A hot cup of cider - Cassiopée McTavish

@Cassiopée McTavish

Noël venait de se terminer. Nous sommes maintenant deux jours après les festivités. La saison à la plage bat son plein et Rowan est quelques jours encore en congé. En effet, avec les vacances il y a énormément de monde en ville et sur les routes; plus d’accidents que d’habitude, plus de fêtards allumés à la plage qui font franchement n’importe quoi. Les services de secours sont bien occupés ces temps ci alors il faut profiter de ces jours de liberté avant de retrouver la folie d’Island Bay. 

Sortie explorer un peu Fetherston, là ou la famille à passé les fêtes , Rowan es perdue dans ses pensées. Voila qu’elle traverse la place au coeur de la petite ville. Il y a là le magnifique, très, trop pittoresque Village de Noël. On se croirait presque en Allemagne ou en Alsace, en Europe en tout cas. Il y a même de la fausse neige sur les chalets et les décorations. Ces installations sont prévues pour rester jusqu’au réveillon du nouvel an. Il y a des touristes partout ici. Des Néo-Zélandais bien sur mais beaucoup d’autres nationalités ce qui rajoute au coté vraiment festif et un petit peu irréel de l’endroit. 

Alors qu’elle marche au gré des chalets, des stands de pâtisseries et autres délices festifs un attroupement attire son attention au niveau d’une estrade. Un jeune homme habillé en lutin vert et rouge parle au micro et attire les passants pour participer au concours de Mime de Noël. À gagner un réveillon du nouvel an tous frais payés dans le meilleur restaurant de la ville pour deux. 
Ce n’était pas trop le genre de Rowan mais justement, elle a envie de se lacher, d’apprendre à sortir de sa coquille. Là il n’y avait que des inconnus tout autour alors au pire, si elle est ridicule elle n’aura plus jamais à y penser.

Apparemment le but du jeu est de faire quelque minutes du mime de son choix; sur le thème de NoëL Rowan a en tête une espèce de danse de Père Noël issue d’un vieux dessin animé de son enfance.

Elle lève donc la main en s’approchant de la scène. En montant les trois marches, après avoir été appelée elle bouscule par mégarde une jeune femme un verre de cidre chaud à la main; faisant voler quelques goutes du liquide sur le très beau manteau de la personne. Rowan se sent mortifiée de honte et immédiatement elle donne sa bouteille d’eau et ses mouchoirs à la jeune femme. 



-Oh pardon madame ! Vraiment je suis désolée ! Laissez moi vous aider…



La personne lâche un espèce de sourire crispé puis repousse gentiment Rowan qui n’ose pas insister. En montant les marches donc celle-ci offre à la victime de sa maladresse un sourire désolé. 


Une fois sur scène elle salut maladroitement le public puis tente de se re concentrer. La voilà qui imite donc le père Noël en mime et sans un bruit. Le trajet en traineau dans le ciel la descente de la cheminée, le dépôt de paquets sous le sapin, le ‘’hohoho’' enfin..

Sans trop qu’elle comment ni pourquoi la voila applaudie à tout rompre et le jeune lutin la rejoint rapidement avec un chapeau de Noël qu’il lui met sur la tête. Il lui donne également une enveloppe contenant l’invitationn pour le succulent diner au Palace de la ville.


Alors qu’elle salut et quitte la scène, Rowan retrouve un peu plus loin sa victime occupée au bordd d’une fontaine à essayer de retirer la tâche de son beau manteau. Très embêtée Rowan s’approche et lui glisse dans la main l’enveloppe et le bon qu’elle contient.



- Pour me faire pardonner…


La guigne ! Me voilà embarquée dans cette excursion en car organisée par le groupe de pâtisserie de ma mère, tout ça pour lui faire plaisir, elle qui raffole des fêtes de Noel.   Par dépit, je m’attarde devant ce stand à devoir me taper toute cette mascarade grotesque des imitations du père Noel par des hommes la plupart du temps arrosés de vin chaud et donc à l’esprit graveleux.

Soudain, une bousculade.  Je me retourne non sans lancer un regard glacial à la jeune femme qui s’élance vers l’estrade avant de constater les dégâts du cidre sur ma veste neuve que j’avais réservé pour la prochaine entrevue avec le responsable de la galerie très en vogue.  Et ce n’est pas ce sourire désolé qui va arranger tout ça.  

Le top chrono est lancé, le spectacle peut commencer.  Non mais je rêve ! La prestation burlesque fait écho à la musique et une certaine forme de grâce émane de ses gestes, maintenant en haleine les spectateurs qui applaudissent tout en cœur.   Désintéressée par la remise du prix dans d’exubérantes effusions, je détourne le regard à l’affut d’un envol du groupe de soixantenaires mais inutile de rêver, ils comptent clairement camper.  Et soudain, Je vois la violenteuse me remettre une enveloppe, un peu mal à l’aise.

« heu merci… Tenez, vous savez quoi ? je vous invite.  Vous venez de m’offrir l’occasion de faire faux bond à ma mère et à ses amies.  Vous savez si c’est loin d’ici ? »

Sans laisser le temps de répondre à ma sauveuse, je prends congé de ma mère en lui souhaitant de s’amuser et de surtout ne pas tout dévaliser puis reviens vers l’inconnue.  

« Je suis Cassy et vous ? J’espère que vous comptez prendre des cours de danse parce que je vous garantis que vous en avez besoin »

La réponse de la femme que je venais de bousculer me cloua sur place quelques instants. Je ne m’y attendais tellement pas. 
Sans avoir le temps de réagir voilà qu’elle règle ses affaires et revient vers moi avec un beau sourire soulagé et immédiatement détendue. Finalement, je ne vais pas trop réfléchir et je vais accepter l’invitation; c’est le moins que je puisse faire après tout.



- Enchantée Cassy, moi c’est Rowan. Je ne suis pas du coin mais apparemment tout est assez près dans cette ville. Tout se faire en tram. On se lance ?



Un sourire aux lèvres, je fais signe à ma camarade d’aller vers l’arrêt qui se trouve de l’autre coté de la place. 



- J’ai vu le Palace marqué sur le grand plan, c’est un des endroits les plus importants de cette petite ville on dirait. 
Et heu.. la danse ce n’est pas du tout mon truc mais voyant le public de l’événement je me suis dis que sur un malentendu ça pourrait passer.



J’éclate alors de rire. Le marché de Noël en plein swing tout autour de nous alors que nous essayons de nous frayer un chemin à travers les attroupements aux différents chalets et stands.

Décidément, après le bus, me voilà prête à embarquer dans un tram et ensuite, ce sera quoi ? un bateau mouche puis un hélicoptère ? Enfin, rien ne sera pire que les cancans des amies de ma mère ou, au choix, de leur recette de tout type qu'elles apprennent au travers de leur émissions télévisées, elles aussi sujettes à cancans.  

- Et bien, à vrai dire je pensais que vous étiez venue en traineau mais visiblement les rennes se sont trop goinfrés du foin prévu pour l'arrivée de l'enfant Jésus.   Allons y pour le tram dans ce cas !  Puis voyons le bon côté des choses, s'il faut manger au Palace, autant éviter de sentir le crottin.

Un éclat de rire me fait retrouver quelques couleurs et le soulagement provenant de cette fuite providentielle me donne des envies de laisser aller et de profiter un peu mieux des attractions de Noel

- Et si nous buvions un verre avant ?  Ne le dites à personne mais j'adore le vin chaud.  Je suis sûre que vous ne me trahirez pas, surtout pour la simple raison que je pourrai bien raconter à quel point vous avez gagné haut la main votre prix.  

Soudain un joyeux lutin pose sur ma tête un affreux bonnet vert en m'offrant une boule de Noel lumineuse.  Immédiatement je pense à la petite pile qui ne manquera pas de ruiner la planète pour un plaisir éphémère.  Je lui souris juste assez pour faire bonne figure avant de choper le premier enfant venu pour lui refourguer le présent délictueux puis pose le bonnet sur un renne de paille qui surveille avec nonchalance les faux cadeaux ornant le pied du sapin.  

- Vous croyez qu'il mord ?

Et là, prise d'une pulsion malicieuse, je me mets à faire tinter ses clochettes dorées

Petit à petit je me détends au contact de Cassy. D’abord très confuse, honteuse et gênée je n’osais qu’acquiescer à ses tirades, ses mimiques, ses gestes. Plus les secondes, les minutes passent, plus je sens qu’elle même se lâche et plus moi-même je me laisse aller. Finalement cette journée part plutôt bien. Et il semblerait que je vais manger mon déjeuner à une des meilleures tables de la région pour en plus profiter d’un repas dégustation très haute classe. J’ai hate d’y être et aussi, je l’avoue sans honte, d’en savoir plus au sujet de ma très particulière convive. 



À quelques pas de la station de tram la jeune femme se tourne alors vers moi pour parler de vin chaud. Je ne peux que sourire et l’entrainer vers le stand qui sert ce breuvage épicé. Sans même que le sujet ne soit évoquer, je m’occupe d’acheter deux gobelets de vin chaud et apporte le siens à Cassy. Je retrouve ma complice près d’une structure géante représentant un enclos de gros rennes en pailles posés pas très loin d’un des énormes sapins qui marquent les 4 entrées du marché. 


Je lui propose alors de trinquer à notre rencontre et à sa providentielle liberation. Elle semblait vraiment coincé avec sa mère la pauvre. Au moins j’aurai servis à quelque chose aujourd’hui. 



- J’pense que toutes ces structures, ces animaux représentés, ces figurines géantes prennent vie la nuit. Qu’ils dansent, qu’ils boivent et festoient sans retenue aucune jusqu’au levé du soleil et alors ils redeviennent immobiles et prennent des forces pour la nuit suivante. Je pensais la même chose de mes jouets étant petite. 



Je lâche alors un fou rire automatique et contagieux qui prends encore plus d’ampleur quand Cassy se met soudain à faire tinter les clochettes de l’animal. J’en perds alors mon vin chaud par le nez tellement que je rigole fort.



- Je ne serai plus en état de vous accompagner dignement avant même que nous ne soyons sortit du marché Cassy ! Ne me faites pas rire si fort !



N’en pouvant plus je me laisse tomber dans une meule de foin posée là et un âne pourvu d’un chapeau de Noël arrive alors derrière moi pour brouter la paille ayant volée dans mes cheveux… Je rigole autant que je cris de surprise et de peur.. Je dois vraiment être dans un drole d’état.