emploi du temps de sa vie, professionnelle comme privée, alors il valait mieux qu'il lui fasse confiance !

Mais toute bonne nouvelle n'arrive jamais seule. Ashley évoque une femme qui semblait le chercher. Une simple description avait suffit à le faire blémir. Il se leva, remplit son verre qu'il vida d'une traite comme pour mieux diriger cette annonce plus que soudaine. On lui aurait mis un uppercut qu'il serait dans le même état. L'italien était persuadé d'avoir fait le deuil de son divorce, d'être enfin passé à autre chose, mais forcé de constater que ce n'était pas le cas. Son alliance ne trônait plus à son doigt même si la marque elle, était toujours visible.

" - Je.. Je sais pas.. Cette femme.. La description correspond parfaitement à celle de mon ex-femme.."

Avait-il déjà abordé le sujet avec Ashley ? Pas de mémoire. En tout cas, la jeune femme semblait bien connaître ses goûts en matière de femme. Sans doute trop pour une simple secrétaire. Mais cela prouvait bien qu'elle savait lire entre les lignes et c'est ce qu'il appréciait chez elle.

" - C'est pas possible.. Ça doit être une erreur.. Dis-moi que c'est une erreur je t'en prie !"

Tout mais pas ça. La tête de l'italien était sur le point d'exploser., à tel point qu'il pressa ses paumes contre ses tempes, comme si ça pouvait le soulager.

" - J'ai besoin d'un autre verre.."

Un de plus. Pour oublier.

Jamais Ashley n’aurait parié sur le fait qu’elle finirait par travailler comme assistante au sein d’une concession. C’était réellement très loin de sa première vie professionnelle au sein de l’Armée ou de ses aspirations. Pourtant, elle avait plaisir à travailler au sein de l’entreprise de Sasha. Ce travail s’était révélé être une vraie source de bonheur dans la nouvelle vie d’Ash. Elle était heureuse d’avoir retrouvé une certaine routine qu’elle avait perdue, d’avoir quitté la condition de chômeuse sans avenir, d’avoir trouvé un endroit où elle se sentait bien. C’était aussi simple que ça, en fait : elle s’y sentait bien, à la concession. Tellement bien qu’elle ne songeait pas à partir, finalement. Et, vu la tête de Sasha, cela semblait lui convenir, qu’elle reste. Il déclara alors, en la vouvoyant de manière cérémonieuse, qu’elle était embauchée aussi longtemps qu’elle le souhaiterait. La brunette souri alors de toutes ses dents. « Parfait, merci monsieur Lazzio, c’est un véritable honneur, je ne vous décevrai pas ! ». Son sourire s’affaissa un peu, devenant plus doux, moins criard. « Non, sans rire, merci Sasha, vraiment » ajouta-t-elle plus bas. Elle lui devait beaucoup. Il lui avait redonné une chance, redonné un métier, une vie en fait. Il était parfois compliqué de rendre la pareille, mais Ash espérait pouvoir faire quelque chose pour son ami – et patron – un jour.
Après ces émotions, positives évidemment, le sujet dévia naturellement sur les divers points qu’Ashley avait à évoquer avec son chef. Des commandes à honorer, des retours de clients, mais surtout la venue d’une femme pour lui. Face à la description de celle-ci, le visage de l’italien s’était décomposé, et cela n’allait pas en s’arrangeant lorsque la brune affirma qu’il visait juste en parlant d’une femme sportive. Il se leva d’un coup, se servit un verre qu’il but cul sec et regardait dans le vide, presque désespérer. Honnêtement, son expresse faisait assez peur à voir en fait… Il déclara que la description correspondait parfaitement à son ex-femme. Ash savait qu’il avait été marié – il suffit d’observer ses mains pour voir la trace de son ancienne alliance – mais ils n’en avaient jamais parlé tous les deux. Elle ne savait donc rien, mais elle devinait aisément que la fin de leur histoire avait dû être mouvementée pour que l’ancien militaire fasse cette tête rien qu’à l’idée que ce soit bien elle. Il continua en disant que ce n’était pas possible, que c’était forcément une erreur, suppliant même qu’on lui confirme que c’en était une. Ashley se leva et s’approcha de lui, posa sa main sur son épaule en un geste qu’elle espérait réconfortant. « Désolée, je ne peux pas t’affirmer ça » déclara-t-elle simplement. « Ça c’est aussi mal terminé que ça entre vous deux, pour que tu aies cette réaction ? » demanda-t-elle avant d’ajouter « Je peux me charger de l’envoyer sur les roses la prochaine fois qu’elle vient. Si tu le veux pas la voir, je me débrouillerai ». C’était une promesse. Il n’avait qu’un mot à dire et la brune ferait tout son possible pour qu’il ne la croise jamais si elle décidait de revenir par ici.
Sasha pressa ensuite ses mains contre ses temps, avant d’affirmer qu’il lui fallait un autre verre. Ash fronça les sourcils, mais obtempéra et lui passa la bouteille. « Ok, mais celui-là tu le bois moins vite que l’autre. J’ai pas envie de devoir t’amener aux urgences à cause d’un coma éthylique » dit-elle, essayant de le faire être raisonnable. Elle s’en servit un aussi. Elle sentait que cette soirée allait être plus longue encore que prévu, et bien différente de ce qu'elle avait imaginé.

Sasha était heureux de pouvoir proposer un poste permanent pour Ashley. Il n'avait pas à se plaindre de son travail, et puis, en tant qu'ami c'était toujours agréable d'avoir quelqu'un avec qui partager plus que du simple boulot. Ça rendait les journées plus agréables et le temps s'écoulait plus vite. Au départ, il avait douté que ce poste puisse lui plaire ou même lui convenir. L'armée c'est une chose, devenir secrétaire en est une autre. On associe souvent une secrétaire à la personne chargée des photocopies ou même d'apporter le café en salle de réunion. Ashley n'avait pas ses fonctions là. Quelqu'un souhaitait un café ou une photocopie ? Avec deux jambes et deux bras chacun était à même de s'en occuper soi-même.

" - Tu sais que c'est plutôt moi qui doit te remercier ? J'apprécie travailler avec toi. Et puis, tu gères mon agenda comme personne !" lâcha-t-il en gloussant. Elle était sa tête quand sa propre mémoire lui faisait parfois défaut, ça lui retirait une belle épine du pied !

Sasha toujours apprécié boire un verre après le travail, c'était comme un rituel, certains vont au sport, d'autres font de la méditation, lui c'était son verre de whisky. Mais depuis qu'il était revenu en ville, il y a déjà quasiment un an, sa consommation d'alcool avait explosé. Elle ne se résumait plus à un simple verre le soir. Parfois en pleine journée, il était obligé de céder à l'appel de cette boisson ambrée. Tous les signes montraient qu'il penchait dangereusement vers l'alcoolisme, mais fallait-il encore qu'il le reconnaisse.

" - Ça a été très rude ouais.. On s'est déchiré et j'ai fini par partir voyant que tous les efforts que je pouvais faire étaient vains.. Les mois qui ont suivi ont été compliqués à gérer.."

L'italien ne parlait pas souvent, voire jamais de son divorce. Nina était au courant de l'histoire et ça devait bien être la seule en ville. D'un côté, il avait envie de savoir pourquoi Anna était revenue en ville, mais de l'autre, la revoir allait réveiller toutes ces blessures qu'il avait mis du temps à panser aussi bien que possible. La curiosité est un vilain défaut et il ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi après tant d'années. Est-ce qu'elle était malade et avait besoin d'une greffe ? Et si c'était le cas, était-il prêt à lui céder un de ses organes ? Sur le coup de la colère et de la surprise, sans doute pas. Mais au fin fond de lui, il donnerai sa vie pour cette femme.

" - C'est gentil mais.. J'ai besoin de savoir pourquoi elle est là, pourquoi elle est revenue en ville et surtout, comment elle a eu ces informations.."

Parce que oui, Sasha n'avait pas envoyé une carte postale avec l'adresse de sa nouvelle boîte !

" - On est plus à une galère près.." fit-il tandis qu'il vidait déjà la moitié de son verre.

L'alcool avait trouvé une grande place dans son quotidien, ça lui permettait d'oublier tout autour de lui, de profiter de cet instant de bien-être, bien qu'éphémère. Mais le lendemain, il avait souvent une migraine qui le clouait chez lui et les souvenirs de ce qui s'était passé étaient parfois flous. Boire n'arrangeait clairement pas ses pertes de mémoire, mais il s'en fichait pas mal si ça lui permettait de se sentir mieux. Encore quelque chose qu'Ashley ignorait sur lui.

" - Je suis désolé de t'infliger ça. Tu peux rentrer chez toi, te reposer et demain, tu peux prendre ta matinée."

Elle avait assez fait de rab pour ce soir. Et puis, le quadragénaire ne voulait pas qu'elle le voit au fond du trou comme ça lui arrivait quand il buvait à outrance.

Son nouvel employeur semblait aussi ravi qu’elle à l’idée de lui proposer un job permanant, bien loin de ce qu’il lui avait proposé au départ le temps de se retourner. Ashley en était très contente et cela se voyait par le grand sourire qu’elle arborait malgré la fatigue. Sasha lui fit la remarque que, contrairement à ce qu’elle venait de dire, c’était à lui de la remercier de vouloir rester. Il affirma être content de travailler avec elle et il avait l’air très satisfait de son travail puisqu’il déclara qu’elle gérait son agenda comme personne. Ash se joignit à lui avec un petit rire. « C’est très agréable de travailler avec toi et d’être ton disque dur externe » dit-elle avec un clin d’œil.
Le sujet était devenu beaucoup moins agréable, beaucoup tendu et terne. Ashley ne connaissait rien du passé de son ami, à part le fait qu’il avait fait partie des forces de l’ordre pendant un moment et que cela le titillait toujours. Visiblement, il avait été marié. Chose qui ne l’étonnait pas, finalement. Après tout, il était plutôt beau et semblait très apprécier plaire à la gente féminine. Et deuxième observation, cela s’était assez mal terminé avec sa dulcinée – une belle femme qui devait avoir à peu près l’âge de l’assistante – et la blessure semblait loin d’être refermée. Le propriétaire de la concession se confia alors, avouant que sa séparation avait été difficile, que le couple s’était déchiré et qu’il avait choisi de partir lorsque la bataille s’était révélée inutile. Il ajouta que les mois suivants son divorce avaient été difficiles… En un geste de compassion, Ash posa sa main sur l’avant-bras de son ami et le regarda avec tendresse. « Je suis désolée pour toi… Visiblement, ça te remue pas mal que ce soit elle qui te cherchait, enfin peut-être elle… » observa-t-elle, espérant, par cette réflexion, lui faire comprendre qu’elle était là s’il souhaitait en parler. Les militaires n’avaient pas le réputation d’être des grands bavards, surtout à propos de ce qu’ils ressentaient, des émotions et de toutes ces choses qu’on pouvait considérer comme synonyme de fragilité. Mais parfois, il était nécessaire de livrer ce qu’on avait sur le cœur.
L’assistante proposa à son patron de jouer les videur si besoin, et d’envoyer gentiment paître l’ancienne Madame Lazzio si elle se repointait, et surtout si c’était ce qu’il voulait. Visiblement, ça n’était pas le cas : il avait besoin de comprendre ce qui l’amenait, ce qu’elle cherchait, et surtout comment elle l’avait trouvé. Elle comprenait, c’était bizarre presque finalement. « Je peux t’aider à enquêter, l’air de rien, si elle revient » proposa alors Ash. Elle était comme ça, l’ancienne militaire, toujours prête à aider les camarades, même quand elle n’avait rien à voir dans l’histoire.
Sasha avala d’une traite la moitié de verre, ce qui fit tiquer son assistante. Buvait-il souvent autant ? Elle n’avait jamais fait attention à ça, peut-être devrait-elle le surveiller un peu, non pas pour jouer les mamans, mais simplement pour aider son ami s’il en avait le besoin. Il s’excusa alors de lui infliger ça, la congédiant presque. La jeune femme secoua vivement la tête. « Hors de question de te laisser comme ça tout seul. Tu as l’air tout retourné… » déclara-t-elle avant de prendre la bouteille et de la ramener vers elle. « On va laisser ça de côté quelques instants, juste le temps de se remettre d’aplomb, ok ? ». En vérité, ce n’était pas vraiment une question, elle ne demandait pas son avis. L’alcool et les émotions fortes, ça ne faisait généralement pas bon ménage, alors autant essayer de limiter les dégâts. « Je suis là Sasha, si tu as besoin de parler » déclara-t-elle avec une voix chaleureuse, tentant de montrer à son ami qu’il pouvait compter sur elle.

Sasha avait beaucoup de mal à embaucher des personnes afin de l'aider dans les tâches du quotidien, il ne faisait jamais assez confiance. Puis, il y a eu cette période où sa vie ne tenait plis qu'à un fil, littéralement. Lorsqu'il s'est fait opérer, il a dû confier l'affaire à quelqu'un, et depuis ce jour-là, il a tendance à déléguer de plus en plus. Ça a été compliqué de laisser son bébé aux mains de quelqu'un, mais aujourd'hui, il a une petite équipe à ses côtés et il en est très fier. Il sait qu'il peut s'absenter sans rien craindre, et ce, encore plus depuis que la jeune femme est devenue son assistante en plus d'être son amie. Ce moment de joie entre eux fut rapidement coupé par l'annonce que venait de lui faire Ashley. Anna était en ville, elle était passée pendant son absence. Comment aurait-il réagit s'il avait été là à ce moment présent ? Bien sûr qu'il s'était toujours fait une certaine idée de leurs retrouvailles, il avait presque écrit le discours qu'il prononcerai si ce jour devait arriver, pourtant, cette annonce aussi soudaine soit-elle le perturbait au plus haut point. Il posa sa main sur celle de la jeune femme, à les voir ainsi, certains auraient pu s'imaginer des choses totalement déplacés entre les deux collègues, mais tout entre eux était clair. Il n'y avait que de l'amitié entre les deux vétérans. La chaleur de ce contact lui fit du bien pendant un court instant.

" - J'ai espéré ce jour depuis si longtemps, j'ai tout fait à l'époque pour tenter de réparer le mal qui a été fait. J'étais au fond du trou après mon divorce, j'avais tout perdu. Et aujourd'hui, je pensais être capable de me reconstruire enfin, et c'est à ce moment-là qu'elle choisit pour revenir ici, comme si elle avait attendue que j'aille un peu mieux pour revenir me mettre à terre une seconde fois.."

Sasha n'était pas le genre d'homme à se dire qu'il n'avait pas le droit d'être faible, de pleurer, de montrer ses émotions. Bien sûr, il y avait certaines situations où il ne pouvait pas se permettre de se montrer sous ce jour-là, mais face à Ashley, il savait qu'il ne risquait rien, elle n'utiliserait pas cet aveu de faiblesse contre lui.

" - C'est gentil, mais je ne veux pas t'imposer ça."

Après tout, ce n'était pas son histoire no même ses problèmes, Sasha devait les régler comme un grand. Tandis qu'il vida son verre de moitié, Ashley ne semblait pas apprécier ce comportement et lui retira sa plus grande amie dans ces moments-là. Sur l'instant, il grogna légèrement afin de montrer son mécontentement, mais au fin fond de lui, il savait qu'elle avait raison. Il buvait de plus en plus, et ce, peu importe le moment de la journée.

" - Si tu veux m'aider, rentre chez toi, repose toi et pense à toi en priorité."

Sasha pensait toujours aux autres afin sa personne, alors oui, dans le cas présent, vu l'heure tardive, Ashley avait bien mérité de rentrer se détendre chez elle et de profiter d'une grasse matinée avant de revenir ici, le lendemain après-midi.

Sasha semblait très perturbé, voire même éprouvé, par la description de la jeune femme qui était passée le voir. Ashley remarqua rapidement que ce n’était en rien positif, supposant même qu’elle devrait mentir la prochaine fois que la blonde passerait afin de protéger son patron et ami. L’homme, qui avait tout l’air d’avoir été brisé par ce mariage ou en tout cas par le divorce, se dévoila alors un peu plus, expliquant à son assistante qu’il avait grandement espéré ce jour. Il déclara avoir été au fond du trou après la séparation. Ash posa une main douce dans le dos de Sasha, comme pour le soutenir dans ce moment compliqué. « Si elle est revenue pour ça, laisse-moi te dire qu’elle sera bien reçue. Elle va vite regretter » assura la brunette avec une certaine détermination dans la voix. L’ancienne militaire était plus que fidèle et dévouée en amitié : quiconque voulait faire du mal à ses amis devait s’armer de courage. « Déjà, si elle revient, je lui dirai que tu n’es pas là, et ce à chaque fois qu’elle passera cette porte ! » assura-t-elle en désignant du menton la porte d’entrée que l’on voyait, lorsque celui-ci était ouvert, depuis le bureau du patron. « Et tu ne m’imposes rien, Sasha. Sans donner dans la guimauve, tu es devenu un ami important pour moi et je protège mes amis » ajouta-t-elle plus bas avec un petit clin d’œil. C’était aussi ça qu’elle avait appris à l’armée : l’esprit de camaraderie à l’épreuve de tout, le soutien mutuel indéfectible, la foi en ses camarades… Tout ça, et plus encore, lui était particulièrement précieux dans la vie civile et elle s’employait à garder cette esprit de groupe, presque de meute. C’était tellement naturel pour elle… Alors forcément, si son ami souffrait et qu’une mégère blonde venait pour le faire encore plus souffrir, Ashley serait là, en embuscade, et n’hésiterai pas un seul instant à faire sortir cette ex de la vie de Sasha d’un coup de pied aux fesses.
Le patron de la concession laissa échapper un grognement lorsque son employée lui retira son verre d’alcool. Il déclara ensuite que si elle voulait l’aider, elle devait rentrer chez elle se reposer et penser à elle avant tout. Sourcils froncés, Ashley secoua vivement la tête. « Et te laisser seul dans cet état ? Sasha, toi et moi on sait pertinemment ce que l’Armée nous a appris : le collectif prime sur l’individu » récita-t-elle, comme on lui avait appris. « Tu es mon ami, hors de question que je te laisse comme ça » dit-elle d’un ton qui n’appelait pas à la discussion. La brunette s’étira quelque peu, pris la bouteille d’alcool et la rangea à sa place avant de se tourner vers Sasha. « Viens, on va sortir prendre un peu l’air. Il est tard, et je suis certaine que tu n’as rien avalé de la journée à force de courir de rendez-vous en rendez-vous ». Elle lui pris le bras avec douceur et se lança vers la porte.